
Une perspective illusoire et dangereuse. À propos de « Rêver ensemble » d’Houria Bouteldja
Après une première réponse à l’intervention d’Houria Bouteldja, « Rêver ensemble. Pour un patriotisme internationaliste », Pierre Khalfa prolonge le débat sur les problèmes stratégiques posés par ce texte en interrogeant les perspectives proposées, en particulier celle du Frexit décolonial.
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Un débat agite la gauche : comment regagner la partie des classes populaires qui a basculé du côté du RN ? Comment unir « les petits blancs » et les « indigènes », les « beaufs et les barbares » pour reprendre les termes discutables d’Houria Bouteldja dans Rêver ensemble. Pour un patriotisme internationaliste[1].
La réponse d’Houria Bouteldja s’articule en quatre temps : 1/ « renouer avec la proposition identificatoire du premier communisme : le pour-soi de la condition ouvrière est aujourd’hui une impasse » ; 2/ « on ne peut pas prétendre avoir compris la matérialité du besoin de racisme, de masculinisme ou de nationalisme sans au minimum aller tremper un orteil dans le marais de ces passions tristes » ; 3/ l’utopie communiste ayant disparu, il y a aujourd’hui « un vide de transcendance » qu’il faut combler ; 4/ « cette transcendance a un nom : elle s’appelle France ».
Et de développer qu’il faut « construire un rapport sentimental, affectif et idéologique avec les sacrifiés du néo-libéralisme (les classes populaires blanches ayant basculées à l’extrême droite) et cela ne peut se faire que par la médiation du sentiment patriotique » car l’échelle nationale est « l’échelle qui mobilise les affects les plus puissants ».
Disparition du mouvement ouvrier
Ce sont ces moments de son raisonnement qu’il faut discuter. Le premier concerne de fait le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière que remet en cause Houria Bouteldja par sa formule « le pour-soi de la condition ouvrière est aujourd’hui une impasse ». Si elle reconnait la possibilité d’« expérimenter les puissances collectives » comme dans le mouvement des gilets jaunes, elle remarque que « cette expérimentation pour extraordinaire et créatrice qu’elle ait pu être, ne peut pas se généraliser ni se pérenniser dans le temps comme on a pu le constater ».
En fait le problème est plus profond que le seul éclatement de la classe ouvrière et son hétérogénéité qu’elle met en avant pour justifier son analyse. Il renvoie à un fait fondamental : la disparition d’un imaginaire social porteur de « lendemains qui chantent », le communisme ou le socialisme. Cet imaginaire surdéterminait l’identité des individus et était la condition de leur identité de classe. Une fois cet imaginaire disparu, suite à l’échec des processus révolutionnaires et à l’expérience du « socialisme réellement existant », l’identité de classe s’est d’autant plus vite effondrée que la restructuration du capital a entrainé une dispersion des salarié.es avec notamment la fin des grandes concentrations ouvrières, le tout sur fond de défaites sociales considérables.
Cette restructuration s’est accompagnée de la reprise et de l’extension du phénomène de marchandisation. La domination du capital ne se réduit plus à la sphère des rapports de production mais vise la société tout entière avec la volonté d’étendre le règne de la marchandise à tous les aspects de la vie sociale et à la vie elle-même. Les transformations du capitalisme entrainent donc une multiplicité d’antagonismes qui sont autant de terrains d’affrontement avec la logique marchande.
De plus, les contradictions, mises longtemps sous le boisseau par une conception qui hiérarchisait les combats et les priorités en les soumettant à la question sociale et aux organisations qui la représentent, n’ont pas manqué de surgir. C’est le cas, par exemple de la lutte contre l’oppression des femmes ou contre le racisme et des questions écologiques. Disparition d’un imaginaire émancipateur lié à la classe ouvrière, transformation du capitalisme qui élargit les points de ruptures et d’antagonismes au-delà des rapports de production, existence de dominations et oppressions qui ne peuvent être réduites à la domination du capital, ont concouru à l’effondrement du mouvement ouvrier malgré l’existence de résistances sociales. S’il y a encore des partis de gauche et des syndicats, on peut considérer que le mouvement ouvrier, en tant que mouvement d’émancipation lié à une classe sociale particulière, n’existe plus.
Le capitalisme repose toujours sur l’exploitation du travail. Mais il ne se réduit pas à cette exploitation et nombre de dominations et d’oppressions ne peuvent être réduites à la domination du capital. On ne peut donc pas hiérarchiser les formes de domination et d’oppression. Il y a des terrains d’affrontements différents avec des acteurs qui se configurent différemment suivant ces terrains et les circonstances. Cela ne veut évidemment pas dire que le rapport capital/travail soit devenu secondaire ni qu’il ne peut plus y avoir de luttes sociales, mais que les conditions qui pouvaient permettre dans certaines situations le passage de la « classe en soi » à la « classe pour soi » ont aujourd’hui disparu.
L’exemple de la mobilisation contre la réforme des retraites en est une illustration : cette mobilisation massive et prolongée du salariat n’a pas empêché qu’une partie importante des salarié.es votent pour le RN quelques mois plus tard. En ce sens la formule d’Houria Bouteldja, « le pour-soi de la condition ouvrière est aujourd’hui une impasse », tape juste.
Se confronter aux « passions tristes » ?
La suite de sa démonstration est cependant moins convaincante. En effet, nous dit-elle, « il y a au cœur des classes populaires blanches des enjeux d’identification rattachés à des enjeux de survie. Le racisme, le nationalisme et le masculinisme sont toutes des solutions identificatoires de ce type quand toutes les autres ont été détruites ». Outre que le masculinisme ne touche pas seulement « les classes populaires blanches », encore faut-il expliciter ce qui a été détruit. Ce qui a été détruit, on l’a vu, c’est d’abord un imaginaire qui se voulait émancipateur.
C’est encore l’espoir d’un progrès social tué par des politiques néolibérales nourrissant les craintes de déclassement et la haine de ceux d’en dessous. Mais, et Houria Bouteldja fait totalement l’impasse sur cet aspect, ce sont aussi les représentations sociales historiques de centaines de siècles de rapports d’oppression remises en cause par la révolution anthropologique en cours que ce soit sur la place des femmes, de l’homosexualité ou des minorités discriminées et plus globalement sur la conception de la famille. Il serait naïf de croire qu’un tel processus puisse se faire sans résistances.
Ces dernières sont d’autant plus fortes que ces bouleversements se sont accélérés ces dernières décennies et se sont combinés pour une partie importante des classes populaires avec le délitement profond du modèle social antérieur. C’est cela qui fait cette « matérialité du besoin de racisme, de masculinisme ou de nationalisme ». Ces transformations majeures et leur impact sur la perception du monde des classes populaires sont évacués dans l’analyse.
Et que veut-elle dire exactement quand elle nous enjoint à « aller tremper un orteil dans le marais de ces passions tristes » ? Pour l’électorat populaire qui vote pour le RN, les questions sociales sont vues à travers un prisme xénophobe et raciste surdéterminant une vision qui mobilise des affects puissants comme le ressentiment et la peur, où les passions mobilisées renvoient surtout à la haine de l’autre. Constater cela et comprendre que la politique est aussi affaire d’affects est une chose ; autre chose est de prendre comme tels ces affects et de les accepter. Ainsi, nous dit-elle, « on ne peut pas prétendre devenir sujet d’histoire avec les classes populaires telles qu’elles sont sans partager avec elles une part du laid et sans s’enlaidir un peu soi-même ».
On peut trouver d’abord choquant et assez méprisant de penser que le contact des classes populaires, prises d’ailleurs ici comme un tout indifférencié, ne pourrait qu’enlaidir. S’agit-il de « s’enlaidir » en faisant comme si la haine raciste et le masculinisme étaient secondaires pour essayer de toucher ces classes populaires ? De plus, une action émancipatrice ne vise pas à prendre « les classes populaires telles qu’elles sont », comme elle l’affirme, mais à faire en sorte qu’elles se transforment elles-mêmes, pariant comme le Marx des Thèses sur Feuerbach sur « la coïncidence du changement des circonstances et de l’activité humaine ou autotransformation ».
S’il faut comme elle l’écrit exclure les sermons et les prêches, il n’en reste pas moins vrai qu’il faudra bien s’affronter d’une manière ou d’une autre au racisme, au masculinisme et au nationalisme. Gagner des électeurs aujourd’hui acquis à l’extrême droite suppose d’abord de rester ferme dans le combat et l’argumentation. Toute concession sur ce terrain ne peut que les renforcer dans leurs convictions et crédibiliser encore plus les formations politiques qui en ont fait leur doctrine. Cela suppose aussi d’être capable de transformer la rancœur haineuse, à la racine de ces « passions tristes », en une espérance qui permet de se projeter dans l’avenir. Il ne suffit pas de parler comme elle le fait de « ligne de crête » ou de funambulisme pour résoudre ce problème.
Le mirage du « patriotisme internationaliste »
La solution d’Houria Bouteldja est de « se projeter sur une transcendance collective et largement reconnue » car nous dit-elle il y a « une absence, une vacance, un vide de transcendance » et de citer l’impossibilité pour le christianisme de remplir cette fonction à cause « d’un sécularisme forcené » ainsi que pour l’islam « religion persécutée mais surtout religion minoritaire ».
Il y a dans cette affirmation d’une nécessité d’une transcendance un problème majeur. En effet, l’idée d’une transcendance suppose qu’il existe une puissance supérieure aux êtres humains qui se manifeste par l’édiction de règles auxquelles les humains se doivent d’obéir. L’évocation de l’islam et du christianisme va tout à fait dans ce sens. Cette idée de transcendance est contradictoire avec ce qui est au fondement de l’idée même de démocratie à savoir que les lois qui gouvernent les êtres humains sont issues d’eux-mêmes, et non pas d’une source extérieure à eux-mêmes – Dieu, les dieux, les ancêtres, la tradition, etc. -, et qu’ils peuvent donc les changer.
Mais une transcendance n’est pas simplement une perspective qui nous obligerait « à lever la tête en direction d’une utopie, ou en direction de Dieu ». Elle s’incarne concrètement dans des dispositifs, des appareils, portés par des individus chargés de faire respecter des commandements, si nécessaire par la coercition. Transcendance rime donc avec domination et oppression, ce que montre l’histoire des religions.
Houria Bouteldja analyse le communisme comme une transcendance. Ce n’est certes pas l’avis de Marx et d’Engels qui écrivaient dans L’idéologie allemande que « le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses ». Loin d’être donc une transcendance, le communisme relève pour Marx et Engels d’un mouvement immanent à la réalité elle-même, même si on peut certes contester le caractère apparemment inévitable de ce mouvement.
Cependant, il faut bien reconnaitre que sur ce point Houria Bouteldja n’a hélas pas totalement tort car historiquement le communisme sous hégémonie stalinienne a pris la forme d’une espérance de nature religieuse avec son Église, le parti communiste, son paradis sur terre, l’Union soviétique, son pape, le secrétaire général du parti communiste d’Union soviétique et ses hérétiques persécutés, comme par exemple les trotskistes. Mais l’écroulement du communisme a peut-être aussi à voir avec cela, question qu’Houria Bouteldja ne se pose pas. L’autrice d’ailleurs semble douter de la pertinence de la transcendance puisqu’à la fin de son texte elle indique que « face à la transcendance, il y a l’immanence de la volonté populaire historique » sans que l’on sache comment elle articule ce constat à son développement antérieur.
Quoi qu’il en soit, la recherche d’une transcendance comme réponse politique à la situation actuelle pose d’autant plus de problème qu’elle est, pour l’autrice, la conclusion de la nécessité de « s’enlaidir un peu soi-même » au contact « des classes populaires telles qu’elles sont ». On a là une contradiction manifeste dans le raisonnement : si la transcendance recherchée signifie « lever la tête en direction d’une utopie, ou en direction de Dieu » on ne voit pas bien en quoi cette démarche consisterait à s’enlaidir. Mais surtout c’est la transcendance trouvée qui pose problème : « cette transcendance a un nom, elle s’appelle France » et de défendre l’idée de « se ré-approprier la France et plus exactement l’idée de patrie ».
Elle part pour cela de deux constats. D’une part que « même les indigènes ont besoin de patrie […] Ils ont perdu la leur et n’en ont retrouvé aucune », d’autre part que les « petits blancs » en voie de déclassement sont porteurs « d’une version exclusiviste de la patrie ». Ainsi nous dit-elle, « les beaufs et les barbares, situés du même côté de la barrière de classe mais séparés par la division raciale, partagent donc le même rêve. Les uns revendiquent une patrie qui leur échappe (à cause de ce qu’ils appellent le mondialisme) ou qui les trahit (l’Union européenne), les autres revendiquent une patrie qui les exclut et les méprise ». La référence à la patrie permettrait ainsi de détruire la barrière raciale.
Quelle stratégie propose -t-elle pour y arriver ? D’une part, « rétablir l’État social et le service public auxquelles les classes populaires blanches sont très attachées ». Outre, que l’on peut penser que les « indigènes » y soient aussi attachés, cela suppose le problème résolu car rétablir l’État social suppose en effet comme condition d’être capable d’unir les classes populaires dans un combat commun et donc avoir auparavant réduit la barrière raciale. Elle propose, d’autre part, d’avancer la perspective d’une sortie de l’Union européenne (UE), un Frexit décolonial, censé rétablir la souveraineté populaire.
Sans reprendre ici le débat bien balisé, et que l’on pouvait croire enterré, sur la sortie de l’UE[2], remarquons l’absence de toute référence au Brexit qui a été l’occasion d’un déchainement xénophobe et qui, loin de réduire la fracture entre indigènes et petits blancs, l’a au contraire aggravée. Car là aussi, Houria Bouteldja suppose le problème résolu. En effet, un Frexit progressiste, décolonial, si tant qu’il puisse exister, ne peut avoir lieu que s’il est mené par un gouvernement ayant rompu avec les politiques néolibérales et xénophobes. Or un tel gouvernement ne pourra voir le jour que si s’est opérée auparavant une réunification des classes populaires que, d’après Houria Bouteldja, le Frexit est censé justement produire. On tourne donc en rond et avancer la perspective d’un Frexit quand celui-ci ne peut qu’être mené par un gouvernement réactionnaire ne peut qu’aboutir à une catastrophe.
Illusoire, le recours au patriotisme comme solution est surtout dangereux et ce, de deux points de vue. D’abord comme le rappelle les auteurs d’un texte critique de la proposition d’Houria Bouteldja, Rêver en matérialistes internationalistes[3], citant Daniel Guérin, les gens préfèrent toujours l’original à la copie.
« En France, [dans la seconde moitié des années 1930] nous vîmes successivement les néosocialistes inscrire la nation en tête de leur credo, tandis que nos camarades communistes s’époumonèrent à « aimer leur pays ». Mais la plupart des « patriotes », ainsi stimulés dans leur hystérie chauvine, mais toujours défiants à l’égard de la gauche, estimèrent que le fascisme était plus qualifié qu’elle pour incarner le nationalisme[4] ».
Alors même l’extrême droite a le vent en poupe et impose ses thèmes, croire que l’on peut s’en emparer et combattre ainsi sur le terrain privilégié de son adversaire est un non-sens qui ne peut que la renforcer. Mais il y a plus, convertir les populations racisées au patriotisme peut avoir pour conséquence que ces dernières adoptent aussi « une version exclusiviste de la patrie » suivant l’adage bien connu que le dernier entré ferme la porte derrière lui. C’est d’ailleurs ce qui se passe aux États-Unis où les populations les plus récemment arrivées sont celles qui sont le plus opposées à l’arrivée de nouveaux migrants. Ce qui explique d’ailleurs en partie la progression de Trump dans l’électorat latino. Et le fait d’accoler simplement l’adjectif « internationaliste » à patriotisme ne résout pas ces problèmes.
Car, comme l’indique le philosophe Jacques Bidet, dans son livre L’écologie politique du commun du peuple[5], il y a un double caractère à la nation : inclusif pour celles et ceux qui en font partie, exclusif pour les autres : « la « nation » moderne, le plus précieux des « communs », est aussi le plus redoutable, car le plus violemment exclusif ». Et Jacques Bidet d’exprimer cette idée dans deux formules chocs : « c’est à nous tous » et « c’est à nous seuls ». C’est ce double caractère, insécable, de la patrie qui rend son utilisation comme levier stratégique impossible sauf situation où l’existence de la nation en tant que telle est menacée.
Cela a été le cas de la Résistance, ce que rappelle Houria Bouteldja. Mais elle oublie de dire que ce patriotisme a été alors tout sauf internationaliste et s’est fait essentiellement sous le mot-d’ordre chauvin « A chacun son boche ». De plus, le levier patriotique a permis aussi relativement rapidement un retour à la normale avec la remise en route des institutions étatiques. Car, ce que semble oublier Houria Bouteldja, c’est qu’il n’y pas de patrie sans État et qu’in fine, l’amour de la patrie se traduit généralement en obéissance à l’État qui l’incarne.
Croire, comme elle l’indique, que la communion dans le patriotisme pourrait aboutir à « la rupture du lien organique qui lie les classes populaires blanches à l’État bourgeois et qui lie les indigènes à ce même État bourgeois par le mirage intégrationniste » est une chimère. C’est exactement le contraire qui risquerait d’arriver.
Des problèmes stratégiques non résolus
Le texte Houria Bouteldja a un mérite, celui d’essayer de résoudre un problème stratégique sur lequel bute la gauche émancipatrice, celui la réunification des classes populaires dans une situation où le mouvement ouvrier comme mouvement d’émancipation lié organiquement à une classe sociale, le prolétariat, a disparu. La réponse qu’elle avance, la transcendance du « patriotisme internationaliste », est, nous espérons l’avoir montré, illusoire et dangereuse.
On ne peut cependant simplement lui répondre par un rappel des principes internationalistes ou en évoquant la force des mobilisations sociales. Dans le premier cas, le rappel des principes ne fait pas une stratégie. Dans le second, outre leur difficulté à gagner sur leurs objectifs, ces mobilisations ne portent en elles-mêmes aucune solution politique et pire n’empêchent pas qu’une partie non négligeable des salarié.es concernés puissent voter pour le RN.
Nous sommes face à trois questions relativement nouvelles : il n’y a pas (plus) de sujet collectif, de sujet révolutionnaire, déterminé objectivement par sa place dans les rapports de production ; la notion de peuple comme construction politique unifiée relève d’une illusion tant cette notion recoupe des réalités différentes que ce soit par le projet politique qui la sous-tend ou par les contradictions qui la traversent ; on ne peut réduire les antagonismes dans la société à une seule contradiction qui surdéterminerait toutes les autres, que ce soit l’opposition capital/travail, peuple/oligarchie, femmes/hommes, blancs/racisés, etc. La situation nous livre les problèmes à résoudre. Comment construire une cohérence stratégique si aucun acteur particulier (le prolétariat, le parti, etc.) ne peut la donner a priori, comment faire vivre un projet d’émancipation qui tienne compte de la multiplicité croisée des oppressions ? Il nous faut donc reconstruire une perspective stratégique en tâtonnant sans certitude.
Notes
[1] https://www.contretemps.eu/rever-ensemble-patriotisme-internationaliste-houria-bouteldja/. Sauf indication contraire, les citations sont issues de ce texte.
[2] Voir notamment Attac et Fondation Copernic Que Faire de l’Europe ?, LLL 2014 et Cette Europe malade du néolibéralisme, LLL 2019 ainsi que https://blogs.mediapart.fr/pierre-khalfa/blog/030314/propos-d-un-dossier-de-marianne-sur-la-sortie-de-l-euro, https://blogs.mediapart.fr/pierre-khalfa/blog/010813/le-monde-enchante-de-la-monnaie-commune-propos-d-un-article-de-frederic-lordon.
[3] https://www.contretemps.eu/rever-materialistes-internationalistes/#_ftn2.
[4] Quand le fascisme nous devançait, chez Marcel Rivière, 1955 – repris en introduction de la réédition de Fascisme et grand capital chez Libertalia, 2014.
[5] Jacques Bidet, L’écologie politique du commun du peuple, Le Croquant, 2022.