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Si elle est adoptée, la Loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR) devrait assurément accélérer la destruction néolibérale de l’Université et de la recherche publiques, en particulier en accroissant une précarité déjà endémique (en termes de statuts d’emploi), en accentuant les inégalités entre établissements universitaires et entre laboratoires, et en rognant toujours un peu plus l’autonomie (relative) des chercheurs·ses et des enseignant·e·s-chercheur·se·s.

Mais, comme on le verra à travers les dix citations que nous avons sélectionnées, la LPPR vient de loin et constitue une étape dans le projet stratégique des classes dominantes d’une inféodation toujours plus étroite de l’ensemble du système d’enseignement et de la recherche publique aux intérêts du capital, qu’il s’agisse de soumettre la production de connaissances aux intérêts immédiats des entreprises, de faire de l’Université un nouveau terrain d’accumulation (notamment via l’instauration de frais d’inscription élevés, tendant à une privatisation de son financement) ou de marginaliser tout ce qui pouvait limiter la fabrication scolaire ou universitaire du consentement à l’ordre social.

Sur tout cela et pour aller plus loin, on pourra consulter notre dossier : « L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances ».

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« L’éducation et la formation sont considérés comme des investissements stratégiques vitaux pour la réussite future de l’entreprise […]. L’industrie n’a qu’une très faible influence sur les programmes enseignés. […] Les enseignants n’ont qu’une compréhension insuffisante de l’environnement économique, des affaires et de la notion de profit » (La Table-ronde des industriels européens, réunissant les 50 plus grandes firmes européennes, 1989, rapport « Éducation et compétence en Europe »).

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« La responsabilité de la formation doit, en définitive, être assumée par l’industrie. […] Le monde de l’éducation semble ne pas bien percevoir le profil des collaborateurs nécessaires à l’industrie. […] L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique » (La Table-ronde des industriels européens, 1995).

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« Oubliée l’époque où universités et entreprises se regardaient en chiens de faïence… En quelques années, une nouvelle organisation de la recherche s’est mise en place autour de la figure emblématique du chercheur-entrepreneur » (tirée de RDTinfo, le « magazine d’information sur la recherche européenne » publié par la Direction générale de la Commission chargée de la recherche, 2002, cité par Isabelle Bruno dans son livre À vos marques®, prêts… cherchez !).

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« Pour éviter de se heurter à un front de résistance interne et externe qui conduirait à l’échec, la réforme doit être menée pas à pas, sans proclamation tonitruante » (Philippe Aghion et Elie Cohen, économistes auteurs du rapport « Éducation et croissance » dont est tiré cette citation, 2004).

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« À budget comparable, un chercheur français publie de 30 à 50% de moins qu’un chercheur britannique dans certains secteurs. Évidemment, si l’on ne veut pas voir cela – je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé –, on peut continuer, on peut écrire… » (Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, en janvier 2009).

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 « Le CNRS dans son entier doit se placer à l’interface entre la création de valeur par ses scientifiques et le captage de cette valeur par les entreprises » (Alain Fuchs, alors Président du CNRS, en 2010).

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« La plupart des universités n’ont pas la culture d’un centre de coûts, Or, si on est autonome, si on gère son budget, on est un centre de coûts et un centre de profits. Il faut qu’elles acquièrent cette culture. Il faut savoir formater une offre et faire payer les factures. Et ne pas considérer que, lorsqu’on fait une prestation pour l’hôpital ou le CNRS, elle doit être gratuite parce qu’on fait partie du service public ! » (Geneviève Fioraso, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en janvier 2014).

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« Il faut bannir du vocabulaire les mots de concurrence et d’excellence, détestés par les syndicats d’enseignants et d’étudiants. Remplacer ces mots systématiquement par ouverture et diversité. Dans un système ouvert et divers, on répond aux demandes des jeunes et des familles, on permet à chacun d’aller aussi loin que ses capacités le permettent. La sélection ne signifie pas exclusion mais plutôt orientation. En contrepartie les universités devront ouvrir des formations adaptées aux étudiants mal préparés, issus des séries de bac techno ou pro. Il n’y aura aucun rationnement, aucune exclusion » (Robert Gary-Bobo, professeur d’économie à l’ENSAE, conseiller de Macron pour l’enseignement supérieur, note à l’adresse du candidat Macron transmise en novembre 2016).

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« On peut imaginer maintenir dans chaque université quelques formations de licence quasi-gratuites dans les grandes disciplines à côté de formations payantes. L’ancien système à côté du nouveau. Ces formations gratuites seront bientôt désertées, sauf par les militants de l’UNEF, qui mettent 6 ans à faire une licence » (Robert Gary-Bobo, professeur d’économie à l’ENSAE, conseiller de Macron pour l’enseignement supérieur, note à l’adresse du candidat Macron transmise en novembre 2016).

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« Cette loi [de programmation pluriannuelle de la recherche] doit être à la hauteur des enjeux pour notre pays. Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies » (Antoine Petit, PDG du CNRS, décembre 2019).

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Bonus track

« La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait à cette loi ? » (Laurence Parisot, alors présidente du MEDEF, août 2005).

Cette affiche a été réalisée par les personnels en lutte de l’université de Tours.

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