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Depuis fin septembre, le Maroc est secoué par un mouvement social de grande ampleur. Mobilisant une jeunesse plaidant pour la justice sociale et la fin de la corruption, les manifestations se heurtent néanmoins à la répression. Charif Elalaoui propose des pistes d’analyse à partir d’une enquête localisée menée au Maroc. Dans cet entretien, il partage ses observations et revient sur les origines et la structuration du mouvement mais aussi ses défis actuels, après près de trois semaines inédites de mobilisation.

Charif Elalaoui est docteur en sociologie politique et spécialiste des mobilisations sociales et environnementales en France et au Maroc. Il est membre du laboratoire Espace et Sociétés et du centre Jacques Berque – Institut français du Maroc.

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لو وجدنا من يستمع لنا ما كنا لنصل لهذا الحد  – « Si nous avions trouvé quelqu’un pour nous écouter, nous n’en serions pas arrivés là » (tag sur un mur au Maroc, 2 octobre 2025).

Contretemps – Comment a débuté le mouvement GenZ212 au Maroc ? Sur quelle situation sociale émerge-t-il ?

Charif Elalaoui – Le mouvement « GenZ212 » a émergé officiellement dans les rues le samedi 27 septembre 2025, mais sa structuration s’est d’abord opérée sur Discord. Cette plateforme a été utilisée par les jeunes pour la coordination, la planification des lieux de protestation, les discussions autour des revendications et des invitations de personnalités connues pour leur engagement ou leur expertise dans un domaine spécifique. Ce mouvement fait donc partie de ces actions collectives qui se sont structurées d’abord dans des plateformes numériques, de manière décentralisée et sans « leader » identifiable.

Plusieurs raisons expliquent son émergence et tiennent à la fois à des éléments structurels et contextuels. Concernant ce dernier aspect, il faut noter que depuis la fin du mois d’août et le début du mois de septembre, la ville d’Agadir, qui se situe au sud-ouest du Maroc, a été le théâtre d’un drame à la suite du décès de huit femmes la même semaine lors de césariennes au Centre hospitalier régional (CHR) Hassan-II. Cela a conduit les habitant·es à le qualifier d’« hôpital de la mort » et à organiser des mobilisations d’ampleur, comme ce fut le cas le 14 septembre. Certain·es protagonistes de cette mobilisation se retrouveront par la suite dans le mouvement.

La situation des hôpitaux au Maroc est bien connue des marocain·nes : manque de personnel et d’équipements, dysfonctionnements multiples, et une expérience hospitalière souvent vécue comme traumatisante par la population. En plus des infrastructures hospitalières, les institutions officielles comme le Haut-Commissariat au Plan notent une densité médicale très faible rapportée au nombre d’habitant·es, notamment lorsqu’on la compare aux standards internationaux. Ces insuffisances sont documentées et vécues dans des grandes villes, mais également dans les espaces ruraux avec une situation plus alarmante encore.

Alors que le secteur public fait face à de profondes insuffisances, le néolibéralisme continue de produire ses effets en favorisant le développement d’une offre de soins privée aux coûts particulièrement élevés. Cette dynamique accentue les inégalités d’accès aux soins. Les populations les plus fragiles et populaires se trouvent ainsi exclues de ce système en raison de son coût, les contraignant parfois à contracter des crédits ou à vendre leurs biens pour se soigner. Par conséquent, la situation des hôpitaux, auquel on peut rajouter le manque de moyens dans le système éducatif, entre en résonance avec un contexte social, marqué par un taux de chômage qui atteint 36,7% (HCP, 2024), chez la tranche d’âge 15-24 ans, précisément la « génération Z ».

Dès l’émergence de cette action collective, ses revendications se sont structurées autour de trois axes : la santé, l’éducation et la lutte contre la corruption. Dans le domaine de la santé, la mobilisation réclame une réforme en profondeur du système de santé avec des budgets adéquats, des hôpitaux correctement équipés, qui préservent la dignité des usager·es, ainsi qu’un accès équitable aux soins. Concernant le secteur éducatif, les revendications portent sur des réformes en profondeur qui garantissent un système de qualité, gratuit et égalitaire, valorisant l’école publique. L’insistance sur le public ici découle de ce que le secteur privé de l’éducation, en forte expansion au cours de la dernière décennie, est devenu un marché lucratif qui affaiblit le public. Enfin, dans le cadre de la lutte contre la corruption, le mouvement identifie les institutions publiques en demandant des mesures contre le favoritisme, la garantie de l’égalité des chances et le renforcement de la reddition des comptes.

Ainsi, lorsqu’on observe attentivement ce que ces jeunes mettent en avant, l’une des hypothèses possibles pour interpréter ce mouvement consiste à y voir l’expression d’un conflit social autour des significations du « développement ». Le Maroc est engagé dans de vastes chantiers de « développement », notamment « durables », mais les jeunes soulignent précisément les contradictions qui les accompagnent : persistance des inégalités sociales et spatiales, territoires marginalisés par rapport aux retombées du « développement », chômage et dysfonctionnements dans des services publics, alors même que le pays se prépare à accueillir la Coupe du monde en 2030 – comme le soulèvent certains slogans.

C’est à partir de ce tableau global que se dessinent les enjeux du mouvement. L’indicatif téléphonique « 212 » dans « GenZ212 », suggère aussi une version marocaine de ce qui se déroule à international, associé à la génération Z.

Contretemps – Quelles sont les forces en présence, en termes d’organisation et de composition sociale, et leurs revendications ? En particulier, quels sont ses liens avec la gauche ou les organisations progressistes marocaines ?

Charif Elalaoui – L’une des propriétés du mouvement est qu’il se veut indépendant de toute organisation. Ses membres affirment n’avoir aucune appartenance partisane, ni de courant politique défini. Cette autonomie est une dimension ardemment défendue dans les communiqués et dans les prises de parole des protagonistes.

Une partie de la gauche marocaine a bien sûr apporté son soutien au mouvement. Il s’agit d’une gauche perçue comme crédible et qui défend un projet de changement social, investie activement dans les mouvements sociaux. Du côté du champ politique, la Fédération démocratique de gauche a publié plusieurs communiqués de soutien et certain·es membres sont mobilisés dans certains lieux. C’est le cas également de certaines figures du Parti socialistes unifié (PSU). Certaines personnalités politiques de gauche, comme l’ancien député Omar Balafrej, bénéficient d’une certaine popularité auprès des jeunes. Il a récemment (8 octobre 2025) été invité sur Discord, événement qui a provoqué une saturation du serveur en raison du nombre élevé de participant·es[1]. D’autres acteur·ices ancré·es à gauche ont également soutenu le mouvement dans le secteur associatif (comme l’association marocaine des droits humains – AMDH), journalistique engagé, la société civile ou le mouvement syndical, etc. Pour le reste, l’état du champ politique marocain reste marqué par une forte décomposition, et les jeunes se méfient particulièrement des partis politiques[2].

La base sociale du mouvement est constituée par cette jeunesse de la « génération Z » (née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010). Il est intéressant de noter que les protagonistes disposent d’un niveau élevé d’éducation qui se traduit par leur capacité à structurer des espaces de discussion de manière très poussée. De plus, le suivi de dizaines d’heures de débats et les premières données empiriques issues de mon enquête (entretiens, observations, etc.) mettent en évidence une conscience sociale critique, marquée par la culture de l’échange, directement corrélée à leur niveau d’éducation. En tant que sociologue des mouvements sociaux, j’observe deux phénomènes importants. Le premier, déjà relevé dans mes travaux précédents sur les mobilisations en France, concerne le fait que certain·es protagonistes insistent sur l’idée que leurs revendications « ne sont ni de gauche ni de droite » ou que « l’on ne fait pas de politique », pour se démarquer des organisations politiques traditionnelles, qu’ils et elles tiennent pour responsables de la situation du pays. Cette distanciation ne signifie pas une absence de conscience politique comme j’ai pu l’entendre. Au contraire, elle s’accompagne d’une politisation en acte, où les protagonistes diagnostiquent très précisément la situation et opèrent des montées en généralité. Le quotidien est rattaché ici à des éléments structurels. Le deuxième phénomène est processuel. Bien que ce n’était pas une revendication initiale, le mouvement a appelé au milieu de la première semaine de mobilisation, à la démission du gouvernement. Cette dynamique s’explique par le manque d’interactions publiques rapides du gouvernement avec les protagonistes alors que des milliers de jeunes sont dans la rue, combiné à la répression vécue comme injuste et subie dès la première journée de mobilisation. Cette économie morale de la mobilisation pourrait être par ailleurs résumée dans l’un des slogans entendus durant les mobilisations et qui n’est pas nouveau : « كرامة, حرية, عدالة اجتماعية » (dignité, liberté, justice sociale). Une expression publique d’une génération des Suds, confrontée aux grandes transformations de son époque, politique, sociale et écologique, et animée par une forte aspiration à la liberté et à la justice.

Contretemps – Quelles formes prend le mouvement en termes de répertoire d’action ? En particulier, on a pu voir des scènes de violences : quelle est l’attitude du mouvement à ce propos ?    

Charif Elalaoui – Le mouvement « GenZ212 » mobilise les répertoires d’action disponibles des mouvements sociaux : des manifestations, des sit-in ou encore des cercles de discussion. Les journées de mobilisation sont décidées sur Discord à travers un système de vote pour garantir une prise de décision aussi horizontale que possible. Ce qui n’empêche pas, à partir d’un regard de sociologie critique, de constater que les questions sont formulées d’une certaine manière plutôt que d’une autre, et que les modalités de réponse demeurent limitées dans les sondages postés. Cependant, l’élément nouveau réside dans le fait que l’ensemble de ces modalités proposées sur Discord font l’objet d’une discussion collective. Il s’agit là d’un fait nouveau dans le contexte des actions collectives au Maroc. Cet aspect est d’autant plus intéressant qu’en comparaison, le mouvement du 10 septembre en France avait lui aussi largement eu recours aux sondages pour délibérer sur les suites à donner à ses actions. Discord constitue également un espace décentralisé où se tiennent en permanence des débats, notamment dans des Voice Channels (VC) organisés par région, ou au sein de groupes de travail thématiques consacrés à des enjeux spécifiques comme la santé, la justice, etc. Des assemblées générales en ligne où les protagonistes exposent leurs visions du monde, à un rythme dense et difficile à suivre.

La mobilisation obéit ainsi à une dynamique nationale, tout en restant sujette à des ajustements régionaux résultant des rapports de force locaux, de la présence d’acteur·es plus politisé·es ou d’organisations qui impriment à chaque mobilisation des tonalités spécifiques. Ces particularités se manifestent notamment à travers les slogans : par exemple ceux exprimant une solidarité avec les prisonniers du Rif, les banderoles et les messages qu’ils véhiculent.

Dans sa configuration actuelle, à l’heure où nous nous parlons, bien que des ajustements existent, ce sont en effet les coordinateur·ices (les « admins ») de Discord qui donnent le ton, à partir de nombreuses consultations, en faisant remonter les remarques formulées dans les VC, en recourant systématiquement au vote, et en suivant les avancées sur le terrain, etc. Il y a donc une dimension relationnelle à ce travail qui ne s’effectue pas de manière isolée.

Au début du mois d’octobre, le mouvement a été marqué par d’importants épisodes de violence. Des scènes d’émeutes accompagnées de destructions, et la mort de trois personnes dans la province de Chtouka-Aït Baha.

La constante cependant qui caractérise les appels à la mobilisation réside dans la volonté de préserver le caractère pacifique des actions. Il convient d’interpréter cette orientation à la lumière du contexte marocain. Il s’agit d’une position visant à demeurer irréprochable et à ne pas s’aliéner aussi bien le pouvoir que la population générale.

Contretemps – Quelles sont les réactions du pouvoir en place ? Au-delà de la répression féroce et du discours sécuritaire, des ouvertures apparaissent-elles ?

Charif Elalaoui – D’un point de vue chronologique, il convient de préciser que la répression est intervenue dès le premier jour de la mobilisation. L’hypothèse que l’on pourrait formuler est que les autorités auraient sans doute fait le pari d’éteindre rapidement le mouvement par des arrestations, des condamnations et des poursuites judiciaires. Cependant, c’est l’effet inverse qui s’est produit, car le mouvement est parvenu à s’imposer dans le paysage public. Après une période de grand silence, les chaînes de télévision publiques ont donné la parole aux jeunes pour critiquer le gouvernement, une situation inédite depuis le mouvement du 20 février en 2011. À la suite des violences et des arrestations, un moment d’observation est revenu, et les manifestations se sont déroulées sous la surveillance des forces de l’ordre, sans intervention de leur part.

Cependant, les jeunes n’ont pas encore obtenu gain de cause, notamment le départ du gouvernement. J’ai pu remarquer une certaine déception à la suite du discours royal le 10 octobre. La réaction des protagonistes ici s’inscrit également dans un moment charnière de leur socialisation politique, qui les conduit à s’acculturer aux formes de militantisme et à se projeter dans une mobilisation politique que le Makhzen, entendu ici au sens large comme structure de pouvoir au Maroc, ne porte pas dans son cœur.

Contretemps – Quelles sont les perspectives mais aussi les écueils du mouvement ?

Charif Elalaoui – Le mouvement est toujours en cours, et une grande journée de mobilisation est prévue le samedi 18 octobre, suite à un vote sur Discord. Il convient ici de rester mesuré dans l’interprétation à chaud, au regard des données disponibles et des limites que les outils des sciences sociales imposent à tout·e chercheur·e.

Ce que l’on peut dire est qu’au cours des quinze dernières années, il y a eu deux séquences importantes : le mouvement du 20 février, né dans le contexte des soulèvements dits arabes, et le mouvement du Rif en 2016, spécifique du fait de son ancrage géographique. Le mouvement « GenZ212 » s’inscrit bien dans cette filiation. Ses mobilisations se construisent par le bas, portées par des protagonistes pour qui il s’agit d’une première expérience de mobilisation, et se caractérisent par une intensité telle qu’elles parviennent à ouvrir un débat politique au sein de la société marocaine. En même temps, ce mouvement est différent de ses deux prédécesseurs.

Il se distingue du mouvement du Rif par sa dispersion territoriale et l’absence d’un leader « charismatique ». Au fil des journées de mobilisation, il s’est étendu à d’autres localités : entre le 27 septembre et le 6 octobre, ce ne sont pas moins de dix nouvelles localités qui se sont ajoutées, portant à 23 le nombre total de lieux de mobilisation. Ce phénomène n’est pas anodin et révèle des dynamiques profondes.

Dans mes travaux, j’ai toujours insisté sur le rôle des marges pour décentrer le regard. Il est crucial pour comprendre les dynamiques sociales au Maroc de s’interroger sur ce qui se joue dans des espaces ruraux situés en dehors des grandes villes qui bénéficient d’une couverture médiatique internationale à l’instar de Casablanca et Rabat. Ces espaces à dominante rurale sont caractérisés par un fort contrôle social et une répression à bas bruit, pouvant aller des autorités aux familles qui exercent une pression sur leurs enfants. Les profils mobilisés dans la province de Chtouka-Aït Baha pour ne prendre que cet exemple et ceux de Casablanca ne partagent pas, au-delà de leur jeunesse, les mêmes cadres de vie, et sans doute pas les mêmes rapports à la politique, à l’éducation et à l’avenir. Les antiracistes ont pour habitude de dire que les quartiers populaires français ne sont pas des déserts politiques. Je dirais la même chose de ces espaces. Des mobilisations y ont lieu, comme en témoigne la mobilisation des femmes contre l’exploitation dans les serres agricoles dans cette province.

La mobilisation actuelle se distingue également du mouvement du 20 février, car son socle initial demeure encore maintenu. À l’heure où nous nous parlons, il n’existe pas encore de convergences larges similaires à celles du mouvement du 20 février en 2011, qui réunissaient les acteurs historiques de l’opposition au Maroc, la gauche radicale, les islamistes de l’Al Adl Wal Ihsane, la composante amazighe, ainsi que des associations et acteur·ices de la société civile engagé·es dans divers aspects de la vie sociale : droits humains, féminisme, démocratie, etc. Il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences profondes de ce mouvement sur la société marocaine, et il faut se garder de la surinterprétation de cet événement protestataire. La recherche doit suivre son cours afin de mieux comprendre ses ressorts et ses apports. Une chose est cependant certaine : le mouvement a insufflé une bouffée d’air dans une société marocaine marquée par l’atonie du champ politique, où les figures politiques se succèdent comme dans une pièce de théâtre où chaque acteur·ice joue un rôle précis.

Comme sociologue, je dirais que tout mouvement social commet des erreurs. C’est le propre d’une expérience socialisatrice, caractéristique des mobilisations par le bas dans des contextes contraints. Un certain discours stigmatisant s’est temporairement installé à l’égard des espaces ruraux et des populations moins favorisées scolairement (comme l’usage du terme « Al Awbach[3] »), à la suite aux journées de grande violence. Mais il a été rapidement corrigé. Il reste à observer chronologiquement si le recentrage autour des grands espaces urbains n’aurait pas produit des effets limitatifs sur le mouvement. L’une des spécificités des jeunes est cependant leur réflexivité. Au sein même du mouvement, des débats intenses portent sur la décentralisation des décisions, sur le rôle des animateur·ices et sur l’organisation des étapes suivantes. Un autre point important concerne les dimensions genrées du mouvement. Les prises de parole et les invité·es restent encore largement masculins. Or, les femmes constituent une part significative des participant·es, et un mouvement de cette ampleur devrait pouvoir corriger ce déséquilibre.

Contretemps – Quelles sont les réactions à l’international face au mouvement, et des formes de solidarités ont-elles été observées ?

Le mouvement a reçu une forte solidarité internationale : en Europe, aux États-Unis et au Canada, émanant essentiellement de la diaspora marocaine, mais aussi d’organisations progressistes, de collectifs de quartiers populaires et d’espaces où réside une diaspora marocaine.

À Bruxelles, à Marseille et surtout à Paris, des Marocain·es de la diaspora se sont mobilisé·es pour soutenir le mouvement depuis la France. En raison de la forte présence de cette diaspora dans le pays, le débat s’y est également ouvert, au point que le journal télévisé de 20 heures de France 2 lui a consacré un reportage de plusieurs minutes. Fait intéressant : pour avoir enquêté sur le mouvement du 10 septembre « Bloquons tout ! », pour ne citer qu’un exemple récent, il ne me semble pas que ce journal y ait accordé autant de temps lors de cette heure de grande écoute.

Du côté des organisations progressistes et engagées pour la démocratie, le meilleur soutien à apporter aux jeunes consiste, me semble-t-il, à partir de leurs propres mots d’ordre, en évitant de calquer des grilles de lecture sur un contexte spécifique, car eux et elles seuls connaissent pleinement les réalités du terrain. À ce propos il y a des travaux intéressants comme ceux de Mounia Bennani-Chraïbi, ou encore des collègues (Boutaleb, Vannetzel et Allal, 2018) qui ont bien montré par exemple que les sociétés dites arabes post-2011 ne se structurent pas forcément à partir d’une opposition binaire entre « le peuple » et « le régime », mais à travers diverses interactions dans leur rapport à l’État.

Comme toute grande mobilisation sociale, je dirais que la solidarité internationale joue un rôle important pour rendre visibles les enjeux du mouvement et fournir des outils de soutien, mais elle doit se déployer dans le respect de l’indépendance du mouvement et en étroite coordination avec les mobilisé·es, comme c’est le cas en France.

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Propos recueillis par Vincent Bollenot

Notes

[1] Au même moment, le Discord a enregistré plus de 4 000 nouvelles inscriptions, franchissant ainsi le seuil des 200 000 membres. À la mi-octobre, le serveur ne comptait pas moins de 212 000 membres.

[2] Avec une dose d’ironie, le mouvement a publié un post intitulé « Quels sont les partis qui sont avec nous ? » pour visibiliser les contradictions des partis politiques, ainsi que leur conscience des enjeux de récupérations.

[3] https://zamane.ma/awbach/

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