Déraison d’État et vraie démocratie. Entretien autour d’une nouvelle traduction de Marx
Alix Bouffard et Paul Guerpillon ont participé, avec Victor Béguin et Florian Nicodème, à la nouvelle traduction d’un texte essentiel écrit par Karl Marx dans sa jeunesse, la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (Éditions sociales, 2018).
Ils reviennent sur les problèmes posés par la traduction de ce travail majeur mais aussi sur la place de ce texte dans la trajectoire intellectuelle et politique de Marx, pointant son actualité pour quiconque souhaite (re)poser la question démocratique.
Le principal intérêt d’une nouvelle édition du manuscrit de Kreuznach, c’est d’abord de diffuser un texte relativement mal connu. Ce qu’on a traduit sous le titre Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, suivant en cela les choix de la MEGA-2 (la grande édition scientifique allemande des œuvres de Marx et Engels), c’est un manuscrit que Marx a rédigé au printemps 1843 alors qu’il séjournait dans la petite ville de Kreuznach, et qu’il n’a jamais achevé. Ce texte se présente sous la forme d’un commentaire critique, souvent féroce, des Principes de la philosophie du droit de Hegel, plus exactement de la partie des Principes consacrée à la « constitution interne de l’État » (les institutions que prévoit la constitution, par opposition ici au droit international). On y voit Marx suivre ligne à ligne les paragraphes 261 à 313, les commenter, les désarticuler, parfois les réécrire pour mieux les retourner, etc. Or, de ce projet inachevé de critique de la philosophie du droit de Hegel nous est également parvenu l’Introduction de 1843-1844, qui a eu une fortune beaucoup plus considérable que le manuscrit de Kreuznach. Il se trouve donc que ce dernier manuscrit a eu tendance à rester dans l’ombre de l’Introduction, au point qu’on oublie souvent que celle-ci ne devait être, précisément, que l’introduction au livre Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel dont le manuscrit de Kreuznach est le brouillon largement incomplet[1]. Pourtant, aussi inachevé soit-il, le manuscrit de Kreuznach est incontestablement, parmi les œuvres de Marx, un texte original et très important : pour la première fois s’opère nettement la rupture avec la philosophie spéculative de Hegel, et des développements émergent sur des thèmes à la fois déterminants dans l’histoire du marxisme et rarement traités sous la plume de Marx (nous pensons par exemple à la question de la bureaucratie, des élections, de ce qu’est une authentique démocratie, etc.).
Quelle est la particularité de cette édition par rapport aux autres éditions existantes ?
Pour souligner l’importance du texte sans faire disparaître son inachèvement et ses aspérités, il nous semblait important de fournir un appareil critique susceptible d’accompagner au mieux la lecture ou l’étude du texte, suivant en cela le modèle des volumes déjà parus dans la Geme. Il s’agit d’une collection des Éditions sociales qui existe depuis 2003, et dont le travail consiste à proposer des éditions critiques et scientifiques en langue française des textes de Marx et d’Engels à partir de la deuxième MEGA[2] ; ces dernières années, des nouvelles éditions et traductions y sont déjà parues pour plusieurs textes importants de Marx, comme la Contribution à la critique de l’économie politique[3], mais aussi d’Engels, comme les deux volumes de ses textes de jeunesse[4]. Faire une édition critique et scientifique, cela signifie essayer de donner à voir le texte tel qu’il est, avec les questions qu’il soulève – des questions qui parfois peuvent être tranchées, et parfois ne le peuvent pas. Mais nous voulions en même temps aboutir à une édition lisible et maniable pas seulement par un public de spécialistes aguerri-e-s ; c’est pourquoi nous avons essayé de construire un appareil critique à la fois rigoureux (il y a beaucoup de notes en bas de pages) et relativement pédagogique (d’où, par exemple, le résumé des critiques de Hegel par Marx, le plan du texte sous forme de tableau et le glossaire bien fourni).
Pourquoi est-ce que retraduire intégralement le texte vous semblait nécessaire ?
Si cela nous semblait nécessaire, c’était d’abord en raison de l’avancée des traductions françaises de Hegel, notamment les travaux de Gilles Marmasse et de Jean-François Kervégan. La question est loin d’être anecdotique, puisqu’une grande partie de notre texte se compose de citations directes de Hegel. De façon générale, quel que soit le texte sur lequel on travaille, lorsqu’on réfléchit sur une traduction, on est constamment face à des interrogations qui ne concernent pas seulement le vocabulaire, puisqu’on doit prendre des décisions qui engagent notre compréhension du contenu de l’œuvre, mais aussi de son statut et de son rapport à de nombreux autres textes, dont ceux avec lesquels il dialogue ainsi que les autres textes du même auteur. Dans notre cas, cela faisait peser sur le travail de traduction une double exigence. Premièrement, il fallait être particulièrement attentifs au rapport de Marx à la philosophie de Hegel, pour décider de la façon dont on reprenait ou modifiait les usages de la traduction hégélienne. Nous sommes donc partis de la traduction des Principes de la philosophie du droit de Hegel qui est actuellement la plus utilisée, celle de Jean-François Kervégan, qui a de plus accepté de faire une postface pour notre volume. Nous l’avons suivie lorsque c’était possible, même si nous avons souvent été amené.e.s à la modifier en raison même de la façon dont Marx discute le texte de Hegel. Deuxièmement, nous devions prendre position sur le degré de cohérence conceptuelle que nous estimions être celui du texte. En effet, comme on l’a dit, il s’agit d’un manuscrit où Marx semble commenter Hegel au fil de la plume ; on y observe un vrai processus d’élaboration de certains concepts qui seront déterminants par la suite, mais la langue de Marx est en travail, on ne peut pas plaquer en français des concepts qui ne seront vraiment présents que dans des textes ultérieurs (par exemple, le concept de « classe »). Dans les éditions et les traductions françaises des textes de Marx, la tendance majoritaire au XXe siècle a été d’occulter (volontairement ou involontairement) le caractère inachevé des textes en rendant leur terminologie plus systématique – les normes générales de l’édition scientifique ont évolué au cours du siècle, mais dans le cas de Marx, on peut aussi trouver des raisons politiques à cela. En effet, montrer l’inachèvement d’un texte, c’est parfois aussi le rendre moins facilement appropriable et utilisable par un public non spécialiste, en philosophie comme en politique. Mais c’est aussi permettre une meilleure compréhension de la finesse des analyses philosophiques et politiques de Marx, et contribuer à leur diffusion et leur lecture : une fois terminée l’édition scientifique d’un texte, on peut s’appuyer dessus pour faire paraître des extraits séparés ou bien une anthologie avec un appareil critique beaucoup plus léger, qui sera destiné non plus à des spécialistes, mais à un milieu plus large, aussi bien étudiant que militant.
Quelle est la place de ce texte dans la trajectoire intellectuelle de Marx ?
La Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel fait partie de ce que l’on appelle souvent les textes du « jeune Marx », c’est-à-dire du Marx qui précède la découverte du matérialisme historique au tournant des années 1844 et 1845.
Pour brosser à très – trop ! – grands traits l’évolution de la pensée de Marx, on pourrait voir les choses ainsi. Le jeune Marx a d’abord évolué, au début des années 1840, dans le milieu de ce que l’on appelle les Jeunes hégéliens, un groupe de philosophes promouvant une lecture progressiste de la philosophie politique hégélienne. Il faut bien comprendre ce que signifiait Hegel dans le champ intellectuel et politique allemand de l’époque : pour le dire un peu abruptement, on se situe dans une période où les grands débats politiques entre les progressistes inspirés par le modèle de la Révolution française et les conservateurs qui défendent la monarchie prussienne et son système encore largement féodal prennent immédiatement la forme de débats philosophiques ; et dans ces débats philosophiques, c’est Hegel qui constitue le point de repère incontournable. Il s’agit, pour les hégéliens conservateurs aussi bien que pour les hégéliens progressistes, de se positionner politiquement par rapport à ce que l’on considère comme l’État rationnel, celui qui permettra de réaliser concrètement le règne de la liberté humaine. Les « vieux hégéliens » reconnaissent ainsi au système de Hegel une validité définitive, en sorte que la constitution monarchique qu’il déduit dans les Principes de la philosophie du droit serait l’organisation rationnelle dans laquelle la liberté serait effectivement réalisée ; au tout début des années 1840, le jeune Marx participe à l’inverse au mouvement des Jeunes hégéliens, et c’est ainsi que ses articles de 1842 s’inscrivent encore sous l’horizon de l’avènement d’un État rationnel au sens hégélien du terme, mais qui serait radicalement opposé à l’État prussien réactionnaire que Hegel aurait eu le tort de nous décrire – tout en le présentant sous une forme beaucoup plus rationnelle qu’il ne l’est en réalité.
Par rapport à cette première période de la pensée marxienne, que M. Abensour a décrite comme celle de « l’utopie de l’État rationnel[5] », la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel constitue une véritable rupture : alors que dans les textes de 1842, l’État – envisagé dans sa forme rationnelle et non selon la forme inadéquate de la monarchie prussienne – était la figure culminante de l’émancipation, le règne effectif de la liberté, le manuscrit de Kreuznach renonce à penser que l’État politique puisse être le lieu d’une émancipation véritable. C’est dans la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel qu’émerge vraiment l’idée de la séparation entre l’État politique abstrait et la vie concrète des individus dans la société civile, en sorte que l’émancipation passe par une remise en cause de l’État politique séparé plutôt qu’elle ne se joue à l’intérieur de lui. Il ne s’agit plus d’opposer la forme rationnelle de l’État politique à ses formes inadéquates, mais de penser le dépassement de l’État politique en tant qu’il reste séparé de la société civile, c’est-à-dire de la sphère où les individus vivent concrètement, travaillent, satisfont leurs besoins, etc. L’État politique rationnel est alors dénoncé comme une abstraction. C’est donc dans ce texte que se met en place une pensée que prolongera notamment, quelques mois plus tard, la Question juive, texte qui systématisera la distinction entre émancipation humaine et émancipation politique : la liberté politique que peut conquérir le citoyen dans le cadre d’un État politique démocratique ne signifie pas encore la liberté de l’être humain, laquelle se joue dans la société civile.
Quelles formes prend la critique de Hegel dans ce texte ?
L’un des nombreux intérêts de ce texte, pour ce qui concerne sa méthode, c’est que Marx procède à différentes sortes de critiques. Plus précisément, il nous a semblé qu’on pouvait distinguer deux grandes orientations critiques différentes.
Il y a en premier lieu une critique externe ou empirique, celle qui donne toute sa pertinence historique et son tranchant politique aux analyses de Marx. Elle consiste tout d’abord à montrer chez Hegel une tendance à inverser les données d’un problème : prendre les effets pour les causes, l’abstrait pour le concret, l’imaginaire pour le réel. Cette inversion, pour Marx, est caractéristique de la démarche spéculative de Hegel, et elle contribue fortement à ce que la philosophie hégélienne fasse de l’activité concrète des individus un élément secondaire par rapport au fonctionnement et à la rationalité de l’État. C’est un modèle déjà très en vogue dans la philosophie de l’époque, puisque Feuerbach l’utilise dans sa critique de la religion chrétienne, critique qui imprègne fortement le milieu des Jeunes hégéliens ; c’est directement de Feuerbach que Marx s’inspire lorsqu’il procède de cette façon. Il s’agit ainsi de critiquer les développements philosophiques en les confrontant à la réalité concrète de la société de l’époque, dans ce qu’elle peut avoir de singulier et d’irrationnel. À ce niveau, Marx montre que la philosophie de Hegel tend souvent, au mieux, à manquer son objet en disant des choses beaucoup trop générales, et au pire, à justifier l’ordre existant en masquant son fonctionnement concret derrière la prétendue rationalité de l’organisation générale de la société.
La seconde grande orientation critique est ce qu’on pourrait appeler une critique interne et théorique de la philosophie spéculative : Marx montre que Hegel ne va pas au bout de sa démarche lorsqu’il se propose de penser une organisation sociale et politique pleinement rationnelle ainsi que les diverses médiations qui doivent lui donner réalité. Cela signifie que Marx propose une analyse critique des développements de Hegel en prenant au sérieux, d’une part, son point de départ, c’est-à-dire le constat d’une séparation entre État et société civile bourgeoise, ou entre politique et vie sociale, et d’autre part, son mouvement dialectique, qui consiste à déployer progressivement un concept pour penser une réalité donnée (par exemple, l’État) dans ce qu’elle peut avoir de plus fondé et rationnel. Il est donc loin de se contenter d’invalider toute sa philosophie au moyen du premier type de critique qu’on a évoqué : il s’agit ici d’être plus hégélien que Hegel lui-même ! C’est également pour cette raison que le volume présente une valeur philosophique pour les études hégéliennes.
On retrouve déjà ici, à travers ces deux orientations, deux grandes lignes de force qui parcourront le développement ultérieur de la pensée de Marx : la critique externe culminera ainsi dans la formulation du matérialisme historique, qui substitue à l’idéalisme une analyse scientifique des formes sociales, tandis que la critique interne se retrouvera, au prix de bien des détours, dans la réappropriation de la dialectique hégélienne qui marque en profondeur les textes économiques plus tardifs de Marx (les Grundrisse aussi bien que Le Capital).
Malgré la grande différence entre la situation historique de Marx et la nôtre, un certain nombre de critiques de Marx conservent une pertinence politique actuelle. Nous pensons à trois d’entre elles, et la première concerne la propriété privée.
C’est en effet un point particulièrement intéressant, non seulement au regard de l’importance que le concept de propriété privée va prendre dans l’Introduction de 1843-1844, mais aussi parce que les analyses percutantes de Marx sont encore éclairantes pour penser le monde d’aujourd’hui. Pourtant, cet élément peut échapper lors d’une première lecture du texte, car la question de la propriété privée y apparaît avant tout sous la forme d’une discussion sur le « majorat », un phénomène que l’on connaît généralement très mal en raison de son ancienneté. Le majorat, c’est le dispositif juridique en vertu duquel la propriété foncière est automatiquement et intégralement transmise à l’ainé de la famille, de sorte qu’elle ne peut être ni morcelée entre les enfants, ni vendue. De plus, le majorataire, c’est-à-dire celui qui se trouve être le propriétaire de la terre grâce à ce dispositif, est également le représentant des paysans dans la chambre haute ou chambre des pairs, c’est-à-dire l’une des deux chambres qui forment le pouvoir législatif, à côté de la chambre basse composée des représentants des corporations.
Derrière cet aspect un peu technique, c’est en fait pour Marx un immense révélateur du rôle joué par la propriété privée au sein de l’État prussien de l’époque aussi bien que de l’État conçu par Hegel : non seulement c’est la propriété privée qui distingue les individus aptes à devenir membres du pouvoir législatif, mais cette propriété privée est devenue autonome, elle suit ses propres règles de transmission indépendamment de la volonté des individus. Du point de vue du fonctionnement de l’État, cette autonomie est censée garantir l’indépendance des propriétaires fonciers par rapport aux aléas économiques, et elle favoriserait ainsi chez eux une disposition d’esprit politique, c’est-à-dire une capacité à prendre des décisions conformes à l’intérêt de la société tout entière. Cependant, en plus d’être empiriquement faux (les majorataires sont d’abord conduits à prendre des décisions qui garantissent la conservation de leur position dans la société), cette fonction supposée du majorat révèle selon Marx que la disposition d’esprit politique, qui devrait pourtant être reconnue à tout citoyen en tant que membre de l’État, repose en réalité sur l’accès à la propriété privée. Le principe du majorat renforce donc le fait que seul un nombre très limité de personnes peuvent avoir une activité politique ; c’est une privatisation de la qualité même de citoyen, et plus largement c’est l’expression d’une domination de la vie politique par la propriété privée. Marx peut donc en conclure, avec un art de la formule qui donne beaucoup de piquant au texte, que l’État hégélien est l’État de la propriété privée.
On trouve également dans ce texte une critique de la bureaucratie. De quoi s’agit-il ?
C’est un point que Marx développe assez longuement lorsqu’il examine les développements consacrés par Hegel à l’administration d’État et à la fonction publique. Pour Hegel, la fonction publique a pour rôle principal de faire appliquer les décisions du gouvernement, et d’harmoniser entre elles les activités sociales au sein de la société civile bourgeoise tout en les régulant pour qu’elles se conforment à l’intérêt de l’État. Il s’agit d’une médiation centrale entre l’État et la société, puisque la fonction publique est censée promouvoir l’intérêt général dans toutes les sphères de la société. Les membres de la fonction publique, c’est-à-dire les fonctionnaires, sont donc par excellence les représentants de l’universel et la fine pointe de la disposition d’esprit politique – autrement dit, des citoyens exemplaires. C’est pourquoi ils forment, selon Hegel, un état social à eux tout seuls (au sens d’un groupe social constitué, comme pouvaient l’être par exemple les trois ordres sous l’Ancien Régime) : à savoir l’état de l’universalité, par différence avec les autres états de la société, ceux des paysans et des commerçants, qui sont orientés vers leurs intérêts particuliers. Cet état de l’universalité est théoriquement ouvert à toute personne, puisqu’on l’intègre par le passage d’un concours ; c’est là pour Hegel le signe que la qualité de citoyen peut s’acquérir quelle que soit notre situation sociale. De plus, le fonctionnement et la structuration de la fonction publique visent à garantir que les fonctionnaires restent tournés vers l’intérêt universel : un salaire qui les rend indépendants, une hiérarchie qui évite les abus d’autorité. Ainsi, la fonction publique telle que Hegel la conçoit se présente comme le modèle d’une universalité concrète où l’intérêt particulier de chacun se confond avec l’intérêt de l’ensemble de la société, et où chaque personne est aussi bien membre de la société civile bourgeoise que citoyen et membre de l’État.
Cependant, cette image occulte selon Marx la réalité concrète de la fonction publique, qui contredit sa vocation à l’universalité et l’empêche de devenir cette médiation centrale entre État et société. C’est ici qu’intervient l’expression de « bureaucratie », qui n’est pas présente chez Hegel mais dont Marx n’est pas non plus l’inventeur, puisque le terme existe depuis le milieu du XVIIIe siècle. La fonction publique devient d’abord « bureaucratique » en ceci que la prétendue vocation à l’universel se transforme en une routine administrative, progressivement dominée par l’obéissance aveugle et le carriérisme. Ensuite, le concours, supposé garantir l’accès de toute personne à cet état universel, confirme et renforce finalement la possession de la qualité de citoyen par un nombre très restreint d’individus. Marx souligne également que les mécanismes censés permettre l’indépendance des fonctionnaires ne sont pas efficaces, étant donné l’existence de liens douteux entre la fonction publique et les intérêts privés qu’elle est censée réguler, et que le principe de la hiérarchie conduit le plus souvent à un fonctionnement occulte et à une toute-puissance administrative. Cette privatisation de la citoyenneté rappelle d’ailleurs beaucoup la critique adressée au majorat ; mais là où la critique du majorat consiste à dire que ce dispositif juridique exprime la vérité de la société prussienne, c’est-à-dire le règne de la propriété privée, la critique de la fonction publique montre que la réalité n’est pas aussi rationnelle que le modèle hégélien le voudrait, et nous permet de comprendre comment une théorisation peut masquer des mécanismes de domination, ne serait-ce que de façon involontaire, par excès d’abstraction.
Vous soulignez l’importance de la critique par Marx de la représentation politique. Qu’entend-il par là ? Quelle est en particulier sa position à l’égard des élections ?
La constitution que décrit Hegel dans les Principes prévoit, à côté d’une chambre haute – la chambre des propriétaires terriens –, une chambre de députés élus par les membres de la société civile. C’est cet exposé hégélien qu’examine Marx quand il développe sa critique de la représentation en politique (c’est-à-dire le fait qu’on élise des représentants pour se charger de la délibération politique à la place de l’ensemble des individus qui composent la société), et c’est pourquoi celle-ci se développe de prime abord d’une façon ambiguë. Marx ne traite pas directement du problème de la représentation politique en général, mais il doit partir de la conception hégélienne de cette représentation politique. Or, la constitution que décrit Hegel cherche à limiter cette représentation, notamment en refusant qu’elle se fasse sur la base du suffrage universel. Pour Hegel, les députés doivent servir de médiation entre le peuple et l’État dirigé par le monarque. Mais selon lui, le peuple n’existe pas immédiatement comme un ensemble d’individus atomisé, mais seulement à l’intérieur de structures sociales qui organisent son existence en tant qu’il vit dans la société civile : ce sont notamment les corporations, c’est-à-dire les grandes branches de l’industrie entre lesquelles le travail se répartit. Dès lors, ce qui doit être représenté, ce n’est pas l’agrégat des opinions individuelles (qui, loin d’avoir une signification politique, ne peuvent être qu’un pur arbitraire), mais la volonté du peuple en tant qu’il s’organise en une société structurée. C’est pourquoi Hegel refuse que la députation se fonde sur le suffrage universel, lequel n’exprimerait pas la volonté du peuple bien compris, mais seulement d’un peuple conçu de façon complètement abstraite comme la masse empirique de tous les individus isolés. Représenter le peuple en tant qu’il est une entité sociale avec ses propres principes de structuration (les corporations) impose au contraire de fonder la représentation politique sur une base capacitaire, c’est-à-dire sur la députation de ceux qui font preuve d’aptitudes dans la conduite des affaires à l’intérieur de leur corporation. C’est seulement ainsi que la société, justement parce qu’elle est organisée en corporations et n’est pas cette masse informe d’individus que reconnaît le suffrage universel, peut être intégrée à l’État politique.
L’enjeu pour Marx est alors double. D’un côté, contre les limitations réactionnaires que lui impose Hegel, il s’agit de défendre que la représentation politique ne peut être qu’universelle. Autrement dit, il s’agit à ce niveau d’une critique de la représentation politique telle que la conçoit (mal) Hegel. Dans cette perspective, Marx montre qu’en fondant la députation sur la place des individus dans les différentes corporations, c’est-à-dire en d’autres termes sur des différences sociales, Hegel renonce à l’État moderne qu’il prétend décrire, au profit d’une conception féodale de l’État définitivement dépassée : la représentation politique sur la base des corporations est un principe du Moyen-Âge, car c’est le Moyen-Âge qui réduisait l’État à n’être que le décalque des grandes structurations sociales, c’est-à-dire qui faisait des différences sociales (l’appartenance à tel ou tel ordre) des différences politiques (avoir tels ou tels droits). L’État moderne, issu de la Révolution française et de l’abolition des privilèges, exige au contraire le suffrage universel. Mais d’un autre côté, Marx voit bien que la députation sur la base du suffrage universel ne permet pas non plus une intégration véritable de la société civile à la sphère politique. La critique de l’incohérence de Hegel – qui, en limitant le principe représentatif, est retombé en-deçà de la vérité de l’État moderne – s’approfondit donc en une critique de la représentation politique comme telle, en tant qu’elle garantit déjà la séparation de l’État et de la société civile. De ce point de vue, Marx montre comment la question du suffrage universel, qu’il semblait d’abord défendre, est une question qui n’a de sens qu’à l’intérieur d’un État politique séparé. La représentation politique est elle-même le symptôme de cette séparation qui situe les affaires politiques hors de portée de la société elle-même, dans la mesure où elle contraint le peuple à ne participer à ces affaires politiques qu’en tant que « peuple représenté », dans lequel Marx ne reconnaîtra finalement qu’un « peuple imaginaire ». Au contraire, dans une société effectivement politique, c’est-à-dire dans une société où la politique n’est plus cantonnée dans une sphère séparée de la société civile telle qu’elle existe effectivement, la représentation n’a plus aucune place.
Cette double orientation de la conception que Marx propose de la représentation politique se résume en particulier dans sa façon dialectique d’aborder la question de l’élection. Marx n’envisage pas tout bonnement l’élection comme une pure illusion qui n’aurait aucune vérité. Il affirme d’abord au contraire que dans le cadre de l’État moderne, l’élection est le seul rapport authentique entre la société civile et la sphère politique. L’élection est le moment dans lequel la société civile se fait politique, agit politiquement : ce pourquoi l’élection doit être ouverte à tous, contrairement à ce que concevait Hegel. C’est qu’au moment où le peuple élit un député, il n’est pas encore représenté par ce député : il prend lui-même, directement, une décision politique. Dans l’élection se révèle donc l’identité de la société civile et de la sphère politique. Mais Marx poursuit : en même temps, la forme de l’élection vient nier cette identité que pourtant elle présuppose : car élire un représentant, c’est, comme on l’a vu, séparer à nouveau la politique et la société civile. D’un côté donc, l’élection est le moment où la société se réalise comme sujet politique, de l’autre, elle est le moment où la société se nie comme un tel sujet politique. La vérité de l’élection est l’identité de la société civile et de la sphère politique, mais cette vérité n’advient encore que sous une forme contradictoire. C’est pourquoi la vérité de l’élection se réalise en définitive dans son abolition, dans son propre dépassement.
Schéma des rapports entre société civile bourgeoise et État politique dans les Principes de la philosophie du droit de Hegel
Ce qui m’amène justement à ma question suivante. Marx oppose aux institutions de l’État hégélien ce qu’il appelle la « vraie démocratie ». Quel est le sens de cette expression ?
Nous pensons qu’on peut comprendre le sens de ce que Marx appelle « vraie démocratie » en distinguant deux moments – au sens de deux moments logiques.
À un premier niveau, la « vraie démocratie », c’est la réappropriation par le peuple des affaires politiques que l’État s’était accaparées. Comme on l’a vu, l’État se constitue comme toute une série d’entités juridiques (une constitution, un monarque, une bureaucratie, des chambres parlementaires, etc.) qui viennent limiter le pouvoir politique du peuple. Comme si ces entités n’étaient pas elles-mêmes le produit du pouvoir politique du peuple ! L’exigence démocratique se fait donc d’abord valoir contre un État à la manière hégélienne qui décide trop souvent sans le peuple, qui oublie donc que le peuple est souverain et non le monarque (car c’est le peuple qui institue un monarque), que la constitution est un produit de l’activité politique du peuple et non son fondement (car c’est le peuple qui institue une constitution), etc. De ce point de vue, on peut bien dire que la vraie démocratie répond à la problématique juridique de la souveraineté : elle est la configuration dans laquelle le peuple est véritablement souverain, dans laquelle le pouvoir politique de celui-ci n’est pas limité de l’extérieur par des instances qui en vérité sont elles-mêmes instituées par ce pouvoir politique du peuple.
Mais il ne faut pas pour autant croire que la « vraie démocratie » désigne en ce sens un régime constitutionnel démocratique : car précisément, la constitution elle-même est dénoncée par Marx comme cette forme qui prétend organiser – et donc limiter – l’activité politique du peuple. Quand donc le peuple est-il au fond vraiment souverain, vraiment sujet politique ? Quand il se fait pouvoir constituant, et seulement à ce moment. Une fois qu’il s’est doté d’une constitution, il n’est déjà plus vraiment souverain. C’est pourquoi Marx, malgré toutes les limites qu’il discerne dans la Révolution française, reconnaît dans l’expérience de la Constituante un moment authentiquement politique : en se déclarant constituant, le peuple français a posé l’État politique comme ce qu’il est, à savoir le produit de sa propre activité. La « vraie démocratie », c’est précisément pour Marx ce moment où le peuple se reconnaît comme un tel sujet politique, ce moment où, en-deçà de toutes les institutions qui prétendent restreindre son activité politique, il se reconnaît comme ce qui institue toute forme politique. C’est en ce sens que la « vraie démocratie », ce n’est pas une constitution démocratique, mais c’est le moment constituant lui-même sans cesse recommencé.
Il faut toutefois envisager la « vraie démocratie » à un niveau plus profond. Il ne s’agit pas seulement de reprendre le contrôle sur les affaires politiques dont l’État s’était accaparé le monopole, c’est-à-dire de reconduire l’État politique à son sujet véritable (le peuple comme pouvoir instituant), mais aussi bien (c’est en vérité un seul et même geste !) d’étendre l’activité politique à toutes les sphères de la vie sociale. Reconquérir la sphère politique, c’est déjà la nier comme sphère séparée. La politique est une activité du peuple sur le même plan que ses autres activités sociales : vivre, travailler, satisfaire ses besoins, etc. Elle ne doit pas être cantonnée dans une sphère distincte. Au terme de la réduction de l’État politique à l’activité du peuple, c’est donc la distinction entre État et société civile qui perd elle-même son sens. Voilà ce qu’est la vraie démocratie à ce second niveau : non seulement l’exigence de récupérer l’activité politique qui avait été perdue dans la sphère de l’État, mais encore l’exigence de faire sortir la politique de cette sphère restreinte – l’exigence de cesser de définir la politique par rapport à l’État. C’est en tant qu’il existe concrètement, en chair et en os, que le peuple est le vrai sujet politique : en définitive, la « vraie démocratie » est donc cette configuration dans laquelle le peuple s’approprie politiquement toutes les dimensions de son existence effective, et plus seulement ce qui concerne son existence comme citoyen. Nous disions que, envisagé à un premier niveau, la « vraie démocratie » désigne l’acte constituant sans cesse recommencé : mais à un second niveau, cet acte constituant doit se comprendre non pas seulement au sens restreint qui a été celui de la Révolution française (comme pouvoir de constituer la forme de l’État), mais au sens d’une institution continuelle, par le peuple, de ses propres conditions d’existence.
Marx rédige quelques mois après un texte qui était censé devenir l’Introduction à cette critique de la philosophie du droit de Hegel. Quelles nouveautés théoriques présente cette introduction ?
L’une des choses les plus frappantes, lorsque l’on passe d’un texte à l’autre, c’est l’émergence soudaine du concept de classe. En effet, même si certaines traductions antérieures ont pu laisser penser le contraire, le concept de classe est absent du manuscrit de Kreuznach. Le concept central est celui d’« état » ou d’« ordre », qui traduit l’allemand « Stand » et qui désigne chez Hegel déjà plusieurs éléments : premièrement, les ordres de la société féodales ; deuxièmement, les états sociaux de la société moderne, c’est-à-dire sa structuration socio-professionnelle, qui comprend un état des fonctionnaires, un état des paysans, et un état du commerce et de l’industrie. Troisièmement, les états politiques de la société moderne, c’est-à-dire l’expression de ces mêmes états sociaux au niveau de l’État, avec la fonction publique, la chambre haute, et la chambre basse. Il n’est donc pas encore question de « classe » au sens que ce terme prendra dès l’Introduction. De plus, dans la mesure où Marx parle aussi bien des « états » (Stände) de la société moderne que de ceux de la société féodale, traduire le terme allemand de « Stand » par le français « classe », c’est faire dire à Marx tout autre chose que ce qu’il dit. Mais surtout c’est fausser le texte sur un point de débat théorique et politique important dans l’histoire du marxisme, à savoir la question de savoir si le concept de classe est valide en dehors de la société moderne ou celle de savoir s’il y a des classes dans les sociétés pré-capitalistes. C’est d’ailleurs un exemple de la façon dont une question de traduction apparemment d’ordre purement technique peut prendre une importance insoupçonnée, tant théoriquement que politiquement. Il y a bien quelques occurrences du terme allemand « Klasse » dans le manuscrit de Kreuznach, en lien direct avec le texte de Hegel ; mais elles désignent seulement la formation de la « plèbe », un groupe d’individus sans statut juridique ni institutionnel, et qui se trouve dans la société civile bourgeoise sans pouvoir intégrer aucun état parce qu’il ne peut travailler et donc subsister à ses propres besoins. Il ne s’agit donc pas du prolétariat qui entrera en scène dès l’Introduction de 1843-1844, mais plutôt d’une première ébauche de l’idée de « Lumpenproletariat », un concept dont le statut et la délimitation resteront complexes chez Marx. Dans l’Introduction de 1843-1844, au contraire, le concept de classe est soudainement présent. Bien qu’il ne soit pas encore tout à fait dégagé de celui d’« état », puisque Marx tend à passer de l’un à l’autre apparemment sans raison précise, il représente déjà le sujet potentiel d’un changement radical de la société : d’un côté, la classe bourgeoise incarne la fausse universalité et défend ses intérêts particuliers en les faisant passer pour les intérêts de tous ; de l’autre, le prolétariat, que Marx caractérise essentiellement comme une « classe aux chaînes radicales », peut pour cette raison se faire l’incarnation d’une vraie universalité. En un sens, il s’agit ici du prolongement positif de la critique de la bureaucratie que l’on trouvait dans le manuscrit de Kreuznach.
Dans ce contexte, c’est aussi la conception de l’émancipation humaine qui prend une nouvelle forme. Alors que dans le manuscrit de Kreuznach, celle-ci apparaissait sous la figure de la « vraie démocratie », elle est théorisée pour la première fois dans l’Introduction de 1843-1844 comme fin de la domination de classe. Le manuscrit de Kreuznach opposait la vraie démocratie à la constitution démocratique qu’une révolution politique telle que la Révolution française a pu faire émerger. Dans l’Introduction, cette opposition se retrouve, mais sous de nouveaux traits : il s’agit d’opposer la révolution politique, seulement partielle, à la “révolution universelle”, au sens d’une révolution véritablement humaine. Or, le ressort de l’opposition n’est plus ici de savoir si le peuple, toujours envisagé comme un tout, est ou n’est pas véritablement sujet politique, mais de savoir qui dans le peuple a conquis le pouvoir politique. Par la révolution politique, explique Marx, une classe entreprend d’instaurer l’émancipation, mais elle ne peut le faire que depuis sa situation particulière, c’est-à-dire en présupposant l’universalité de sa propre condition.
C’est ainsi que Marx a pu montrer, dans la Question juive en particulier, que la prétendue universalité des droits instaurés par la Révolution française se réduisait en vérité à garantir les droits non de l’homme, mais du bourgeois. À l’inverse, la révolution universelle doit signifier la fin de la domination de classe, et c’est dans cette mesure qu’elle implique d’être menée par le prolétariat, c’est-à-dire cette classe qui n’est pas seulement dans une opposition particulière à l’égard d’une classe qui la domine (comme la bourgeoisie l’était face à la noblesse), mais dans une opposition à toute domination en général en tant qu’elle-même ne domine personne.
Si donc, dans les deux textes, on retrouve le schéma qui oppose une émancipation qui ne se jouerait que dans une sphère politique séparée à une émancipation qui s’étend à tous les aspects de l’existence sociale, le ressort théorique de cette opposition a en vérité été déplacé grâce à l’introduction de la notion de classe, qui interdit de considérer la société civile comme un sujet homogène : l’opposition ne se joue plus entre le peuple et son autre, mais entre une classe et une autre, selon la nature de leurs intérêts contradictoires. L’émancipation humaine ne se laisse dès lors plus décrire uniquement depuis la question de la démocratie, mais doit s’envisager depuis la problématique de la domination. La société émancipée devient la société sans classes.
Il faut toutefois souligner qu’une telle théorie de la société de classe, qui émerge de façon spectaculaire dans l’Introduction de 1843-1844, sera par la suite considérablement retravaillée par Marx. Ici, la détermination des classes et, partant, de la société sans classes, reste très largement déduite de façon spéculative. Le prolétariat n’est pas déterminé, comme il le sera plus tard, comme l’un des pôles qui se constitue dans le rapport d’exploitation que découvrira une analyse scientifique de l’économie. Au moment où il rédige l’Introduction de 1843-1844, Marx commence tout juste à s’intéresser à l’existence du prolétariat. Tout se passe encore comme si le prolétariat venait remplir la place spéculative qu’imposait la logique dialectique qui guide le raisonnement de Marx : celle du négatif (de « l’injustice tout court »), qui seul peut prétendre à l’universalité parce qu’il ne connaît aucune différence positive particulière (contrairement aux autres classes qui doivent se définir par certaines qualités positives et non par leur privation absolue). La théorie du prolétariat qui voit le jour dans l’Introduction relève donc encore davantage d’une exigence de la spéculation que d’une analyse scientifique des rapports socio-économiques, ainsi que ce sera le cas plus tard. Marx se contente encore de trouver dans le prolétariat, à partir des maigres connaissances qu’il en a à cette époque, le porteur de l’universel dont il avait besoin après avoir dénoncé la bureaucratie des fonctionnaires comme fausse classe universelle.
Propos recueillis par Yohann Douet
[1] Cette situation s’explique par des raisons « objectives » relatives à la nature même des deux textes en question (le manuscrit est un brouillon inachevé, écrit au fil de la plume dans un style souvent expéditif, tandis que l’Introduction est un texte particulièrement bien écrit, très travaillé et publié par Marx lui-même), mais elle tient surtout aux contingences d’un destin éditorial un peu malheureux. C’est qu’on a le plus souvent édité l’Introduction de 1843-1844 dans des éditions séparées, et régulièrement sous le titre Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, qui, en toute rigueur, doit plutôt revenir au manuscrit lui-même. À l’inverse, le manuscrit de Kreuznach a été édité en français sous des titres à chaque fois différents : Critique du droit politique hégélien, traduction par A. Baraquin, Paris, Éditions sociales, 1975 ; Critique de l’État hégélien : manuscrit de 1843, préface et traduction de K. Papaioannou, Paris, Union générale d’éditions, 1976 [2e édition sous le titre Critique du droit politique hégélien, Paris, Allia, 2010] ; Critique de la philosophie politique de Hegel, traduction par M. Rubel, in Karl Marx, œuvres III. Philosophie, Paris, Gallimard, 1982.
[2] La « première » MEGA (Marx-Engels-Gesamt-Ausgabe) est lancée en Union soviétique dans les années 1920, est interrompue dans les années 1930 ; les premiers volumes de la « deuxième » MEGA sont parus en 1975 et continuent aujourd’hui de paraître régulièrement.
[3] Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique, traduction par Guillaume Fondu et Jean Quétier, Paris, Les Éditions sociales, 2014.
[4] Friedrich Engels, Écrits de jeunesse, tome 1 : 1839-1842, traduction par Emmanuel Renault (dir.), Jean-Christophe Angaut, Jean-Michel Buée, Paulin Clochec, Michèle L’Homme, et David Wittmann, Paris, Les Éditions sociales, « Geme », 2015 ; et Friedrich Engels, Écrits de jeunesse, tome 2 : Manchester, 1842-1844, traduction par Fabrice Bensimon (dir.), Angèle David-Guillou, Guillaume Fondu, Thierry Labica, Michèle L’Homme, Jean-Baptiste Morin, Paris, Les Éditions sociales, « Geme », 2018.
[5] Miguel Abensour, La démocratie contre l’État. Marx et le moment machiavélien, Paris, Presses universitaires de France, 1997.