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Le 11 mai 1973, Omar Blondin Diop, jeune philosophe sénégalais de gauche, figure oubliée du Mai 68 parisien, opposant au régime du Président Léopold Sédar Senghor, était retrouvé mort en détention sur l’île de Gorée. Depuis près d’un demi-siècle, la version officielle du suicide est largement contestée par de nombreuses voix dénonçant un assassinat. Retour sur le parcours militant de Blondin Diop dans une période de quête de révolution mondiale, par Florian Bobin, chercheur en histoire africaine qui étudie les luttes de libération et la violence d’État au Sénégal.

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En juin 2020, au lendemain de l’assassinat de George Floyd aux États-Unis, le collectif de graffeurs sénégalais Radikal Bomb Shot érigea une immense fresque dans le quartier Sacré Cœur de Dakar. L’objectif : rendre hommage aux combattantes et combattants de la libération noire à travers le monde. Aux côtés du savant sénégalais Cheikh Anta Diop, du militant congolais Luc Nkulula et de la figure abolitionniste Harriet Tubman, Omar Blondin Diop y est dépeint, cigarette en main, en train de lire l’ouvrage Africa Unite ! Une histoire du panafricanisme de l’historien Amzat Boukari-Yabara. La photographie qui inspira ce portrait en peinture aérosol date de 1970 et fut capturée peu de temps après son expulsion de France pour avoir participé aux manifestations de « Mai 68 ». Quelques années plus tard, le dissident devint martyr. À sa mort en détention, quatorze mois après avoir été condamné à trois ans de prison pour « atteinte à la sureté de l’État », les autorités sénégalaises affirmèrent qu’il s’était suicidé. Mais de nombreuses voix eurent de bonnes raisons de soupçonner son assassinat. Depuis lors, sa famille exige sans relâche que justice soit faite, et militants ainsi qu’artistes ont pris les devants dans le maintien de sa mémoire.

La mort d’Omar Blondin Diop ne peut cependant être isolée comme un malheureux accident de l’Histoire. Il s’agit, au contraire, d’un épisode tragique se situant dans une longue série de violences menées par l’État du Sénégal. Il est peu courant de mettre l’accent sur les mouvements de résistance au régime de Léopold Sédar Senghor, ou de leur donner du crédit, car le premier président du Sénégal (1960-1980) réussit à ériger le pays en « exemple démocratique ». Les récits officiels des décolonisations africaines ont souvent résumé le processus de libération du colonialisme européen à la naissance d’États nouvellement indépendants. Or, la persistance d’intérêts étrangers, soutenus et alimentés par nombre de classes dirigeantes nationales, fut un spectacle courant dès les années 1960. Suite aux indépendances politiques nominales, les autocraties du continent, soutenues par les anciennes métropoles coloniales, firent le pari de maintenir leur pouvoir en étouffant les perspectives révolutionnaires de mouvements appelant à l’émancipation de l’impérialisme et du capitalisme. Le Sénégal n’a certes pas connu les mêmes crises politiques que ses voisins, mais la mythification de « l’humanisme républicain » du « poète-président » Léopold Sédar Senghor a brouillé notre appréciation de son action politique. Sous l’Union progressiste sénégalaise, le parti unique qu’il dirigea, les autorités déployèrent des méthodes brutales de répression : intimidant, arrêtant, emprisonnant et torturant ses dissidents, allant jusqu’à les « suicider » [1].

Blondin Diop est né dans la colonie française du Niger en 1946. Son père, « médecin africain », avait été affecté de Dakar, la capitale administrative de l’Afrique-Occidentale Française, à Niamey (Niger). Ses positions politiques n’étaient pas des plus radicales, mais les autorités coloniales le soupçonnaient de « sentiments anti-français » en raison de ses activités syndicales et son adhésion à la Section française de l’internationale ouvrière de Me Lamine Guèye [2]. Craintive du renforcement des mouvements anticoloniaux au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la métropole surveillait de près ceux qu’elle dénommait « éléments anti-français ». Une fois que sa famille fut autorisée à rentrer au Sénégal, Blondin Diop passa son enfance essentiellement à Dakar. À l’âge de 14 ans, il s’installa en France, où son père reprit ses études de médecine [3].

Blondin Diop vécut en France pour la majeure partie des années 1960. À Paris, il poursuivit des études littéraires et approfondit sa connaissance des classiques de la philosophie occidentale, d’Aristote et Kant à Hegel et Rousseau. Dans la foulée de son admission à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, il commença à fréquenter des cercles militants et participa activement aux débats organisés par divers groupes de gauche [4]. C’est une époque où les mouvements anticapitalistes en Europe tiraient leur inspiration de la Révolution culturelle en Chine et s’opposaient avec virulence à l’agression militaire américaine au Vietnam. Les étudiants africains en France, au nombre de dix mille en 1968, militaient davantage dans des logiques nationales ou panafricaines. Blondin Diop, pour sa part, avait un pied dans les deux mondes. Peu de temps après avoir entendu parler du militant sénégalais, le cinéaste Jean-Luc Godard le sélectionna pour jouer dans son film La Chinoise (1967) [5]. Inspiré par les écrits de Spinoza, Marx et Fanon [6], Blondin Diop cultivait l’éclectisme théorique – entre le situationnisme, l’anarchisme, le maoïsme et le trotskisme, il puisait sa pensée politique d’une multitude de courants idéologiques tout en évitant le dogmatisme [7].

En raison de ses activités politiques, Blondin Diop fut expulsé de France vers le Sénégal à la fin de l’année 1969. Aux côtés d’autres camarades sénégalais ayant étudié en Europe, il participa au Mouvement des Jeunesses Marxistes-Léninistes, (M.J.M.L) dont une des scissions donna naissance au front anti-impérialiste And JëfRepoussant les structures formelles, Blondin Diop promut la performance artistique et développa le projet d’un « théâtre dans la rue qui dira ce qui préoccupe et intéresse le peuple », étroitement lié au Théâtre de l’Opprimé d’Augusto Boal. Se penchant sur l’art et son potentiel révolutionnaire, Blondin Diop écrit : « Avant de jouer dans un quartier il faudra en connaître les habitants, s’implanter parmi eux notamment parmi les jeunes […]. Notre théâtre ira sur les lieux de rassemblement de la population (marchés, cinéma, stades) […] S’efforcer donc de donner à chaque thème, à chaque situation, à chaque personnage, une dimension africaine. […] Surtout fabriquer soi-même tout ce qu’il est possible de fabriquer […] Conclusion morale : Plutôt la mort que l’esclavage » [8].

Le Sénégal indépendant était un espace néo-colonial. Senghor s’était initialement opposé à l’indépendance immédiate, plaidant plutôt pour une autonomie progressive sur vingt ans [9]. Ainsi, lorsqu’il devint président, il appela régulièrement au soutien de la France. En 1962, Senghor accusa faussement son collaborateur de longue date Mamadou Dia, président du Conseil des ministres, d’avoir tenté un coup d’État contre lui – Dia et ses compagnons furent arrêtés, déportés et emprisonnés pendant plus d’une décennie [10]. En 1968, à l’éclatement d’une grève générale à Dakar, qui s’étendit au reste du pays, la police réprima le mouvement avec l’aide des troupes militaires françaises [11]. La proximité de Senghor avec la France atteint son apogée en 1971, à l’occasion de la visite d’État du président français Georges Pompidou, ami proche et ancien camarade de classe [12]. Pendant plus d’un an, Dakar s’était préparé à son bref séjour de 24 heures. Sur la voie principale du cortège officiel, les autorités avaient réhabilité routes et bâtiments, tentant de rendre invisible tout signe de pauvreté dans la capitale.

Pour nombre de jeunes militants radicaux, ce fut la goutte de trop ; la réception du président français était une provocation ouverte. Quelques semaines auparavant, un groupe s’inspirant du Black Panther Party américain et des Tupamaros uruguayens incendia le centre cultural français de Dakar et des locaux du ministère des travaux public. Au moment de la visite, il tenta d’attaquer le cortège présidentiel, mais les quelques membres du groupe furent arrêtés. Parmi les condamnés figuraient deux frères de Blondin Diop. Lui aussi croyait en l’action directe mais n’était pas impliqué dans l’attaque ; il était retourné à Paris quelques mois plus tôt, après la levée de sa mesure d’expulsion [13]. Dans la tourmente, Blondin Diop décida, avec plusieurs amis, de quitter la France afin de s’initier à la lutte armée. À bord de l’Orient-Express, ils traversèrent l’Europe en train, avant d’atteindre un camp syrien de Fedayin palestiniens et de guérilléros érythréens. Leur plan était d’enlever l’ambassadeur de France au Sénégal en échange de leurs camarades emprisonnés [14]. Au bout de deux mois, Blondin Diop et ses amis passèrent du désert à la ville. Ils avaient l’espoir d’obtenir le soutien du Black Panther Party en exil à Alger, qui pourraient alors les mettre en contact avec le Front de libération nationale algérien. Mais une scission au sein du mouvement les obligea à revoir leur stratégie. Après un court passage à Conakry, ils se dirigèrent à Bamako, lieu de résidence d’une partie de la famille Blondin Diop. De là, ils se réorganisèrent.

La police arrêta le groupe à la fin du mois de novembre 1971, quelques jours avant une visite d’État du Président Senghor, sa première dans le pays depuis l’éclatement de la Fédération du Mali en 1960. Les services de renseignement maliens, sous la tutelle du tristement célèbre Directeur de la sûreté nationale Tiékoro Bagayoko, les avaient étroitement surveillés pendant des mois. Extradés vers le Sénégal, ils furent condamnés à trois années de réclusion pour « atteinte à la sureté de l’État ». Pour la majeure partie de leurs journées à Gorée, les détenus n’étaient pas autorisés à quitter leur cellule. Afin de minimiser les interactions, ils ne pouvaient être en présence de la lumière du jour qu’une demi-heure le matin et une demi-heure l’après-midi…

La nouvelle tomba le 11 mai 1973 : Omar est mort. Il avait 26 ans. L’annonce fit l’effet d’une bombe. Des centaines de jeunes prirent d’assaut les rues et inscrivirent sur les murs de la capitale : « Senghor, assassin ; On tue vos fils, réveillez-vous ; Assassins, Blondin vivra ». D’emblée, l’État du Sénégal maquilla le crime. A la suite de la plainte pour « homicide involontaire » déposée par le père d’Omar, le Doyen des juges d’instruction chargé de l’affaire inculpa plusieurs gardes pénitentiaires. Il avait découvert dans le registre de la prison que Blondin Diop s’était évanoui la semaine précédant l’annonce de sa mort « par suicide » et l’administration pénitentiaire fit comme si de rien n’était. Mais avant qu’il n’eût le temps de procéder à l’inculpation du dernier garde suspect, les autorités le remplacèrent par un autre juge qui, deux ans plus tard, mit fin à cette procédure judiciaire en délivrant une « ordonnance d’incompétence » [15] ! Tous les 11 mai jusque dans les années 1990, les forces de police encerclèrent la tombe de Blondin Diop afin d’empêcher toute forme de commémoration publique.

Depuis des décennies, Omar Blondin Diop a été une source d’inspiration pour militants et artistes [16]. Expositions, peintures et films continuent de revisiter son histoire – une qui fait tristement écho au contexte politique d’aujourd’hui. Les méthodes autoritaires déployées par l’actuel gouvernement du Sénégal illustrent à quel point l’impunité se nourrit du passé. Ces dernières années, celui-ci s’est efforcé de restreindre la liberté de manifestation, de détourner les fonds publics et d’abuser de ses pouvoirs. Tant que la responsabilité politique devant le peuple ne demeure qu’un concept théorique attrayant pour les bailleurs de fonds internationaux, les pratiques du passé sont vouées à perdurer. Être activiste au Sénégal aujourd’hui, à l’image de la répression des mois de février-mars 2021, c’est courir le risque de se faire intimider, arrêter, et emprisonner arbitrairement ; Guy Marius Sagna et tant d’autres en font régulièrement les frais. Dans ce contexte, l’État sénégalais ne semble pas avoir l’intention de rouvrir le dossier sur la mort d’Omar Blondin Diop. Mais ses proches ne désespèrent pas pour autant : comme le veut l’adage qu’ils citent régulièrement, « quelle que soit la longueur de la nuit, le soleil finit toujours par se lever ».

Photo originale de Bouba Diallo

Crédit carte : Florian Bobin, Tristan Bobin, Omar Blondin Diop (1946-1973) : d’une indépendance à une autre, 2020.

 

Notes

[1] La recherche sur le militantisme politique révolutionnaire au Sénégal sous la présidence de Léopold Sédar Senghor est toujours en cours. Cette dernière décennie, d’importants travaux ont approfondi notre compréhension de la période. Parmi ceux-ci : Ibrahima Wane, Chanson populaire et conscience politique au Sénégal. L’art de penser la nation (Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 2013); Roland Colin, Sénégal notre pirogue : au soleil de la liberté (Présence Africaine, 2007); Alassane Diagne, Momsarew ou le pari de l’indépendance (2014); Pascal Bianchini, « The 1968 years: revolutionary politics in Senegal » (Review of African Political Economy, 2019), « 1968 au Sénégal : un héritage politique en perspective » (Revue canadienne des études africaines, 2021) & « Les paradoxes du Parti africain de l’indépendance (PAI) au Sénégal autour de la décennie 1960 » (2016); Sadio Camara, L’épopée du Parti Africain de l’Indépendance au Sénégal (1957-1980) (L’Harmattan, 2013); Moctar Fofana Niang, Trajectoire et documents du Parti Africain de l’Indépendance (P.A.I.) au Sénégal (Les Éditions de la Brousse, 2015); Ousmane William Mbaye, Président Dia (2012); Mouhamadou Moustapha Sow, « Le traitement informationnel des évènements de décembre 1962 à Dakar » (Revue d’Histoire Contemporaine de l’Afrique, 2021); Omar Gueye, Mai 1968 au Sénégal, Senghor face au mouvement syndical (Éditions Karthala, 2017); Abdoulaye Bathily, Mai 68 à Dakar ou la révolte universitaire et la démocratie. Le Sénégal cinquante ans après (L’Harmattan, 2018); Françoise Blum, Révolutions africaines : Congo, Sénégal, Madagascar, années 1960-1970 (Presses universitaires de Rennes, 2014) & « Sénégal 1968 : révolte étudiante et grève générale » (Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2012); Bocar Niang and Pascal Scallon-Chouinard, « ‘Mai 68’ au Sénégal et les médias : une mémoire en questions » (Le Temps des médias, 2016); Yannek Simalla, Sénégal contestataire (2017-2020); Amadou Kah, De la lutte des classes à la bataille des places : le destin tragique de la gauche sénégalaise (L’Harmattan, 2016).

[2] Cette information provient de Dialo Diop (frère d’Omar Blondin Diop) en conversation avec Cases Rebelles (9 mai 2018) et Omar in Memoriam (11 mai 2018).

[3] Cette information provient de Cheikh Hamala Diop (frère d’Omar Blondin Diop) en conversation avec Florian Bobin (12 juillet 2018 & 4 juillet 2019).

[4] L’historienne Michelle Zancarini-Fournel met l’accent sur le rôle de Blondin Diop dans la mobilisation étudiante en 1968 (leurs chemins s’y sont croisés) dans son avant-propos « En souvenir d’Omar » de l’ouvrage collectif Étudiants africains en mouvement : contribution à une histoire des années 1968 (Éditions de la Sorbonne, 2017, pp. 11-12). « Il n’a probablement pas fréquenté beaucoup les cours cette année-là, mais il était de tous les débats organisés par les groupes politiques d’extrême gauche », écrit-elle.

[5] L’actrice et auteure Anne Wiazemsky décrit la rencontre entre Blondin Diop et Jean-Luc Godard, son partenaire à l’époque, dans son roman Une année studieuse (Gallimard, 2012, pp. 157-158). Après avoir appris que le réalisateur cherchait « un étudiant marxiste-léniniste », Antoine Gallimard proposa Blondin Diop, un ami à lui. Sous le charme du militant sénégalais, Godard le sélectionna par la suite pour jouer « Camarade X » dans le film La Chinoise (1967).

[6] Cette information provient d’Alymana Bathily (ami proche d’Omar Blondin Diop) en conversation avec Florian Bobin (9 juillet 2019).

[7] Alioune Sall ‘Paloma’ (un ami proche d’Omar Blondin Diop) insiste sur la nécessité de comprendre Blondin Diop comme un être complexe, aux multiples facettes, dans son témoignage à l’occasion du 40e anniversaire de la mort de son ami (10 mai 2013).

[8] L’artiste Vincent Meessen a publié le « Projet de théâtre urbain » de Blondin Diop (vers 1970) dans son livre L’autre Pays (Sternberg Press, 2018, pp. 38-39).

[9] Cette information provient de Roland Colin (directeur de cabinet du président du Conseil des ministres sénégalais Mamadou Dia, 1957-1962) en conversation avec Étienne Smith et Thomas Perrot pour Afrique contemporaine (2010, p. 118).

[10] Depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, Mamadou Dia appelait avec insistance pour la décentralisation des administrations publiques et le renforcement des collectivités paysannes. Vers la fin de l’année 1962, les tensions grandissantes au sein du parti au pouvoir (l’Union progressiste sénégalaise, UPS) ont vu s’opposer sympathisants de Senghor et de Dia. Au sein des premiers, certains décidèrent de voter une motion de censure à l’encontre du gouvernement Dia. À l’époque, chaque décision passait en premier lieu par le parti, étant entendu qu’il représentait la seule force politique reconnue. Dia s’opposa à une motion qu’il jugeait illégitime et Senghor l’accusa de « tentative de coup d’État ». Le 18 décembre 1962, Senghor ordonna l’arrestation de Dia, aux côtés des ministres Valdiodio N’diaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall. Ils furent incarcérés dans l’aride région de Kédougou jusqu’en 1974. Mansour Bouna Ndiaye (jeune cadre de l’UPS en 1962) et Roland Colin (directeur de cabinet de Mamadou Dia, 1957-1962) partagent leur version de la « crise de décembre 1962 » dans leurs mémoires respectifs Panorama politique du Sénégal ou Les mémoires d’un enfant du siècle (Les Nouvelles Éditions Africaines, 1986, pp. 136-154) et Sénégal notre pirogue : au soleil de la liberté (Présence africaine, 2007, pp. 253-293). Colin témoigna également dans Archives d’Afrique (Radio France Internationale, 2019).

[11] Cette information provient de l’historien Omar Gueye dans son ouvrage Mai 1968 au Sénégal, Senghor face au mouvement syndical (Éditions Karthala, 2017, p. 246).

[12] Léopold Sédar Senghor et Georges Pompidou se rencontrèrent en 1928 au prestigieux lycée Louis-le-Grand. Maintenant une profonde amitié à travers les années, ils collaborèrent politiquement par la suite, de manière quasi continue entre 1962 et 1974. Alors que Senghor fut président du Sénégal (1960-1980), Pompidou devint premier ministre (1962-1968) et président (1969-1974) de la France. Quand Pompidou visita Dakar en février 1971, Senghor déclara sur le tarmac de l’aéroport : « Le peuple sénégalais se sent particulièrement honoré de recevoir le président de la République française […]. Car l’amitié franco-sénégalaise remonte à près de trois siècles. […] Enfin, je suis heureux d’accueillir dans mon pays un vieux camarade de lycée et un ami ».

[13] Les autorités sénégalaises se félicitèrent de l’implication du Président Senghor dans la levée de la mesure d’expulsion du territoire français de Blondin Diop (Livre Blanc sur le suicide d’Oumar Blondin Diop, République du Sénégal, 1973, pp. 14-15). Les historiens Françoise Blum et Martin Mourre exposent ses motivations potentielles dans leur article Omar Blondin Diop : d’un monde l’autre (Centre d’histoire sociale des mondes contemporains, 2019) : « Les sources de police expliquent cette intervention par le désir de Senghor de débarrasser le Sénégal du très actif Omar Blondin. Il aurait préféré le savoir en France. De notre côté, nous pensons plutôt que Senghor était soucieux que l’étudiant puisse poursuivre des études brillamment commencées et soit donc l’un des fleurons de la future élite sénégalaise ». Il semble évident que Senghor se voyait en Blondin Diop : tous deux étaient Sénégalais, éduqués en France et de formation littéraire classique. Surement percevait-il en son jeune compatriote un potentiel descendant politique. Mais Blondin Diop était réputé pour sa critique acerbe de la politique senghorienne. Le suivant de près à la fin des années 1960, les autorités préféraient donc le savoir en dehors du pays.

[14] Cette information provient d’Alioune Sall ‘Paloma’ en conversation avec Françoise Blum et Martin Mourre pour Maitron (8 mai 2019).

[15] Cette information provient de Moustapha Touré (doyen des juges d’instruction du tribunal de Grande instance de Dakar, en charge du dossier Blondin Diop) en conversation avec La Gazette (21 décembre 2009). Il raconte, dans cet entretien, les coulisses de l’affaire et l’ingérence de l’État dans l’instruction judiciaire : « Les circonstances laissaient voir des indices crédibles et concordants tendant à prouver que le suicide, officiellement évoqué pour justifier la mort d’Oumar Blondin Diop, était en réalité un maquillage. J’ai alors décidé, dans le secret de mon cabinet d’instruction d’inculper. Après cette inculpation, jugée téméraire à l’époque, j’ai immédiatement été affecté. Dix jours après, j’ai été promu président du tribunal de Dakar et conseiller à la Cour d’Appel. Disons qu’à l’époque c’était comme une sorte de promotion-sanction qui tentait de masquer sa vraie nature ».

[16] La fibre artistique de Blondin Diop n’est pas souvent mise en avant, quand bien même il nourrissait de fortes connexions avec nombre d’artistes qui, peu de temps après sa mort, constituèrent le Laboratoire Agit’Art. Une fresque de ses membres (Issa Samb ‘Joe Ouakam’, Djibril Diop Mambéty, Bouna Medoune Seye, Mame Less Dia, Mamadou Diop Traoré), peinte par l’artiste Mbaye Diop, a récemment vu le jour sur le mur du Complexe Yaadikon de Ngor. Blondin Diop y figure. Aux côtés de militant(e)s profondément traumatisé(e)s, beaucoup d’artistes ont eu à cœur de maintenir sa mémoire. Parmi les œuvres marquantes : Portrait d’Omar Diop (Issa Samb ‘Joe Ouakam’, 1974); Degluleen mbokk yi (El Hadji Momar Sambe ‘Mor Faama’, 1975); Omar Blondin Diop (Heldon, 1975); Lettre de Dakar (Libre Association d’Individus Libres, 1978); Afrik (Seydina Insa Wade, 1978) ; Le Temps de Tamango (Boubacar Boris Diop, 1981); Le lait s’était caillé trop tôt (Issa Samb ‘Joe Ouakam’, 1983); Omar 4.0. Hommage à Omar Blondin Diop (Bara Diokhane, 2013); Le malheur de vivre (Ndèye Fatou Kane, 2014); Congrès de Minuit (Laboratoire Agit’Art, 2016); L’enterrement d’Omar Blondin Diop (Issa Samb ‘Joe Ouakam’, non-daté); Omar B.D. (Issa Samb ‘Joe Ouakam’, 2017); Omar in May (Vincent Meessen, 2018); La Cloche des Fourmis (Laboratoire Agit’Art, 2018); Hommage à Omar Blondin Diop (Lebergedeliledengor, 2019); Omar Blondin Diop, le laborantin (Mbaye Diop, 2019); Juste un Mouvement (Vincent Meessen, 2018-2020);  The Wall the ñuulest (RBS Crew, 2020); Omar Blondin Diop pour le Frapp (Chics, 2021); URICA (RBS Crew, 2021).

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