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Cette intervention a été présentée lors des rencontres « Daniel Bensaid, une philosophie de l’engagement », organisées en janvier 2019 par le département de philosophie de l’université Paris 8 et le laboratoire Les Logiques Contemporaines de Philosophie (LLCP) dans le cadre de la mission du cinquantenaire de l’Université Vincennes – Saint-Denis. Une partie des interventions de ces rencontres seront publiées par Contretemps.

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En 2003, Daniel Bensaid dirigeait mon mémoire de maîtrise puis mon DEA. C’est lors de nos rendez-vous au Charbon rue de Ménilmontant que je lui partageais mon projet de partir en Amérique du Sud. Cela allait retarder d’une année mon DEA, je n’allais aucunement faire un terrain ou chercher un objet de recherche, il s’agissait juste de partir de France et d’aller ailleurs, ce à quoi Daniel m’encourageait vivement. Je partis donc pour l’Argentine, d’où, 16 ans plus tard j’ai préparé ce texte sous une chaleur étouffante alors qu’il neigeait à Paris. Extrañar est le verbe espagnol qui transforme le « tu me manques » ou « j’ai le temps qui dure » (expression peut-être pas si répandue que ça, mais qui a fabriqué mon enfance) en une sensation d’étrangeté, d’étrangement. Te extraño c’est dire qu’en l’absence, une étrangeté s’installe. Ou encore qu’à la distance, cette étrangeté propre à toute rencontre devient plus prégnante, et en ce sens, extrañar est peut-être moins un manque à combler, une étrangeté à résorber, que cette manifestation subite du rappel de la présence absente de cet autre, qui nous étrangifie un peu de nous-mêmes. Penser ensemble ce que, aujourd’hui, nous force à penser Bensaid, plus qu’un manque, en pensant à lui, en relisant ses textes, c’est peut-être quelque chose de cette étrangeté de l’apparition de l’autre, définitivement absent, qui se célèbre.

Je relis les textes de Bensaid que j’ai chez moi, ceux que je grappille par ci par là et refais l’expérience de cette étrangeté. S’il m’a appris à lire et à écrire pourrais-je dire, les premières ébauches d’une recherche, m’a fait découvrir Lefebvre et sa Critique de la Vie Quotidienne, qui a constitué une zone de rencontre avec lui autour de la question des temps et des rythmes, je n’ai pas été militante à la Ligue, ni au NPA ; ma première intervention publique a eu lieu au Forum Social Européen à Pantin, en 2003 autour du livre de Holloway Changer le monde sans prendre le pouvoir, alors que Bensaid le défenestrait avec brio ; bref, nous étions assez étrangers l’un à l’autre.

Dix, ou plutôt quinze ou seize ans plus tard, en me replongeant dans la pensée de Bensaid apparaît pourtant avec force une zone à penser, pour ne pas dire une zone à défendre : la zone de contact singulier entre la construction d’une pensée théorique dans ses textes et ces modes d’intervention dans la conjoncture, inséparables l’une des autres. Impossible de le lire en pur théoricien, d’en faire une exégèse d’experts et expertes de Bensaid. Il nous a appris que penser c’est intervenir d’une certaine manière dans un contexte. Ce pour quoi, à plus d’une occasion, et jusque dans les plus récentes, nous nous retrouvons, seule ou à plusieurs à nous dire « si seulement Daniel était là, pour penser/intervenir dans ce contexte. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’il en dirait ? » Vraisemblablement parce que le geste même de penser était chez lui une manière d’intervenir. Que ce soit au moment de la loi sur le voile, des insurrections en banlieue de 2005, pendant la grève étudiante puis enseignante à Paris 8, en préparant l’Assemblée générale au 104, dans ses cours sur l’État d’exception ou en lisant Charles Péguy, la pensée de Daniel Bensaid est un mode d’intervention, une manière de se mettre en contact avec le concret des choses, d’intervenir, ou plutôt on le verra, de « s’inscrire ».

Ce serait en ce sens qu’on pourrait comprendre une pensée « stratégique », comme le rappelle de nombreux titres d’ouvrages ou de textes de Bensaid : une pensée « stratégique » qui entend tordre le cours des choses, mais dans une temporalité d’emblée discordante, non linéaire. Non pas une stratégie de l’objectif donc, pourrait-on dire, mais de la torsion. Apprendre, enseigner, chercher ensemble, à penser, pour tordre quelque chose de la situation dans laquelle on pense. Telle pourrait être finalement une des manières de décrire au plus près ce qui se passait dans cette salle A028 dans ses cours. Sa manière de ne pas s’excuser d’être un militant lorsqu’il exerçait à l’université se faisait sentir par-là. Exercer la philosophie comme une manière de penser stratégiquement, que la philosophie doive se faire « à coup de marteau », c’est moins, ou pas seulement, la mettre « au service de » que d’en pister les modalités même de son geste, son « inscription » dans une situation, un moment, politique, d’emblée, de son geste : son orientation, ses portées, sa temporalité…

Or, cette stratégie de la pensée, ou ce penser stratégiquement plutôt (Eric Lecerf l’a précisé dans son intervention lors de ces mêmes rencontres), je propose de les ressaisir en articulation profonde avec sa pensée d’une certaine violence des actes politiques d’émancipation. Penser conjointement les conditions et les effets de mener « stratégiquement » les gestes de pensée comme les gestes d’émancipation, dans leur « violence ». A de nombreuses reprises, Daniel revient sur l’idée selon laquelle l’exercice de la violence politique doit être pensé dans son geste, son « orientation », ses portées, son timing, bref, son mode d’« inscription » dans une situation, un moment, politique…

Je choisis de travailler pour cela un texte d’intervention conjoncturelle, court, publié dans la revue Contretemps en 2009. Parce que ce texte me force à penser des situations actuelles, en particulier les pensées et luttes féministes en Argentine et dans le continent latino-américain, où la question de la violence de la pensée et de la pensée de la violence se posent conjointement avec urgence. Comment comprendre par exemple que la justice, relayée par les médias, trouve la plupart du temps des circonstances atténuantes aux viols et aux féminicides (« elle avait une jupe trop courte », « elle était sortie dansée ») et que les dénonciations collectives, les grèves, les actions de rue, ou même les tags ou les dénonciations contre les abus, les viols et les féminicides soient taxés de violence ? En jouant quelque part le jeu de l’extrañar émouvant que je ne peux écarter de ma prise de parole aujourd’hui, il ne s’agit pas d’appliquer une théorie de Bensaid, mais de ressaisir et remobiliser cette pensée comme action qui pense et effectue sa propre violence.

Le texte « Penser stratégiquement la violence » retrace quelques apports de la philosophie autour de la violence, pour penser et tordre quelque chose d’un contexte : les années 2000 en France et dans le monde. Si penser la violence, c’est en même temps assumer une certaine violence de la pensée, c’est en tant qu’elle se sait prise dans une violence systémique qui la façonne, qu’elle se sait éventuellement en mesure d’en révéler les modes d’action et d’en tordre le cours et l’orientation, en pouvant exercer une certaine violence à son tour sur le cours des choses, en s’inscrivant dans un mouvement collectif qui cherche à faire éclater les répartitions figées, les temporalités imposées.

Aussi, pour elles deux, violence et pensée, il semblerait qu’avec Bensaid on serait invité.e.s à en dégager une certaine idée et une certaine pratique de la stratégie : revient à plusieurs reprises le premier critère de cette violence exercée stratégiquement : ses modalités d’inscription. Cela diffèrerait en ce sens quelque peu de l’idée d’une stratégie comme position extérieure d’expert, calcul de résultats, fixation d’objectifs, exécution pour atteindre cet objectif. Tel serait en tous cas la perspective qui s’ouvre si l’on tient, avec lui, l’un des nombreux écarts qu’il savait tenir avec l’insistance et cette force délicate de sa « lente impatience »: savoir que les temps ne sont pas linéaires et que la pensée, et la politique, ne se régulent pas par un impératif de prévisibilité ; et en même temps vouloir que chaque acte de pensée et pensée comme un acte soient menés stratégiquement.

C’est peut-être une déclinaison de l’écart que Bensaid identifiait chez Marx, comme l’a présenté Mathieu Renault dans son intervention lors des mêmes journées. L’écart qui consiste à tenir ensemble les deux choses : s’émanciper de l’Histoire universelle comme catégorie a priori mais sans tomber dans  le chaos des singularités absolues (ce qui donnait lieu au concept de loi « tendancielle » du capital).

Sans jamais lâcher ni un bout ni l’autre de ces deux aspects qui se tiennent dans un écart fondateur pour la pensée et la politique, l’affirmation d’une temporalité non linéaire et non fléchée par le progrès, exige de penser l’inscription stratégique d’une pensée et des actions émancipatrices selon des tendances spécifiques, dans la tension propre à cet écart. Ainsi, penser, c’est « servir » des objectifs politiques clairs, mais c’est peut-être plus, ou tout autant, s’inquiéter de son « inscription » dans une situation. C’est autour de cette idée d’une inscription comme modalité de la stratégie que tourne toute la première partie de ce texte sur la question de la violence.

Bensaid commence par une remarque aussi juste qu’ironique :

« Aujourd’hui, Sartre serait mis en prison avec Rouillan et Coupat pour avoir écrit : « Le colonisé se guérit de la névrose coloniale en chassant le colon par les armes […]. Il faut rester terrifié ou devenir terrible. L’arme du combattant, c’est son humanité, car, en le premier temps de révolte, il faut tuer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ».

Et de poursuivre :

« Pourtant, comme le souligne Alice Cherki dans sa préface à la réédition des Damnés de la terre, le colonisé Fanon écrit sensiblement autre chose que ce que croit lire Sartre. Il analyse la violence sans la justifier comme une fin en soi. Certes, « si les derniers doivent être les premiers, ce ne peut être qu’à la suite d’un affrontement décisif et meurtrier des deux protagonistes ». Il faut donc jeter tous les moyens dans la balance, « y compris bien sûr la violence ». Car le colonisé qui décide de s’émanciper « est préparé de tout temps à la violence » : « Dès sa naissance il est clair pour lui que ce monde rétréci, semé d’interdictions, ne peut être remis en question que par une violence absolue. » Sobre constat, qui n’implique aucune mythification lyrique, aucune fétichisation, de cette nécessaire violence face à la violence structurelle coloniale déjà là. »

La suite du texte consiste à reprendre très succinctement les développements de Fanon, Sorel, Derrida, Benjamin, et Labica autour de la violence, pour penser la violence stratégique en lien avec le contexte des années 2000 et les insurrections de 2005 dans les banlieues en particulier, qui continuent sans doute d’être un élément clé à penser pour comprendre l’histoire récente des mouvements politiques et émancipateurs en France. En tous cas, le relire aujourd’hui continue de faire écho. J’y vois trois directions en particulier, qui me serviront pour penser les échos avec des situations actuelles en Argentine :

1/La réflexion sur les modes d’exercice de la violence dans les mouvements de libération ou d’émancipation

2/L’idée qu’exercer cette violence « stratégique » c’est connaître mieux la situation dans laquelle on se trouve, et les rapports de force en cours. Comme si ces actes renvoyaient le reflet de la violence « systémique » qui s’exerce à un certain moment dans un certain endroit du monde.

3/La méfiance qui en découle envers l’injonction à la tempérance, à la mesure, comme maintien de l’ordre et des bonnes manières dans un moment historique où l’état d’exception est devenu règle.

 

Violence de l’affirmation de l’existence et son inscription stratégique

En relisant tout d’abord Fanon, Daniel Bensaid insiste sur une violence comme libération de force et rassemblement d’énergie

« Pendant toute la période coloniale, « cette violence, quoiqu’à fleur de peau, tourne à vide. Nous l’avons vue canalisée par les décharges émotionnelles de la danse ou de la possession. Nous l’avons vue s’épuiser dans des luttes fratricides. Le problème se pose maintenant de saisir cette violence en train de se réorienter. Alors qu’elle se complaisait dans les mythes et qu’elle s’ingéniait à découvrir des occasions de suicide collectif, voici que des conditions nouvelles vont lui permettre de changer d’orientation. » Réorienter la violence, c’est politiser la subjectivation violente du colonisé pour qui elle « représente la praxis absolue » et remplit une sorte de fonction thérapeutique : [écrit Fanon] « Au niveau des individus, la violence désintoxique. Elle débarrasse le colonisé de son complexe d’infériorité, de ses attitudes contemplatives ou désespérées. »

Bensaid continue et fait le lien avec la situation depuis laquelle il écrit :

« Sans doute la révolte des banlieues françaises de 2005 a-t-elle aussi pu faire passer une partie de la jeunesse ghettoïsée et stigmatisée de la honte à la fierté « d’être du 9-3 », des Minguettes, ou d’ailleurs. Mais sa violence muette et souvent autodestructrice n’a pas (encore) trouvé à s’inscrire, comme celle de Watts (1965), d’Amsterdam (1966), de Paris (1968), de Montréal (1969) dans un mouvement social d’émancipation ascendant. »

Non pas une apologie de la violence tous azimuts, mais une manière d’en retracer les distributions déjà toujours en cours, entre violence systémique, violence libératrice du geste d’émancipation et de pensée, et inscription stratégique. Particulièrement attentif aux risques de cette violence, en particulier à son emballement, ou à sa fanatisation, Bensaid va développer certains aspects en ces termes : comment faire pour que cette violence ne passe pas d’un feu de joie à un feu de peine ? D’une violence rassembleuse d’énergie à une violence rituelle, anomique, autophage « sauvage, sans objet, informelle » ? Passer de la peur à la rage est justement ce qui anima nombre des occupations de rue au moment du vote de la loi sur l’avortement en Argentine, en plein hiver, autour de feux allumés en pleine rue, aux cris de « ¿y el miedo ? ¡Que arda ! » (et la peur ? Qu’elle brûle !)

Comment comprendre et ré-imaginer les gestes d’inscription de la violence de tout acte émancipateur à la lecture de ce texte ?

Avec Fanon, Bensaid pense d’abord son inscription comme une réorientation : « Réorienter la violence, c’est politiser la subjectivation violente du colonisé pour qui « elle représente la praxis absolue » et remplit une sorte de fonction thérapeuthique. Ainsi, c’est en tant que « cette violence rassembleuse d’énergie fait émerger une conscience collective » qu’elle se réoriente. En ce sens, penser la violence en 2009 c’est tenter de comprendre comment une violence qui a permis de « faire passer de la honte à la fierté », par exemple « d’être du 9-3 » en 2005, peut ou pas « s’inscrire » dans ce qu’il appelle « un mouvement social d’émancipation ascendant ».

Pour tenir cette double nécessité de violence dans tout acte d’émancipation et d’orientation stratégique de cette violence pour éviter le pire, Bensaid fait appel à Sorel :

« Le capitalisme pourrissant sécrète de la violence et de la peur à haute dose. Il s’agit de faire en sorte que la colère l’emporte sur la peur et que la violence s’éclaire à nouveau d’un objectif politique, à la façon dont Sorel revendiquait une nécessaire violence de l’opprimé, mais une « violence éclairée par l’idée de grève générale ». À condition d’être liée à un objectif politique, pour lui comme pour Fanon, la violence, celle du prolétaire comme celle du colonisé, peut être constitutive de la subjectivation de l’opprimé : « Je n’hésite pas à déclarer que le socialisme ne saurait subsister sans une apologie de la violence : c’est dans les grèves que le prolétariat affirme son existence » (Le Matin, 5 août 1908). » (Je souligne)

Alors on comprend que si la violence est stratégique dans la mesure où elle « s’inscrit » politiquement, c’est qu’elle a un objectif, mais cet objectif n’est pas tant, ou pas seulement, une promesse lancée vers le futur à laquelle il faudra se plier pour assurer sa réalisation, un geste d’affirmation de son existence par un groupe opprimé. De sorte que son « inscription » stratégique consiste moins à servir l’objectif d’une promesse de lendemains qui chantent à réaliser par tous les moyens, qu’une inscription du geste, toujours violent en un sens, d’émancipation comme affirmation de modes d’existence et de réorientation d’une peur en rage, d’une colère en lutte. Certes, la stratégie ne s’arrête pas là, elle prétend certainement transformer en même temps radicalement, les distributions et répartitions de richesse, de possibilités de vivre, etc.

Sorel identifie le degré radical de violence de l’émancipation dans le geste de la grève. La grève générale comme acte par excellence de cette violence stratégique de l’affirmation d’exister. J’y reviendrai par la suite pour penser les grèves internationales des femmes [#nosotrasparamos] en Argentine, en Amérique Latine et ailleurs dans les trois dernières années. En effet, la pensée de cette violence comme stratégique est un des points sur lequel relire aujourd’hui Daniel nous force à penser. Non pas que nous cherchions ici un Daniel Bensaid féministe (probablement inexistant) ou à appliquer une quelconque de ces théories dans les débats féministes actuels –sur cette dimension, je renvoie aux textes de Josette Trat et à celui de Cinzia Arruzza dans Daniel Bensaid l’intempestif aux éditions de La Découverte, qui étudie en détail la phrase éclatante de Daniel « La femme est l’avenir du spectre »- mais bien plutôt que cette charnière entre une certaine violence de la pensée et la pensée de la violence se trouve mobilisée aujourd’hui dans certains contextes et débats des pensées et pratiques féministes.

Elsa Dorlin, lorsqu’elle propose de penser les « pratiques subalternes (…) qu’[elle] appelle l’autodéfense » comme « pratiques martiales de soi » dans les luttes décoloniales et féministes en particulier, repense cette question de la violence, et sa stratégie politique comme modalité d’affirmation de l’existence, dans les pratiques de certains groupes qui font usage de l’autodéfense :

« Partir du muscle plutôt que de la loi : cela déplacerait sans doute la façon dont la violence a été problématisée par la pensée politique. Ce livre se concentre sur des moments de passage à la violence défensive, des moments qui ne m’ont pas semblé pouvoir être rendus intelligibles en les soumettant à une analyse politique et morale centrée sur la question de « légitimité ». Dans chacun de ses moments, le passage à la violence n’a pas d’autre enjeu que la vie : ne pas être abattu.e d’emblée. La violence physique est pensée ici en tant que nécessité vitale, en tant que praxis de résistance. « [1]

Si l’autodéfense, féministe, peut être pensée comme inscription d’une violence dans un mouvement politique, c’est peut être bien qu’elle fait passer de la honte à fierté, de la peur à la rage, dans ces moments où, pour Dorlin, des femmes « n’apprennent pas tant à se battre, qu’elles désapprennent à ne pas se battre » (p171). Affirmation vitale que nos vies valent d’être vécues, comme première inscription stratégique en ce sens particulier, d’affirmation d’existence (la première scène du livre de Dorlin est une des scènes fondatrices du mouvement Black Lives Matter).

En ce sens, on pourrait élargir cette idée d’autodéfense non pas seulement aux pratiques martiales auxquelles se formeraient des collectifs d’opprimé.e.s, mais à l’inverse, commencer à recenser tout ce qui, dans tout mouvement d’émancipation s’invente comme autant de gestes d’affirmation de certaines vies. Cette inscription comme affirmation de l’existence, c’est-à-dire saisie au moment de sa réorientation stratégique relève toujours dans un certain sens, d’une certaine violence. Les gestes et positions qui s’inventent dans les luttes féministes par exemple : cela peut aller des dénonciations des abus, au fait de crier, d’élever la voix, de ces filles qui s’organisent entre elles pour aller danser en boite et s’assurer que toutes rentrent saines et sauves ensuite, aux manifestations de nuit comme reconquête de l’espace public, des occupations des places pendant le vote de la loi sur l’avortement à la chambre des député.e.s en juin puis au Sénat en août 2018 à Bueno Aires, aux appels à la grève internationale des femmes et toutes les assemblées multisectorielles de préparation…

 

Violence et connaissance en situation

Pour Bensaid, en plus de l’inscription de cette violence comme affirmation de l’existence, il existe une seconde direction dans laquelle la violence doit s’inscrire stratégiquement : la violence devient une manière de connaitre ; la violence est orientée stratégiquement en tant qu’elle nous met dans une relation réelle avec une situation et fait connaitre un peu mieux le contexte dans lequel on vit. C’est là qu’il convoque la lecture de Labica :

« (…) si, comme le démontre Labica à partir d’un vaste examen des récits historiques, des mythes religieux, des œuvres d’art, la violence est avant tout une pratique inhérente aux rapports sociaux, il est illusoire de prétendre l’éradiquer en prêchant les bons sentiments et la bonne volonté. Et il s’avère que le recours à la violence et à la contrainte physiques ne saurait être considéré comme une forme de lutte banale parmi d’autres. Il met en mouvement en chacun une part d’ombre que nul n’est certain de maîtriser. C’est pourquoi, si l’on peut espérer qu’une culture de la violence puisse, à la manière dont s’y efforcent certains arts martiaux, parvenir à en maîtriser l’usage personnel – après tout, on peut apprendre à boire sans devenir alcoolique –, la maîtrise sociale de son usage collectif implique de la réguler stratégiquement « par la connaissance du système et des rapports de forces ». »

S’il s’agit bien toujours de « réguler » cette violence, de l’assumer sans être aveuglé.e.s ou épris.e.s d’elle, c’est, de la même manière que le font individuellement les arts martiaux (en nous apprenant, pourrait-on penser à sentir, concentrer, projeter, notre force, autant qu’en apprenant à écouter, ressentir, celle des autres), « par la connaissance du système et des rapports de force » qu’elle nous apporte au niveau collectif.

Alors, en reprenant la perspective de ces pratiques d’autodéfense au sens large que je proposais, dans quelle mesure leur violence serait aussi une manière de connaître les rapports de force en cours ? Et là, il serait intéressant de voir la spécificité de la connaissance corporelle, musculaire, sensible de la violence à travers ces pratiques : émerge une pratique-pensée qui fait que l’exercice de la violence politique est une manière de connaitre le contexte, et les relations dans lesquelles nous nous situons ; relations qui peuvent être modes de connaissance situés. Ainsi, plus spécifiquement, comment des pratiques corporelles, somatiques, pourraient s’orienter vers une connaissance non pas tant de son propre corps, que de ses appuis, de ses relations gravitaires, de ses modulations toniques et modalités de forces, ses manières de s’orienter dans le monde et avec les autres.

Si l’exercice des gestes émancipateurs revêt nécessairement une certaine violence, c’est aussi qu’il met à jour la violence qui s’exerce en permanence, de manière plus ou moins visible. Apprendre que ces gestes, violents en un sens, peuvent servir de reflet rendant visible la violence exercée. Telle est l’idée de Pilar Calveiro sur les prises d’armes de communautés au Mexique actuellement.

Alors, l’exercice de la violence de tout acte émancipateur, en tant que « stratégique », donne à sentir et à re-penser la ligne de partage qui sépare ce qui est perçue comme violence punissable (du côté des vaincus) et ce qui n’est même plus perçu comme violence exercée systématiquement de la part des « vaincus », pour reprendre les termes de la Thèse sur le concept d’histoire de Benjamin que cite Bensaid dans le texte. Bensaid rappelait en 2009 déjà en effet combien les modalités de gouvernements actuels se basent sur le maniement des armes de destruction massive, ces procédures d’exception généralisée, la torture préventive, l’exécution extra judiciaire. Cette logique de la guerre préventive et de l’État d’exception -qui fut l’objet d’un de ses cours à Paris 8 durant ces années-là- en plus de la question de la dispute pour une légitimité extrajudiciaire de l’exercice de la violence, façonne les images de ce qui est violent ou non, et travaille au plus profond de nos sensibilités le seuil épidermique de ce qui est perçu comme violence ou non.

Ainsi par exemple, la logique de la guerre préventive, comme à d’autres moments et en d’autres endroits celle de la « guerre totale », modifie non seulement les modes de légitimation de la violence, mais aussi les gestes et le seuil de ce qui est perçu ou non perçu comme violence. Tel est d’ailleurs le pivot par lequel qu’Elsa Dorlin identifiait le paradigme entre les pratiques d’autodéfense de la communauté juive en Russie contre les pogroms, et la constitution de milices nationalistes, parfois avec les mêmes techniques voire les mêmes personnes, de défense de la constitution de l’État d’Israël :

« Cette politique autodéfensive à l’échelle d’une nation en constitution définit aussi un ensemble e pratiques de soi défensives qui contraint à vivre dans l’immanence de réactions réflexes, de tension musculaire et de connexion émotionnelle comme de suspendre tout discernement relatif à la complexité des rapports sociaux, des situations historiques, des intentions, des significations et des contextes. Cet appauvrissement du monde au profit d’une « cosmologie de la guerre totale et de la terreur » enferme alors l’individu défensif dans une phénoménologie du corps-arme, corps létal, transformant l’autodéfense en (…) véritable gouvernement de l’intensité de la violence à l’échelle du corps propre. » (p.76)

Si la politique comme inscription stratégique de la violence passe par l’affirmation d’une existence collective, de vies qui valent la peine d’être vécues, mais aussi une manière de connaitre le contexte et la situation, son inscription stratégique et émancipatoire se trouvent interrompues par une « cosmologie » de la guerre totale qui rend sourd et aveugle à ce contexte, coupe toute connaissance possible de la situation, et dresse le muscle à une hyper réactivité contre tout ce qui bouge.

Là encore, il y aurait donc à penser l’enjeu propre à un seuil épidermique, tonique, de la violence, au niveau des gestes, des perceptions, des manières de regarder et de sentir, et ce en deux sens : ne pas tirer sur tout ce qui bouge, et savoir en même temps que chaque acte violent peut aussi être une manière de rendre visible la violence systémique qui s’exerce déjà partout tout le temps, et d’éventuellement déplacer le seuil de celles et ceux sont en mesure de défendre leur vie ou non.

On peut penser par exemple aux cas où des femmes se défendent de leurs agresseurs et le procès souvent expéditif ne reconnait pas la légitime défense. Ce fut le cas en Argentine de Higui de Jesus qui en 2016 s’est défendu lors d’une agression lesbophobe par plusieurs hommes, l’un d’entre eux ayant été touché mortellement. La condamnation quasi immédiate n’a pas reconnu la légitime défense, et elle a passé de longs mois en prison. Suite à une pression de diverses organisations et militant.e.s, elle a été libérée, dans l’attente qu’elle soit rejugée lors d’un procès qui entende son témoignage et estime la légitime défense.

 

Seuil épidermique de la violence et injonction à la tempérance

 « Ce que Sorel écrit alors de la transformation des mœurs de son temps revêt aujourd’hui une troublante actualité. Il rappelle qu’un édit royal du 5 août 1725 punissait de mort le banqueroutier frauduleux : « On ne peut rien imaginer qui soit plus éloigné de nos mœurs actuelles. » (…) Autres temps, autres mœurs. Hier encore, les banquiers faillis se défenestraient par dizaines. Aujourd’hui, avec un sens du confort inversement proportionnel à celui de l’honneur, ils se munissent de parachutes – dorés, de préférence. Cette impunité entretient une violence structurelle omniprésente et ce que Pierre Bourdieu appelle « une loi de circulation de la violence ». La violence visible ou physique n’est en effet qu’une part restreinte de multiples violences sociales banalisées. De sorte que, « si l’on veut faire diminuer véritablement la violence la plus visible, crimes, vols, viols, voire attentats, il faut travailler à réduire globalement la violence qui reste invisible, celle qui s’exerce au jour le jour, pêle-mêle, dans les familles, les ateliers, les usines, les commissariats, les prisons, ou même les hôpitaux ou les écoles, et qui est le produit de la violence interne des structures économiques et sociales et des mécanismes impitoyables qui contribuent à les reproduire ». À commencer par « la violence inerte », dévastatrice, de la souffrance au travail, des harcèlements, brimades, licenciements, du chômage, de la précarité et de la pauvreté. »

C’est là que l’inscription stratégique de la violence, en plus de son objectif collectif d’émancipation, de son geste de connaissance du contexte, acquiert un autre aspect : faire bouger le seuil de réactibilité à la violence systémique.

Ainsi, si l’on suit le texte de Bensaid, la violence serait stratégique dans la mesure où elle est affirmation d’existence, une certaine manière de s’inscrire dans un contexte comme manière de le comprendre et de rendre sensible, visible, l’exercice de la violence systémique. La ligne de partage de ce qui passe ou non le seuil sensible de violence dans une société, à un moment, est l’un des objets de façonnage des sensibilités, des corporéités, des affects, des gouvernements.

Or, rapidement, ce seuil épidermique de violence, est travaillé en profondeur par l’injonction à la tempérance et le culte de la douceur :

« Reste l’idée, essentielle, qu’il y a toujours « un excès de la justice sur le droit et le calcul », que la politisation oblige à reconsidérer sans cesse les fondements mêmes du droit, et que cette réinterprétation signifie – forcément – une épreuve (de forces). C’est donc à bon droit que Sorel se demande déjà « s’il n’y a pas quelque peu de niaiserie dans l’admiration de [ses] contemporains pour la douceur ». Et une bonne dose d’hypocrisie ou de faux-culerie, sans doute. Car cette douteuse douceur n’est jamais qu’un nouveau travestissement d’une force victorieuse monopolisée par l’État. » 

On voit aujourd’hui à quel point cette injonction à la tempérance est forte, dans de nombreuses luttes. D’autant plus important est de savoir alors que l’inscription politique d’une lutte comprend aussi une dimension qui remet en cause les impératifs de mesure, les injonctions à la tempérance, les rappels à l’ordre sous forme de culte de la douceur.

C’est par exemple ce qui meut en particulier une contre-révolution féministe: Il n’est qu’à voir les interventions de l’intelligentsia intellectuelle bien-pensante telle que la développe Catherine Millet par exemple, en particulier dans sa dernière intervention en tant qu’invitée d’honneur du festival de Littérature de Buenos Aires en Octobre dernier. En pleine vague de luttes et de dénonciations de situation de violence machiste, elle venait rappeler le risque de trouble dans les mœurs que représenterait le mouvement #metoo, en dérangeant les règles bien ancrées du flirt, mises en péril par la vague de dénonciations, selon un argument étrange qui associerait séduction et abus…[2] Elle met en scène des féministes déchainées, hurlant leurs dénonciations de-ci de-là, unies dans leur sororité rétrograde, qui viendraient mettre en danger le bon droit à être importunée et la bonne morale universelle et bien-pensante de la bourgeoisie parisienne, renforçant ainsi l’idée que la vague féministe actuelle est un danger violent et incontrôlé dont il faut se prémunir.

Comme le disait une étudiante lors d’un séminaire à Mendoza :

« je  ne comprends rien : en même temps on me dit qu’il faut que j’apprenne à mettre des limites, à dire non (d’ailleurs on entend à chaque cas de viol ou de féminicide, une responsabilisation de la fille violée parce qu’elle a pas su mettre de limite, s’arrêter à temps, ne pas sortir, ne pas faire la fête) et en même temps dès que je lève la voix, je suis une folle, une violente, qui a perdu la raison. »

Ce double bind de l’injonction contradictoire qui maintient le subalterne à sa place. D’où l’enjeu particulier en ce moment particulièrement crucial de déplacer cette ligne du seuil de réaction à la violence, pour qu’élever la voix, « prendre les armes » de l’émancipation dans les manifestations Ni Una Menos, ou faire grève, ne soient pas immédiatement renvoyés en miroir comme l’exercice d’une violence. L’idée d’une guerre des femmes contre les hommes, d’une nouvelle chasse aux sorcières inversée est une idée qui circule dans les médias pour diaboliser l’exercice de cette force.

 

Conclusion : #nosotrasparamos, grève internationale féministe comme inscription politique de la violence

Dans les mêmes jours octobre 2017 où des graffitis sur la cathédrale de Rosario lors de la Rencontre nationale des Femmes ont entrainé une virulente condamnation médiatique, Lucía Perez était violée par cinq hommes, et empalée jusqu’à la mort, empalement qui en fait une violence coloniale conjuguée à la scène machiste, et qui provoquait effarement, rage et douleur. Les journaux se chargent rapidement de la culpabiliser pour avoir bu de l’alcool, pour s’être droguée, s’interrogeant sur le rôle des parents, c’est-à-dire construisant une image de « mauvaise » victime, qui viendrait excuser la violence exercée. Et ce jusqu’au jugement rendu il y a quelques mois aux coupables de sa mort, disculpés en bonne part, sauf pour lui avoir vendu de la drogue.

Dans les jours suivants, et portées par la force de ces rencontres nationales qui depuis 14 ans en Argentine, font converger les forces des mouvements féministes, syndicats, etc. réunissant jusqu’à 40 000 femmes dans une ville du pays, un groupe de féministes dont Ni Una Menos, qui depuis 2015 organisait des manifestations pour dénoncer les féminicides, appellent à une grève des femmes.

La grève reprend et réactualise l’outil de la lutte ouvrière que Sorel reconnaissait comme le geste d’émancipation par excellence, par lequel « le prolétariat affirme son existence » (Le Matin, 5 août 1908) », en en reconnaissant le degré de violence.

Violence de la grève, mais violence stratégique pourrait-on dire en relisant Bensaid aujourd’hui : quelque chose de la grève relève en effet de l’affirmation de l’existence. « Notre violence c’est d’exister ». Contre les féminicides, faisant suite aux manifestations monstres Ni Una Menos depuis 2015, l’appel à la grève proclame :

« si nos vies, si nos corps comptent si peu, produisez sans nous ! Nous savons que si nous arrêtons de faire ce que nous faisons, nous pouvons arrêter le monde ».

Mais aussi, grève féministe comme inscription stratégique d’un mode de connaissance de la situation : la reprise de l’outil ouvrier de la grève par un mouvement de femmes contre les féminicides met en relation directe la question de la violence physique et des féminicides avec la question du travail, des inégalités sociales et économiques, des valorisations des différentes activités, de la répartition des tâches, et de l’économie.

Arrêter tout pour une heure, pour une journée, en plus de bloquer et interrompre le travail, met en évidence la polyvalence de ce travail des femmes, travail salarié, travail informel, travail domestique… Dans l’appel du 8 janvier de préparation du 8M 2018, le collectif Ni una Menos en Argentine affirme :

« Nous disons grève internationale parce que cet outil nous permet de rendre visible, de dénoncer et d’affronter la violence que nous subissons, une violence qui ne se réduit pas à une question privée ou domestique. Cette violence se manifeste comme violence économique, sociale et politique, comme formes d’exploitation et de dépossession chaque jour plus cruelles (des licenciements à la militarisation des territoires, des conflits néo-extractivistes à l’augmentation du prix des aliments, de la criminalisation des mouvements sociaux à la criminalisation des migrations, etc.). » [3]

Ce choix d’arrêter, de suspendre les activités en cours, quand c’est possible, mais aussi quand cela semble impossible[4] devient un outil de « cartographie du travail selon une clé féministe » comme le dit l’appel du 8M 2017.

Ces grèves du 19 octobre 2017, puis les 8 mars successifs, comprennent tout le processus d’assemblées de préparation qui réunissent plus de 1000 personnes, tous les vendredis de février, devenues caisses de résonnance des violences au travail, dans la rue, dans les écoles, dans les foyers. Je songe alors, en relisant Daniel Bensaid aujourd’hui, depuis l’Argentine, combien le geste de grève là aussi permet de comprendre la situation, est outil de lutte ET de connaissance des rapports de force en cours, et est en ce sens une arme stratégique.

C’est en ce sens que Veronica Gago va jusqu’à affirmer :

« La grève générale ne devient générale que quand elle devient féministe. Parce que pour la première fois elle touche tous les lieux, les tâches et les formes de travail. C’est pour cela qu’elle arrive à s’enraciner et se territorialiser sans rien laisser dehors, produisant ainsi sa généralité. Elle aborde chaque recoin de travail non payé et non reconnu. Elle met en lumière chaque tâche invisibilisée et non comptée comme du travail. Elle met à jour la chaine d’efforts qui tracent un continuum entre la maison, l’emploi, la rue et la communauté »[5].

Il y a un an et demi, lors de rencontres au Sahara Occidentale, une femme nous disait, en substance, que les femmes et les jeunes étaient prêts à reprendre les armes. Mais « en l’accompagnant d’une pensée politique qui fait qu’on ne soit pas obnubilé.e.s par la guerre. » parce que la situation de vivre en camps de réfugié.e.s dans l’endroit le plus hostile du Sahara, c’est une guerre à laquelle nous sommes soumis.e.s depuis des décennies.

Reprendre les armes pour rendre visible la situation de violence systémique à laquelle on est exposé.e.s, et assumer la violence, ou la prise d’arme que représente tout acte d’émancipation, sans s’obnubiler avec la guerre. Elles, pensées et violences, parce que situées d’une façon, orientées et s’inscrivant dans un contexte collectif, et sans renoncer à transformer radicalement les conditions de vie, peuvent être autant de gestes qui affirment que les vies dans leurs multiples modes valent la peine d’être vécues.

 

Notes

[1] Elsa Dorlin, Se défendre. Une philosophie de la violence, Paris, La découverte, 2017, p.15-16.

[2] Voir Marie Bardet, “Quand l’anti-féminisme débarque de France pour donner des leçons en Argentine », Contretemps, 27 novembre 2018.

[3] Je reprends ici un article « Les féminismes et la grève », Contretemps, 8 mars 2018.

[4] Lorsque des vies dépendent des activités de soin, ou que l’on travaille de manière informelle, autonome, précaire, etc., on ne peut pas ou on ne sait pas toujours comment se mettre en grève et c’est un des processus important de ces grèves de femmes, en particulier dans les syndicats comme la CTEP (Confédération des Travailleurs de l’Économie Populaire).

[5] https://emergentes.com.ar/para-que-una-huelga-sea-general-debe-ser-feminista-fdf1d2500d79

Lire hors-ligne :