Bolívar Echeverría : discours critique et philosophie de la culture
Bolívar Echeverría (1941-2010) est un philosophe marxiste latino-américain et l’un des penseurs les plus prolifiques du marxisme critique développé dans cette région au cours des quatre dernières décennies. Au cours de sa carrière académique à l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM), d’abord comme intervenant dans le séminaire de lecture du Capital1 de Karl Marx de la Faculté d’Economie puis comme professeur de la Faculté de Philosophie et Lettres, Bolívar développe le projet de critique totale de la société bourgeoise fondé sur une lecture antidogmatique de l’œuvre de Marx. Pour sa contribution majeure à la reconstruction et au développement du discours critique marxien, il reçoit en 2006 le Prix Libertador Simón Bolívar al Pensamiento Crítico2 qui récompense son livre Vuelta de siglo.
Né le 31 janvier 1941 à Riobamba (Equateur), Bolívar développe un intérêt précoce pour la philosophie dès la fin des années 1950 en lisant Miguel de Unamuno, Jean-Paul Sartre et Martin Heidegger, trois penseurs fondateurs dans sa formation. Il admire la capacité de Unamuno pour « penser à distance » le monde dans lequel il vivait, cette réflexion sur la société qu’il décrit comme une « volonté d’éloignement par rapport au vécu mais surtout la capacité de revenir dessus en termes réflexifs et théoriques3 ». Déjà, Bolívar défend une certaine conception de la théorie et de la philosophie comme chemin pour penser le contexte politique du monde réel. De Sartre et de l’existentialisme, il récupère un mode de problématisation du vécu qu’il met en dialogue avec sa préoccupation personnelle pour la pratique politique. Heidegger, considéré comme l’un des philosophes les plus marquants du XXe siècle, est une influence décisive pour le jeune Bolívar. Il s’identifie à son projet de déconstruction, de transformation et surtout de dépassement de la philosophie pour créer un nouveau type de pensée, une « pensée du futur4 ». Ce « philosopher » singulier entre en résonance avec les expériences de vie de Bolívar et en particulier avec la formation politique qu’il construit en Allemagne où il fait de la philosophie une arme de participation politique révolutionnaire.
I. Les racines de la pensée critique de Bolívar : le retour à la critique de l’économie politique depuis le militantisme politique
Berlin (1961-1968) : discours critique, praxis et révolution
En 1958, à l’âge de 17 ans, Bolívar reçoit une bourse pour continuer ses études de philosophie commencées à Quito en Allemagne. Il est avant tout séduit par l’idée de pouvoir assister aux cours donnés par Heidegger à Freiburg mais son échec le réoriente vers la Freie Universität de Berlin. Ce séjour en Allemagne constitue un moment fondateur dans son itinéraire intellectuel car il se forme dans le contexte politique et théorique particulier des années 60. Il est alors plongé dans l’époque agitée de consolidation du mouvement étudiant allemand qui commence en 1964 et culmine en 1967 (mouvement qui inspire le mai 68 français). Aux côtés des jeunes radicaux de l’Union socialiste allemande des étudiants (SDS) de Berlin et Francfort, en particulier Rudi Dutschke5 – avec lequel il noue une longue amitié6 – et Hans-Jürgen Krahl7, Bolívar prend part aux débats et discussions théoriques autour de Karl Marx et du marxisme.
Cette génération révolutionnaire poursuit un même objectif : élaborer une pratique révolutionnaire en s’appuyant sur une profonde réflexion théorique pensée pour la praxis. Cette formation par la militance marque profondément la trajectoire de Bolívar qui se construit sur une radicalité anticapitaliste présente aussi bien dans sa façon de faire de la théorie que dans sa pratique politique. Son militantisme passe par exemple par la création de ponts et de liens politiques entre les étudiants allemands et latino-américains. Depuis l’Allemagne, il appuie également la lutte révolutionnaire du Che en construisant des réseaux de solidarité en Europe et en Amérique latine pour transmettre des messages. Certains éléments suggèrent même une relation plus directe entre Dutschke, Bolívar et le Che8.
La radicalité totale de Bolívar – Rote Front Bolívar9 comme le surnommait Dutschke – s’appuie sur une philosophie de la praxis qui veut comprendre le monde en le transformant et nourrir une réflexion sur l’action. Il récupère le projet de Heidegger de dépassement de la philosophie que Marx avait déjà formulé un siècle auparavant en invoquant la nécessité de passer à un autre type de discours philosophique : « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières ; il faut désormais le transformer »10. Cette philosophie de la praxis, Bolívar l’expose dans son analyse des Thèses sur Feuerbach de Marx qui constitue sa thèse de licence de philosophie. 11. Dans la lignée de Marx, il considère la révolution théorique comme un « moment théorique de la révolution communiste »12. Le moment historique vécu par Bolívar présente en effet des similitudes avec l’époque de « l’actualité de la révolution »13 qui caractérisait le contexte d’écriture des Thèses, d’où l’importance de repenser le rôle de la théorie.
Le mouvement révolutionnaire conduit par l’objectif de transformation radicale de la configuration actuelle des relations sociales fait surgir la nécessité historique de penser le processus révolutionnaire et donc nécessairement de révolutionner la pensée. L’enjeu est celui du développement d’un savoir scientifique capable d’examiner et de créer les conditions de transition du mode de reproduction sociale capitaliste à son organisation communiste car « se réaliser comme théorie révolutionnaire veut aussi dire réaliser la révolution sur le terrain spécifique du discours théorique14 ». Le discours théorique proprement communiste se pense donc comme un discours critique en relation directe avec la révolution, deux éléments indissociables pour accéder à la vérité théorique : « il s’agit, pour la théorie si elle prétend être vraie, d’être révolutionnaire15 ».
La spécificité de la pensée marxiste en tant que théorie révolutionnaire est d’être un discours critique qui s’appuie sur le matérialisme historique et la dialectique pour analyser la société et son histoire. Il s’agit d’une stratégie discursive qui « fait aboutir la vérité par la déconstruction du discours établi16 » inspirée de la méthode de Karl Marx qui expose le système de l’économie bourgeoise pour, en même temps, réaliser une critique de celui-ci. Le discours proprement communiste, « hétérogène par rapport au discours théorique sur la société qui prédomine dans l’époque capitaliste17 », propose une science essentiellement critique. La critique de la société bourgeoise est donc un élément central de la réalisation du projet théorique révolutionnaire du communisme scientifique.
La philosophie de la praxis se base sur la reconstruction du marxisme à partir d’une analyse rigoureuse de l’œuvre de Marx comme tâche politique nécessaire. Les jeunes révolutionnaires allemands et avec eux Bolívar, se dédient à la récupération d’un Marx critique, qui était alors délibérément dissimulé ou déformé par le socialisme soviétique.
Une lecture critique et antidogmatique de l’œuvre de Marx : la reconstruction des catégories fondamentales de la critique de l’économie politique
Bolívar Echeverría, comme les étudiants révolutionnaires allemands, considère que la reconstruction18 du marxisme est une consigne, voire une nécessité politique qui part du constat de la crise théorique et pratique dans laquelle il se trouve. Elle exige une prise de distance critique vis-à-vis des interprétations marxistes19 dominantes au XXe siècle pour être en mesure d’accomplir la mission historique du communisme. Les deux principaux courants à combattre sont, d’une part la version social-démocrate allemande du marxisme et d’autre part, la dérive soviétique promue et défendue par la IIIe Internationale et qui obligent la pensée communiste critique à se redéfinir par rapport à ce contexte20.
Pour Bolívar, le marxisme se trouve dans une impasse du fait du changement de conjoncture et des mutations historiques qui ont rendus obsolètes trois de ses fondements établis à l’époque de Marx. Dans l’introduction de son livre El discurso crítico de Marx (Le discours critique de Marx), il réalise un diagnostic de cette crise en situant les thèmes les plus urgents à développer pour restaurer l’actualité du marxisme.
D’abord, le marxisme doit reconnaître le fait que la classe ouvrière industrielle n’est plus ni le sujet porteur du « projet communiste d’une contre-histoire » ni nécessairement révolutionnaire. Ensuite, le socialisme réellement existant de la URSS n’est que la « présence inversée, perversement métamorphosée, des lois générales du mode de reproduction sociale capitaliste, résolu à persévérer et à se consolider » et doit donc être combattu depuis les propres clés critiques du marxisme. Surtout, il doit reconstruire la pensée critique détruite par l’interprétation dogmatique du stalinisme et se repenser en termes radicaux. Enfin, les marxistes doivent se défaire de la croyance aveugle en la « bonté intrinsèque de la technique » qui fait du développement des forces productives un moyen pour dépasser la condition historique de rareté21 et réaliser le communisme pour, au contraire, reconnaître qu’aujourd’hui la technologie approfondie et renforce l’exploitation et la destruction.
Ces trois axes doivent constituer une base théorique pour la redéfinition et réalisation du projet du communisme défendu par le marxisme. Bolívar rappelle l’urgence de la consigne lancée par Rosa Luxembourg : « socialisme ou barbarie », formule dont l’actualité a été renforcée par le XXe siècle qui vit le triomphe de la contre-révolution et l’échec de la gauche.
Durant ses études en Allemagne, Bolívar se dédie à la lecture systématique et rigoureuse de l’œuvre de Karl Marx22 – en participant aux groupes de lecture du Capital coordonnés par le professeur Hans Joachim Lieber de l’Université libre de Berlin – pour réaliser une reconstruction du marxisme « depuis les sources »23. Il commence à dialoguer avec la longue tradition du marxisme antidogmatique de Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, Georg Lukács, Karl Korsch, Ernst Bloch, l’école de Francfort (Max Horkheimer, Theodor Adorno, Herbert Marcuse, Walter Benjamin, Henryk Grossman), Jean-Paul Sartre et Henri Lefebvre entre autres. En discussion avec eux, il pense la radicalité de la pratique révolutionnaire loin des formules et recettes à suivre pour réaliser le communisme.
Cette tâche politique de Rekonstruktion débutée en Allemagne, il l’exporte au Mexique dès son arrivée en 1968 et participe à sa concrétisation au sein du séminaire de lecture du Capital24, espace de réflexion critique incontournable qui réunit des professeurs, étudiants et activistes et au sein duquel il partage et enrichit sa lecture en débattant avec des intellectuels marxistes reconnus tels que Adolfo Sánchez Vázquez, Armando Bartra y Jorge Juanes. Loin des lectures scientistes, positivistes et staliniennes inspirées des interprétations de Louis Althusser qui dominaient durant les premières années du séminaire, celle de Bolívar se démarque rapidement par son originalité. Il s’appuie sur une recherche approfondie de la structure logique et argumentative qui articule Das Kapital et une problématisation des concepts clés de la réflexion de Marx en discussion avec les intellectuels marxistes les plus importants du XXe siècle.
En plus de l’étude de l’œuvre du Capital, Bolívar réalise une lecture approfondie des autres textes décisifs de Karl Marx – parfois volontairement dissimulés ou oubliés – comme les Manuscrits de 1844, les Grundrisse et le chapitre VI (inédit) du Capital. Les écrits du « jeune Marx » sont fondamentaux pour situer les concepts clés de la théorie marxienne et surtout pour esquisser le plan de la critique de l’économie politique.
La proposition de lecture critique de Bolívar – qu’il expose dans ses grandes lignes en 1986 dans son livre El discurso crítico de Marx25 – reprend la problématique générale implicite qui articule l’œuvre de Marx. Il comprend le projet global de Marx qui constitue le « fil rouge » de sa pensée et de ses écrits : la critique totale de la société moderne26, formulée pour la première fois dans les Manuscrits de 1844 et qui elle-même contient la critique de l’économie politique. Fidèle à ce programme, Bolívar Echeverría prolonge la critique de l’économie politique en récupérant et développant les concepts critiques de Marx pour penser la critique totale. Son analyse rigoureuse de l’architecture argumentative du Capital révèle que l’œuvre s’articule autour de l’exposition critique du processus de reproduction sociale capitaliste dans ses différents moments, production, distribution et consommation.
Mais cette structure est également un développement du théorème critique central du Capital c’est-à-dire de la contradiction inhérente au mode capitaliste de reproduction sociale : deux formes d’existence ou logiques de la vie sociale qui s’opposent, celle de la valeur d’usage et celle de la valeur d’échange. Tous les conflits de la société moderne dérivent de cet antagonisme basique présent dans la forme marchandise –la « contradiction qui soutient toutes les contradictions du monde moderne27 » – qui exprime un conflit plus profond entre la forme sociale-naturelle du processus de reproduction sociale et la forme capitaliste de la valeur qui se valorise.
Le conflit est déployé sous ses différentes figures et à différents niveaux esquissant la théorie du développement de la contradiction comme axe articulateur de l’argument critique de Marx. Malgré le caractère « hautement technique » de la contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange, « il exprime en réalité un trait extrêmement concret du mode d’existence des hommes dans l’époque capitaliste28 ». Cette crise structurelle s’exprime dans les formes d’oppressions et d’exploitation de la société moderne mais est aussi à l’origine des crises périodiques capitalistes.
En réalité, la contradiction « se trouve pseudo-dépassée », en d’autres termes, elle se réalise sous la forme d’un processus de subsomption29 de la forme naturelle à la forme valeur. La confrontation de ces deux principes d’organisation du processus de reproduction de la vie sociale est une relation inégale en faveur de la logique de la valeur d’échange qui se soumet la logique de valeur d’usage. Bolívar récupère la catégorie de Marx de subsomption formelle et réelle du processus du travail au capital30 comme caractéristique propre du mode de production capitaliste pour penser la théorie du développement capitaliste depuis une perspective scientifique critique.
La lecture de Bolívar s’inscrit dans la lignée du marxisme critique, qui donne une place fondamentale à l’analyse de la marchandise car elle renferme les traits essentiels du mode de production capitaliste. Ainsi, il se réapproprie les observations de Georg Lukács31 sur les catégories de fétichisme de la marchandise, réification et chosification des relations sociales, et surtout il réhabilite ces concepts scientifiques centraux dans l’analyse de la réalité opérante. Ils introduisent en effet une perspective critique des relations sociales fidèle au projet de critique globale qui dénaturalise le fonctionnement du mode de production moderne capitaliste.
Le problème de la (re)production matérielle et la réflexion sur le développement capitaliste dévoile les mécanismes d’aliénation32 du sujet social : plus qu’une subsomption de la forme naturelle à la valorisation de la valeur, il s’agit d’une subsomption du sujet humain à la logique capitaliste. Le sujet créateur de valeurs d’usage est subsumé au phénomène d’aliénation qui annule sa capacité politique de se construire comme sujet.
La critique du phénomène de chosification et d’aliénation comme problème fondateur de la critique du capitalisme permet d’élaborer une critique totale de la société comprise comme aliénation politique généralisée. Bolívar considère qu’il est urgent de construire une théorie de la révolution à partir de l’aliénation contenue dans la forme marchandise, il nous dit : « une théorie de la révolution qui parte du concept marxien d’aliénation reste encore à faire33 ».
II. Une critique totale de la société moderne : penser la totalité en dialogue avec les sciences sociales et les humanités
La forme naturelle de la reproduction sociale ou le fondement de la théorie critique de la culture
À son arrivée au Mexique en 1968 et surtout à partir des années 1980, Bolívar Echeverría commence à s’intéresser aux thèmes de la culture, largement débattus par le monde intellectuel de l’époque. La problématique de la définition de la culture est mise au cœur de l’actualité avec, par exemple, la discussion théorique sur la spécificité de l’être humain entre le structuralisme de Claude Lévi-Strauss et la position existentialiste de Jean-Paul Sartre. Depuis sa posture critique, Bolívar prétend formuler un concept de culture depuis un dialogue critique entre les disciplines pour « pousser les savoirs sur l’être humain à se dépasser dans la confrontation avec les autres34 ». Évidemment, cette démarche s’inscrit dans une perspective d’analyse de la société comme totalité qui doit faire converger l’ensemble des savoirs sur le monde, à contre-courant de la tendance à la fragmentation des sciences sociales apparues au XXe siècle.
La théorie critique de la culture développée par Bolívar Echeverría articule l’analyse marxienne de la société et les développements critiques les plus récents des humanités. Il s’éloigne et rejette la conception simpliste et caricaturale de la culture comme « superstructure » déterminée par la « structure économique » et, au contraire, il voit dans la dimension culturelle une réalisation de la liberté de l’homme : la « dimension culturelle n’est pas seulement une pré-condition qui adapte la présence d’une force historique déterminée à la reproduction d’une forme concrète de la vie sociale mais aussi un facteur capable de provoquer des faits historiques35 ». La dimension libertaire de la reproduction sociale et culturelle fait de la culture un terrain qui peut être décisif dans la marche de l’histoire.
Le traitement qu’il fait de la valeur d’usage est au cœur de son approche critique de la culture. Le développement du thème de la forme naturelle de la reproduction sociale se fonde sur le chapitre V du Capital qui aborde le processus de travail. L’être humain se reproduit lui-même et reproduit la société en transformant la nature pour produire et consommer de biens : « le processus de reproduction sociale est donc, toujours et dans tous les cas, l’unité d’une action du sujet sur la nature et une réaction de la nature sur le sujet, deux moments qui font intervenir la médiation36 d’autres éléments, les instruments ou les objets, les moyens de production et de consommation »37. La réflexion matérialiste-historique de Bolívar sur la culture se développe donc sur le plan de la reproduction social-matérielle unitaire entre production et consommation et entre sujet et objet : le « sujet se définit à partir de deux perspectives divergentes, celle du travail et celle de la jouissance/consommation38 ».
Le processus de travail, entendu comme activité de production de valeurs d’usage, est le moment de la praxis sociale de l’homme au cours de laquelle le sujet social et l’objet se constituent et se réalisent réciproquement. La reproduction est le résultat d’une pratique sociale historique et concrète, un choix de forme de modèle de vie pour satisfaire les nécessités qui implique nécessairement une reproduction culturelle. La réalité culturelle appartient organiquement à la vie pratique et pragmatique de tous les jours et se dérive de la reproduction matérielle et sociale.
Bolívar explore la dimension communicative et sémiotique du processus de reproduction sociale. Il reprend les développements de la linguistique de Jakobson pour décrire la reproduction sociale-matérielle comme un processus de production, distribution et consommation de significations. Le processus matériel de production-consommation contient un acte de communication verbal : le producteur-expéditeur produit ou émet un message codifié que consomme ou interprète le destinataire. L’être humain est donc un être sémiotique dont la spécificité réside dans sa dimension politique ontologique. En d’autres termes, l’intentionnalité du sujet humain est à l’origine de la production et consommation et qui s’affirme dans le choix d’une forme de vie. Ici, Bolívar relativise le structuralisme linguistique en démontrant que les signes sont le résultat d’un choix de sujets concrets.
C’est la liberté du sujet qui articule le système de capacités (production) avec le système de nécessités (consommation), et donc la société possède la faculté de définir librement sa forme concrète de socialité. La reproduction sociale est une « reproduction politique du sujet social39 » dans laquelle le sujet social se réalise en se donnant une identité. Or, cette capacité politique est aliénée dans la configuration moderne capitaliste de la culture.
Bolívar s’appuie sur la différenciation critique entre, d’une part, la structure transhistorique de la forme naturelle et de la reproduction sociale-matérielle de la culture comme production d’objets pour satisfaire les nécessités vitales des êtres humains et, d’autre part, la configuration historique de la société capitaliste soumise au telos de la valorisation de la valeur. Cette distinction ouvre la possibilité de considérer d’autres formes de reproduction sociale, surtout des configurations non aliénées. Pour penser cette alternative, Bolívar associe le pôle de la valeur d’usage autrement dit la richesse concrète qualitative – qui existent subsumées mais pas annulées par la valorisation de la valeur – avec la révolution communiste : la praxis révolutionnaire doit se baser sur la revendication de la forme sociale-naturelle de la reproduction sociale.
Le développement du thème de la valeur d’usage ou forme naturelle de la reproduction sociale est donc fondamental pour construire une nouvelle pratique politique et penser les possibilités de la révolution. Dans son essai El « valor de uso » : ontología y semiótica40, Bolívar approfondi l’analyse de Marx de la contradiction valeur d’échange et valeur d’usage. Il ne s’agit pas de promouvoir mode paradisiaque d’existence qui aurait été détruit par le capitalisme mais simplement une possibilité pour l’être humain d’entrer dans l’histoire en la construisant véritablement et non en soumettant sa capacité politique à la domination de la valeur. La forme sociale-naturelle de la reproduction contient donc une possibilité de révolution du mode de vie humain.
La théorie de la modernité comme critique globale de la civilisation : les perspectives et possibilités d’une modernité non-capitaliste
À partir des années 1990, Bolívar se concentre sur la thématique de la modernité qu’il expose dans ses livres Las ilusiones de la modernidad (1995), Modernidad, mestizaje cultural y ethos barroco (1994) et La modernidad de lo barroco (1998) et qu’il discute au sein du groupe « Seminario de la modernidad : versiones y dimensiones » (2004). Le développement de la dimension culturelle et des questions de la culture politique s’inscrit dans le projet de d’une théorie critique de l’ensemble de la vie moderne. La crise actuelle n’est pas un phénomène conjoncturel mais bien un état permanent constitutif de notre civilisation et caractéristique de la modernité.
Pour Bolívar, le concept de modernité regroupe un ensemble de comportements qui sont en rupture ou « discontinuité radicalement innovatrice41 » par rapport à l’ordre traditionnel organisateur de la vie. La modernité prend la forme d’une tendance civilisationnelle appuyée sur un nouveau principe unitaire de structuration de la vie sociale qui est la croyance en la capacité technique de l’être humain.
Il situe le fondement de la modernité au Xe siècle dans le moment de « révolution technologique » ou « phase néotechnique » comme l’appelle Lewis Mumford, qui opère une « transformation de la structure technique de l’appareil instrumental42 ». Le travail humain ne se limite plus à reproduire ou améliorer la technologie héritée mais se centre sur l’invention de nouvelles technologies.
Ce bouleversement technologique ouvre la possibilité de dépasser la condition transhistorique de rareté absolue de la richesse naturelle qui avait conditionné les civilisations traditionnelles. Avec la néotechnique, cette rareté devient seulement relative peut être surmontée par une interaction « constructive » entre l’homme et la nature. La nature cesse d’être un adversaire ou une menace pour l’homme et s’ouvre la possibilité d’une une collaboration dans le sens de l’invention et la création.
La modernité, en tant que révolution technique dans l’histoire des forces productives, est donc un défi lancé à l’être humain face auquel il formule différentes propositions. La modernité euro-capitaliste est la configuration qui rencontre un « succès historique » et qui va utiliser la néotechnique pour le développement de l’économie capitaliste en la mettant au service de la productivité. Elle apparaît comme la réponse la plus adéquate face au défi civilisationnel mais dont le prix est la répression systématique du moment qualitatif de la valeur d’usage sacrifiée à la logique quantitative d’accumulation de capital. Ce mode de reproduction implique un état de subordination ou subsomption de la forme naturelle au principe de l’autovalorisation. La modernité capitaliste condamne la possibilité d’abondance en reproduisant artificiellement la rareté pour générer du profit. Néanmoins, cette modernité « réellement existante » n’est qu’une actualisation de la modernité qui a configuré la néotechnique comme technique d’appropriation et de conquête de la nature alors que l’essence de la modernité ouvrait la possibilité de l’élimination des relations de pouvoir et domination.
Bolívar Echeverría établit une distinction claire entre modernité et capitalisme : « Par modernité il faut comprendre le caractère particulier d’une forme historique de totalisation civilisationnelle de la vie humaine. Par capitalisme, une forme ou mode de reproduction de la vie économique de l’être humain43 ». Si nous parlons ici de modernité capitaliste, il faut cependant distinguer deux niveaux de présence réelle de celle-ci. D’une part, la modernité possible ou potentielle (essence) comme forme idéale de totalisation de la vie humaine qui ouvre la possibilité de l’abondance. D’autre part, la modernité actuelle et effective (figure) capitaliste qui n’est qu’une des formes historiques possibles de concrétisation de la modernité.
L’ambition totalisatrice de la modernité, qui s’actualise et se refait en permanence, est un « projet inachevé, toujours incomplet44 ». La modalité civilisatrice moderne qui domine sur les autres principes structurants –pré-modernes ou non modernes– se présente comme une tentative toujours sur le point de vaincre mais qui n’arrive pas à se réaliser pleinement, d’où la persistance de certaines formes sociales archaïques. Ce caractère ambivalent et inconsistant de la modernité capitaliste est une conséquence de cette discordance ou conflit qui existe entre le niveau essentiel et effectif de la modernité. Mais loin de condamner la modernité, ce qui reviendrait à la confondre avec le capitalisme, Bolívar revendique son essence émancipatrice pour y déceler des pistes de réalisation de la révolution aujourd’hui.
Une modernité non capitaliste serait contenue en puissance dans la modernité. Ce projet alternatif permettrait la réalisation d’une tendance concrète basée sur la révolution des forces productives qui « même maintenant n’a toujours pas perdu sa rébellion45 ». Néanmoins, cette possibilité doit passer par la déconstruction critique de la culture politique moderne. Bolívar fait de la théorie de l’aliénation une théorie politique pour révéler le conflit qui existe entre les pulsions de reconstitution de la capacité politique naturelle du sujet social et la reproduction du capital puisqu’en effet, la concrétisation capitaliste de la modernité provoque l’aliénation de l’être humain, nié en tant que sujet et transformé en valeur marchande. La conception de modernité de Bolívar permet de formuler une critique de l’aliénation humaine et surtout de la forme de reproduction sociale capitaliste qui en est à l’origine.
Mais la possibilité d’une autre modernité n’est que suggérée par Bolívar, il se dédie plutôt à l’analyse des comportements propres de la modernité existante. Dans la société capitaliste, le fétichisme des relations sociales domine les comportements ou ethe des agents sociaux néanmoins, le conflit permanent entre la dynamique de la forme social-naturelle de la vie sociale et la dynamique de la valorisation de la valeur est assimilé de différentes manières par les sujets sociaux.
Bolívar nous dit que la modernité détermine la concrétion de la culture mais que la vie quotidienne altère cette forme sociale basique pour la reconstituer et conformer une identité sociale. Ce processus remanie l’identité occidentale et européenne en inventant une stratégie de comportement pour supporter quotidiennement le capitalisme. La culture est donc ce travail dialectique, instable et pluriel de reproduction de la singularité ou identité d’une communauté sociale.
L’analyse de Bolívar critique les explications culturelles de l’identité construites sur les variables géographique, ethnique, politique, et sur le critère arbitraire et inconsistant de la nation qui réduit l’histoire de la culture moderne à l’histoire des cultures nationales. Il privilégie une compréhension de la culture comme concrétisation historique de l’activité culturelle et comme le moment dé-substantialisant qui génère la forme singulière de l’humanité.
Echeverría voit dans la culture la possibilité de réalisation d’un universalisme concret, qui serait même nécessaire à la création culturelle car les êtres humains ne pourraient être réellement humains que dans la mesure où leur humanité est une humanité concrète.
Le concept d’ethos historique est une sorte de pont conceptuel qui permet d’articuler un fait historique profond et inévitable (la réalité capitaliste) avec les différentes manières qui l’assimilent et l’intègrent dans le comportement quotidien : « la vie dans la modernité capitaliste doit évoluer dans un monde dont l’existence quotidienne se trouve conditionnée par une réalité dominante : le capitalisme ». Bolívar Echeverría cherche donc à construire une passerelle entre le projet de critique de l’économie politique de Karl Marx et la thématique culturelle :
[Dans…] une tentative d’étendre la critique de l’économie politique élaborée par Karl Marx vers une théorie critique de l’ensemble de la vie moderne, propose un concept en référence avec la nécessité dans laquelle se trouve le discours réflexif pour penser de manière cohérente la croisée/croisement entre ce qu’on entend par « histoire économique » et ce que l’on connaît comme « histoire culturelle » ; un concept médiateur qui serait celui d’ethos historique46.
L’ethos historique doit être compris comme un « comportement social structurel » qui suit un principe d’organisation de la vie sociale (ici capitaliste) mais, il ne s’agit pas d’une domination « structurelle » ou d’une conception déterministe de la culture puisque Bolívar pense la culture depuis la politicité du sujet qui la construit. La culture est avant tout un choix, un comportement qui implique nécessairement un engagement des êtres humains qui la constituent.
Le mot ethos est utilisé pour son double sens à la fois de refuge et d’arme : « c’est une mise en pratique d’une stratégie destinée à rendre vivable l’invivable, à résoudre une contradiction insurmontable ». Il existe différents ethos qui sont autant de configurations historiques spécifiques de cet antagonisme fondamental du capitalisme.
La conflit permanent entre les deux tendances opposées de la vie sociale existe sous différentes formes et par différentes voies et stratégies, d’où l’existence de multiples versions de l’ethos moderne. Bolívar théorise donc l’existence d’une variété de versions de la culture moderne, qu’il réduit à quatre ethe de la modernité qui font référence à quatre attitudes « types » face aux deux pôles de la contradiction. Ces concrétions ou modalités particulières existent simultanément dans l’ethos général de l’époque capitaliste et même s’affrontent entre eux sur la scène historique de la modernité.
La frontière entre les différentes ethe de la vie sociale moderne n’est que conceptuelle puisqu’ils apparaissent en réalité combinés avec d’autres. Il faut comprendre l’ethos comme un « agir » de manière libre dans une situation donnée : il implique un choix, une décision, une prise de parti donc une négation des autres options possibles.
Pour caractériser les différentes formes d’ethe, Bolívar a recours à des caractérisations de type artistique et esthétique. L’ethos réaliste se caractérise par une identification totale avec l’accumulation de capital et nie l’existence même de la contradiction interne du capitalisme. Il est considéré comme le comportement le plus proche et attaché au capitalisme et le plus adéquate à la réalisation de la valorisation de la valeur. Bolívar Echeverría formule une critique de ce comportement comme « ethos d’autorépression productiviste de l’individu singulier », qui annule le sujet ou l’aliène en promouvant un dévouement total au travail et à la recherche de profit. De plus, cet ethos promeut un racisme qui exige la présence d’une blanchitude de type éthique ou civilisationnel47. Il ne s’agit pas d’une blancheur « de peau » mais bien une condition de blanchitude qui doit manifester un comportement revendiquant une identité éthique capitaliste. Un racisme identitaire qui promeut une blanchitude civilisatoire propre d’un type d’être humain moderne-capitaliste.
L’ethos romantique veut annuler la contradiction en réduisant le pôle de la valeur à la valeur d’usage. Il idéalise le capitalisme en lui donnant une image qui est en réalité contraire à sa véritable nature. L’ethos classique vit la contradiction comme une nécessité transcendante, un destin inéluctable qui dépasse la capacité d’action des hommes.
Enfin, l’ethos baroque est celui qui a été le plus approfondi par Bolívar Echeverría car il permet d’étudier la culture latino-américaine et surtout penser « l’après » de la modernité capitaliste. En effet, c’est le comportement qui refuse d’accepter et d’assumer le choix qui oblige à prendre parti pour le terme de la « valeur » contre la « valeur d’usage » en vivant la contradiction mais par la transcendance, la construction d’une dimension imaginaire dans laquelle elle n’existe pas. Il résiste à l’impératif du choix entre les deux propositions et les deux univers en conflit sans sacrifier la valeur d’usage mais en ne se rebellant pas non plus contre la valeur d’échange. Bolívar Echeverría le résume comme une « prise de parti pour les deux contraires à la fois » avec une transposition à un plan différent qui met en scène la dé-réalisation de la contradiction et qui est donc une évasion ou le choix d’une troisième possibilité, celle de « vivre un autre monde dans ce monde ».
Le concept d’ethos baroque lui permet d’analyser la configuration culturelle propre de l’Amérique latine. Il part d’un constat de l’ambigüité apparente de la réalité culturelle latino-américaine qui semble allier pluralité et diversité avec une affirmation d’unité.
Il analyse cette « modernité multiple » de l’Amérique latine et la pluralité culturelle actuelle comme résultat de la succession et superposition de différents projets de modernité capitaliste qui ont persisté sous la forme de différentes strates d’identification sociale. Bolívar situe trois strates essentielles de détermination identitaire qui correspondent à des configurations historiques, à savoir la modernité baroque, classique, et républicaine/nationale.
Historiquement, l’identité baroque correspond à la première identité « capitaliste » du sous-continent et aussi celle qui a le plus marqué sa culture. Celle-ci s’est conformée et concrétisée dans le processus de métissage civilisatoire du XVIIe siècle. Cet événement historique est, selon Bolívar, « l’image la plus exemplaire du comportement baroque ». Il permet de penser la particularité de l’Amérique latine dans l’histoire moderne et comprendre la production de son identité sociale. Le métissage comme l’identité sont le résultat d’une confrontation entre deux codes civilisationnels où l’un dévore l’autre, il parle de « codigophagie ». Il ne nie pas le caractère violent du processus mais montre aussi que c’est également un processus historique au cours duquel les identités s’affrontent pour se redéfinir : « sa meilleure manière de se protéger a été justement de se mettre en danger48 ».
En effet, selon lui l’histoire des nombreuses humanités réelles a été l’histoire d’un métissage culturel permanent. L’identité culturelle est un processus de reconstruction continue dans la rencontre avec la diversité. Cette dialectique identitaire, à la fois conservation et innovation, ouvre une possibilité de transformation de la forme sociale et implique de considérer politiquement la possible résistance anti-systémique depuis la culture même. La culture est le moment autocritique de la reproduction : la singularité concrète d’un groupe humain est « le moment dialectique de la culture de son identité ».
Durant les dernières années de sa vie, Bolívar s’est donc dédié à une analyse de la dimension culturelle de la société moderne depuis la perspective de la concrétion de la valeur d’usage, qui n’avait pas été développée par Karl Marx49. La construction d’une théorie matérialiste de la culture complexifie la théorie de la révolution : elle doit nécessairement se penser comme possibilité de transformation depuis cette densité culturelle contenue dans des configurations sociales et identitaires concrètes.
Pourquoi lire et étudier Bolívar Echeverría ? Bien que très peu connu en Europe, il est considéré comme l’un des intellectuels les plus importants des dernières années en Amérique latine et a produit une œuvre théorique fondamentale pour la gauche mondiale et le marxisme. En tant que professeur, il a réussit à générer un courant de pensée critique basé sur l’étude et le prolongement de l’œuvre de Karl Marx. Ses étudiants – parmi lesquels figurent Jorge Veraza et Andrés Barreda Echeverría – ont développé des concepts essentiels comme celui de subsomption réelle de la consommation au capital, se revendiquent du même marxisme anti-dogmatique et poursuivent le projet d’une critique totale de la société moderne.
Au-delà se con travail théorique comme professeur et chercheur, Bolívar a participé à de nombreux projets de revues comme Palos de la crítica, Pucuna y Cuadernos Políticos, toujours pour débattre et construire de la théorie depuis la dialectique matérialiste. Son travail de traducteur démontre également sa préoccupation pour la diffusion du marxisme critique et l’établissement d’un pont entre la réflexion critique communiste en Europe et la réflexion révolutionnaire en Amérique latine : il traduit Karl Marx (las Tesis sobre Feuerbach, los Cuadernos de París en 1974), Walter Benjamin, Rosa Luxembourg (Obras escogidas en 1978-1982), Max Horkheimer (Estado autoritario en 1980) et Jürgen Habermas (La soberanía popular como procedimiento en 1989).
L’œuvre de Bolívar Echeverría nous enseigne un chemin intellectuel à suivre, celui du discours critique. Sa propre biographie nous montre qu’il s’agit d’un processus en deux moments : une première étape d’apprentissage et d’approfondissement de la critique de l’économie politique avec la reconstruction de ses concepts fondamentaux, de ses problématiques et de sa méthode critique exposée dans la structure logique du Capital. Et à partir de cette solide base conceptuelle, il se dédie à la critique de la modernité, de la culture et de la politique pour apporter des éléments à la critique globale de la vie moderne. Il nous montre que le modèle de pensée à suivre est celui de la récupération du marxisme comme discours critique à partir du fondement de la critique de l’économie politique et du matérialisme historique comme chemin de criticité pour traiter différents thèmes. Son œuvre même témoigne d’un effort théorique immense pour établir un lien entre différentes disciplines, comprendre le processus de production-reproduction du sujet social et, de là, formuler une critique du système civilisationnel et de toutes les sphères de la vie sociale dans la modernité capitaliste.
Ses recherches donnent des pistes de réflexion sur l’expérience historique et culturelle de l’Amérique latine. En effet, il nous suggère la possibilité de construction d’une modernité baroque alternative et pour envisager la possibilité d’une modernité non-capitaliste. Il nous donne des clés fondamentales pour penser notre époque, que ce soit depuis l’Europe ou l’Amérique latine, et surtout pour réfléchir aux chemins possibles jusqu’à l’émancipation et la révolution.
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Bibliographie (sélection)
BARREDA, Andrés. (2011) «En torno a las raíces del pensamiento crítco de Bolívar Echeverría», Antología Bolívar Echeverría, Vicepresidencia del Estado Plurinacional de Bolivia.
ECHEVERRÍA, Bolívar. (1986), El discurso crítico de Marx, México, Era.
— (1995), Las ilusiones de la modernidad, México, UNAM, El equilibrista.
— (1998 a), La contradicción del valor y el valor de uso en El Capital de Karl Marx, Itaca.
— (1998 b), Valor de uso y utopía, México, Siglo XXI, Colección Teoría.
— (1998 c), La modernidad de lo barroco, México, Era.
— (2001 a), Definición de la cultura, México, Fondo de Cultura Económica.
— (2001 b), La multiple modernidad de América latina, revista Contrahistorias.
— (2008), Un concepto de modernidad, revista Contrahistorias, Núm. 11.
— (2010 a) Modernidad y blanquitud, México, Ediciones Era.
— (2010 b) Vuelta de Siglo, México, Ediciones Era.
— (2011), El materialismo de Marx, México, Itaca.
FUENTES Diana et al. (2012), Bolívar Echeverría, Crítica de interpretación, México, Itaca.
GANDLER, Stefan. (2007) Marxismo critico en México: Adolfo Sánchez Vázquez y Bolívar Echeverría, México, FCE, UNAM y Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Querétaro.
Humanidad en red, Homenaje a Bolívar Echeverría, num. 9.
MARX, Karl. (1993) Le Capital, Paris, Quadrige/Puf.
— (2001), Manuscritos económicos y filosóficos de 1844, Biblioteca Virtual “Espartaco”.
SÁNCHEZ VÁZQUEZ, Adolfo. (1980), Filosofía de la praxis, México, Colección Enlace, Grijalbo.
à voir aussi
références
⇧1 | Le séminaire de lecture du Capital a été fondé en 1970 par Ramón Ramírez, exilé espagnol sympathisant de la révolution cubaine. En 1972, Bolívar est invité comme professeur pour animer le séminaire en collaboration avec Pedro López et Gilberto Argüello, deux intellectuels du Parti Communiste mexicain. Très vite, sa lecture se démarque des autres par sa richesse théorique qui reprend les débats marxistes européens et se base sur un dialogue critique avec les figures intellectuelles marxistes les plus importantes. |
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⇧2 | Concours organisé par le Ministerio del Poder Popular para la Cultura (MPPPC) du Venezuela qui récompense « les œuvres analysant la réalité du monde contemporain et qui se démarque par des positions engagées pour la défense de l’humanité ». |
⇧3 | ECHEVERRÍA B. (2011), El materialismo de Marx, México, Itaca, p. 88. |
⇧4 | Ibid. |
⇧5 | Rudi Dutschke était un militant et leader exceptionnel du mouvement étudiant allemand – grand agitateur selon les termes de Bolívar Echeverría – par con charisme combiné avec une profonde réflexion critique appuyée sur des lectures rigoureuses de Marx. |
⇧6 | Une relation très proche que Bolívar caractérise comme « une sorte de dialogue entre le tiers-monde et les intellectuels du centre de l’Europe » (GANDLER, S. Marxismo critico en México: Adolfo Sánchez Vázquez y Bolívar Echeverría. FCE, México 2007. p. 97). |
⇧7 | Bolívar ne l’a pas connu personnellement mais ils partagent une même façon de faire de la politique. Cf. González Varela, Nicolás. http://www.rebelion.org/noticia.php%3Fid=192679">« La “otra” Escuela de Frankfurt : Hans-Jürgen Krahl, teórico de la Praxis emancipadora ». |
⇧8 | BARREDA, A. (2011) « En torno a las raíces del pensamiento crítco de Bolívar Echeverría », Antología Bolívar Echeverría, Vicepresidencia del Estado Plurinacional de Bolivia. |
⇧9 | En français, « Front rouge Bolívar ». |
⇧10 | Cf. MARX Karl, https://www.marxists.org/francais/marx/works/1845/00/kmfe18450001.htm">Thèse XI sur Feuerbach. |
⇧11 | Ce commentaire est d’abord publié sous le titre de « Apuntes para un comentario de las Tesis sobre Feuerbach » (Notes pour un commentaire des Thèses sur Feuerbach). Trois autres versions ont été publiées : « La revolución teórica comunista en las Tesis sobre Feuerbach » dans Historia y Sociedad n. 6, 1975, « Nota para un comentario de las Tesis sobre Feuerbach » dans Cuadernos del Seminario de El Capital de la Escuela Nacional de Economía, UNAM, México, 1975 et « El materialismo de Marx » dans El discurso crítico de Marx, Era, México, 1986. |
⇧12 | ECHEVERRÍA B. (2011), El materialismo de Marx, México, Itaca, p. 13. |
⇧13 | Bolívar lui-même ne considère pas les années soixante comme « l’époque de l’actualité de la révolution » (Georg Lukács) même si les attentes, idées et inquiétudes du moment portaient à comparaison et surtout démontrait une volonté d’inscrire les mouvements de contestation dans ce moment historique révolutionnaire. |
⇧14 | Ibid., p. 33. |
⇧15 | Ibid., p. 43. |
⇧16 | Ibid., p. 63. |
⇧17 | ECHEVERRÍA, Bolívar. «El concepto de fetichismo en el discurso revolucionario », Antología Bolívar Echeverría, p. 493. |
⇧18 | La reconstruction (Rekonstruktion en allemand) doit se comprendre dans le sens que lui donne Hans-Jürgen Krahl. Il ne s’agit pas d’une reconstitution dogmatique d’un « Marx pur » mais de « l’application de la Kritik marxienne aux propres figures du marxisme » pour fonder une nouvelle théorie révolutionnaire. |
⇧19 | Il faut différencier l’œuvre de Karl Marx du marxisme, c’est-à-dire le discours de Marx de ses interprétations postérieures. Ainsi, la reconstruction du marxisme promue ici passe par une lecture approfondie de l’œuvre de Marx, un retour aux sources mêmes. |
⇧20 | Bolívar parle d’une crise de la triade « communisme-gauche-marxisme » en tant que projet théorico-pratique pour donner un sens à l’histoire contemporaine et qui a été mis en échec par la caducité de ses préceptes basiques. |
⇧21 | Cf. SARTRE, J-P. Critique de la raison dialectique, Gallimard, 1960. |
⇧22 | En plus de lire en espagnol, anglais, français et italien, Bolívar dominait parfaitement l’allemand et lisait donc l’œuvre de Marx en version originale. |
⇧23 | Consigne lancée par Karl Korsch en 1923 dans Marxisme et philosophie. |
⇧24 | Voir la note n° 1. |
⇧25 | Compilation d’essais publiée en 1986 mais dont la majorité ont été rédigés entre 1974 et 1980. |
⇧26 | Bolívar rejette l’idée althussérienne d’une « rupture épistémologique » pour privilégier la compréhension de l’œuvre de Karl Marx dans sa totalité, comme un tout cohérent autour du projet de critique totale de la société bourgeoise. |
⇧27 | ECHEVERRÍA, B. (1998), La contradicción del valor y el valor de uso en El Capital de Karl Marx, Editorial Itaca, p. 3. |
⇧28 | Ibid., p. 8. |
⇧29 | Dans le chapitre VI inédit du Capital, Karl Marx utilise le terme de subsomption d’origine latine mais qui existe en allemand et anglais, et qui signifie autant subordination qu’inclusion. Ce terme complexifie la compréhension de ce processus, il s’agit d’une domination du capital qui subordonne et soumet le travail en l’incluant dans son propre concept. |
⇧30 | Le concept de « subsomption formelle et subsomption réelle du processus du travail au processus de valorisation » est formulé par Karl Marx dans les Manuscrits de 1861-1863 préparatoires à la rédaction du Capital. En 1983, Bolívar Echeverría les traduit à l’espagnol et les publie en 2005 sous le titre La tecnología del capital, México, Editorial Itaca. |
⇧31 | LUKÁCS, G. Histoire et conscience de classe, Minuit, 1960 [1923]. |
⇧32 | Marx semble employer indifféremment le terme de Entfremdung qui insiste sur l’idée de quelque chose d’étranger et le terme de Entäusserung qui donne une idée de dépossession. Le terme d’aliénation est donc ici synonyme de dessaisissement, ou extranéation. |
⇧33 | ECHEVERRÍA, B. (2011) « Modernidad y capitalismo », Antología Bolívar Echeverría, p. 98. |
⇧34 | ECHEVERRÍA, B. (2001a) Definición de la cultura, Fondo de Cultura Económica, p. 12. |
⇧35 | Ibid., p. 23. |
⇧36 | La médiation est une catégorie fondamentale de la pensée dialectique. Elle permet d’exprimer le lien qui existe entre deux moments d’un même processus, développement ou mouvement pour étudier la société non d’une façon mécaniciste et réductrice d’un schéma simpliste cause-effet. La médiation est la réalisation de l’union : réconciliation de deux forces opposées. Le problème de la médiation est celui de la détermination. |
⇧37 | Ibid., p. 50. |
⇧38 | Ibid., p. 57. |
⇧39 | Ibid., p. 60. |
⇧40 | Essai publié initialement dans la revue Cuadernos Políticos (n.41) en 1984 sous le titre « La “forma natural” de la reproducción social » puis publié avec de légères modifications dans le livre Valor de uso y utopía, México, Siglo XXI, 1998, Colección Teoría. |
⇧41 | ECHEVERRÍA, B. (2011) « Un concepto de modernidad », Antología de Bolívar Echeverría, p. 120. |
⇧42 | Ibid., p. 124. |
⇧43 | ECHEVERRÍA, B. (2011) « Modernidad y capitalismo : 15 tesis sobre la modernidad », Antología de Bolívar Echeverría, p. 71. |
⇧44 | Ibid., p. 121. |
⇧45 | Ibid., p. 74. |
⇧46 | ECHEVERRÍA, B. (1998 c) La modernidad de lo barroco, p. 12. |
⇧47 | ECHEVERRÍA, B. (2007), Imágenes de la blanquitud, México, Siglo XXI. |
⇧48 | ECHEVERRÍA, B. (1995) « La identidad evanescente », Las ilusiones de la modernidad, México. |
⇧49 | Dans Le Capital, Karl Marx fait une exposition critique de la société capitaliste. Il se concentre sur l’analyse de la valorisation de la valeur, laissant de côté la perspective ouverte par la valeur d’usage. |