
Pour un communisme décolonial
Nous publions ce texte écrit par un membre du groupe international du Réseau salariat plaidant pour un communisme décolonial.
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Préambule
Le réseau salariat est une association d’éducation populaire qui milite pour penser, prolonger et diffuser une pensée révolutionnaire orientée vers l’appropriation collective des moyens de production et l’octroi à toutes et à tous d’un salaire attaché à la qualification professionnelle et non plus au travail réalisé. Fondé sur les travaux de Bernard Friot sur le régime général de la sécurité sociale[1], il propose de penser la socialisation des moyens de production à partir de l’expérience existante de la cotisation sociale comme une alternative à la propriété lucrative et à la financiarisation de l’investissement.
En outre, le réseau salariat pense la démocratisation totale des choix collectifs, fondé sur l’autogouvernement des systèmes de production par les intéressés, en opposition à une étatisation et une bureaucratisation des processus de décision collective[2]. A partir de ces travaux, le réseau salariat a étendu ces réflexions en pensant des sécurités sociales sectorielles pour l’alimentation, la culture ou encore le logement.
En 2018, le réseau salariat a modifié ses statuts pour prendre en compte tous les rapports de domination, notamment de genre et de race, et promouvoir ainsi une approche dynamique de la lutte des classes et non restreinte aux rapports économiques. Deux nouveaux groupes structurants de l’association ont alors été créés, le groupe femme et le groupe international, considérant que les thématiques féministe, antiraciste et internationaliste devaient irriguer l’ensemble des réflexions de l’association.
Ce texte est la première production écrite du groupe international. Il aurait dû être publié sur la page du groupe international du site internet de Réseau Salariat. Mais 8 mois après avoir été partagé en interne, ce texte n’était toujours pas publié. Nous n’avons pas réussi à convaincre nos camarades de l’importance de ce texte et de renverser l’ignorance blanche[3] : ces structures sociales (celles de Réseau Salariat en l’occurrence) qui maintiennent, au sein des populations blanches, un déni ou une méconnaissance du racisme systémique. Cette ignorance n’est pas simplement une absence de connaissance, mais une construction active qui soutient la domination raciale en occultant les réalités des discriminations subies par les personnes non blanches.
Ce texte eut pour première intention de nourrir le débat entre Bernard Friot et Houria Bouteldja qui s’est tenu au Havre le 4 mai dernier. Il a depuis été enrichi et retravaillé pour partager un ensemble de positionnements du groupe international aux membres du Réseau Salariat, mais aussi à d’autres organisations et collectifs militants qui se reconnaissent dans les thèses anticapitalistes, communistes, internationalistes, décoloniales et de l’antiracisme politique, et qui souhaiteraient travailler à la définition de propositions politiques positives.
Ce texte n’est aussi qu’une première ébauche des discussions et des réflexions qui émergent dans le groupe international du réseau salariat. De nombreuses interrogations subsistent sur les rapports à construire entre des territoires qui adopteraient un salaire à la qualification professionnelle et les autres ; sur la conditionnalité des droits pour les expatriés, les transfrontaliers ou les personnes vivant dans différents pays ; ou encore sur sur la réparation des crimes coloniaux et l’ensemble des structures internationales héritées du colonialisme, qu’elles soient militaires, juridiques ou culturelles.
Il nous faut préciser ici que l’intégration des problématiques antiracistes, internationales ou décoloniales est une difficulté au sein du Réseau Salariat, comme dans de nombreuses organisations militantes composées majoritairement par des personnes blanches. Lorsqu’on souhaite aborder la question du racisme systémique et de la persistance des pratiques coloniales, on fait généralement face au silence, au déni, à l’ignorance ou aux attaques personnelles.
Ces attitudes et ces comportements ont sans aucun doute découragé et découragent toujours des personnes non blanches de rejoindre l’association, malgré de fortes aspirations politiques communes. Face au fascisme qui se renforce de jour en jour, cette situation est profondément désolante étant donné le besoin urgent de se rassembler, et particulièrement entre populations prolétaires et précarisées, en grande partie composée par des personnes non blanches.
La patience, la persistance et la détermination de certains membres du Réseau Salariat ont cependant permis le changement des statuts de l’association et l’ouverture en conséquence de nouveaux espaces de discussion et de réflexion. Le groupe international a ainsi organisé en 2020 une série de débats constructifs sur le rapport des thèses du Réseau Salariat à la thématique internationale où de nombreux sujets ont été abordés et qui ont inspirés la rédaction de ce texte.
Nous savons que la réception de ces réflexions dans le Réseau Salariat comme dans tant d’autres organisations dites de la gauche blanche ne sera pas facile. Notre confiance en l’autre est faible, désarçonnée, mais nous savons aussi que n’avons que le choix de croire en l’autre, de tenter de discuter et de trouver des perspectives partagées, pour essayer de construire une alternative ensemble et faire face au fascisme qui est lui aussi déjà-là.
Nous savons aussi qu’il nous faut assumer des positions claires sur les difficultés et les impossibilités de vivre de toutes les personnes non blanches qui vivent encore sous un statut d’indigène. Si les codes noirs et les codes de l’indigénat ont été officiellement expiés des législations nationales, les institutions répressives contemporaines en ont repris tous les plis qui se dévoilent dans la ségrégation géographique, les positions sociales occupés, les violences criminelles du racisme d’État et les espérances de vie amputées.
Valorisation différenciée des vies, liberté de croyance, d’expression et d’association à géométrie variable, soutien politique électoraliste, rejet des cultures allogènes quand cela ne satisfait plus un désir d’exotisme colonial, crimes policiers, racisme d’État, terrorisation des populations musulmanes, la liste des manquements de la philosophie universaliste des droits humains semble s’étirer de jour en jour.
Nous avons conscience que cette voie est périlleuse, que les trahisons, les maux et les crimes commis dans le passé nous incitent à nous retrancher, à rester méfiants et à craindre qu’une nouvelle fois les intérêts matériels de l’Occident ne le déterminent à trahir l’humanité.
Mais nous n’avons pas le choix, l’alliance des populations opprimées, blanches et non blanches, du Nord et du Sud, est indispensable pour engager la lutte contre le capitalisme et construire un monde où plus aucune subjectivité ne sera niée.
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Introduction
Penser la sortie de l’économie capitaliste à l’échelle nationale ne devrait pas uniquement se résumer à concevoir une économie communiste, ou des sphères communistes de l’économie, par la socialisation et la démocratisation des moyens de productions pour remplacer la propriété privée et les processus de marchandisation du monde. D’un point de vue internationaliste et décolonial, cela devrait commencer par se demander comment remettre l’économie nationale au service de tous les êtres humains, du Nord et du Sud Global[4], dans le respect des limites écologiques, ou autrement dit comment assurer et organiser la production des biens et des services nécessaires à la population nationale tout en respectant les besoins essentiels à la vie de toutes et tous[5].
En d’autres termes, il nous faut concevoir comment un mode national de production socialisé et démocratisé se comporterait et échangerait avec les autres États et peuples du monde pour proposer un nouvel ordre économique international. Étant donné le caractère fondamentalement racial du capitalisme[6], il est nécessaire de penser un communisme antiraciste et décolonial, malgré les difficultés que l’adjonction de ces termes laisse entrevoir[7], et ceci dans un contexte de multi-polarisation du monde, où le pouvoir de l’impérialisme occidental, bien que toujours fort et présent, est de plus en plus contesté par certaines nations désormais considérées comme des États sous-impérialistes[8].
Penser un communisme décolonial revient à défaire la colonialité du pouvoir[9] et ses structures sociales pour en penser de nouvelles. Le capitalisme racial a en effet produit un ordre social mondial inégalitaire sur la base d’une distinction raciale des individus, où règnent l’oppression et l’exploitation des populations non blanches. Son caractère impérialiste est ancré dans l’accaparement des terres et des ressources des populations non blanches, dans l’exploitation des corps de ces mêmes populations par une mise au travail orientée vers la satisfaction des besoins des populations occidentales, et dans le contrôle des formes de subjectivité, dont l’islamophobie et la lutte contre le terrorisme sont aujourd’hui les formes dominantes dans les pays occidentaux.
Pour sortir d’un état unique de consternation et de dénonciation, il est indispensable de concevoir positivement de nouvelles structures économiques nationales qui permettront le respect des vies et des droits de tous les individus, sans distinction de classe, de genre, de sexualité, de race, de nationalité ou de religion. En ce sens, le système politique et économique du salaire à la qualification personnelle ne résout pas en lui-même les dominations internationales, raciales et sexistes. Il propose simplement des modalités de socialisation et de démocratisation des moyens de production à partir de l’expérience du régime général de la sécurité sociale et particulièrement de la cotisation sociale.
Tout un travail reste donc à réaliser pour compléter ces thèses par des mesures qui lutteraient contre l’impérialisme, le racisme et le sexisme. Pour approfondir et enrichir la réflexion du Réseau Salariat sur le travail, ce texte est une première réflexion qui veut penser la division du travail d’un point de vue décolonial, et notamment de qui travaille, pour contribuer à la construction d’une société plus égalitaire.
En finir avec les structures coloniales
La colonisation et la traite esclavagiste ont rendu possible une accumulation et une appropriation capitalistes continues dans les pays du Nord Global. Le développement économique et social[10] des pays riches, au centre du système-monde, est ainsi intrinsèquement dépendant du sous-développement des pays pauvres, à la périphérie du système-monde[11]. En dépit des indépendances politiques, l’exploitation des populations du Sud Global ne s’est jamais arrêtée et les pays du Nord en bénéficient toujours.
Le pillage des terres et des corps des pays du Sud a par exemple permis le développement de l’industrie textile britannique grâce à la production esclavagiste du coton ou du commerce inégal des entreprises multinationales à partir des Compagnies des Indes. Plus encore que la richesse capitaliste, les États sociaux ont aussi été établis sur l’exploitation du Sud, comme une forme de compromis politique et de redistribution de l’accumulation capitaliste avec les classes prolétaires des pays occidentaux, à travers des politiques sociales dont celles pour le travail, la santé, l’éducation ou la recherche scientifique. Nous souhaiterions brièvement rappeler dans cette première partie les structures coloniales qui soutiennent les modes de vie occidentaux et qui doivent être abolies pour assurer le respect de toutes les vies.
L’échange inégal
A l’heure des indépendances politiques, les capacités productives existantes et héritées du colonialisme obligent les pays du Sud à orienter leur production dans l’exportation de biens primaires à faible valeur ajoutée, alors qu’ils doivent importer des produits manufacturés à haute valeur ajoutée. Ainsi pour échanger des biens primaires contre des biens manufacturés, la quantité de travail fournie par les pays du Sud Global est nettement supérieure à celle de ceux du Nord, caractérisant l’inégalité des échanges commerciaux[12]. Par ailleurs, ces derniers exportent leurs surplus de production agricole qui déstabilisent les productions vivrières des pays du Sud et influencent ainsi les exodes ruraux.
A partir des années 1980, les pays du Nord Global délocalisent massivement la production manufacturière. La maitrise des chaines de valeurs mondiales dans une situation d’oligopole et la puissance de rétorsion économique de ces États permettent aux entreprises multinationales de maintenir les échanges inégaux, en poussant les prix à la baisse à chaque partie du processus de production, tout en maintenant des prix de vente finaux importants et en rapatriant l’ensemble des bénéfices dans les pays du Nord. Dans les années 1990, l’établissement des droits de propriété intellectuelle au plan mondial par les accords de l’OMC consolide fortement la place des pays occidentaux comme producteurs de connaissance avancée, au détriment du développement technologique des pays du Sud Global. Par exemple, il a été calculé que « sur la quasi-totalité des nouveaux iPhone lancés entre 2010 et 2018, Apple a gagné 56 % du prix de vente final (en moyenne) sans produire ni assembler aucun des composants ; 1,5 % du prix de vente final est allé à la partie la plus intensive en main-d’œuvre de l’étape de production, l’assemblage, qui s’est déroulé principalement en Chine »[13].
Au total, en 2015 l’appropriation nette par les pays du Nord, sans aucune forme de compensation, représentait en moyenne environ un quart de la consommation totale des pays du Nord[14]. Une récente étude[15] a aussi récemment démontré que « les salaires du Sud sont inférieurs de 87 à 95 % à ceux du Nord pour un travail à compétences égales ». Par ailleurs, « alors que les travailleurs du Sud fournissent 90 % du travail nécessaire à l’économie mondiale, ils ne perçoivent que 21 % du revenu mondial ».
La lutte contre l’ordre économique colonial
Durant la seconde moitié du XXème siècle, un ensemble de structures économiques internationales est déployé à travers le Fond Monétaire International, la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce, pour institutionnaliser la surexploitation violente du Sud Global dans la continuité du colonialisme historique. Aussi, au-delà des structures économiques, les puissances occidentales ont soutenu les assassinats de nombreux leaders politiques indépendantistes et anticolonialistes, ainsi que des gouvernements autoritaires pour les remplacer.
Dès 1960, les États Occidentaux cherchent à immobiliser les processus d’indépendance économique avec la création de l’association internationale pour le développement, une organisation membre du groupe de la Banque Mondiale issue du Consensus de Washington[16], en opposition au Fonds des Nations Unies pour le Développement Économique qui doit favoriser le financement de moyens indépendants de production. Une des principales caractéristiques du fonctionnement des institutions internationales d’après-guerre est leur mode de gouvernance censitaire et la place prépondérante des pays alors dits industrialisés dans la répartition des droits de vote des administrateurs.
Dans les années 1970, les États nouvellement indépendants tentent d’harmoniser leurs positions à travers le Groupe des 77 afin de remettre en cause le système économique mondial qui maintient les rapports coloniaux de domination et de dépendance. Ils proposent une résolution qui sera adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1974[17] pour permettre un contrôle national de l’exploitation des richesses et des ressources naturelles, un protectionnisme contre les produits importés, l’accès aux nouvelles technologies sans devoir rémunérer la propriété intellectuelle, la nationalisation des entreprises coloniales, le contrôle des investissements, et la surveillance des sociétés transnationales[18].
Allant à l’encontre de leurs intérêts les plus fondamentaux, les puissances occidentales s’opposent à cette résolution et manœuvrent pour arrêter les politiques décoloniales qui entament la nationalisation des entreprises productrices de ressources naturelles. Dans la même année en effet, l’action concertée des membres de l’OPEP impose une très forte augmentation du prix du pétrole et menace vigoureusement la stabilité des économies occidentales, qui sont et restent dépendantes de l’exploitation des pays du Sud Global pour maintenir leurs modes de vies.
D’autre part, après que les États-Unis aient mis fin à la parité or-dollar en 1971, les pays industrialisés utilisent la crise de la dette des années 1980 pour reprendre le pouvoir sur les politiques publiques menées dans les territoires anciennement colonisés. Les programmes d’ajustement structurel pratiqués par le FMI et la Banque Mondiale permettent d’imposer des conditions politiques à tout financement international dédié au développement[19].
Une des conséquences majeures de cette lutte contre la décolonisation économique est le maintien de la division internationale du travail et des échanges commerciaux inégaux structurés par la colonisation. Par ailleurs, elle a retardé le développement économique et social des pays du Sud à des degrés divers dans les différentes régions du monde, tout en favorisant l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie et de nouveaux pouvoirs impérialistes dans ces mêmes pays. En 2022, l’Assemblée Générale des Nations Unies adopta une nouvelle résolution[20], soutenue par 123 États, pour promouvoir un nouvel ordre économique international. Près de 48 ans après la première tentative, la décolonisation de l’économie est toujours à l’ordre du jour pour la majorité de l’humanité.
Nous avons encore beaucoup à apprendre des victoires et des échecs révolutionnaires des pays du Sud. L’histoire de ces pays nous a toutefois appris que si la lutte contre le colonialisme est indispensable et nécessaire pour faire tomber les murs à l’horizon, il est fondamental de penser et de préparer le monde d’après. Au risque sinon que les classes les plus privilégiées, qu’elles soient blanches ou non blanches, s’organisent pour capturer la force sociale de nos luttes et la transformer en de nouvelles fortifications[21].
Rompre les liens de dépendances
En finir avec la colonialité du pouvoir est essentielle pour rompre les liens de dépendance[22] entre les pays du Nord et du Sud Global et redonner ainsi une véritable liberté politique et une égalité de droits économiques et sociaux à tous les peuples. Les indépendances politiques et les processus électoraux mis en œuvre dans les pays du Sud ont en effet été réduits à la liberté de choisir quelle part de la bourgeoisie nationale aller devoir appliquer des décisions politiques prises par les pays du Nord[23].
En rompant les liens de dépendance, il s’agit de laisser la liberté à ces populations d’organiser leurs économies selon leurs propres désirs, et notamment la possibilité de bâtir des sociétés davantage concentrées sur la satisfaction des besoins et le respect des cultures des populations locales, que sur l’exportation de matières premières et de marchandises à bas prix pour les marchés occidentaux et les nouveaux pays sous impérialistes.
On peut alors citer quelques mesures déjà bien connues pour favoriser l’établissement d’un nouvel ordre économique international :
-L’abolition de l’exploitation de la force de travail des pays du Sud Global, de la libéralisation inégale des échanges économiques, des subventions à l’exportation des productions agricoles, de la propriété intellectuelle, des tribunaux d’arbitrage internationaux et de l’évasion fiscale des multinationales.
-L’élimination inconditionnelle des dettes souveraines illégitimes et des conditions d’ajustement structurel aux financements internationaux.
-La démocratisation des institutions financières et commerciales internationales (FMI, BM), du Conseil de Sécurité des Nations Unies et des Agences des Nations Unies (règlement des conflits internationaux).
– La liberté de circulation et d’installation, ainsi que le droit à la citoyenneté pour tous résidents, comme des droits fondamentaux à la mobilité, comme une partie de la réparation des crimes impérialistes commis sur les populations du Sud, et comme une réponse au dérèglement climatique engendré par le capitalisme racial.
La fin du colonialisme pour les sociétés occidentales
En finir avec les structures économiques coloniales a des conséquences majeures sur les économies nationales des pays du Nord. Cela nécessite d’être pensé en amont dans la structuration de la production, en incorporant une juste reconnaissance du travail domestique lié à la reproduction de la force de travail, essentiellement assuré par les femmes, du Nord mais aussi du Sud Global ; et de la production extractiviste, manufacturière et industrielle fournie par les populations du Sud Global pour satisfaire les besoins des pays du Nord Global, en incluant aussi le travail des populations étrangères, avec ou sans papiers, dans les pays du Nord.
Cette reconnaissance n’appartient pas uniquement à un ordre symbolique mais doit se traduire dans une juste répartition du travail et de ses résultats, que ce soit en termes de redistribution économique, de répartition du temps de travail, de reconnaissance sociale et de délibération politique sur les différents types d’activité et leurs impacts écologiques et sociaux.
Dans un modèle de société basé sur le salaire à la qualification personnelle, le conventionnement des entreprises devrait en conséquence intégrer des critères de respect des normes sociales et environnementales sur l’ensemble des chaines de valeur, incluant la part de la production réalisée à l’étranger, pour permettre la décolonisation de l’économie. Néanmoins, nous verrons ici que le conventionnement est insuffisant au regard du caractère colonial des sociétés occidentales et des implications pour les populations du Nord issues de la colonisation.
Un changement radical de la nature du travail
Mettre fin à l’exploitation des peuples et des territoires du Sud Global aura en effet pour résultat un accès plus difficile, voire impossible, et plus onéreux aux importations de matières premières et de produits manufacturés. La relocalisation des activités extractives et industrielles serait ainsi favorisée dans la limite de la disponibilité des matières premières sur les territoires et des limites planétaires[24].
Le cuivre par exemple, tant nécessaire à l’électrification des systèmes énergétiques, n’est plus extrait en France. En 2022, la majeure partie de son extraction était réalisée au Chili, au Pérou, en République Démocratique du Congo et en Chine. Si le cuivre reste présent en France et en Europe, d’autres ressources, comme les terres rares, si indispensable à toutes les nouvelles technologies de la communication et de la bifurcation écologique, sont très inégalement dispersées à travers le monde.
Parce que l’économie est avant tout une transformation de la nature, il est donc nécessaire de comptabiliser les matières premières qui sont à disposition sur le territoire national voire continental. La fin de l’extractivisme capitaliste entrainera de profondes modifications des capacités productives car un accès restreint à certaines matières premières induirait des difficultés ou l’impossibilité d’utiliser certaines technologies.
D’autre part, assurer le respect de normes sociales et écologiques à l’ensemble des chaines de valeur aura pour conséquence la fin de la compétitivité internationale fondée sur des salaires à bas prix et des cadres réglementaires moins-disant dans les pays du Sud. Dès lors, la production secondaire devrait être aussi relocalisée dans les pays du Nord car le prix des produits manufacturées importés serait bien plus important.
Finalement, la réindustrialisation du territoire national entrainera de profonds changements dans la nature du travail à réaliser, qui sera très différente de ce qu’elle est dans l’économie capitaliste actuelle, avec une forte nécessité de transiter de la production majoritaire de services (76,1% des emplois en France en 2018) vers la production primaire et secondaire pour une majorité de personnes. Pour la production agricole française par exemple, on passerait de 2,5 % des personnes en emploi à 10 % de la population active[25].
Mais qui retournera dans les champs, les mines et les usines ?
Si le capitalisme racial a créé des inégalités sur la base d’une distinction raciale des individus, celle-ci ne se limite pas aux relations internationales, elle est aussi constitutive des sociétés modernes occidentales. Le racisme systémique produit en effet des inégalités ordinaires qui affectent l’ensemble des relations sociales. Les personnes non blanches sont discriminées à l’école, par la police, dans les associations, dans les partis politiques, dans les médias, dans leur progression professionnelle, ou encore pour accéder à un emploi, un logement, des soins de santé, ou la justice.
Le racisme systémique est particulièrement perceptible dans la division nationale du travail où les personnes non blanches réalisent les tâches les plus ingrates et les plus difficiles. Le musée national de l’immigration raconte ainsi que « depuis la deuxième moitié du XIXe siècle et jusqu’aux années 1970, les travailleurs immigrés ont généralement occupé des emplois peu qualifiés dans les secteurs économiques qui connaissaient des pénuries de main-d’œuvre et ont ainsi répondu aux besoins du pays : mine, textile, bâtiment, construction, industrie sidérurgique et métallurgique, automobile et, dans une moindre mesure dans le secteur agricole comme travailleurs saisonniers. À partir des années 1970, le déclin de ces industries a entraîné des nombreux licenciements et/ou mises en préretraite qui ont particulièrement touché les travailleurs immigrés.»[26]
Aujourd’hui, l’observatoire français des inégalités[27] note que les travailleurs immigrés sont surreprésentés dans les emplois de ménage, d’agent de sécurité, d’ouvrier du bâtiment et de l’hôtellerie restauration et très souvent mal rémunérés. On sait par ailleurs que la production agricole recourt à une forte main d’œuvre saisonnière étrangère sous un régime que l’on peut qualifier d’esclavage moderne[28].
Un rapport de la Dares résumait la situation ainsi : « plus les conditions de travail sont difficiles et plus la tension de recrutement est élevée, plus forte est la probabilité que l’emploi soit occupé par un immigré »[29]. Ce même rapport note aussi que la spécialisation professionnelle des personnes immigrées varie selon le pays de naissance et le niveau de diplôme.
En ce qui concerne les enfants d’immigrés, l’observatoire des inégalités note que les positions sociales défavorisées de leurs parents influencent fortement leur mobilité sociale pour occuper plus souvent des positions sociales défavorisées[30]. Par ailleurs, les descendants d’immigrés d’un autre continent que l’Europe sont surexposés au chômage[31] et ont des difficultés d’accès à l’emploi et aux salaires les plus élevés[32].
On s’interroge alors : qui retournera dans les champs, les mines et les usines pour mettre son corps au travail et assurer l’extraction et la transformation des matières premières. Dans une société décolonisée et basée sur le salaire à vie, avec de profonds changements dans la nature du travail à réaliser, il est indispensable de réfléchir aux transitions professionnelles et à l’incorporation des violences sociales par le travail, et notamment des discriminations raciales et des inégalités de santé au travail.
L’incorporation des inégalités ou les possibilités d’une alliance transversale
A un moment donné, en un endroit défini, les inégalités de vie reflètent un état des rapports de domination et d’exploitation qui s’exercent sur les corps, et influent au final sur l’espérance de vie en bonne santé. Le résultat de ces inégalités s’observe aisément à travers le gradient social de la santé qui définit l’état de santé des individus comme fortement dépendant de leur position sociale. Il permet d’apprécier les disparités des espérances de vie, plus ou moins longues et jouissives, que l’on soit hôtesse de caisse ou ingénieur[33], que l’on vive au Lesotho ou au Japon[34], que l’on soit exposé à la pollution des combustibles fossiles utilisés par d’autres[35], que l’on soit une femme ou un homme[36], riche ou pauvre[37], Noir, Indigène ou Blanc[38]. Pour certains et certaines d’entre nous, militer pour la construction d’un autre monde est une question de vie et de mort.
La hiérarchie sociale actuelle est fondée sur la méritocratie qui fonctionne grâce à des institutions de reproduction sociale, où les capitaux économiques, culturels, sociaux et symboliques sont plus ou moins librement transmis de génération en génération. Si une meilleure répartition des richesses pourrait réduire les inégalités économiques, si de nouveaux modèles éducatifs et pédagogiques pourraient assurer une meilleure redistribution des capitaux culturels, ils ne peuvent constituer des conditions suffisantes pour réduire les inégalités de capitaux sociaux et symboliques, et in fine les inégalités de vie, où le genre et la race sont des déterminants fondamentaux.
Nous adhérons à la thèse anthropologique qui explicite qu’il n’existe pas d’harmonie spontanée entre les besoins de la société et les désirs individuels, et qu’en conséquence la violence sociale n’est pas amenée à disparaitre, dans une société communiste, tant elle est constitutive de cet antagonisme. Cependant, ces quelques réflexions démontrent la nécessité de penser l’incorporation de la hiérarchie sociale produite par une société du salaire à la qualification personnelle. Si l’organisation de la production ne prend pas en compte le racisme systémique et la continuité des structures coloniales, il est évident que les corps non blancs seront les premiers à devoir assumer les travaux pénibles et dangereux, que cela soit sur le territoire national ou dans les pays du Sud global, et continueront d’avoir les vies les plus courtes et les plus difficiles.
Avec la relocation des industries extractives et manufacturières, de nombreuses personnes devront assumer des travaux plus difficiles que ceux qu’ils exerçaient dans une société majoritairement productrice de services, avec des conséquences importantes sur leur santé et leur qualité de vie. Il est évident que les personnes blanches et prolétaires seront aussi affectées par ces transitions, et particulièrement dans les territoires désindustrialisés par des décennies de délocalisation de la production. Alors que le retour des usines pour ces territoires désaffectés est promis par de nombreux politiciens en campagne pour assurer des jours heureux, on se demande bien quels parents des classes privilégiées souhaiteraient y envoyer leurs enfants.
Dans un contexte de changement radical des structures économiques, des propositions politiques sur la réalisation des tâches les plus pénibles et dangereuses, mais pourtant jugées nécessaire à la satisfaction des besoins de tous, pourraient être un axe central de l’alliance des classes prolétaires, blanches et non blanches. Mais pour envisager une telle alliance, il serait sans doute plus pertinent d’approfondir les discussions sur une déspécialisation du travail et une obligation commune et collective d’assurer les travaux les plus dangereux et pénibles, plutôt que de proposer d’augmenter le pouvoir d’achat, d’assurer l’intégration des immigrés, ou encore de dynamiser les quartiers populaires, par le travail.
Conclusion
Depuis quelques décennies, la crise climatique a posé les jalons d’une nouvelle ère : l’Anthropocène, judicieusement renommé Capitalocène[39] et même Plantationocène[40]. De nombreuses réflexions partagées ici rejoignent des propositions pensées par une écologie anticapitaliste et décoloniale. Ces rapprochements sont indispensables pour espérer des changements suffisamment globaux dans la lutte contre le changement climatique.
Il est en effet impossible de penser que ces changements puissent advenir sans une perspective décoloniale, tant l’Occident a pillé et usé des populations et des territoires du Sud Global. Bien au contraire, la perspective décoloniale est peut-être l’unique chance que nous ayons pour entamer des discussions internationales. Les débats dans le cadre des Nations Unies sur le fond de compensation climatique pour perte et dommage ou sur l’accord mondial sur les pandémies l’illustrent suffisamment.
Dans la prise de conscience de la finitude matériel de notre monde, une question importante se pose : que reste-t-il au capitalisme pour continuer à étendre l’empire des marchés et des profits, si ce n’est une nouvelle intensification de l’exploitation de l’humanité qui a pris son essor avec la période néolibérale ? Depuis ses origines, l’État a été une institution centralisatrice de la violence sociale pour en décupler sa force et étendre son pouvoir sur le gouvernement des vies. La division raciale a été utilisée comme une technique de contrôle et d’orientation de la violence sociale qui a permis la mondialisation du capitalisme par la colonisation et la structuration de la division internationale du travail.
Mais depuis les indépendances politiques des pays du Sud Global, les frontières coloniales ont été renversées. Les centres du système monde se sont démultipliés pour mieux dominer les périphéries et déposséder les vies. Des classes bourgeoises ont émergé dans les pays du Sud Global, alors que des portions congrues de l’Occident s’appauvrissent après presque un demi-siècle de politiques d’austérité sociale, à tel point que l’espérance de vie diminue depuis 3 ans, particulièrement pour les populations indigènes, dans le pays le puissant et le plus riche du Nord, les États-Unis.
Les inégalités ont été décuplées mais aussi déplacées dans leurs frontières géographiques. La fracture du capitalisme racial divise désormais l’intérieur des sociétés coloniales, où la race est déterminante dans la relégation sociale, mais aussi dans les sociétés colonisées, où la classe s’étend pour continuer l’exploitation de la majorité. La justice sociale doit dès lors être envisagée comme une politique de redistribution, mais aussi comme une politique de reconnaissance des individualités pour lutter contre la domination culturelle et permettre ainsi à toutes et à tous d’être membre à part entière et à capacité égale de la société[41].
Sans se reconnaitre et reconnaitre l’autre comme il est, avec nos cultures, nos histoires et nos particularités, une société du salaire à vie est vide de sens. Certes, nous voulons décider de la production, redonner du sens à notre travail et améliorer nos conditions d’existence, mais nous souhaitons par-dessus tout reprendre le pouvoir sur nos vies et aussi pour celles des nôtres resté·es au pays.
Notes
[1] Bernard Friot, Puissance du salariat, La Dispute, col. « Travail et salariat », 2012 (1ère éd. 1998).
[2] Nicolas Da Silva, La bataille de la Sécu, une histoire du système de santé, La Fabrique, 2022.
[3] Solène Brun et Claire Cosquer, La domination blanche, Textuel, 2024.
[4] Nous adoptons une utilisation flexible (par facilité de lecture) de la notion de pays du Sud / Sud Global en référence aux pays qui souhaitaient la mise en œuvre d’un nouvel ordre international multipolaire pour mettre fin à la domination historique des pays colonisateurs. Si sa définition est au cœur de débats importants, le Sud Global pourrait être résumé au Groupe des 77 aux Nations Unies, crée en 1964 pour lutter contre l’ordre impérialiste, et qui compte actuellement 134 États membres des Nations unies sur 193. Il représente ainsi près de 80% de la population mondiale.
[5] Amartya Sen, Un nouveau modèle économique : développement, justice, liberté, Éditions Odile Jacob, 2003.
[6] Cedric Robinson, La genèse de la tradition radicale noire, Entremonde, 2023 ; Sylvie Laurent, Capital et race, histoire d’une hydre moderne, Éditions du Seuil, Paris, 2024.
[7] Houria Bouteldja, Beaufs et barbares, La Fabrique, 2023.
[8] Frédéric Thomas. Anticolonialisme(s). Point de vue du Sud. Éditions Syllepse, 2023 ; Laurent Delcourt, BRICS+ Une alternative pour le Sud Global, Points de vue du Sud, Éditions Syllepse, 2024.
[9] Abinal Quijano, “Race” et colonialité du pouvoir, in Mouvements, 2007/3 (n°51), pages 111 – 118.
[10] La notion de développement est ici comprise comme la satisfaction des besoins essentiels de tous les êtres humains, le respect de leurs droits et libertés fondamentales dans le respect des limites planétaires.
[11] Raoul Prebisch, Le Développement économique de l’Amérique latine et ses principaux problèmes, 1950 ; Emmanuel Arghiri, L’échange inégal : essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux, 1969 ; Samir Amin, Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, Paris, Minuit, 1973 ; Immanuel Wallerstein, Le capitalisme historique, La Découverte, 2011.
[12] Samir Amin, L’échange inégal et la loi de la valeur, 1973.
[13] Collectif d’auteurs, L’ordre économique international actuel : un obstacle au développent. Le principal défi pour le groupe des 77 et la Chine. Institut Cubain du Livre, 2023, p. 42.
[14] Hickel Jason, Dorninger Christian, Wieland Hanspeter, et al. Imperialist appropriation in the world economy: Drain from the global South through unequal exchange, 1990–2015. Global Environmental Change, 2022, vol. 73, p. 102467.
[15] Hickel, J., Hanbury Lemos, M. & Barbour, F. Unequal exchange of labour in the world economy. Nature Communication 15, 6298 (2024).
[16] Dezalay Yves et Garth Bryant. “Le Washington consensus ». In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 121-122, mars 1998. Les ruses de la raison impérialiste. pp. 3-22.
[17] Résolution 3201 (S-VI) de l’Assemblée Générale des Nations Unies.
[18] Ahmed Mahiou, Note introductive à la déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international, Résolution 3201 (S-VI) de l’Assemblée Générale des Nations Unies, 1974.
[19] Joseph Stiglitz. La grande désillusion. Fayard, 2012, 207 pages.
[20] Résolution 77/174 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, 2022.
[21] Vijay Prashad, Une histoire politique du Tiers Monde, Ecosociété, 2019.
[22] Samir Amin, La déconnexion. Pour sortir du système mondial, Éditions La Découverte, 1986, 334 pages.
[23] Frantz Fanon, Pour la révolution africaine : écrits politiques, Éditions François Maspero, 1964 ; Les Damnés de la terre, Éditions la Découverte, Paris, 2004.
[24] Jason Hickel, « The anti-colonial politics of degrowth ». Political Geography, 2021, vol. 88.
[25] L’Atelier Paysan, Reprendre la terre aux machines, Editions du Seuil, 2021.
[26] Mustapha Harzoune, Dans quels secteurs économiques sont employés les travailleurs immigrés ? Musée National de l’Immigration, 2022.
[27] Observatoire français des inégalités, Les immigrés exercent plus souvent des métiers pénibles, 2021.
[28] Seth Holmes, Fruits frais, corps brisés – Les ouvriers agricoles migrants aux Etats-Unis, CNRS Editions, 2024.
[29] A. Desjonquères, B. Lhommeau, M. Niang et M. Okba, « Quels sont les métiers des immigrés ? » Dares, Juillet 2021.
[30] Observatoire français des inégalités, Mobilité sociale : les enfants d’immigrés font aussi bien que les autres, 2012.
[31] Observatoire français des inégalités, « Les immigrés et leurs descendants, surexposés au chômage », 2023.
[32] Béatrice Boutchenik, Jérôme Lê, “Les descendants d’immigrés maghrébins : des difficultés d’accès à l’emploi et aux salaires les plus élevés », INSEE, 2017.
[33] Joel Gires, Le travail c’est la santé? (pas pour tout le monde). Écarts de mortalité entre professions en Belgique. Observatoire belge des inégalités. 2023.
[34] En 2019, la différence d’espérance de vie en bonne santé entre les personnes vivant au Lesotho ou vivant au Japon est de 30 ans. Données OMS, 2023.
[35] Dans le monde, la pollution de l’air, notamment due à l’usage de combustibles fossiles, cause 6,7 millions de morts annuellement, et 89% de ces décès ont lieu dans les pays à faible ou moyen revenue. Données OMS, 2022.
[36] Si les femmes qui vivent plus longtemps que les hommes, elles sont paradoxalement en plus mauvaises santé, avec plus de maladies, d’incapacités et de situation de dépendance. Dominique Polton, « Égalité femmes – hommes en matière de santé et de recours aux soins », Regards, vol. 50, no. 2, 2016, pp. 35-45.
[37] En France, en 2021, la différence d’espérance de vie en bonne santé entre les 5% de personnes les plus aisées et les 5% de personnes les plus modestes est de 12,7 ans. Données INSEE, 2021.
[38] En 2016 aux États-Unis d’Amérique, les populations noires et indigènes ont respectivement un risque plus élevé de mortalité de 43% et 56%. Inequalities in the Americas. Just Societies: Health Equity and Dignified Lives. Report of the Commission of the Pan American Health Organization on Equity and Health Inequalities in the Americas. Washington, D.C.: PAHO; 2019.
[39] Andreas Malm, L’anthropocène contre l’histoire. Le réchauffement climatique à l’ère du capital. Éditions la Fabrique, 2018.
[40] Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Éditions du Seuil, 2019, 464 pages.
[41] Nancy Fraser, Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, La Découverte, 2011, 182 pages.