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 « Hilferding me mit en relations, tout d’abord, avec ses amis de Vienne : Otto Bauer, Max Adler et Karl Renner. C’étaient des hommes très instruits, qui, dans divers domaines, en savaient plus que moi. J’écoutai avec le plus vif intérêt, on pourrait presque dire avec respect, leur entretien au « Café central ». Mais bientôt des doutes me vinrent. Ces gens-là n’étaient pas des révolutionnaires. Ils représentaient même le type opposé à celui du révolutionnaire. Cela se voyait en tout : dans leur façon d’aborder les questions, dans leurs réflexions sur la politique, dans leurs appréciations psychologiques, dans la satisfaction – je ne dis pas dans l’assurance – qu’ils avaient d’eux-mêmes, et je crus même reconnaître l’accent du philistin dans le timbre de leurs voix. » (Léon Trotsky, Ma vie, 1930.)

Quiconque écrit sur le politique interroge ce travail et cette réflexivité lui semble « naturelle ». Dans la mesure où les « intellectuels » forment ce groupe aux contours flous dont l’occupation professionnelle et le mode de vie sont déterminés par le capital scolaire et culturel qu’ils ont accumulé par le biais de diplômes, concours et autres titres de reconnaissance de leurs savoirs et savoir-faire, l’interrogation sur le rôle des intellectuels dans la vie politique est intimement liée à leur position sociale spécifique. La problématique des rapports entre intellectuels et luttes des classes est donc aussi ancienne que l’avènement de l’univers politique moderne avec les révolutions de la fin du XVIIIe siècle.

Chaque cycle politique relance ce questionnement auquel appartient aussi le présent article. L’intensité des luttes sociales et politiques de notre époque a bouleversé l’équilibre hérité d’un « retrait » politique des intellectuels de gauche. Cette époque est celle de la restauration libérale du pouvoir des classes dominantes, initiée à la fin des années 1970 puis sans cesse poursuivie à l’échelle du monde jusqu’à nos jours. Aujourd’hui, en France, des intellectuels participent dans toute leur diversité aux luttes du mouvement contre la réforme des retraites, tout comme ils ont investi le mouvement contre la Loi travail en 2016 et les mobilisations de Nuit debout.

La place des intellectuels dans l’espace politique semble donc en voie de redéfinition, sous l’effet des luttes de classe initiées et menées de manière autonome par les classes subalternes, mais aussi sous l’effet de la redéfinition de l’espace public en cours depuis les années 1990. La révolution numérique, la privatisation croissante de l’espace public et médiatique, ainsi que la crise des institutions de représentation politique ont fortement remis en cause la place des intellectuels dans l’espace politique tout en leur ouvrant de nouveaux terrains dans ses périphéries.

Ces changements profonds ont consacré la place dominante acquise par les « intellectuels médiatiques » et/ou « intellectuels de gouvernement » qui se prévalent de leur « expertise » pour conseiller les gouvernants ou « faire la pédagogie » de l’opinion, rompant ainsi avec un siècle d’exercice de la raison critique et de défense universaliste des opprimés.[1] Alain Minc, Jacques Attali, François Furet, Pierre Rosanvallon et Marcel Gauchet sont autant d’exemples de cette figure de l’intellectuel qui a triomphé avec le tournant conservateur des années 1980. À l’inverse, l’intellectuel révolutionnaire s’est fait rare. Il semble connaître un renouveau aujourd’hui, mais sa portée n’a cependant rien du poids qu’il a eu en Europe entre 1880 et 1980.

Entre ces deux types d’intellectuels, l’intellectuel spécifique – figure préférée par Gérard Noiriel dans son histoire intellectuelle citée précédemment – est incontestablement la figure la plus commune de l’intellectuel de gauche de notre époque. Elle est incarnée autant par Michel Foucault que par Pierre Bourdieu ou Gérard Noiriel. Prenant appui sur leurs recherches, les démarches et les savoirs produits, ces intellectuels investissent le débat public afin de « dire la vérité au pouvoir » (G. Noiriel) et ainsi défendre l’intérêt général, à l’image des démarches critiques des historiens méthodiques employées pendant l’Affaire Dreyfus.

Les mouvements sociaux des dernières années posent la question des voies que devraient suivre les intellectuels qui souhaitent contribuer aux luttes pour l’émancipation. La question stratégique incontournable, rendue célèbre par Lénine – à savoir « que faire ? » – se pose alors avec acuité à tout intellectuel de gauche aujourd’hui.

 

Illusions intellectualistes

Toute discussion sur ce sujet risque toutefois de tomber rapidement dans le piège tendu par les illusions inhérentes à la position sociale des intellectuels. Leur point de vue socialement situé encourage le point de vue « scolastique » que décrit Bourdieu dans ses Méditations pascaliennes (1997) et qui méconnaît les rapports sociaux formant autant de conditions de possibilité à leur activité intellectuelle « libre ».

Illusion intellectualiste par excellence : l’intellectuel croit décider consciemment ses engagements et sa pensée critique. Or, il importe au contraire de rappeler que « nous sommes embarqués » (Pascal). Cette démarche matérialiste est la seule qui puisse nous prémunir contre l’illusion de l’intellect souverain. Le corollaire de ce libre arbitre ne dépendant que de la seule conscience critique des intellectuels engagés est une tendance à surestimer leur importance dans la transformation sociale. Illusion intellectualiste donc que de croire que les révolutions dans l’ordre des mots suffisent pour faire la révolution dans l’ordre des choses. Cela n’est pas sans rappeler les railleries critiques de Marx dans l’avant-propos de L’Idéologie allemande (1845) à l’encontre des jeunes-hégéliens idéalistes. Il écrivait alors :

« Les hommes se sont toujours fait jusqu’ici des idées fausses sur eux-mêmes, sur ce qu’ils sont ou devraient être. C’est d’après leurs représentations de Dieu, de l’homme normal, etc., qu’ils ont organisé leurs relations. Les inventions de leur cerveau ont fini par les subjuguer. Eux les créateurs, ils se sont inclinés devant leurs créations. Délivrons-les des chimères, des idées, des dogmes, des êtres d’imagination qui les plient sous leur joug avilissant. Révoltons-nous contre cette domination des pensées. Apprenons aux hommes, dit l’un, à échanger ces illusions contre des pensées qui soient conformes à la nature de l’homme ; apprenons-leur, dit l’autre, à prendre à leur égard une attitude critique ; à les chasser de leur tête, dit le troisième ! Vous verrez alors s’écrouler la réalité existante. Ces fantasmes innocents et puérils constituent le noyau de la récente philosophie jeune-hégélienne que le public, en Allemagne, accueille avec épouvante et respect, et à laquelle, qui plus est, les héros philosophiques eux-mêmes, solennellement convaincus qu’elle menace le monde de la ruine, confèrent un caractère implacable et criminel. »[2]

Reprenant à son compte la démarche matérialiste de l’histoire des idées et des intellectuels, Eric Hobsbawm en faisait un principe épistémologique dans une introduction de compte rendu critique, en 1962, illustrant son propos par le fait que ce n’est pas le mérite intellectuel de la Théorie générale de Keynes qui a vaincu l’orthodoxie libérale du Trésor mais plutôt la grande dépression des années 1930.[3]

Par conséquent, pour avoir une représentation réaliste des intellectuels critiques de gauche, il faudrait les voir non pas comme les acteurs principaux de l’émancipation, mais plus modestement comme une composante parmi d’autres au sein des luttes de classes. Une telle relativisation ne vise pas à nier leur rôle, mais plutôt à mieux le comprendre, sans illusions et donc sans déception. Réitérer la centralité de la lutte des classes dans le devenir historique des sociétés semble être un antidote pertinent contre le penchant naturel des intellectuels à s’attribuer le rôle le plus important pour « éclairer » le plus grand nombre et ouvrir ainsi les voies de l’émancipation, sans nécessairement que les masses les plus larges n’interviennent dans l’arène politique. A l’occasion de la sortie d’Une histoire populaire de la France, Gérard Noiriel racontait par exemple que ses recherches sur l’histoire de l’immigration étaient orientées contre la montée des idées nationalistes du Front national dans les années 1980 et 1990, mais qu’aujourd’hui il fallait se rendre à l’évidence que ces recherches avaient échoué à contrer la diffusion des idées du FN.[4] Face aux nouveaux fascismes, face à la violence d’État, face au racisme, face aux contre-réformes néolibérales et la prédation capitaliste, la capacité des intellectuels engagés seuls demeure limitée. Elle n’est démultipliée qu’à condition de la politisation et de la mobilisation des masses les plus larges dans la lutte des classes, et d’une reconfiguration de l’alliance entre le savant et le politique.

 

Impasses des intellectuels spécifiques

Cela nous permet de passer maintenant à une critique de la figure dominante de l’intellectuel engagé, c’est-à-dire l’intellectuel spécifique. Nous tenterons en ce sens de démontrer ici que l’intellectuel spécifique est confronté à une série d’apories qui risquent de détourner et remettre en cause son engagement pour l’émancipation.

Il existe tout d’abord un effet de champ très fort dans l’évaluation des activités intellectuelles qui mène à surestimer, du point de vue des différents champs savants, l’importance et la portée des travaux et publications académiques dans le corps social. Les savoirs savants ont une portée politique manifeste. Celle-ci n’a cependant rien d’automatique et appelle des médiations multiples pour réaliser ses traductions et réceptions dans le corps social.

Administrer la preuve, par exemple, au moyen d’archives appropriées, multiples et croisées, que le nationalisme français de la fin du XIXe siècle[5] s’articule à la fois avec l’antisémitisme et avec le racisme colonial n’a en soi rien d’une arme critique contre les nationalismes actuels. Cela n’est vrai que tant que ce savoir reste cantonné dans le champ historiographique savant. Une fois traduit et mobilisé toutefois dans l’espace démocratique (théâtre, médias, conférences, meetings, etc.), il peut alors éventuellement devenir le point d’appui d’une critique des préjugés nationalistes actuels. Les savoirs des mondes savants (et donc des intellectuels spécifiques) apparaissent donc comme autant de virtualités émancipatrices pouvant être activées. Cela demande donc un travail de traduction et de diffusion qui n’est pas celui des différents champs scientifiques. C’est sur ce terrain qu’interviennent les intellectuels de gauche, notamment les intellectuels spécifiques.

Ce modèle de l’intellectuel spécifique est cependant mis en difficulté aussitôt mis en pratique. Les intellectuels spécifiques sont en effet pris dans une tension très forte entre leur univers académique et leur investissement militant. Dans les urgences du quotidien qui sont le lot de chaque métier, l’enseignant-chercheur voit son activité avant tout polarisée par son champ disciplinaire universitaire et non pas par ses interventions militantes. D’où une quête incessante de rester fidèle, de ne pas trahir les siens, pouvant aller jusqu’à l’angoisse, sentiments typiques des transfuges sociaux, illustrés par nombre d’intellectuels spécifiques comme Pierre Bourdieu ou Gérard Noiriel. Marc Bloch écrivait dans L’étrange défaite (1940) : « Il ne nous reste, pour la plupart, que le droit de dire que nous fûmes de bons ouvriers. Avons-nous toujours été d’assez bons citoyens ? » Cette tension entre le savant et le politique parcourt le vécu des intellectuels spécifiques contemporains et ne semble pas à la hauteur des enjeux et des luttes de classes de nos jours.

Cela est dû pour une part au fait que la position de l’intellectuel spécifique rend l’accommodement avec l’ordre établi presque inévitable. Il rappelle le « socialisme bourgeois » et le « socialisme petit-bourgeois » critiqués par Marx dans Le manifeste communiste (1848) : le premier tentait de corriger les tares les plus flagrantes du capitalisme et le second cherchait à réformer le monde suivant des plans rationnels et cohérents sans le recours à la négativité de la lutte de classe. Détenteurs d’un capital culturel et scolaire important, les intellectuels spécifiques sont dans cette position inconfortable d’appartenir aux classes dominantes mais en s’y trouvant dominés par d’autres élites dont le pouvoir est fondé sur d’autres types de capitaux (financier, politique, social). À la fois dominants et dominés, les intellectuels spécifiques ont toutes les chances de se consacrer un peu aux différentes causes qui les interpellent, en réaction à la domination qui pèse sur eux, mais leur emploi du temps et leur travail intellectuel demeurent avant tout déterminés par les impératifs de carrière à l’université, du monde savant, etc. Cela est d’autant plus vrai dans les périodes où il apparaît vain de tenter de transformer l’ordre des choses et qu’il vaut mieux le faire dans l’ordre des mots. Repli quiétiste dans l’intellectualité académique.

Ces impasses propres à l’intellectuel spécifique prennent racine dans l’articulation particulière qu’il construit entre le savant et le politique. Son engagement politique se fait justement à partir de son statut scientifique : ce dernier demeure premier en importance. C’est la renommée d’un intellectuel au sein de son champ spécifique qui lui offre la possibilité de jouer un rôle important en tant qu’intellectuel spécifique. Son investissement dans les mouvements d’émancipation demeure donc secondaire. Ces derniers reconnaissent son soutien que dans la mesure où l’intellectuel en question bénéficie d’une reconnaissance de ses pairs au sein de son champ disciplinaire. À l’inverse, un enseignant-chercheur sans reconnaissance de son propre champ qui tenterait de jouer le rôle d’un intellectuel spécifique dans le débat public rencontrerait un si faible écho qu’il serait vite encouragé à rester sagement dans le périmètre de son université.

Se lier aux mouvements d’émancipation (travailleurs, femmes, immigrés, minorités) demeure toutefois la condition sine qua non pour que les intellectuels des gauches contribuent à la transformation sociale. Jean-François Lyotard soutenait la même idée, mais en négatif, lorsqu’il écrivait dans son Tombeau de l’intellectuel en 1983 : « l’intellectuel n’existe plus, du moins au sens d’un esprit s’identifiant à un sujet doté d’une valeur universelle, décrivant, analysant de ce point de vue une situation ou une condition et prescrivant ce qui doit être fait pour que sa réalisation progresse ».[6] Poursuivant la tradition du marxisme classique, Eric Hobsbawm soutenait en 1971, d’une manière somme toute assez orthodoxe, que les intellectuels de gauche étaient condamnés à l’impuissance sans une alliance avec les travailleurs pour transformer le monde, et inversement.[7] En d’autres termes, sans mouvement de masse, les intellectuels de gauche ont toutes les chances de voir leurs efforts condamnés à la reproduction de leurs univers académiques et, plus largement, de l’ordre existant du monde.

 

Impasses des intellectuels de parti

Les années 1920 et peut-être surtout les années héroïques de la lutte antifasciste dans les années 1930 ont été un tournant dans les formes d’engagement des intellectuels de gauche au XXe siècle. L’URSS et les organisations communistes inspirées du modèle léniniste du parti d’avant-garde attirent en effet les intellectuels de gauche au cours de cette période et redéfinissent leur rôle politique. L’articulation entre le savant et le politique s’organise désormais clairement par un extérieur politique identifiable aux impératifs stratégiques d’un appareil centralisé, le parti. Dans cette configuration spécifique du XXe siècle, l’intellectuel se met au service du parti dans lequel il s’engage. Dépositaire des savoirs, l’intellectuel emploie sa science pour éclairer les dominés et en retour les organisations qui représentent ces derniers lui attribuent la parole, les honneurs, les ressources éditoriales et plus généralement une place dirigeante en leur sein.

Cet idéal-type est confirmé par les intellectuels des gauches communistes au XXe siècle. C’est ainsi qu’en dépit de tout ce qui les sépare, communistes orthodoxes, trotskystes et maoïstes partagent tous sans exception une même conception du rôle des intellectuels. Ces derniers apportent leurs savoirs et leurs démarches critiques au mouvement pour renforcer ce dernier dans la lutte des classes. Le rapport entre les deux est donc instrumental. Cette perte d’autonomie n’est pas sans poser des problèmes pour ces intellectuels. Elle constitue sans doute l’arrière-plan de bien des scissions, de séparations et de tensions entre ces « compagnons de route » et le parti.

Il importe aussi de dire que ce même rapport entre intellectuels et parti se retrouve avec quelques variations dans les différents partis et fronts de libération nationale qui arrivent au pouvoir dans le Tiers-monde suite à la défaite des impérialismes au milieu du XXe siècle. A quelques exceptions près – dont Che Guevara et Frantz Fanon ne sont pas des moindres – les nouvelles élites nationales des pays libérés confirment ce rapport instrumental du parti sur les intellectuels. En règle générale, les impératifs de l’appareil politique et de sa stratégie ont primé sur la production intellectuelle autonome de ces intellectuels. Jawaharlal Nehru, Jomo Kenyatta, Ho Chi Minh faisaient partie des intellectuels révolutionnaires de leur génération, mais leur « œuvre » intellectuelle était davantage un moyen politique qu’une fin en elle-même, ce qui ne peut être affirmé pour Frantz Fanon, Che Guevara, Nazim Hikmet ou encore Kateb Yacine, dans la mesure où leur intellectualité demeurait une fin en elle-même comprenant et dépassant (Aufhebung) leurs engagements et horizons politiques.[8]

Le modèle de l’intellectuel de parti peut être saisi en ayant recours à l’une des crises ayant impliqué des intellectuels et un tel parti : aux États-Unis, en 1940, dans le contexte du pacte germano-soviétique et de la guerre mondiale, des intellectuels trotskystes entrent en conflit avec la direction du Socialist Workers Party, parti membre de la IVe Internationale en lien étroit avec Trotsky exilé au Mexique. Ces intellectuels sont James Burnham, Max Shachtman et Martin Abern. Une fois « l’opposition petite-bourgeoise » exclue du parti, James P. Cannon écrit The Struggle for a Proletarian Party (1940), dans lequel il expose la norme du parti léniniste à l’égard des intellectuels :

« Notre mouvement, le mouvement du socialisme scientifi­que, juge les choses et les gens d’un point de vue de classe. Notre but est l’organisation d’un parti d’avant-garde pour conduire la lutte prolétarienne au pouvoir et la reconstitu­tion de la société sur des bases socialistes. C’est notre « science ». Nous jugeons tous les gens d’une autre classe qui viennent vers nous par l’étendue de leur identification réelle avec notre classe, et par les contributions qu’ils peuvent faire pour aider le prolétariat dans sa lutte contre la classe capitaliste. Voilà le cadre à l’intérieur duquel nous considérons objectivement le problème des intellectuels dans le mouvement, Si au moins 99 sur 100 intellectuels – pour parler avec le plus grand « conservatisme » – qui approchent le mouvement ouvrier révolutionnaire finissent par être plus un problème qu’un avantage, ce n’est pas du tout à cause de nos préjugés contre eux, ni parce que nous ne les traitons pas avec la considération qui leur est due, mais parce qu’ils ne peuvent remplir certaines conditions qui, seules, peuvent les rendre utiles pour nous dans notre lutte. »[9]

En jugeant ainsi les intellectuels au sein du mouvement, c’est-à-dire par leurs « contributions […] dans la lutte contre la classe capitaliste », les intellectuels semblent soumis à une relation qui balance entre un scientisme qui conforte leur position dominante et un ouvriérisme qui les tient en suspicion permanente de trahison. C’est peut-être cette tension des intellectuels de parti d’avant-garde qui explique pourquoi « 99 sur 100 intellectuels […] finissent par être plus un problème qu’un avantage » selon les dires de Cannon : promus aux avant-postes pour leur apport scientifique et culturel à un moment, critiqués ensuite comme « petit-bourgeois » une fois le balancier passé à l’autre extrémité dans le parti. Ce rapport instrumental du parti révolutionnaire à l’égard des intellectuels fera en sorte que pour la majorité d’entre eux, ils ne seront que de passage, comme le consacre la formule des « compagnons de route » des partis communistes. Lorsque promu à la tête de ces partis d’avant-garde, l’intellectuel du parti révolutionnaire se retrouve en position dominante, celle du « philosophe-roi » de Platon, reproduisant ainsi les inégalités de classe dans les savoirs et compétences que le socialisme serait censé abolir.

Enfin, ce rapport de l’intellectuel au parti le laisse prisonnier des illusions intellectualistes. Dans cette configuration du savant et du politique, l’intellectuel éclaire et guide le parti et les dominés à l’aide de sa science. Or, comme l’ont justement montré Daniel Bensaïd et Jacques Rancière, la politique et a fortiori l’émancipation demeurent un « art stratégique » qui ne peut être assimilé à une quelconque « science du politique » : l’intellectuel et le profane sont à égalité devant la décision et l’action politique. Aucun des deux n’a plus de compétence en vertu de ses qualifications professionnelles pour assurer la victoire aux opprimés et exploités. Tel est l’« éloge de la politique profane » de Daniel Bensaïd.

L’enrôlement des intellectuels dans les partis d’avant-garde contrevient pour finir à la liberté indispensable dont a besoin toute pensée critique pour se déployer et se développer dans toute sa puissance. Imagine-t-on Marx demandant l’autorisation au parti pour tel passage du Capital ? Ce besoin vital d’une autonomie préservée des intellectuels engagés dans le mouvement ouvrier a par ailleurs été plusieurs fois souligné et reconnu. Le manifeste d’André Breton et de Léon Trotsky, « Pour un art révolutionnaire indépendant » (25 juillet 1938) en est un des nombreux exemples qu’on peut citer.[10]

Cela nous amène donc à envisager les tâches et l’autonomie des intellectuels révolutionnaires aujourd’hui.

 

Esquisse de l’intellectuel révolutionnaire aujourd’hui

Échapper aux modèles de l’intellectuel de gauche présentés jusqu’ici semble être une première voie à explorer. L’intellectuel du parti d’avant-garde tout autant que l’intellectuel spécifique accréditent l’illusion entretenue à propos du rôle politique des intellectuels, et due au point de vue propre à leur position sociale, qui les encourage à se voir comme une force créatrice déterminante dans le devenir du monde. Envisager le travail des intellectuels sous cet angle-là, celui de l’illusion intellectualiste, c’est entériner toute une série de conséquences pratiques décisives dans le parcours individuel des intellectuels aujourd’hui : espaces de pensée à prioriser, objets d’étude à choisir, choix de carrière et formes de reconnaissance recherchés. Concrètement, cela signifie aujourd’hui que seuls des universitaires seraient ou pourraient être des intellectuels au sens intégral de ce mot. Cela exclut non seulement les couches plus basses des enseignants, mais aussi d’autres couches et d’autres classes sociales, que ce soit parmi les cadres, les ingénieurs ou les ouvriers et employés. Il importe donc de rechercher des fondements d’une nouvelle alliance entre le savant et le politique qui soient autres que ceux de l’intellectuel spécifique et de l’intellectuel de parti. Ni l’université, ni le parti ne peuvent donc nous apporter une réponse à cette question aujourd’hui. Quelques pistes sont esquissées ici afin d’identifier les bases sur lesquelles pourrait être refondée la figure de l’intellectuel révolutionnaire.

Premièrement, la division sociale du travail constitue un fondement majeur de l’apport des intellectuels aux mouvements d’émancipation. Cela a par ailleurs toujours été l’un des fondements sociaux des intellectuels, quels qu’ils soient, y compris les intellectuels des partis révolutionnaires. Lénine cite Karl Kautsky dans Que faire ? (1902), jugeant ces « paroles profondément justes et significatives » :

« Par la suite, la conscience socialiste serait le résultat nécessaire, direct de la lutte de classe prolétarienne. Or cela est entièrement faux. Comme doctrine, le socialisme a évidemment ses racines dans les rapports économiques actuels au même degré que la lutte de classe du prolétariat ; autant que cette dernière, il procède de la lutte contre la pauvreté et la misère des masses, engendrées par le capitalisme. Mais le socialisme et la lutte de classe surgissent parallèlement et ne s’engendrent pas l’un l’autre ; ils surgissent de prémisses différentes. La conscience socialiste d’aujourd’hui ne peut surgir que sur la base d’une profonde connaissance scientifique. En effet, la science économique contemporaine est autant une condition de la production socialiste que, par exemple, la technique moderne et malgré tout son désir le prolétariat ne peut créer ni l’une ni l’autre ; toutes deux surgissent du processus social contemporain. Or, le porteur de la science n’est pas le prolétariat, mais les intellectuels bourgeois : c’est en effet dans le cerveau de certains individus de cette catégorie qu’est né le socialisme contemporain, et c’est par eux qu’il a été communiqué aux prolétaires intellectuellement les plus évolués, qui l’introduisent ensuite dans la lutte de classe du prolétariat là où les conditions le permettent. Ainsi donc, la conscience socialiste est un élément importé du dehors dans la lutte de classe du prolétariat, et non quelque chose qui surgit spontanément. Aussi le vieux programme de Heinfeld disait-il très justement que la tâche de la social-démocratie est d’introduire dans le prolétariat (littéralement : de remplir le prolétariat) la conscience de sa situation et la conscience de sa mission. »[11]

Et tout au long de cette brochure, Lénine cherche à démontrer le rôle central des intellectuels dans les buts révolutionnaires de la social-démocratie russe : « sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire »[12]. Ou encore ici :

« L’histoire de tous les pays atteste que, par ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu’à la conscience trade-unioniste, c’est-à-dire à la conviction qu’il faut s’unir en syndicats, mener la lutte contre le patronat, réclamer du gouvernement telles ou telles lois nécessaires aux ouvriers, etc. Quant à la doctrine socialiste, elle est née des théories philosophiques, historiques, économiques élaborées par les représentants instruits des classes possédantes, par les intellectuels. »[13]

Loin d’une interprétation scientiste du Que faire ? de Lénine, telle que l’avait imposé le marxisme orthodoxe au XXe siècle, attribuant à l’intellectuel le rôle dirigeant dans le mouvement révolutionnaire, il importe d’en retrouver le réalisme pour nous en servir à notre tour. Lénine reconnaît donc dans ces passages l’apport extérieur aux mouvements sociaux, en culture et savoirs, par le biais d’intellectuels qui s’y investissent. Cela est dû à la division sociale du travail qui impose sa logique au corps politique dans son ensemble. Par conséquent, tout mouvement social d’émancipation repose sur les apports en idées, en compétences et en culture légitime des intellectuels qui s’y mobilisent. Cela n’exclut pas toutefois des intellectuels plébéiens, issus des classes populaires, comme le fait remarquer Lénine[14] ; seulement, leur apport au mouvement populaire se fait alors non pas en tant que membres des classes subalternes mais en tant qu’intellectuels.

L’un des risques encourus alors par l’intellectuel révolutionnaire est de prendre appui sur cette division du travail existante non pas pour la subvertir, suivant l’horizon socialiste de l’abolition des classes et de l’Etat, mais simplement pour tenir une position dominante parmi les dominés, reproduisant ainsi ce qu’il est censé combattre.

Pour être révolutionnaire, la position de l’intellectuel doit donc être celle d’un passeur entre les différents champs sociaux qu’il occupe : deuxième fondement. Son travail doit chercher à importer les savoirs et les méthodes des sciences et des arts dans les mouvements sociaux et les traduire pour qu’ils puissent être réappropriés par le plus grand nombre. Sa tâche pourrait se résumer à créer les conditions de possibilité d’une réception des savoirs et des démarches critiques au sein des mouvements sociaux et, plus largement, du peuple. Pour ne prendre qu’un exemple : on ne parle pas tout à fait de la même manière à ses supérieurs une fois que l’on a assimilé, en situation, Ce que parler veut dire de Bourdieu. De même, les intellectuels médiatiques n’ont pas la même force performative au sein de l’opinion face à des mobilisations sociales adossées à des collectifs d’intellectuels et d’artistes. La lutte contre la réforme des retraites l’a récemment montré.

Ensuite, un troisième fondement de l’intellectuel révolutionnaire est de mener un travail intellectuel sur des objets et des problématiques issus des mouvements sociaux souvent en décalage avec ceux en vigueur dans les champs savants des différentes disciplines. Il s’agit dans ce domaine d’inverser les relations entre les objets d’étude de l’intellectuel spécifique. Alors que ce dernier produit des savoirs dans son champ disciplinaire spécifique pour ensuite, éventuellement, les réinvestir, lorsque l’occasion se présente, dans le débat public, l’intellectuel révolutionnaire procède exactement à l’envers. D’abord, il s’engage dans les mouvements sociaux. De là, il construit des objets d’étude aux prises avec les préoccupations des luttes pour l’émancipation. C’est sans doute l’un des sens de la formule de Daniel Bensaïd au sujet du « militant intellectuel » en substitut à « l’intellectuel militant ». Autant dire que ces objets de recherche ne sont compatibles avec une carrière universitaire qu’à la marge et à titre exceptionnel.

Les lieux, l’audience et la reconnaissance des intellectuels révolutionnaires sont donc très différents de ceux des intellectuels spécifiques. Si l’Université et le Parti étaient l’espace de reconnaissance des intellectuels spécifiques et des intellectuels de parti, l’intellectuel révolutionnaire aujourd’hui occupe un espace flou, souvent plus démocratique et ouvert, mais toujours évanescent, instable et peu reconnu par les dominants : publications militantes (imprimées ou en ligne), médias alternatifs/participatifs, syndicats, partis, associations, maisons associatives, collectifs. L’absence de reconnaissance publique de ces espaces marginaux par les intellectuels dominants condamne ces espaces hétérodoxes aux périphéries peu visibles de l’espace public. Le manque de moyens éditoriaux et financiers, de même que l’instabilité inhérente de ces communs de pensée, renforcent les difficultés que confronte l’intellectuel révolutionnaire dans son travail. L’absence de procédures institutionnalisées et reconnues pour l’attribution des marques publiques de reconnaissance au travail des intellectuels révolutionnaires va également dans le même sens. Marginal et peu reconnu, l’intellectuel révolutionnaire occupe une position pleine de tensions et risque parfois de se voir comme un « raté » face au monde intellectuel dominant, tant qu’il continue à évaluer son travail suivant les critères du champ intellectuel dominant.

Quatrième et dernier fondement de l’intellectuel révolutionnaire : la temporalité de son travail est celle des luttes de classe et non pas des champs disciplinaires. Son « œuvre » est donc par définition inachevée et fragmentaire. Ses productions ne forment jamais un tout cohérent, pensé et exécuté suivant un plan d’ensemble à la manière d’un monument. Il n’en aurait ni les moyens, ni la possibilité. Seuls les « grands » historiens, sociologues, philosophes, etc., ont le loisir de procéder ainsi : par programmes de recherches, par équipes, sur plusieurs années. Il n’en pas les moyens car ce qu’il écrit, ce qu’il lit, ce qu’il construit est volé au cours ordinaire du temps social. Il n’en vit pas et ne pourrait pas en vivre ; ses revenus proviennent d’un autre travail qui, lui, est reconnu et rémunéré par la société officielle. Le temps consacré à ses travaux intellectuels est son temps libre. Il n’a pas non plus la possibilité de « faire œuvre » car sa recherche ressemble à un tâtonnement permanent, en fonction des problématiques de l’émancipation qui sont quant à elles infinies et sans cesse renouvelées. De même que Le Capital a été un work in progress permanent des années 1850 à la mort de Marx en 1883[15], les travaux de l’intellectuel révolutionnaire sont sans cesse à recommencer car les luttes appellent sans cesse une actualisation permanente des savoirs et des démarches en fonction de la situation politique spécifique du moment. Contrairement aux univers savants de l’enseignement-recherche de l’université, l’espace de pensée qu’occupe l’intellectuel révolutionnaire épouse la temporalité des luttes de classe, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient majeur. Inconvénient : plus que l’intellectuel spécifique, l’intellectuel révolutionnaire doit calculer le bon moment de son intervention sinon il ne rencontrera qu’une très faible audience. Avantage : l’horizon d’une émancipation à venir fixe un cap permanent à son travail intellectuel, lui permettant de parcourir l’ensemble des savoirs de son champ disciplinaire en suivant cet horizon politique.

La pléiade d’intellectuels révolutionnaires est infinie. Il est utile toutefois de citer quelques noms, célèbres pour certains, pour illustrer l’intellectuel révolutionnaire esquissé ici, qui n’entre ni dans la catégorie des intellectuels spécifiques, ni dans celle des intellectuels de parti propre au XXe siècle. Abraham Léon, Louise Michel, Daniel De Léon, Victor Serge, Saint-Just, Olympe de Gouges, Thomas Paine, Marx et Engels, Jean Jaurès, James Connolly, Antonio Gramsci, Frantz Fanon, Daniel Guérin, le collectif Socialisme ou barbarie (1949-1967) auquel est associé Cornelius Castoriadis, les « opéraïstes » italiens de Quaderni Rossi (1961-1964) et du journal Classe operaia (1963-1966), dont Toni Negri, en sont des exemples. Prenons un exemple moins connu, tant la majorité des intellectuels révolutionnaires travaillent dans l’anonymat des marges de l’espace public.

Menuisier parisien du XIXe siècle, Gabriel Gauny offre l’exemple d’un tel intellectuel révolutionnaire. Il présente l’avantage d’être peu connu. La publication d’un recueil de ses textes[16] permet aujourd’hui de saisir à quoi ressemblent ses objets d’étude, issus directement du mouvement social de son époque. Il est question dans ses textes du « travail à la journée » qui aboutit à un abrutissement des travailleurs, sans possibilité d’épanouissement intellectuel ; du « travail à la tâche » ; des mécanismes de l’exploitation ouvrière dans les chemins de fer ; des « ouvriers constructeurs de prisons cellulaires » ; d’une redéfinition des besoins dans « l’économie de la liberté » dans laquelle l’ascétisme permet de s’élever intellectuellement ; de la philosophie de Diogène et de saint Jean le Précurseur ; des « principes d’émancipation de la multitude » par l’éducation populaire, l’agriculture et l’étude des grandes œuvres comme le Contrat social ; de poésie. De manière significative pour cette figure de l’intellectuel révolutionnaire, Jérôme Lamy écrit dans son compte rendu du recueil : « les écrits de Gauny tracent une politique quotidienne de l’émancipation. »[17]

Gauny rompt donc avec la division du travail des places assignées à chacun dans l’ordre existant et offre un exemple de cet « usage public de la raison » que cherchait à encourager Kant dans son article Qu’est-ce que les Lumières ? (1784). Loin d’être une profession, le travail de l’intellectuel révolutionnaire est une pratique politique dont le but est clairement de « redessiner la carte des possibles » (J. Rancière). Il n’est pas seulement négatif ou critique et en cela il se distingue des interventions des intellectuels spécifiques. En plus de la critique de ce qui est, il offre un horizon politique tourné vers l’émancipation. Jacques Rancière propose en ce sens cette définition : « intellectuel sera alors quiconque en un point quelconque de la société, sort de son rôle habituel d’exécutant du système social pour affirmer qu’il a en plus quelque chose à dire sur la machine qu’il fait fonctionner, sur la machine sociale en général et sur la capacité de n’importe qui à en parler. »[18]

Les fondements d’un tel intellectuel sont tout aussi multiples que fragiles. Tout d’abord, un fondement socio-économique : la division sociale du travail qui détermine l’apport culturel et scientifique des intellectuels dans les mouvements sociaux. Un fondement socio-cognitif ensuite, dans l’existence de plusieurs champs autonomes entre lesquels l’intellectuel révolutionnaire joue un rôle de passeur. Un fondement heuristique dans les problématiques des mouvements et des luttes populaires. Enfin, un fondement temporel dans les flux et reflux des luttes de classe visant l’émancipation. Orphelins des partis révolutionnaires de masse du XXe siècle, les intellectuels révolutionnaires n’ont d’autre choix aujourd’hui que d’inventer leur place et leur rôle dans le paysage politique et social mouvant et instable de notre époque.

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Notes

[1] Gérard Noiriel, Les fils maudits de la République : l’avenir des intellectuels en France, Paris, Fayard, 2005 ; Enzo Traverso, Où sont passés les intellectuels ?, Paris, Textuel, 2017.

[2] Marx, Philosophie, édition établie par Maximilien Rubel, Paris, Gallimard, 1982, p. 299.

[3] Eric Hobsbawm, « Revisionism » dans Revolutionaries, London, Abacus, 2007, p. 183.

[4] Le Média, « Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France », La Grande H, 2 octobre 2018.

[5] Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France. Discours publics, humiliations privées (XIXe-XXe siècle, Paris, Fayard, 2007.

[6] Cité par Ludivine Bantigny, « Un partage des savoirs. Intellectuels, fonction critique et rapports au pouvoir », Contretemps, janvier 2017, no. 32.

[7] Eric Hobsbawm, “Intellectuals and the class struggle”, Revolutionaries, London, Abacus, 2007, p. 344-346.

[8] Marx lui-même écrivait dans les années 1840 : « L’écrivain, dit‑il, doit naturellement gagner de l’argent pour pouvoir vivre et écrire, mais il ne doit en aucun cas vivre et écrire pour gagner de l’argent… L’écrivain ne considère aucunement ses travaux comme un moyen. Ils sont des buts en soi, ils sont si peu un moyen pour lui-même et pour les autres qu’il sacrifie au besoin son existence à leur existence… La première condition de la liberté de la presse consiste à ne pas être un métier. » Cité par Breton et Trotsky dans leur « Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant », juillet 1938.

[9] James Patrick Canon, La lutte pour un parti prolétarien, 1975 (1940).

[10] Voir notamment ce passage : « Il est plus que jamais de circonstance de brandir cette déclaration contre ceux qui prétendent assujettir l’activité intellectuelle à des fins extérieures à elle-même et, au mépris de toutes les déterminations historiques qui lui sont propres, régenter, en fonction de prétendues raisons d’Etat, les thèmes de l’art. Le libre choix de ces thèmes et la non restriction absolue en ce qui concerne le champ de son exploration constituent pour l’artiste un bien qu’il est en droit de revendiquer comme inaliénable. » (André Breton et Léon Trotsky, « Pour un art révolutionnaire indépendant », 25 juillet 1938.)

[11] Karl Kautsky, Die Neue Zeit, 1901-1902, XX, I, no. 3, p. 79, cite dans Lénine, Que faire?, Paris, Editions Science Marxiste, 2004 (1902), p. 81.

[12] Ibid., p. 62.

[13] Ibid., p. 73.

[14] « Certes, il ne s’ensuit pas que les ouvriers ne participent pas à cette élaboration [de l’idéologie socialiste]. Mais ils n’y participent pas en qualité d’ouvriers, ils y participent comme théoriciens du socialisme, comme des Proudhon et des Weitling ; en d’autres termes, ils n’y participent que dans la mesure où ils parviennent à acquérir les connaissances plus ou moins parfaites de leur époque, et à les faire progresser. » Ibid., p. 82.

[15] Voir à ce sujet la passionnante histoire intellectuelle et philologique menée par Michael Heinrich et al., Ce qu’est le Capital de Marx, Paris, Editions sociales, 2017.

[16] Gabriel Gauny, Le philosophe plébéien, textes rassemblés et présentés par Jacques Rancière, Paris, La Fabrique, 2017.

[17] Jérôme Lamy, « Gabriel Gauny, Le philosophe plébéien », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], n° 143, 2019.

[18] Cité par Ludivine Bantigny, « Un partage des savoirs… », art. cit.

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