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Nous publions ici le second volet d’une analyse de l’économiste François Chesnais sur les rapports entre capitalisme et changement climatique, qui fait suite à un premier article sur les origines des changements climatiques. Cette deuxième partie porte sur la monoculture, modèle dominant de production agricole sur le plan mondial.

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On est sur un terrain où l’impact climatique relève de facteurs plus facilement identifiables que ce n’est le cas pour d’autres dimensions de la relation capital-climat. Les pays d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est où la monoculture domine connaissent des degrés d’intensité différents de domination économique et politique des pays capitalistes centraux, ces facteurs sont dans la continuité de l’économie de plantation. Les forts taux d’émission de COainsi que les conditions d’existence des paysans et des travailleurs ruraux, avec des effets d’expulsion massive de population vers les bidonvilles, résultent de la concentration élevée de la propriété du sol et de l’exploitation effrénée des travailleurs.

Les intérêts des grands propriétaires engagés dans la monoculture coïncident en tous points avec ceux des groupes industriels à dominante industrielle très puissants situés en amont (agrochimie) comme en aval (agrobusiness) des activités de culture du sol et d’élevage. L’économie de la monoculture (son business model) est marquée par une fuite en avant qui prend la forme de baisses des rendements et de réponses à ces baisses dont l’efficacité s’avère limitée et passagère. Et cela alors qu’une agriculture alternative a fait ses preuves.

 

« Transformer du pétrole en nourriture » 

S’agissant de leur impact climatique les activités de culture du sol et d’élevage sont rangées par la commission spécialisée du GIEC sous le titre AFOLU[1]. Si on additionne les émissions directes et émissions indirectes de l’agriculture, l’élevage, l’exploitation forestière, la déforestation/reforestation, la part de l’AFOLU atteint 25 % soit la deuxième en importance.

• AFOLU : Agriculture, forestry and other land use. Inclut l’agriculture, l’élevage, l’exploitation forestière, la déforestation/reforestation. La contribution de l’élevage à AFOLU est difficile à estimer car elle n’est pas spécifiée dans le rapport. On peut toutefois y lire que les émissions directes de l’élevage (fermentation entérique et gestion des déjections) contribuent pour moitié aux émissions agricoles.
• L’industrie : industrie lourde (métallurgie, sidérurgie, pétrochimie…) et industrie manufacturière.
• Les transports : aérien, maritime et terrestre (route et rail).
• Le bâtiment : inclut la construction, l’entretien et le chauffage.
• L’énergie hors chauffage et électricité : ce secteur inclut les émissions liées à l’extraction des combustibles fossiles (comme les fuites de méthane ou le brûlage des gaz à la torchère au-dessus des puits de pétrole), le raffinage du pétrole, la production de charbon ou autres combustibles solides (biomasse).

La première raison de la part importante des activités rangées sous AFOLU tient à ce que l’agriculture de grandes exploitations en monoculture à forts intrants mécaniques et surtout chimiques consiste, pour reprendre l’expression imagée d’une étude de la CNUCED, en une « utilisation de surfaces pour transformer du pétrole en nourriture »[2]. Pour s’en tenir aux dernières années, on a assisté à un vertigineux processus de fusions et acquisitions dans l’industrie agrochimique. Monsanto, Syngenta, DuPont, Dow, Bayer, Basf réunis contrôlent 100% du marché des semences transgéniques. Suite aux fusions en cours il restera aux mains de trois entreprises seulement. Il existe pourtant, montre la même étude de la CNUCED, une « agronomie de soutenabilité » et des pratiques alternatives déjà utilisées par de petits exploitants agricoles progressistes qui permettraient de contenir les impacts climatiques et changer des situations environnementales et sociales désastreuses. Leur mise en œuvre exige de vraies réformes agraires ainsi que des moyens financiers qui permettent à des équipes d’agronomes d’aider les paysans et des investissements collectifs d’être faits. Autant de mesures qui heurtent les très importants intérêts des sociétés qui dominent le marché des intrants et qui entendent que se poursuivent des méthodes de production qui mettent les agriculteurs dans leur dépendance[3].

L’autre cause majeure du rôle important des activités rangées sous la rubrique AFOLU dans l’émission de gaz à effet de serre est la déforestation à très grande échelle. Dans d’importants pays d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est elle est indissociable de la monoculture à très grande échelle et répond principalement à la très forte demande de l’industrie des biocarburants et de la filière de viande bovine.

 

Marx: le métabolisme homme-nature, sa rupture et son rétablissement comme horizon

Dans ce second volet de l’article on en vient à l’approche « métabolique »de Marx théorisée en particulier par John Bellamy Foster[4], celle qui fait de Marx en quelque sorte un « écologiste avant l’heure »[5]. Il emploie le terme métabolisme pour désigner le procès de travail comme procès d’échange organique entre l’homme et la nature :

« Le travail est d ‘abord un procès qui se passe entre l’homme et la nature, un procès dans lequel l’homme règle et contrôle son métabolisme avec la nature par la médiation de sa propre action. Il se présente face à la matière naturelle comme une puissance naturelle lui-même. Il met en mouvement les forces naturelles de sa personne physique, ses bras et ses jambes, sa tête et ses mains pour s’approprier la matière naturelle sous une forme utile à sa propre vie. Mais en agissant sur la nature extérieure et en la modifiant par ce mouvement, il modifie aussi sa propre nature. Il développe les potentialités qui y sont en sommeil, et soumet à sa propre gouverne le jeu des forces qu’elle recèle. »[6] 

Et plus loin :

« Le procès de travail, tel que nous l’avons exposé dans ses moments simples et abstraits, est une activité qui a pour fin la fabrication de valeurs d’usage, il est l’appropriation de l’élément naturel en fonction des besoins humains, il est la condition générale du métabolisme entre l’homme et la nature, la condition naturelle éternelle de la vie des hommes ; il est donc indépendant de telle ou telle forme qu’elle revêt, mais au contraire également commun à toutes ses formes sociales. Nous n’avions donc pas besoin de présenter ici le travailleur dans son rapport aux autres travailleurs. Il suffisait de l’homme et de son travail d’un côté, de la nature et de ses matières de l’autre. »[7]

Ce degré de généralité doit être abandonné et les conditions sociales dans lesquelles le travail s’est déroulé introduites,

« si c’était sous le fouet brutal du surveillant d’esclaves ou sous l’œil inquiet du capitaliste ? si c’est Cincinnatus qui le fait en cultivant ses deux arpents ou le sauvage qui abat une bête, armé d’un seul caillou. »

L’analyse se centre alors sur les conséquences de la pénétration du capitalisme dans l’agriculture. La conclusion du chapitre XV du livre I du Capital est maintenant souvent citée après avoir été longtemps à peu près complètement ignorée, à savoir que :

 « la production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant les deux sources d’où jaillit toute richesse, la terre et le travailleur. »[9]

Cette conclusion repose sur les données que Marx a réunies sur l’Angleterre et les États-Unis alors que la mécanisation agricole commençait tout juste et que le recours aux fertilisants se limitait à l’emploi du guano[10], ainsi que sur sa lecture du chimiste allemand Justus von Liebig qu’il cite souvent[11]. Celui-ci dénonce la perte de fertilité du fait d’une dégradation des sols et d’une déforestation sous l’effet d’une demande de rendement insatiable. Marx écrit ainsi que :

« Dans les comtés de Suffolk et de Cambridge, par exemple, la superficie des terres cultivées s’est considérablement augmentée pendant les derniers vingt ans, tandis que la population rurale a subi une diminution non seulement relative, mais absolue. Dans les États-Unis du Nord de l’Amérique, les machines agricoles remplacent l’homme virtuellement, en mettant un nombre égal de travailleurs à même de cultiver une plus grande superficie, mais elles ne le chassent pas encore actuellement. En Angleterre, elles dépeuplent les campagnes. C’est se tromper étrangement que de croire que le nouveau travail agricole à la machine fait compensation. En 1861, il n’y avait que mille deux cent cinq ouvriers ruraux occupés aux machines agricoles, engins à vapeur et machines-outils, dont la fabrication employait un nombre d’ouvriers industriels à peu près égal.

[….]

L’exploitation la plus routinière et la plus irrationnelle [celle de la production paysanne] est remplacée par l’application technologique de la science. Le mode de production capitaliste rompt définitivement entre l’agriculture et la manufacture le lien qui les unissait dans leur enfance; mais il crée en même temps les conditions matérielles d’une synthèse nouvelle et supérieure, c’est-à-dire l’union de l’agriculture et de l’industrie sur la base du développement que chacune d’elles acquiert pendant la période de leur séparation complète. Avec la prépondérance toujours croissante de la population des villes qu’elle agglomère dans de grands centres, la production capitaliste d’une part accumule la force motrice historique de la société; d’autre part elle détruit non seulement la santé physique des ouvriers urbains et la vie intellectuelle des travailleurs rustiques, mais trouble encore la circulation matérielle entre l’homme et la terre, en rendant de plus en plus difficile la restitution de ses éléments de fertilité, des ingrédients chimiques qui lui sont enlevés et usés sous forme d’aliments, de vêtements, etc. » Mais en bouleversant les conditions dans lesquelles une société arriérée accomplit presque spontanément cette circulation, elle force de la rétablir d’une manière systématique, sous une forme appropriée au développement humain intégral et comme loi régulatrice de la production sociale.

[…]

Dans l’agriculture comme dans la manufacture, la transformation capitaliste de la production semble n’être que le martyrologe du producteur, le moyen de travail que le moyen de dompter, d’exploiter et d’appauvrir le travailleur. (….) Dans l’agriculture moderne, de même que dans l’industrie des villes, l’accroissement de productivité et le rendement supérieur du travail s’achètent au prix de la destruction et du tarissement de la force de travail. En outre, chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. Plus un pays, les Etats-Unis du nord de l’Amérique, par exemple, se développe sur la base de la grande industrie, plus ce procès de destruction s’accomplit rapidement. »

En toute fin des chapitres du livre III du Capital sur la rente foncière, Marx reprend le même thème :

« la grande propriété mine la force de travail dans le dernier refuge (la campagne) de son énergie native, dans le domaine où elle s’accumule comme réserve pour le renouvellement de la vie des nations. La grande industrie et la grande agriculture exploitée industriellement agissent en commun. Si elles se différencient au début en ce que l’une gaspille et ruine davantage la force naturelle de l’homme et l’autre la force naturelle de la terre, elles se tendent la main plus tard, le système industriel appliqué à la terre venant à son tour exténuer la force de travail, et l’industrie et le commerce intervenant pour procurer à l’agriculture les moyens d’épuiser la terre. »[12]

 

Ce que pourrait être la configuration des « producteurs associés » dans l’agriculture

Le métabolisme rompu ne peut pas être rétabli par un quelconque « retour en arrière ». Dans le chapitre 32 du livre I du Capital Marx est absolument clair :

« Le régime de petits producteurs indépendants, travaillant à leur compte, présuppose le morcellement du sol et l’éparpillement des autres moyens de production. Comme il en exclut la concentration, il exclut aussi la coopération sur une grande échelle, la subdivision de la besogne dans l’atelier et aux champs, le machinisme, la domination savante de l’homme sur la nature, le libre développement des puissances sociales du travail, le concert et l’unité dans les fins, les moyens et les efforts de l’activité collective. Il n’est compatible qu’avec un état de la production et de la société étroitement borné. L’éterniser, ce serait, comme le dit pertinemment Pecqueur, ʺdécréter la médiocrité en toutʺ. »[13]

Le capitalisme possède sa manière d’organiser une « domination savante sur la nature ». Il a perpétué avec des moyens technologiques sans cesse renouvelés l’épuisement de la terre et des travailleurs et l’a même fortement aggravé comme nous allons le voir. Les configurations dont l’émancipation serait porteuse exigent « l’expropriation des expropriateurs ». Elles pourront seulement être l’œuvre des « producteurs associés ».

« Les producteurs associés règlent rationnellement leur métabolisme avec la nature, le placent sous leur contrôle communautaire au lieu d’être dominés par une puissance aveugle (…) ils l’accomplissent avec la plus petite dépense de force et dans les conditions les plus dignes et les plus adéquates à leur nature humaine. »[14]

Les conditions technologiques au sens large (recherche, formation, moyens techniques) d’un rétablissement du métabolisme entre les êtres humains libérés du capitalisme et « la nature » existent. Dans le cas de la France les recherches agronomiques menées dans les années 1970 par des chercheurs soucieux de combattre le modèle « productiviste » en voie de devenir ultra-dominant, ont établi, pour citer quelques pratiques, qu’en enfouissant les graines dans la terre, le labour du sol en profondeur retarde la pousse des herbes indésirables. De même la rotation des cultures, notamment de légumineuses (luzerne, triticale, pois, véroles) semées en alternance avec des céréales, réduit fortement le recours aux engrais et aux traitements phytosanitaires sans nuire à la productivité. Enfin les espèces semées devaient résulter de processus de sélection naturelle et génétique, dont on verra les enjeux plus loin. Un grand agronome français, René Dumont, qui avait travaillé pas seulement en France mais aussi en Asie du Sud-Est et en Afrique, a esquissé ce que les « producteurs associés » ayant emporté la bataille contre le capital feraient pas seulement dans le domaine agricole pour assurer les conditions de la reproduction sociale à tous et à toutes à l’échelle de la planète. Il vante « l’austérité de la nouvelle civilisation » (celle « délivrée des faux besoins créés par la société de consommation »). Pour citer un article récent sur l’action et la pensée de Dumont :

« L’austérité de cette nouvelle civilisation se traduirait d’abord par des mesures communément proposées par les écologistes depuis le début des années soixante-dix. Un recyclage généralisé serait ainsi mis en œuvre, de même que le recours systématique aux énergies renouvelables et plus généralement aux technologies intermédiaires. Par ailleurs, les pratiques culturales seraient orientées vers la valorisation des déchets et privilégieraient la production de céréales au détriment de la viande, que René Dumont considère comme un luxe dispensable. Enfin, la production de biens de consommation serait orientée vers la satisfaction des besoins essentiels, ce qui impliquerait une moindre diversité des produits disponibles à la vente. Sur un plan plus politique, l’une des caractéristiques de cette société socialiste serait la lutte contre les hiérarchies et les inégalités sociales, considérant que l’austérité généralisée ne serait acceptable par tous qu’à ce prix. […] Pensée et pratiquée à la base, cette austérité devrait être également accompagnée à l’échelle mondiale par une administration, peut-être liée à l’ONU, chargée de la gestion des ressources rares non renouvelables, voire de la mise en œuvre de politiques de lutte contre l’explosion démographique, dont René Dumont reste persuadé qu’il s’agit du plus grand péril qui menace l’humanité. Une telle proposition montre combien il reste attaché à l’idée de planification, appelée à être discutée démocratiquement à de multiples échelles géographiques, depuis la coopérative (ou la fédération d’entreprise) jusqu’au niveau national, voire mondial. Néanmoins, la nécessaire remise en cause du pillage du tiers-monde passerait par une réduction des échanges commerciaux à l’échelle globale, pour revenir à des productions locales dans la mesure du possible. »[15]

 

Impasse productive et réponses aggravantes: la production céréalière française

C’est la monoculture des surfaces agricoles qui a gagné la bataille dans les années 1970 tant en Europe que dans les grands pays dits « émergents ». Elle a des impacts écologiques directs très importants, tandis que l’emploi massif d’intrants chimiques conduit à de très graves situations de santé publique. Le cycle de reproduction-extension du capital empruntée par la monoculture fournit un exemple délimité, reposant sur des données sûres, donc assez aisément saisissables, sur la manière dont la production capitaliste cherche à repousser les limites qu’elle rencontre par un recours encore plus accentué aux méthodes mêmes qui en sont la cause. On est en présence d’exemples précis de boucles dites de rétroaction positive (positif feedback loops)[16] qui sont un trait caractéristique des mécanismes de réchauffement et de changement climatique.

La boucle de rétroaction positive et l’impasse à laquelle conduit la monoculture a été étudiée dans le cas français pour la monoculture céréalière française. Elle a été développée sur les recommandations d’une génération d’agronomes productivistes et a bénéficié d’un important soutien financier public. Elle s’est faite sur la base de la concentration des terres, le déboisement, la mécanisation, l’abandon de la rotation des cultures et l’utilisation massive d’intrants chimiques. Les pesticides sont au cœur du modèle à un degré plus fort que les engrais, car elles permettent directement d’accroître la production et de réduire la main-d’œuvre.

Les études montrent que leur usage a enclenché une boucle de rétroaction « vicieuse ». La hausse des rendements obtenue pendant trois décennies a atteint un plateau dans les années 2000[17]. Les causes en sont la baisse de fertilité d’un écosystème qui a été privé de la diversité apportée par la rotation des cultures ainsi que l’apparition dans les plants de résistances de plus en plus nombreuses et précoces aux pesticides. Au lieu d’en réduire l’usage, le recours aux pesticides on l’a accru. On est ainsi passé, selon une étude de la Confédération paysanne, « de l’usage occasionnel à l’usage permanent, du curatif au préventif »[18]. Les conséquences environnementales et sanitaires du recours généralisé aux pesticides, « dont l’usage s’est complètement banalisé » : destruction de la biodiversité, celle de la flore et de la faune (dont celle des abeilles avec de très graves conséquences pour la pollinisation), pollution des sols et de l’eau, mutation des cibles des pesticides (insectes, mauvaises herbes…), maladies professionnelles chez les agriculteurs, maladies chroniques chez les riverains. Lancé en 2008, le plan Ecophyto devait mener à une réduction de 50% de l’usage des pesticides à l’horizon 2018. Mais l’inverse s’est produit : les ventes ont augmenté en volume de plus de 6% entre 2009 et 2016[19].

La puissance économique et politique des grandes firmes semencières et la domination d’une agronomie productiviste ont conduit à une forte uniformisation des variétés de graines. Entre 1930 à 1965, on est passé de 400 variétés de blés à 65. La « révolution verte » a eu des conséquences analogues pour le riz. Aujourd’hui, selon la FAO, 75 % des aliments de la planète proviennent d’à peine 12 espèces végétales et cinq animales. La réglementation nationale et internationale d’inscription à un cahier officiel des espèces autorisées (dans le cas de la France il s’agit du Groupement national interprofessionnel des semences dit GNIS) a permis, la concentration aidant, à trois grands groupes (Monsanto, DuPont-Dow et Syngenta-ChemChina) de posséder plus de 53 % du marché mondial de la semence. Elle a été élaborée de façon à donner un avantage écrasant à la sélection en laboratoire et au clonage par rapport à la sélection dans le champ. Les semences produites sont des clones des plus performantes qui ont été produites en laboratoire. Les graines OGM en ont été l’aboutissement. A l’inverse dans le cas des variétés paysannes chaque graine est différente, une « hétérogénéité » qui ne leur donnait pas jusqu’à une date très récente droit d’être inscrite au catalogue officiel.[20]

« À l’inverse des graines paysannes, dont la diversité génétique permet une adaptation naturelle au terroir et une plus forte résilience aux maladies, les semences sélectionnées en laboratoire ont besoin d’être traitées aux engrais et aux pesticides. »[21]

Ainsi les céréales cultivées avec les semences OGM de Monsanto exigent l’épandage du glyphosate commercialisé par le même Monsanto [suite à sa fusion avec Bayer, le nom Monsanto a été effacé sous l’impulsion du PDG de Bayer, Werner Baumann] sous le nom Roundup. Même chose pour les autres semenciers géants.

A l’instar des grands agriculteurs organisés en France dans la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)[22], les grands exploitants dont la dépendance à l’égard des groupes industriels semenciers et des producteurs d’intrants chimiques est devenue totale défendent bec et ongles le recours au glyphosate quels que soient les effets de santé publique. S’agissant de plantes OGM, il faut parler des effets du régime de propriété des semences depuis l’extension mondiale du brevetage du vivant décidée par la Cour suprême des Etats-Unis[23]. Dans le cas des pays du « Sud », il fait peser un poids financier particulièrement lourd sur les agriculteurs pauvres. Pour les paysans récupérer les semences d’une récolte à l’autre est un des moyens qui leur permettent de survivre. Lorsqu’ils sont incités à acheter des semences OGM le brevetage les oblige à acheter de nouvelles semences à chaque nouvelle saison. Il est interdit aux producteurs de conserver les semences des récoltes précédentes. Si cela est entré dans les habitudes des céréaliers de la Beauce, en Inde où Monsanto a réussi à contourner la législation indienne[24] et vendre aux paysans son coton génétiquement modifié (Bt coton) breveté, les petits producteurs ont été exposés à de grandes difficultés financières dès que les récoltes sont mauvaises et obligés de s’endetter à des taux usuraires[25].

 

L’application à l’agriculture des règles commerciales de l’OMC

L’étude de la CNUCED citée plus haut considère, sur la base d’un ensemble de travaux de recherche, qu’en raison de leur dépendance énergétique du fait de la mécanisation et des intrants chimique, la supériorité des grandes exploitations sur la petite agriculture se limite à la productivité du travail. Dès qu’on calcule les rendements et la rentabilité non pas production par production mais pris ensemble, la petite et moyenne agriculture polyvalente combinant cultures et élevage peut produire de 3 à 14 par acre (0.4 ha) de plus que les grandes exploitations en monoculture industrielle[26]. Ce type d’agriculture est tournée vers le marché national, voire le marché local. Or avec la fin des négociations du Cycle d’Uruguay, ce sont les intérêts de l’agriculture tournée exclusivement vers l’exportation qui l’ont emporté. Elle est devenue absolument pleinement pour le capital un secteur d’accumulation comme tout autre et pour les investisseurs financiers l’objet de placements. L’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) avait servi de banc d’essai achevant dans le cas du Mexique d’effacer les traces de la réforme agraire de 1917 (Zapata) et 1934 (Cardenas), ruinant les paysans et les envoyant ainsi que leurs familles servir de main-d’œuvre surexploitée dans les maquiladoras[27].

Dans une note à destination d’un public large, l’OMC explique que l’inclusion de l’agriculture vise à « stimuler l’investissement, la production et le commerce dans le secteur agricole » : premièrement, en rendant plus transparentes, plus prévisibles et plus concurrentielles les conditions d’accès aux marchés agricoles ; deuxièmement, en établissant un lien entre les marchés agricoles nationaux et le marché international, ou en le renforçant ; et par conséquent, troisièmement, en faisant fond beaucoup plus sur les mécanismes du marché pour affecter des ressources limitées à leurs emplois les plus productifs tant dans le secteur agricole qu’au niveau de l’économie[28].

Ce régime commercial a permis la très forte croissance de cultures liées à la production de biocarburants et d’aliments pour l’élevage intensif, des bovins en premier. La figure ci-jointe montre leur très forte croissance en termes d’occupation des terres (rape seed est le mot anglais pour le colza). De très, très grandes exploitations privées et de très grands groupes de transformation et de négoce en sont les bénéficiaires[29]. Le soja et le maïs sont produits pour l’exportation et arrivent dans les ports d’Asie du Sud-Est et d’Europe. A l’exception partielle de l’éthanol, où dans le cas des Etats-Unis et du Brésil elle est tournée en partie vers le marché intérieur, les cultures de biocarburants sont destinées à l’exportation. La production et le commerce international n’ont pu atteindre l’ampleur qu’ils ont à partir de la fin des années 1990 qu’en raison de l’application à l’agriculture du régime de libéralisation commerciale supervisé par l’OMC, la mondialisation de l’armée industrielle de réserve résultant du Traité de Marrakech garantissant le très bas niveau des salaires payé dans les grandes exploitations.

 

La déforestation à très grande échelle (1): les biocarburants

On en vient maintenant à la déforestation à très grande échelle. Le GIEC estime qu’en raison en d’un ensemble d’effets directs et indirects17% des émissions de CO2 résultent de la déforestation et des changements apportés à l’occupation des sols: c’est le troisième poste émetteur après l’énergie et l’industrie. L’effet direct provient du processus suivant. Les forêts sont des réservoirs de carbone: elles retiennent le carbone dans la biomasse vivante et morte, les matières organiques en décomposition et les sols. En raison de leur biomasse très importante, les forêts tropicales dites primaires ou humides (rain forests) absorbent 50% de carbone de plus que les autres surfaces boisées[30].

La destruction de ces forêts met fin à ce processus de rétention et d’emmagasinement, et libère en même temps le carbone stocké sous forme de gaz à effet de serre, notamment en cas de défrichement par le feu comme cela se pratique pour la culture du soja en particulier. La disparition de la forêt tropicale humide au profit des prairies et des cultures diminue ce qu’on nomme l’évapotranspiration (évaporation + transpiration des végétaux) qui résultent des processus de photosynthèse, de respiration, de transpiration, de décomposition et de combustion qui entretiennent la circulation naturelle du carbone entre la forêt et l’atmosphère. Ce mode de fonctionnement dynamique des écosystèmes forestiers leur permet de recycler le carbone. Ils jouent donc un rôle important dans le cycle mondial du carbone: lorsque le stock de carbone augmente, le flux net de l’atmosphère vers l’écosystème forestier est positif et on parle alors de puits de carbone; dans l’autre sens, on parle de source de carbone. Du fait de l’évapotranspiration, la forêt rafraîchit l’air, et absorbe la lumière, là où le sol nu renvoie l’énergie du soleil vers l’atmosphère. La température moyenne peut localement augmenter de plus de 10 °C après une déforestation en zone tropicale. Ce réchauffement local modifie la pression atmosphérique, qui elle-même influe sur le déplacement des masses d’air et des cellules de tempêtes. Les cycles pluviométriques sont modifiés provoquant sécheresse et inondations anormales.

Commençons par les biocarburants. Ce sont soit du bioéthanol (pour les véhicules essence), soit du biodiesel (pour les véhicules diesel). Le bioéthanol résulte de la fermentation de produits agricoles alimentaires comme la canne à sucre, la betterave, ou le maïs. Ils ont été produits à échelle industrielle, bien qu’en quantité limitée du fait de leur concurrence avec les cultures à destination alimentaire. Le biodiesel est produit à partir d’huiles végétales, surtout de colza et de tournesol dans les régions tempérées et de soja et de palme dans les régions tropicales.

Une étude de la Commission européenne (laquelle autorise le biodiesel) estime que selon les plantes il émet jusqu’à trois fois plus de gaz à effet de serre que son équivalent fossile, cas de l’huile de palme[31]. Les estimations reposent sur la prise en compte d’un facteur crucial, à savoir le changement d’affectation des sols, de terres naturelles qui stockaient du carbone (prairies, forêts…) à des terres cultivées. L’effet peut être direct, lorsque les cultures pour agrocarburants sont introduites sur des espaces naturels, ou indirect, lorsque des terres agricoles déjà existantes sont converties aux cultures pour agrocarburants. Dans ce cas, la demande alimentaire étant constante, voire en hausse, les cultures alimentaires seront déplacées sur d’autres terres, au détriment une fois encore d’espaces naturels. A cela s’ajoutent les émissions de CO2dont il a été déjà question (tracteurs, transport, engrais…). L’étude de la Commission européenne estime que si la politique européenne en matière de biocarburants se poursuit jusqu’en 2020, cela entraînerait un changement d’affectation des sols de 8,8 millions d’hectares – dont 2,9 millions en Europe (où il s’agirait d’un ralentissement de l’abandon des terres agricoles), et 2,1 millions en Asie du Sud-Est avec une accélération de la déforestation au bénéfice des plantations de palmiers à huile.

L’huile de palme est l’huile végétale la plus produite de la planète. Un prix très bas sur le marché mondial et des propriétés particulièrement propices à la production alimentaire industrielle font que l’huile de palme raffinée est présente aujourd’hui dans un produit sur deux dans les supermarchés: pizzas surgelées, biscuits, margarine, crème pour le corps, savon, maquillage, bougies, lessive, etc. Pourtant, depuis l’alerte de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2016 on sait que l’huile de palme industrielle est forte en contaminants génotoxiques et cancérigènes[32]. Aujourd’hui, les plantations d’huile de palme s’étendent sur 27 millions d’hectares à travers le monde, soit un territoire grand comme la Nouvelle-Zélande. 61% des importations d’huile de palme dans l’UE servent de biocarburants. Dans le cas français une loi de 2009 rend obligatoire l’incorporation d’agrocarburants dans l’essence et le diesel. La France se targue de ne pas contribuer fortement à déforestation tropicale puisque 7 % seulement de l’incorporation provient d’importations d’huile de palme[33].

Les palmiers à huile trouvent leurs conditions optimales de croissance dans les régions chaudes et humides équatoriales. En Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud et en Afrique, d’immenses zones de forêts tropicales sont défrichées et brûlées, jour après jour, pour faire de la place aux plantations. Ce faisant, de grandes quantités de gaz à effet de serre sont émises dans l’atmosphère. L’Indonésie, premier producteur d’huile de palme de la planète, a ainsi émis en 2015 plus de gaz à effet de serre que les États-Unis. Paysans et populations autochtones, qui depuis des générations vivent dans la forêt et la préservent, sont souvent brutalement expulsés de leurs terres. A ce jour, 700 conflits fonciers en rapport avec l’industrie de l’huile de palme ont été recensés en Indonésie. Avec les arbres disparaissent des espèces rares comme l’orang-outan de Bornéo.

 

La déforestation à très grande échelle (2): la production de viande bovine en région tropicale ou semi-tropicale. Le Brésil comme exemple

Le secteur de l’élevage produit 7,1 milliards de tonnes d’équivalent CO2, soit environ 1/7 des émissions de gaz à effet de serre. 45 % sont attribuables à la production et au transport des aliments (dont 9 % imputables à la déforestation liée à l’extension des cultures et des pâturages). 39 % proviennent de la fermentation gastrique des ruminants. 10 % résultent du stockage et de l’utilisation du lisier. 6 % sont causés par le transport, l’abattage des animaux et au stockage des produits animaux. L’élevage bovin est en première ligne. Produire 1 kg de protéines sous forme de viande de bœuf émet en moyenne 290 kg d’équivalent C02, contre moins de 50 sous forme de viande de porc, de poulet ou d’œufs.

Le Brésil satisfait la demande extérieure de deux manières. Comme d’autres pays, notamment l’Argentine[34], il est un très important producteur de soja, premier aliment mondial du bétail en élevage intensif, avec une prédominance des exportations vers la Chine et l’Asie du Sud-Est. Il pratique aussi à grande échelle un élevage extensif dont la production est exportée aux Etats-Unis. Les deux méthodes ont entraîné une forte déforestation dont les effets climatiques qui se font sentir dans l’espace continental même du Brésil. L’Amazonie, qui s’étend sur 5,5 millions de km2 dont 60% au Brésil, a perdu 17% en 40 ans de sa surface originelle.

La monoculture du soja s’est étendue à la fois moyennant la déforestation de la forêt primaire de l’immense bassin fluvial de l’Amazone que de la savane boisée des plateaux du cerrado. La technique est extrêmement primitive, c’est-à-dire l’abattage et le brûlage de la forêt sur des espaces immenses, de milliers, voire de centaines de milliers d’hectares. Le feu libère des substances nutritives contenues dans la végétation brûlée et produit une couche de terre fertile au-dessus d’une terre autrement très pauvre. La culture du soja peut commencer. Elle donne de bons rendements pendant quelques années avant de commencer à exiger des quantités croissantes d’engrais chimiques dont les effets productifs diminuent d’année en année. Engrais chimique en moins, c’est la technique déjà employée par les planteurs européens aux Caraïbes pour l’exploitation de la canne à sucre (voir la première contribution publiée sur ce site). Engels en a parlé pour en montrer l’impasse :

« Les planteurs espagnols à Cuba qui incendièrent les forêts sur les pentes et trouvèrent dans la cendre assez d’engrais pour une génération d’arbres à café extrêmement rentables, que leur importait que, par la suite, les averses tropicales emportent la couche de terre superficielle désormais sans protection, ne laissant derrière elle que les rochers nus ? »[35]

L’érosion contemporaine des terres fertiles est provoquée également par la mécanisation du labourage et l’épandage d’herbicides, à commencer par le glyphosate. L’introduction de plants génétiquement modifiés peut réduire le recours à la mécanisation, ce qui peut stabiliser l’érosion[36] et augmenter les rendements de la terre de nouveau un temps[37]. Il en résulte une pollution des cours d’eau qui affecte d’autres écosystèmes, notamment celui extrêmement important en termes de variétés florales et animales du Pantanal[38]. Dans le cas du cerradola déforestation sauvage et l’absence de toute gestion des grandes exploitations ont conduit à de larges surfaces de pâturages dégradés. Sous l’effet du changement du régime des pluies dans la forêt primaire du bassin amazonien, les différences avec la savane s’estompent.

La déforestation de l’Amazonie est un exemple de boucle de rétroaction positive (positif feedback loop). L’hypothèse d’une telle boucle entre déforestation et forte diminution des pluies a d’abord été présentée en 2011 dans un rapport conjoint de scientifiques brésiliens et britanniques[39]. Les données ont été actualisées en 2015 par la commission brésilienne sur le changement climatique (Brazilian Panel on Climate Change, ou PBMC) et discutées lors d’une conférence préparatoire à la COP21. Si les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur rythme actuel, les températures au Brésil seront entre 3º et 6ºC plus élevées en 2100 qu’elles ne l’étaient à la fin du 20e siècle[40]. Le régime des pluies en serait radicalement changé. La culture du soja nécessite beaucoup de pluie. Or la déforestation de l’Amazonie sous l’effet de la poussée vers le Nord de la région continentale de la culture du soja réduit les flux de vapeur humide porteurs de pluie provoquant une sécheresse sévère qui a touché certaines grandes régions de production de soja. Elle a été encore amplifiée en 2015-2016 par le phénomène météorologique majeur connu sous le nom de Niño[41]. Celui-ci élève la température des eaux océaniques superficielles de l’ordre de 1°C ou plus dans la zone équatoriale pendant plusieurs mois. En raison de l’étendue de la zone concernée (au niveau de l’équateur, le bassin pacifique tropical s’étend sur une zone large de plus de 10 000 km), El Niño affecte le climat de beaucoup de pays simultanément  : 1° déficit pluviométrique pouvant provoquer ou accentuer les sécheresses en Australie orientale, Indonésie, Inde, Afrique australe, Caraïbes, nord-est du Brésil; 2° tempêtes tropicales plus à l’Est plus forte qu’à l’habitude et venant affecter la Polynésie française; 3° excédent pluviométrique sur la côte ouest de l’Amérique du Sud, dans le nord de l’Argentine et en Uruguay, en Afrique de l’Est équatoriale, dans les îles Pacifique tropical et dans le sud des États-Unis pouvant entraîner inondations et glissements de terrain. Même s’il El Niño ne se produit pas tous les ans, il est suffisamment fréquent[42] pour faire des années d’extrême sécheresse quelque chose qui ne sera pas exceptionnel et toujours plus sérieux dans ses conséquences.

Pour conclure cette seconde partie, revenons à la citation d’Engels qui se termine ainsi:

« Vis-à-vis de la nature comme de la société, on ne considère principalement, dans le mode de production actuel, que le résultat le plus proche, le plus tangible ; et ensuite on s’étonne encore que les conséquences lointaines des actions visant à ce résultat immédiat soient tout autres, le plus souvent tout à fait opposées. »

La différence entre la culture de la canne à sucre au 16°-17° siècles et la production actuelle de produits agricoles à grande échelle est double. C’est d’abord, en pleine connaissance de l’épuisement des sols qu’on permet aux entreprises de l’agribusiness de poursuivre leur mode de culture destructeur. Ensuite la connaissance des conséquences du mode de culture s’étend à son caractère d’activité à très forte émission de gaz à effet de serre et de très puissant impact sur le rythme du changement climatique. Le quotidien britannique The Guardian a proposé une représentation graphique des processus d’interaction rétroactifs susceptibles de conduire au basculement de la température vers une situation incontrôlable tels qu’ils ressortent des dernières études scientifiques. La déforestation qui est l’un des piliers du mode de culture qui a été analysé ici, fait partie des points nodaux dessinés dans la figure ci-dessous. C’est par elle que se termine cet article mais on y reviendra dans une prochaine contribution.

 

Notes

[1] Voir : https://selectra.co.uk/sites/default/files/pdf/ipcc_wg3_ar5_chapter11.pdf

[2] Ulrich Hoffmann, Some Reflections on Climate Change, Green Growth Illusions and Development Space, UNCTAD Discussion Paper n°205, December 2011, Geneva (citation d’Albert Bartlettfaite à la page 7).

[3] Hoffmann, p.8.

[4] John Bellamy Foster, Marx’s Ecology. Materialism and Nature, New York, Monthly Review Press, 2000. Daniel Bensaïd a fait en 2002 une lecture éclairante de ce livre (traduit en français aux Editions Amsterdam en 2012) pour l’université d’été de la LCR. Non publié, de même que celui de 1992 cité dans le premier article, ce texte est disponible dans ses archives. http://danielbensaid.org/L-Ecologie-de-Marx. On peut lire une réflexion plus évoluée et une réponse à des critiques qui lui ont été adressés dans l’ouvrage Marx and the Earth, coécrit avec Paul Burkett, publié chez Haymarket Books en 2017.

[5] Michel Husson, Marx a-t-il inventé l’écosocialisme, https://alencontre.org/ecologie/marx-a-t-il-invente-lecosocialisme.html

[6] Marx,Le Capital, Livre premier, que je cite dans l’édition disponible à http://www.palim-psao.fr/2016/03/karl-marx-le-capital-tome-i-en-pdf.html. Personne, à ma connaissance, n’a relevé que dans l’édition des Editions Sociales le terme métabolisme est introuvable. Voir Le Capital, Editions Sociales, livre I, tome 1, p. 180.

[7] Ibid., livre I, tome 1, p. 186.

[8] Ibid.

[9] Marx, Le Capital, Editions Sociales, livre I, tome 2, pp. 181-182.

[10] Le guano, provenant du quechua wanu, est un fertilisant composé d’excréments d’oiseaux marins. Il est un engrais très efficace en raison de sa haute teneur en composés azotés. Pendant plusieurs décennies au 19° siècle il a été la principale exportation du Pérou vers les Etats-Unis, l’Angleterre, la France et l’Allemagne. La conquête militaire d’une des principales îles productrices par l’Espagne a été l’une des dernières manifestations de la présence hispanique en Amérique centrale et du Pacifique.

[11] Voir la note page 182, op.cit. « C’est un des mérites immortels de Lie­big d’avoir fait ressortir amplement le côté négatif de l’agriculture moderne au point de vue scientifique. Ses aperçus historiques sur le développement de l’agriculture, quoique entachés d’erreurs grossières, éclairent plus d’une question. » Le baron von Liebig était célèbre pour sa Die Chemie in ihrer Anwendung auf Agricultur und Physiologie qui connaitra huit éditions de 1840 à 1865. Marx cite l’édition de 1862. Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Justus_von_Liebig

[12] Marx, Le Capital, Editions Sociales, livre III, tome 8, p.192.

[13] Marx, Le Capital, Editions Sociales, livre I, tome 3, 202-203.

[14] Karl Marx, Le Capital, Editions Sociales, livre III, tome 8, p.199.

[15] Alexis Vrignon, « René Dumont ou le socialisme ‘de l’arbre et du jardin’ », Ecosocialisme et histoire, Cahiers de l’histoire, n°130, 2016.

[16] La rétroaction (on utilise aussi couramment le terme anglais feedback), est, au sens large, l’action en retour d’un effet sur le dispositif qui lui a donné naissance, et donc, ainsi, sur elle-même. Une boucle de rétroaction est un dispositif qui lie l’effet à sa propre cause, avec ou sans délai. La répétition de la réaction (réaction itérative) entraîne : son amplification continuelle (cercle vertueux ou vicieux, selon que cette amplification est jugée favorable ou non), dans le cas de rétroaction positive, son extinction progressive ou non (avec pompage ou non) en cas de rétroaction négative. http://www.matierevolution.fr/spip.php?article570

[17] Les productions montrant une évolution ralentie, voire une stagnation : blé tendre, passé d’une évolution tendancielle de + 1,7 % par an à partir des années 1970 à + 0,2 % dans les années 2000, de l’orge d’hiver (de + 0,8 % à + 0,4 %) et du maïs grain (de + 1,6 % à + 0,7 %) ; colza de + 1,6 % à + 0,6 %, avec une forte variabilité interannuelle. Le cas de la betterave est opposé : la production de sucre/ha qui progressait de 1,1 % par an montre depuis les années 2000 une accélération à + 1,9 % par an.

[18] https://www.agriculturepaysanne.org/files/Actes-Pesticides-def.pdf

[19] https://www.mediacites.fr/enquete/2017/11/09/carte-de-la-france-toxique/

[20] La législation européenne adoptée tout récemment à la suite d’un intense travail associatif a enfin reconnu la capacité des variétés paysannes d’adaptation aux changements climatiques. Voir la « Résolution législative du Parlement européen du 19 avril 2018 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologique ». 

[21] Guy Kastler de la Confédération paysanne dans Les Echos 23 février 2018, /www.lesechos.fr/23/02/2018/LesEchosWeekEnd/00111-011-ECWE_graines-de-discorde.htm

[22] https://www.combat-monsanto.org/spip.php?article77

[23] Arrêt Chakrabarty. Pour une synthèse très claire, voir https://www.infogm.org/-OGM-et-brevet-sur-le-vivant-

[24] https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-04-11/monsanto-can-t-have-patent-on-bt-cotton-in-india-court-says

[25] Voir https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5427059/pour une indienne présentation « neutre » et https://classe-internationale.com/2016/11/26/crise-agricole-en-inde-un-agriculteur-se-suicide-toutes-les-trente-minutes/pour une présentation plus engagée. La Cour Suprême de l’Inde a rendu en avril 2018 une décision qui rend le brevetage et le paiement de droits de propriété intellectuelle à Monsanto illégale.

[26] Hoffmann, op.cit., page 8.

[27] http://www.agter.org/bdf/fr/corpus_chemin/fiche-chemin-17.html

[28] https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/agrm3_f.htm

[29] Ainsi le groupe brésilien JBS-Friboi est devenu sur la base de ses seules activités dans les filières viandes et l’acquisition du géant étasunien Swift le second groupe agroalimentaire mondial derrière Nestlé.

[30] On trouve dans l’entrée anglaise de Wikipedia une présentation très claire des strates de feuillage créatrices de biomasse. https://en.wikipedia.org/wiki/Rainforest#Effect_on_global_climate

[31] https://www.lemonde.fr/energies/article/2016/04/28/les-biocarburants-emettent-plus-de-co2-que-l-essence-et-le-diesel_4910371_1653054.html. Ce chiffre est confirmé par une autre étude : https://www.sauvonslaforet.org/themes/l-huile-de-palme

[32] https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/160503-0

[33] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/biocarburants

[34]  https://www.courrierinternational.com/article/2004/11/04/un-immense-ocean-de-soja-qui-detruit-la-pampa

[35] Friedrich Engels, Le rôle du travail dans la transition du singe à l’homme,1876. Cité par Michel Husson.

[36] FAO, Rapport sur les ressources en sol du mondehttp://www.fao.org/soils-2015/news/news-detail/fr/c/345008/A l’instar de la méthode suivie par le GIEC pour le climat, le rapport compile les travaux de plus de 200 scientifiques spécialisés de 60 pays. Le constat est le suivant : entre 25 et 40 milliards de tonnes de l’épiderme de la planète sont emportés chaque année à cause de l’érosion, du tassement, de la perte de nutriments et de biodiversité, de l’acidification, des pollutions, de l’engorgement ou encore de la salinisation.

[37] http://agriculture.gouv.fr/la-competitivite-agricole-du-bresil-le-cas-des-filieres-delevage

[38] Il a reçu la protection de l’UNESCO. https://whc.unesco.org/fr/list/999/

[39] Brazil-UK analysis of Climate Change and Deforestation impacts in the Amazon http://www.ccst.inpe.br/wp-content/uploads/relatorio/Climate_Change_in_Brazil_relatorio_ingl.pdf

[40] Jan Rocha, Climate News Network http://www.climatecentral.org/news/with-climate-change-brazil-faces-drop-in-crops-16439

[41] El Niño, et son pendant La Niña sont des phénomènes océaniques à grande échelle du Pacifique équatorial, affectant le régime des vents, la température de la mer et les précipitations. Ils correspondent aux deux phases opposées du phénomène couplé océan/atmosphère appelé ENSO (El Niño / Southern Oscillation). Le nom El Niño a été donné par les pêcheurs péruviens à l’invasion d’eau chaude qui se produit chaque année le long des côtes du Pérou et de l’Équateur aux environs de Noël. Par extension il désigne le phénomène climatique correspondant au réchauffement accentué des eaux de surface près des côtes de l’Amérique du Sud. Il est lié à un cycle de variations de la pression atmosphérique entre l’est et l’ouest du Pacifique, couplé à un cycle du courant océanique le long de l’équateur. http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/comprendre-le-climat-mondial/el-ninola-nina#

[42] Les événements El Niño apparaissent d’une manière irrégulière, tous les 2 à 7 ans. Ces épisodes débutent en général en milieu d’année et durent de 6 à 18 mois. Ils atteignent leur intensité maximale vers Noël. En 1997, un épisode El Niño très intense avait été observé, avec à la clef des impacts climatiques et sociétaux importants. Depuis, d’autres épisodes, d’importance moindre, se sont produits en 2002-2003, 2004-2005, 2006-2007 et 2009-2010. En 2015-2016 l’intensité a dépassée celle de 1997 et un nouveau record établi. Le lien possible avec le réchauffement climatique fait l’objet ce nombreux travaux.

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