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Communiste à un âge précoce, Samir Amin maintiendra jusqu’à sa mort un lien organique entre son engagement politique et ses réflexions théoriques. Il a toujours pensé  « que le combat intellectuel est un combat politique »[1] et que la « théorie et la pratique sont [ainsi] indissociables »[2]. Cette « posture » trouve sa source et son expression dans l’adhésion à un marxisme ouvert à la fois, aux apports des sciences sociales et aux leçons des différentes luttes pour la libération des opprimés et des dominés. Sa contribution théorique à la problématique du développement/sous-développement s’insère ainsi dès le début dans le cadre d’un engagement en faveur d’une alternative au capitalisme.

Selon Samir Amin, le développement « tel qu’il est conçu par la pensée bourgeoise dominante est un développement capitaliste dépendant au bénéfice d’une minorité locale, au détriment des classes populaires, qu’il paupérise »[3]. Alors qu’il devrait être, d’après lui, au profit de ces dernières (les classes populaires) « en termes matériels, politiques et moraux »[4] et « s’inscrire dans une perspective socialiste »[5]. Amin précise que le socialisme « n’est pas le capitalisme sans capitalistes »[6] ou « un mode de production plus efficace que le capitalisme, qui permettrait un taux de croissance plus élevé et une répartition plus équitable des revenus »[7]. Mais il est plutôt « un stade supérieur de la civilisation humaine »[8]. Dans la pensée de Samir Amin, un lien organique unit le développement et la transition au socialisme.

L’objectif de cet article est justement d’interroger ce lien organique entre développement et transition au socialisme dans la pensée de Samir Amin en tentant de répondre à deux questions[9] :

1- Comment a-t-il théorisé ce lien et dans quel contexte ?

2- Comment sa réflexion sur ce lien a évolué au fil du temps ?

Nous commencerons d’abord par présenter le contexte particulier dans lequel cette réflexion de Samir Amin sur la question est née puis nous en abordons les fondements théoriques avant de nous intéresser à son évaluation de l’expérience russe et chinoise. Nous terminerons par les dernières évolutions que cette réflexion a connues.

 

Aux origines d’une réflexion originale

Né dans une famille aisée (ces parents sont tous les deux médecins), Samir Amin se considère déjà comme communiste quand il est au lycée[10]. Cet engagement précoce trouve son origine dans un triple refus : refus de l’injustice sociale, du nazisme et de l’impérialisme britannique[11]. Il prendra corps durant ses années d’études en France (entre 1947 et 1957) par l’adhésion au Parti Communiste Français. Parallèlement, Amin est actif dans les réseaux anticolonialistes d’« étudiants d’outre-mer »[12], où se rencontraient « Egyptiens et autres Arabes et Africains, Vietnamiens et autres Asiatiques »[13]. Le journal que ces étudiants publient[14] « n’était pas toujours bien vu par le « 44 », le siège du comité central du PCF »[15]. Il était accusé « de toutes sortes de « déviations » nationalistes ou petites bourgeoises »[16]. Ces réactions vont contribuer à pousser une partie d’entre eux (dont Amin) à rejeter ce qu’on appellera par la suite le « révisionnisme soviétique ».

Il faut dire aussi qu’à cette époque, un malaise profond régnait au sein d’une grande partie des communistes du Sud, du fait des positions du « parti frère » soviétique à l’égard de la question coloniale. Ainsi le rapport Jdanov (1947) qui définit la politique étrangère de la grande « patrie du socialisme » au début de la guerre froide, « a été accepté sans réserve par les partis communistes européens et par ceux de l’Amérique latine de l’époque. Par contre, il s’est presque immédiatement heurté à des résistances dans les partis communistes d’Asie et du Moyen-Orient » [17]. A l’image de la doctrine Truman, le rapport « partageait lui aussi le monde en deux sphères, la sphère socialiste (l’URSS et l’Europe de l’Est) et la sphère capitaliste (le reste du monde) »[18]. Il « ignorait les contradictions qui, au sein de la sphère capitaliste, opposaient les Centres impérialistes aux peuples et nations des périphéries engagées dans des luttes pour leur libération »[19]. Il conduira, selon Amin, à un soutien soviétique « moins enthousiaste » aux mouvements de libération nationale.[20]

Le débat sur le rôle de ces derniers dans la lutte pour le socialisme, sur les forces politiques (et donc sociales) qui devaient les diriger (communistes ou bourgeois nationaux) et sur le rapport qu’ils devaient avoir avec le « camp socialiste », agitait à l’époque le mouvement communiste dans le Sud. En son sein, des groupes de réflexion se constituaient. Amin avait d’ailleurs participé à l’un d’entre eux[21]. Selon lui, cet effort (de réflexion) aurait contribué à « la formulation de la théorie alternative, qui donnait toute sa place aux initiatives indépendantes des pays d’Asie et d’Afrique »[22]. Ainsi Bandoeng ne serait « pas sorti directement de la tête des dirigeants nationalistes (Nehru et Soekarno en particulier, encore moins Nasser), comme le laissent entendre les écrits contemporains, mais a été le fruit d’une critique radicale de gauche, conduite à l’époque au sein des partis communistes »[23].

 

Critique de l’illusion du rattrapage

C’est dans ce contexte qu’Amin rédige sa thèse de doctorat. N’ayant « pas eu à tâtonner pour le choix du sujet »[24], qu’il avait « décidé depuis longtemps »[25], il se donne comme ambition de « contribuer à l’analyse marxiste des origines de la dynamique du ʺsous-développementʺ ».[26]  A cette première question sur les causes et les mécanismes de la polarisation entre le centre et la périphérie du système capitaliste mondial, s’ajoutera une deuxième question qui concerne l’origine du capitalisme lui-même : pourquoi s’est-il formé en Europe et non pas ailleurs ? Répondre à ces deux questions sera le programme de toute sa vie[27].

Il le fera sans dogmatisme affinant ainsi ses réponses, les corrigeant ou les approfondissant progressivement. Les jalons de l’évolution de sa pensée sont[28] : sa thèse publiée sous le titre : L’accumulation à l’échelle mondiale[29] (1970), Le développement inégal[30] (1973) où il exposera, dans des « termes moins académiques »[31] les résultats de sa thèse ainsi que sa conception de la formation du capitalisme, Le matérialisme historique et la loi de la valeur[32] (1976), repris dans La loi de la valeur mondialisée[33] (2011) et Classe et nation[34] (1979), où il reprend « Le développement inégal, mais en mettant davantage l’accent sur l’articulation des transformations sociales asiatiques et africaines, principalement pré-modernes et de la mondialisation capitaliste »[35].

Durant toute sa vie, il ne cessera de débattre avec les principales théories et/ou modes intellectuelles qui se sont succédées (depuis l’économie néoclassique ou keynésienne jusqu’au néolibéralisme, le postmodernisme et l’écologie). Il s’appuiera surtout sur la critique de l’économie politique accomplie par Marx (il affirme d’ailleurs avoir lu le Capital tous les 20 ans) et sa conception matérialiste de l’histoire (appelée aussi matérialisme historique) tout en critiquant leurs travers et en montrant leurs limites liées à un certain eurocentrisme[36]. Pour lui, être marxiste, « c’est partir de Marx et non s’arrêter à lui »[37]. Ce marxisme ouvert lui servira donc de cadre théorique pour répondre aux deux principales questions dont nous avons parlé.

Il analyse ainsi le sous-développement « comme le produit de l’expansion capitaliste mondiale et non comme un retard dans le développement ʺcapitalisteʺ »[38]. La polarisation, consubstantielle au déploiement du capitalisme, est donc l’ « expression de la paupérisation associée à l’accumulation à l’échelle mondiale »[39]. Elle serait l’effet de la loi de la valeur mondialisée[40].  Quant à la formation du capitalisme en Europe, Amin l’explique par « la loi de développement inégal des civilisations »[41]. C’est parce que le féodalisme européen est la forme périphérique du « mode de production tributaire » qui a pris sa forme la plus achevée en Chine, que la naissance du mode de production capitaliste a été possible en Europe. Ainsi, « des régimes moins avancés, parce qu’ils sont de ce fait plus flexibles, sont susceptibles de dépasser ceux qui sont plus avancés qui sont en général plus rigides »[42]. De ce fait, la périphérie serait le lieu où l’innovation sociale a la plus de probabilité d’émerger.

Depuis le début, ses réflexions théoriques sont indissociables de son engagement militant. Elles sont aussi une intervention dans le débat politique. Elles montrent que l’alternative qui se présente devant les peuples de la périphérie est la suivante :

«ou bien développement dépendant, ou bien développement autocentré nécessairement original par rapport à celui des pays actuellement développés (…) la périphérie ne peut rattraper le modèle capitaliste, elle est contrainte de le dépasser »[43].

Samir Amin sera donc très critique à l’égard des théories « libérales » du développement qui ne servent en réalité qu’à légitimer le pillage du « tiers monde » mais aussi vis-à-vis du desarrollismo ou du développementisme de la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, avec Prebisch à sa tête). Pour Amin, ce dernier « exprimait la vision politique et culturelle du « rattrapage » dans le capitalisme »[44] et « préconisait la mise en place d’un pouvoir bourgeois (assis sur les classes moyennes) anti-impérialiste, mais rien de plus »[45]. Il reproduisait cette illusion d’un capitalisme national autonome qu’on retrouve aussi chez des régimes politiques dans le tiers monde hier et aujourd’hui. Cette critique a été aussi formulée en Amérique Latine par ce qu’on appellera par la suite la « dependencia » ou la « théorie de la dépendance »[46]. Ce qui a poussé certains à classer Amin comme étant un « dépendantiste » en ignorant deux éléments fondamentaux :

1- Il a commencé, dès les années 1950 (dans sa thèse), bien avant l’émergence de la « dependencia », à construire son propre cadre théorique inspirée de la critique marxienne de l’économie politique pour penser les effets de l’expansion du capitalisme à l’échelle mondiale (les effets de la loi de l’accumulation à l’échelle mondiale ou de la loi de la valeur mondialisée).

2- Si sa pensée s’est attelée à expliquer l’origine du sous-développement et de la périphérisation du Sud global, elle s’est surtout confrontée à la réalité propre des formations sociales africaines et asiatiques. Ce qui l’a d’ailleurs poussé à formuler une « critique sympathique »[47] de la « dependencia » en montrant qu’à la différence de l’Amérique Latine, « l’Asie et l’Afrique ont été colonisées certes, mais sans colonisation de peuplement, sauf en Afrique du Sud, en Algérie et au Kenya. Et que donc le problème s’était posé » pour ses peuples « dans des termes différents »[48].  Ces derniers n’avaient pas à se « débarrasser d’un colonialisme interne qui succédait à un colonialisme externe »[49]. Ainsi la « fusion de la question nationale et de la question de la révolution sociale » chez eux « se posait en des termes différents de ceux de l’Amérique latine »[50]. Par cela, il soulignait surtout la complémentarité (mais non l’identité) entre la « dependencia » et sa « théorie de l’accumulation à l’échelle mondiale »[51].

 

Critique du soviétisme

L’un des effets de la loi de développement inégal, chez Samir Amin, est que la périphérie du système capitaliste mondial (c’est-à-dire le Sud) constitue « la zone des tempêtes » (selon l’expression de Mao) ou le centre de la lutte révolutionnaire pour le socialisme. En effet, les avancées les plus importantes vers ce dernier semblent moins susceptibles de se réaliser dans le Nord puisque que le prolétariat y profite aussi de la rente impérialiste. Ce sont donc les peuples du Sud (au sens maoïste) qui sont la principale force sociale capable d’amorcer la transition. Mais Amin n’est pas pour autant un « tiers-mondiste ». Il n’entend pas « substituer les « peuples du tiers monde » au « prolétariat »[52].

Chez Amin, la transition vers le socialisme est donc indissociable de la question du développement. Il est normal, dans ce cadre, que le débat sur la nature de l’URSS occupe une partie importante de sa réflexion. Sa position sur ce point n’a cessé d’évoluer. Du début de son engagement politique jusqu’à la fin des années 1950, il considérait l’Union Soviétique comme un pays socialiste :

« A l’époque où j’écrivais ma thèse, il n’était encore guère possible d’analyser sérieusement le système soviétique, dont l’idéologie et la pratique économiciste nous échappaient largement. » [53]

Il adoptera par la suite, à partir de la fin des années 1950, une position plus critique. Les débats qui agitent le mouvement communiste dans le Sud sur le rapport Jdanov (dont nous avons parlé plus haut) ou les organisations marxistes égyptiennes sur le nassérisme[54] ainsi que l’apparition du conflit sino-soviétique sont autant d’éléments qui expliquent cette inflexion.

Ainsi Samir Amin cesse « de considérer que la société soviétique pouvait être qualifiée de socialiste »[55] puisqu’une partie des biens produits ainsi que la force de travail y sont encore des marchandises[56]. Mais l’URSS n’est pas capitaliste puisque la propriété du capital n’est pas parcellisée mais centralisée entre les mains de l’État[57]. Ici la position d’Amin s’écarte de celle de Mao qui qualifie l’Union soviétique de capitalisme d’État. Selon lui, cette expression serait inappropriée puisqu’elle « décrit des situations très différentes »[58] : le capitalisme monopoliste d’État dans le centre et le capitalisme d’État développementiste dans la périphérie par exemple[59]. Mais cette mise au point n’a pas empêché Amin d’utiliser par la suite ces mêmes termes (capitalisme monopoliste d’État et le capitalisme d’État) pour qualifier cette société de classe qui a émergé d’une manière paradoxale d’une révolution socialiste[60].

L’URSS correspond donc à une « réalité nouvelle sui-generis »[61] : le soviétisme ou le mode de production soviétique dont les principales caractéristiques sont

« : I) Les principaux moyens de production – ici des équipements produits du travail social- font l’objet d’une appropriation étatique : 2) la force de travail est une marchandise ; 3) les produits qui sont des objets de consommation sont également des marchandises ; 4) les biens d’équipement ne sont pas des marchandises, tout au moins à l’origine, mais ils tendent vite à le devenir. »[62]

Samir Amin pose la question du caractère instable ou non de ce nouveau mode de production. Sa réponse se résume à la convergence des deux systèmes capitaliste et « soviétique » ; le soviétisme serait ainsi « la forme suprême du capitalisme »[63]. La centralisation du capital inhérente au capitalisme pourrait conduire à l’étatisme[64]. On retrouve ici la thèse Boukharinienne du capitalisme monopoliste d’État. Amin fera par la suite son autocritique sur la question[65] qui servira par la suite à reformuler sa vision de la transition au socialisme.

Cette « déviation » vers l’ « étatisme » trouve, selon lui, son origine dans la rupture de l’alliance ouvrière et paysanne opérée par Staline à travers la collectivisation forcée des années 1930[66] qui a permis « le renforcement de l’appareil autocratique d’État »[67] et la formation de « la bourgeoisie d’État soviétique ».[68] Elle a été involontairement facilitée par le léninisme, lui-même, qui n’a pas complètement rompu avec « l’économisme de la IIème Internationale ».[69] Ainsi avec Staline, le rattrapage (et donc l’accroissement continu des moyens de production) prend le dessus sur la construction d’une autre société (la transformation des rapports de production). Les réformes poststaliniennes (khroutchévienne en particulier) s’inspirent d’une conception du socialisme comme capitalisme sans capitalistes héritée de la social-démocratie européenne. Dans cette perspective, l’État ne fait que « se substituer au marché par un calcul a priori devant aboutir à des résultats analogues à ceux qui sont réalisés a posteriori dans une économie de concurrence pure et parfaite »[70] (Barone, Lange…).

 

La voie chinoise au socialisme

Cette évaluation critique de l’expérience soviétique doit beaucoup au maoïsme. Ainsi, de 1957 à 1980, Amin a « partagé à peu près intégralement les analyses proposées par le parti communiste chinois »[71]. Celles-ci offraient une critique de gauche du stalinisme, « par opposition aux critiques de droite proposées par les réformateurs depuis l’époque de Khroutchev »[72]. La voie chinoise vers le socialisme semblait opérer un « retour à Marx »[73] qui contraste avec le révisionnisme soviétique. Pour Amin, l’apport du maoïsme est d’une importance capitale dans la revivification du marxisme momifié par le diamat stalinien. Cela apparait, selon lui, à deux niveaux :

– La théorie de la révolution socialiste à l’échelle mondiale et nationale : le maoïsme opère un déplacement du centre de la révolution mondiale vers les pays du tiers monde, considérés comme « zone des tempêtes ». Ce qui constitue un prolongement et un approfondissement de la théorie léniniste des maillons faibles. A l’échelle nationale, Mao adapte et reformule pour ces pays, la stratégie léniniste d’une révolution ininterrompue par étape. Sous le nom de « révolution nationale démocratique populaire », celle-ci s’appuie sur une large alliance des classes populaires et nationales sous la direction du prolétariat sur la base d’un programme visant à la fois la libération nationale, la révolution agraire et l’amorce d’une transition vers le socialisme.

– La construction du socialisme : le maoïsme constitue une rupture avec le modèle soviétique. Si ce dernier vise prioritairement à rattraper l’occident, le premier « appelait à réfléchir sur la transition et à rééquilibrer les objectifs contradictoires de celle-ci : ʺrattraperʺ, c’est-à-dire développer en priorité les forces productives quitte à reproduire à cette fin beaucoup de caractères essentiels propres au capitalisme, ou ʺbâtir une autre sociétéʺ ? »[74]. Cela apparait dans la recherche d’un « juste rapport entre l’industrie lourde d’une part, l’industrie légère et l’agriculture de l’autre »[75], dans la tentative de préservation de l’alliance ouvrière-paysanne, de réalisation de la plus grande décentralisation possible et de la réduction au maximum des inégalités entre les revenus… Cela est reflété aussi par l’affirmation maoïste que la lutte des classes continue pendant la construction du socialisme puisque la tendance à la formation d’une bourgeoisie « rouge » traverse l’État et le parti. D’où l’importance d’une intervention continue des masses qui prendra la forme de « révolutions culturelles ».

Dans un livre publié au début des années 1980, c’est-à-dire peu après le tournant « modernisateur » opéré par Deng Xiaoping, Amin dresse le bilan du maoïsme. Il compare le modèle chinois qualifié de socialiste avec deux autres modèles : étatiste et capitaliste. Amin affirme ainsi que la « stratégie de développement de la Chine sur l’ensemble de la période 1950-1980, représente sans doute le succès majeur du développement à notre époque »[76]. Selon lui, la Chine est parvenue dans des conditions historiques très difficiles à « assurer une croissance agricole considérable dans des conditions naturelles défavorables »[77], à mettre en place « les fondements d’un système industriel complet autonome vis-à-vis de l’extérieur, capable, malgré ses retards et ses faiblesses, de servir les besoins fondamentaux de la consommation populaire, de la défense nationale, enfin de la modernisation de l’agriculture et de l’industrie elle-même »[78]. Bref, elle « est parvenue à résoudre sur cette base ce qu’aucun pays du tiers monde, même beaucoup plus riche et développé, n’est parvenu à amorcer »[79].

Ces résultats sont le fruit d’une stratégie de « développement national autocentré »[80] qui s’appuie sur trois éléments : « l’abolition de la propriété privée de la terre et des usines »[81], « le choix de l’agriculture comme base, c’est-à-dire de n’envisager aucun prélèvement forcé sur les paysans, mais seulement des échanges égaux entre la ville et la campagne »[82] et « une distribution égale du revenu »[83]. Ce modèle est régi par une loi de la valeur nationale et socialiste (par opposition à une loi de valeur nationale qui caractérise le modèle étatiste et à la soumission à la loi de la valeur mondiale dans le modèle capitaliste périphérique).

Dans son bilan du maoïsme, Amin ne se limite pas à mettre en évidence ses acquis. Il montre aussi ses limites. Deux d’entre elles sont particulièrement soulignées : « 1) la contradiction entre, d’une part, le type de planification et de gestion administrative de l’économie et, d’autre part la volonté d’instaurer un pouvoir populaire véritable à tous les niveaux ; 2) l’insuffisance de la pratique démocratique. »[84] Cela est dû au fait que « la critique du révisionnisme en Chine n’est jamais allée jusqu’à cette conclusion, qui remettrait en cause le jugement qu’on peut porter sur l’ensemble de la période stalinienne à partir de 1930 »[85]. En somme, le maoïsme n’aurait pas complètement rompu avec le stalinisme et d’une manière plus générale avec le marxisme de la IIIème Internationale.

Pour Amin, c’est autour du dépassement de ces deux limites que se joue l’avenir de l’expérience chinoise. Si une certaine ouverture économique et une extension des rapports marchands sont souhaitables et nécessaires dans les conditions de la Chine de l’époque, elles doivent être accompagnées d’une profonde démocratisation politique et économique : le renforcement du pouvoir des travailleurs dans la gestion de l’économie qui articulerait plan et marché et une démocratie socialiste qui « ne saurait être inférieure en quoi que ce soit à la démocratie bourgeoise »[86]. Ainsi, seul « l’approfondissement d’une démocratie de masse constitue le moyen d’aller au-delà de la phase 1950-78. »[87] Ce qui le pousse d’ailleurs à être particulièrement sceptique à l’égard du tournant pris par la direction du parti communiste chinois sous l’influence grandissante de Deng Xiaoping.

 

La longue transition vers le socialisme

Dans ce même livre, Samir Amin note que la transition vers le communisme sera longue pour trois raisons[88] :

1- les effets de la loi du développement inégal dont nous avons parlé qui font de la périphérie la zone des tempêtes et des avancées vers le socialisme avec tous les défis que cela comporte (notamment le développement des forces productives);

2- « les voies du passage du système d’exploitation actuel à l’abolition des classes sont parfaitement inconnues »[89] dans les pays du centre, et

3- « Le système international des États et des nations subsistera encore longtemps. »[90] Ce passage préfigure la nette évolution que connaitra sa perception de la transition au socialisme qu’il explicite dans son « autobiographie intellectuelle » :

« Je suis finalement parvenu, à partir du milieu des années 1980, à une conclusion nouvelle : que le marxisme historique, parce qu’il avait sous-estimé la gravité des problèmes créés, par la polarisation mondiale, avait posé la question de la transition dans des termes incorrects (révolution bourgeoise ou révolution socialiste…), alors que la véritable question à l’ordre du jour de l’histoire était celle d’une très longue évolution « au-delà du capitalisme », de caractère national populaire, fondée sur la déconnexion et la reconnaissance du conflit réel entre les tendances au capitalisme et les forces aspirant au socialisme. »[91]

Cette évolution apparait clairement dans l’un de ses livres importants publié justement dans le milieu des années 1980, à savoir La déconnexion. On y retrouve cette même idée d’« une « transition » –  du capitalisme et à long terme – vers le socialisme »[92] qui n’est « pas linéaire »[93] dont « le point d’arrivée, encore très lointain »[94], est « largement inconnu »[95]. Dans les sociétés, qui ont connu des révolutions « socialistes », l’issue de cette transition est incertaine. Y coexistent trois tendances : étatiste, socialiste et capitaliste[96]. Dans le cas de l’URSS, la tendance étatiste l’emporte[97]. En Chine, la réalité est « moins déséquilibrée en faveur de l’impasse étatiste »[98]. Mais elle « est menacée d’une évolution possible du même genre »[99]. La transition au socialisme est donc incertaine, complexe semée d’embûche… Samir Amin va plus loin en qualifiant la stratégie de développement maoïste exposé dans l’Avenir du maoïsme non plus de socialiste (comme il l’avait fait auparavant) mais de voie de « développement national populaire qui peut conduire au socialisme »[100]. En effet, l’égalité des revenus (qui caractérise le modèle maoïste selon Amin) « n’est pas une condition suffisante au développement socialiste. La question du pouvoir effectif des travailleurs sur les lieux de production et dans la société politique, dépasse de beaucoup celle de la ʺdistribution du revenuʺ »[101]. Amin reprend aussi les mêmes arguments mobilisés pour justifier cette inflexion : Les effets de la loi développement inégal[102] et la persistance du système des États-Nations pendant une longue période.

Cette évolution dans la réflexion sur la stratégie de transition au socialisme s’accompagne d’un souci plus grand pour les considérations tactiques.

Celles-ci « s’imposent pour de nombreuses raisons évidentes. La principale de celles-ci est que les peuples de la périphérie ne sont pas également mûrs pour amorcer une déconnexion socialiste. Entre temps, donc, il leur faut subir la mondialisation capitaliste et de ce fait, il est nécessaire de lutter pour des modalités de celles-ci les moins défavorables à la maturation ultérieure de sa libération. »[103] Dans ce cas, une « politique efficace est celle qui parvient à mobiliser »[104] « les contradictions secondaires diverses entre centres impérialistes concurrents, entre bourgeoisies dépendantes de la périphérie, entre les intérêts des pays ayant passé par une révolution socialiste et ceux du système capitaliste »[105].

Ainsi, l’objectif immédiat est

« de tenter de moduler l’évolution du système mondial dans le sens d’un « ordre mondial meilleur », c’est-à-dire moins inégalitaire (aux plans économique, culturel, politique et militaire) tant au niveau des équilibres internationaux qu’à celui des rapports sociaux internes aux différentes sociétés » [106].

Il s’agit de construire « un monde multipolaire »[107].  « La tactique considérée constitue une « politique d’élargissement des marges d’autonomie des États, des nations, des peuples et des classes exploitées » »[108].

Cette évolution dans la pensée de Samir Amin trouve son origine dans les changements qu’a connus le monde durant la fin des années 1970 et la décennie 1980 : reflux des mouvements de libération nationale, crise de la dette et mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel, réformes économiques en Chine, crise puis effondrement du bloc de l’Est, offensive néolibérale et consolidation de l’hégémonie américaine, émergence de nouveaux mouvements sociaux… C’est comme si Samir Amin prenait acte de la défaite qu’a subi la gauche (au sens large) qui devait d’ailleurs faire son autocritique[109]. L’objectif du communisme s’éloignait de plus en plus. La difficulté et la complexité de la tâche se révèle clairement. Il fallait donc en déduire les conséquences qui s’imposent au niveau stratégique et tactique.

Amin ne cessera par la suite de développer cette réflexion. Il critique ainsi la vision dominante au sein du marxisme historique d’un passage relativement rapide au socialisme[110]. La construction du socialisme, « compte tenu de la réalité façonnée par le déploiement impérialiste et de la diversité des conjonctures des luttes en cours, ne peut être que graduelle et diverse »[111]. Il « préfère parler d’avancées révolutionnaires à l’ordre du jour plutôt que de ʺrévolutionsʺ (dont le terme laisse entendre que les solutions qu’elles apportent sont ʺdéfinitivesʺ et ʺtotalesʺ). »[112] La transition est donc une succession d’ « avancées révolutionnaires » qui peuvent réaliser une réelle percée comme elles peuvent échouer. Le socialisme est un possible parmi d’autres et non une fatalité historique. Ainsi, « l’avenir est toujours ouvert »[113].  Il « n’y a pas de « lois de l’histoire antérieures à l’histoire elle-même »[114]. « A tout moment il y a différentes alternatives possibles, et c’est seulement après coup que celle qui s’est imposée donne l’illusion qu’elle était la seule possible, celle dont la réalisation était inéluctable »[115].

Le succès de la transition à ce qu’il appelle le socialisme du 21ème siècle dépend de la juste résolution d’une série de contradictions et la confrontation réussie à un ensemble de défis[116] :

« la démocratisation de la société en libérant celle-ci de l’emprise de la loi de la valeur », « la construction d’un monde multipolaire », « repenser l’État dans le sens de la démocratisation à l’échelle national et mondial » et « l’émergence de valeurs réellement universelles ».

Durant cette longue transition, coexisteront deux « logiques conflictuelles en combinaison et contradiction permanentes »[117] : la logique privative du capital et celle émergente de l’appropriation sociale inhérente au socialisme. Dans cette perspective, le communisme n’est plus seulement lié au prolétariat industriel mais « aux larges majorités de travailleurs, en dépit de la diversité de leurs statuts »[118].

Dans la périphérie, la déconnexion « par rapport au système capitaliste mondialisé »[119], qui « n’est pas synonyme d’autarcie »[120], est « une condition nécessaire de toute avancée socialiste »[121]. Le développement autocentré, qui en résulte, est perçu comme un long processus conflictuel qui passera tout d’abord par l’arrivée au pouvoir d’un bloc national populaire porteur de projet de souveraineté populaire[122]. Celui-ci s’appuie sur une économie autocentrée articulant une industrialisation intégrée tournée vers le marché intérieur et une agriculture paysanne modernisée et revivifiée[123]. Il vise trois objectifs : assurer le progrès social pour les classes populaires, créer les conditions d’une démocratie participative et passer à une phase de globalisation négociée[124]. Ce projet nécessite la socialisation des monopoles[125], dont la nationalisation n’est que la première phase puisque l’enjeu fondamental est de rendre leur propriété/gestion réellement sociale[126].

Dans cette perspective, la Chine occupe une place importante. De son avenir dépend en partie le projet socialiste. Amin perçoit les changements qu’elle a connus depuis la fin des années 1970 comme un processus contradictoire et ouvert puisque le « combat entre la voie socialiste, longue et difficile, et l’option capitaliste à pied d’œuvre, n’est certainement pas ʺdéfinitivement dépasséʺ »[127]. Il pense même que

« la classe dominante en Chine n’est pas ʺla bourgeoisieʺ. Mais la classe dirigeante d’un parti-État, une classe constituée à partir d’une révolution populaire. Dans cette classe, s’expriment des tendances contradictoires, y compris désormais des tendances compradores et des aspirations bourgeoises nationales »[128]. Pour lui le pouvoir chinois « quand bien même il nourrit des ambitions bourgeoises, reste néanmoins ambigu. La Chine a, dans un premier temps, au cours des années 1990, choisi de s’insérer avec succès dans le système mondial par la priorité donnée aux exportations. Mais à partir de 2002, le tir est corrigé graduellement, en ce sens que la dépendance à l’égard des exportations est graduellement réduite, en termes relatifs, tandis que l’accent est placé davantage sur le marché interne »[129].

Ainsi malgré l’« expansion » des rapports de production capitalistes en son sein, la Chine ne serait pas encore devenue capitaliste. En distinguant entre Thermidor qui « signifie un pas en arrière pour maintenir en vie l’objectif à long terme » [130] et la restauration qui veut dire son « abandon »[131], Amin juge que la Chine est plutôt dans une situation thermidorienne. La restauration n’a pas encore eu lieu comme en URSS[132]. Un acquis substantiel de la révolution chinoise comme la nationalisation de la terre qui permet à la paysannerie d’y accéder n’a pas été touché[133]. Mais la Chine n’est pas non plus socialiste[134]. Ainsi, des « tendances contradictoires » coexistent en son sein[135].

 

Quelques questionnements

Fruit d’un contexte particulier, la pensée de Samir Amin s’est constituée autour du lien indissociable entre développement et socialisme. Elle ne cessera d’évoluer au gré des transformations du monde contemporain sans se départir de ses fondements théoriques et de l’engagement politique qui l’animait.

Convaincu que le capitalisme est entré dans sa phase sénile[136] où son caractère destructeur l’emporte sur son caractère constructeur[137], Amin ne cessera de clamer, pendant près de quatre décennies, que les deux alternatives qui se présentent devant l’humanité sont les suivantes : révolution ou décadence[138]. La transition vers un mode de production, est soit consciente et maitrisée, elle est dans ce cas révolutionnaire soit elle ne l’est pas, et c’est le modèle de la décadence[139]. Pour que la première voie l’emporte, l’unité des forces anticapitalistes dans leur diversité est une nécessité. Amin sera d’ailleurs l’un des plus grands promoteurs de cette unité en appelant, dans un texte qu’il a rediffusé juste avant de nous quitter, à l’ « indispensable reconstruction de l’Internationale des travailleurs et des peuples »[140].

Mais sa conception du socialisme et des problèmes de la transition soulève néanmoins une série de questions :

1- Les effets de la loi du développement inégal font que le socialisme est condamné, selon Amin, à réaliser ses avancées révolutionnaires dans la périphérie avec toutes les difficultés qui en résultent : nécessité de rattraper (développer les forces productives) et de « faire autre chose » en même temps, agressions impérialistes… Ainsi, « les transitions socialistes s’accompliront nécessairement dans « un seul pays » »[141] ; D’où, en partie, leur caractère « long ». Cette vision serait-elle le dernier avatar de la théorie du socialisme dans un seul pays dans sa version boukharinienne (le célèbre « socialisme à pas de tortue ») qui entendait préserver l’alliance ouvrière-paysanne ? Certaines formules explicites d’Amin vont dans ce sens : « Il n’y a pas d’alternative [à la transition socialiste dans un seul pays]; il n’y aura pas de ʺrévolution mondialeʺ. »[142] Mais au-delà du débat qui a agité le parti bolchévique sur cette question, il est inconstatable que cette théorie a servi de légitimation au régime stalinien et de ses satellites. Comment faire en sorte que l’histoire ne se répète pas ? Certes Amin affirme que « l’humanité ne pourra s’engager sérieusement dans la construction d’une alternative socialiste au capitalisme que si les choses changent aussi en Occident développé. »[143] Mais comment peut-on concevoir concrètement cette articulation entre les luttes de la périphérie et celles du centre ? Quelles sont les forces politiques et sociales qui peuvent, au sein de ce dernier, porter cette exigence?

2- Une seconde question a trait à la manière avec laquelle Amin caractérise le stalinisme. Ce dernier est plutôt perçu comme étant une conception erronée du marxisme et de la construction du socialisme conduisant à « l’étatisme ». Certaines formules malheureuses utilisées par Amin qui l’assimile à un « socialisme d’État »[144] semblent aller dans ce sens. Or, presqu’à aucun moment à ce que je sache, cette « déviation étatiste » n’est liée, dans ses écrits, au processus de « bureaucratisation » du parti et de l’État révolutionnaire entamé bien avant les années 1930[145]. Car dans ce dernier cas, le stalinisme triomphant serait plutôt l’aboutissement de ce processus et non pas son point de départ. Il serait donc l’effet et le vecteur de la contre-révolution « bureaucratique ». L’occultation de cet aspect explique peut être le fait que les raisons profondes des processus de bureaucratisation des appareils « révolutionnaires » sont sous-analysées dans la réflexion d’Amin sur la démocratie[146]. Cela serait-il aussi lié à l’incapacité du maoïsme à assimiler correctement ces questions à cause de sa rupture partielle avec le stalinisme[147] ?

3- La dernière question porte sur l’analyse « aminienne » de la Chine contemporaine qui n’est, selon lui, ni socialiste ni capitaliste. Comment peut-on la qualifier alors ? Une société de transition ? Mais vers quoi : le socialisme, le capitalisme ou un nouveau mode de production basé sur d’autres formes d’exploitation ? Quels sont les rapports de production dominants en Chine aujourd’hui ? L’histoire du capitalisme ne prouve-t-elle pas que ce dernier peut s’accommoder voir profiter de formes de propriété « non capitalistes » (comme ce serait le cas pour la propriété de la terre en Chine[148]) ? L’embourgeoisement de la classe dominante chinoise, issue de la révolution et solidement établie pour pouvoir se reproduire, qui s’est engagée d’une manière directe ou indirecte dans l’exploitation capitaliste des millions d’ouvriers chinois, en lien avec le capital étranger[149] n’est-il pas un signe de la domination du capitalisme ?

Ses interrogations dessinent trois défis posés à ceux qui comptent continuer le travail précieux accompli par Samir Amin pour penser le développement et le socialisme depuis une perspective du Sud : réactualiser/renouveler la réflexion sur les luttes anti-impérialistes dans le centre et leur articulation avec les avancées révolutionnaires dans la périphérie[150], intégrer l’analyse des origines profondes des processus de bureaucratisation des organisations puis des états révolutionnaires dans toute pensée sur l’approfondissement/préservation de la démocratie/pouvoir populaire ou socialiste et développer une approche critique et lucide des évolutions en Chine.

 

Bibliographie[151]

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Notes

[1] Voir le long entretien avec lui in Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, Dakar, CODESRIA, 2011. p. 66.

[2] Ibidem.

[3] Ibid p. 69

[4] Ibidem. Amin précise : « En termes matériels, par la priorité donnée aux besoins essentiels des classes populaires, en partant des plus pauvres. En termes politiques, en donnant à l’expression des droits démocratiques la plus grande place dans l’exercice du pouvoir. En termes moraux, par la restauration de la dignité des peuples bafoués ».

[5] Ibidem.

[6] Ibidem.

[7] Ibid. p. 70

[8] Ibidem.

[9] Ce texte est la version remaniée d’une communication présentée au colloque thématique « Penser le développement et la mondialisation avec Samir Amin » organisé par l’Association Marocaine de Sciences Economiques à l’occasion de son treizième congrès le 28 juin 2019.

[10] « J’ai été un lecteur précoce de Marx. Je me sentais politiquement, moralement, même à l’époque de mon adolescence, proche du communisme. Je me déclarais même adolescent au lycée, communiste, sans très bien savoir ce que ça pouvait dire. » Ibid p. 15.

[11] Voir la biographie de Samir Amin in Ibid. p. 4.

[12] Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, L’Harmattan, Paris, 1993. p. 21

[13] Ibidem.

[14] Le journal, qui s’appelait « Etudiants Anticolonialistes », est paru entre 1949 et 1953. Il était sous la direction de Jacques Vergès. Ibidem.

[15] Ibidem.

[16] Ibid. p. 21-22.

[17] Voir le texte d’Amin « Pour des initiatives indépendantes des pays du Sud » in Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, op. cit. p. 178.

[18] Ibid. 177.

[19] Ibidem.

[20] « La doctrine Jdanov poursuivait un objectif prioritaire: imposer la coexistence pacifique et, par ce moyen, calmer les ardeurs agressives des États-Unis et de leurs alliés subalternes européens et japonais. En contrepartie, l’Union soviétique accepterait d’adopter un profil bas, s’abstenant de s’ingérer dans les affaires coloniales que les puissances impérialistes concevaient comme leurs « affaires intérieures ». Les mouvements de libération, y compris la révolution chinoise, n’ont pas été soutenus avec enthousiasme à cette époque, et se sont imposés par eux-mêmes, mais leur victoire (en particulier évidemment celle de la Chine) apportait des changements dans les rapports de force internationaux. » Ibidem.

[21] « Je puis néanmoins apporter un témoignage personnel concernant cette histoire, ayant eu l’heureuse occasion de participer dès 1950 à l’un des groupes de réflexion concernés, associant des communistes égyptiens, irakiens et iraniens, et quelques autres. » Ibid. p. 178.

[22] Ibidem.

[23] Ibidem.

[24] Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, op. cit. p. 39.

[25] Ibidem.

[26] Ibidem.

[27] Voir le long entretien avec lui in Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, op. cit. p. 21.

[28] Ibid. p. 60.

[29] Samir Amin, L’accumulation à l’échelle mondiale, Paris, Editions Anthropos, 1970.

[30] Samir Amin, Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, Paris, Minuit, 1973.

[31] Voir le long entretien avec lui in Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, op. cit. p. 60

[32] Samir Amin, La loi de la valeur et le matérialisme historique, Paris, Minuit, 1977.

[33] Samir Amin, La loi de la valeur mondialisée, Paris, Le Temps des cerises/Delga, 2011.

[34] Samir Amin, Classe et nation dans l’histoire et la crise contemporaine, Paris, Minuit, 1979.

[35] Voir le long entretien avec lui in Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, op. cit. p. 60.

[36] Ibid. pp. 17-20.

[37] https://www.legrandsoir.info/samir-amin-marx-n-a-jamais-ete-aussi-utile.html

[38] Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, op. cit. p. 39.

[39] Samir Amin, « Capitalisme et système-monde », Sociologie et sociétés, vol. XXIV, no 2, automne 1992 in

http://classiques.uqac.ca/contemporains/amin_samir/capitalisme_systeme-monde/capitalisme_systeme-monde_texte.html

[40] Ibid.

[41] Samir Amin, Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, op. cit. p. 336.

[42] Voir le long entretien avec lui in Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, op. cit. p. 25.

[43] Samir Amin, Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, op. cit. p. 336

[44] Voir le long entretien avec lui in Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, op. cit. p. 64.

[45] Ibidem.

[46] Sur la théorie de la dépendance, voir Fernando Henrique Cardoso, « « Théorie de la dépendance » ou analyses concrètes de situations de dépendance » L’Homme et la société, N. 33-34, 1974 et surtout Fernando Henrique Cardoso et Enzo Faletto, Dependency and Development in Latin America, University of California Press, Berkeley, 1979.

[47] Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, op. cit. p. 66.

[48] Ibidem

[49] Ibidem

[50] Ibidem

[51] Ibid p. 66 . « Voilà, non pas des divergences, mais des points de complémentarité entre la théorie de la « dependencia » et ma théorie de l’accumulation à l’échelle mondiale. »

[52] Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, op. cit. p. 8. Voir aussi sa prise de position dans le débat entre Bettelheim et Emmanuel sur le sujet révolutionnaire (prolétariats ou nations prolétaires) à la lumière de la discussion sur l’échange inégal dans la longue introduction de L’accumulation à l’échelle mondiale, op. cit. pp. 42-50.

[53] Ibid p. 62.

[54] « J’ai vécu en tant qu’égyptien, l’expérience nassérienne et, sans aucune vantardise de ma part, je veux rappeler que dès 1960 j’envisageais que la logique du système nassérien devait conduire à ce qui s’est développé ouvertement à partir de 1971 avec l’ « infitah » sadatien (l‘ « ouverture ») : le retour au bercail de la compradorisation. (…) Ce jugement, à l’époque rejeté comme absurde par la grande majorité de la gauche égyptienne et internationale m’avait amené à rejoindre dans les grandes lignes la critique que le PC chinois adressait en langage encore codé à la direction soviétique depuis 1957-58 ». Ibid. p. 163.

[55] Ibidem.

[56] Samir Amin, Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, op. cit. p. 325.

[57] Ibidem.

[58] Ibidem.

[59] Ibid p. 325-326.

[60] Des qualifications dont il dit avoir « critiqué les ambigüités » Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, op. cit. p. 165.

[61] Ibid. p. 62.

[62] Samir Amin, Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, op. cit. p. 326.

[63] Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, op. cit. p. 168.

[64] Cette idée est aussi développée dans Samir Amin, « La libération nationale et la transition socialiste », Revue L’homme et la société, n°55-58, janvier-décembre 1980, voir la section sur la nature sociale de la société soviétique.

[65] « Les faits m’ont donné tort. Non seulement le régime soviétique s’est révélé instable, mais encore l’offensive de la droite mondiale, à partir de 1980, va dans le sens inverse : dérégulation, privatisation sont ses thèmes, qui ont le vent en poupe. » Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, op. cit. p. 169.

[66] Ibid. p. 166

[67] Ibidem.

[68] Ibidem.

[69] Ibidem. Notamment « ses conceptions concernant la neutralité sociale des technologies. » Ibidem.  Voir aussi l’analyse de Bettelheim de ce qu’il appelle « la formation idéologique bolchévique » in Charles Bettelheim, Les Luttes de classes en URSS –  Deuxième période, 1923-1930, Paris, Seuil/Maspero, 1977.

[70] Samir Amin, Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, op. cit. p. 326.

[71] Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, op. cit. p. 101.

[72] Ibid p. 60.

[73] Ibidem.

[74] Ibidem.

[75] Mao Tsé-toung, « Sur les dix grands rapports », 1956.

[76] Samir Amin, L’avenir du Maoïsme, Paris, Minuit, 1981 p. 57.

[77] Ibidem.

[78] Ibidem.

[79] Ibidem.

[80] Ibid p. 7.

[81] Ibidem.

[82] Ibidem.

[83] Ibidem.

[84] Ibid. p. 91.

[85] Ibid. p. 112.

[86] Ibid p. 121

[87] Ibid p. 105.

[88] Ibid. p. 119-120.

[89] Ibidem.

[90] Ibidem.

[91] Samir Amin, Itinéraire intellectuel regards sur le demi-siècle, 1945-90, p. 155.

[92] Samir Amin, La déconnexion, Paris, La Découverte, 1986 p. 97.

[93] Ibidem.

[94] Ibidem.

[95] Ibidem.

[96] Ibid. p. 45.

[97] Ibid p. 46.

[98] Ibidem.

[99] Ibid. p. 136.

[100] Ibid. p. 115.

[101] Ibid p. 116.

[102] « Autrement dit, dans la ligne du léninisme, nous partons de l’hypothèse d’une transition mondiale au socialisme amorcée par des ruptures du système dans ses maillons faibles. De ce fait, la transition demeure ambigüe et incomplète, car l’existence de développement des forces productives reste réelle. » Ibid p. 191.

[103] Ibid p. 117.

[104] Ibid p. 118.

[105] Ibid p. 117-118.

[106] Ibid p. 118.

[107] Ibidem.

[108] Ibid p. 129.

[109] Ibid p. 175.

[110] Samir Amin, Sur la crise : Sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise, Paris, le Temps des cerises, 2009.

[111] Samir Amin, Du capitalisme à la civilisation, Paris, Syllepse, 2008 p. 37.

[112] Ibidem.

[113] Ibid p. 10.

[114] Ibidem.

[115] Ibidem.

[116] Ibid p. 238-239.

[117] Ibid p. 240.

[118] Ibidem.

[119] Samir Amin, La déconnexion, op. cit. p. 5.

[120] Ibid p. 108. Samir Amin précise que le sens qu’il donne à la déconnexion est l’« organisation d’un système critères de rationalité des choix économiques fondé sur une loi de la valeur à base nationale et à contenu populaire, indépendant des critères de la rationalité économique tels qu’ils ressortent de la domination de la loi de la valeur capitaliste opérant à l’échelle mondiale. » p. 108

[121] Ibid p. 6.

[122] Samir Amin, « The Sovereign Popular Project; The Alternative to Liberal Globalization », Journal of Labor and Society,  Volume 20, March 2017.

[123] Ibid p. 21.

[124] Ibid p. 22.

[125] Samir Amin, L’implosion du capitalisme contemporain, Editions Delga, Paris, 2012.

[126] Ibid. Amin propose des formes de gestion de ces monopoles qui associent toutes les « parties prenantes » : salariés, clients, fournisseurs, consommateurs/usagers, pouvoir central, pouvoirs locaux…

[127] Samir Amin, du capitalisme à la civilisation, op. cit. p. 52.

[128] Voir le long entretien avec lui in Demba Moussa Dembélé, Samir Amin : Intellectuel organique au service de l’émancipation du Sud, op. cit. p. 51.

[129] Ibid p. 68

[130] Voir : Tricontinental: Institute for Social Research, « Globalisation and Its Alternative : An Interview with Samir Amin. », Political Notebook no. 1, 2018 p. 19.

[131] Ibid.

[132] Ibid.

[133] Ibid.

[134] Ibid p. 20.

[135] Ibid.

[136] https://www.legrandsoir.info/le-capitalisme-entre-dans-sa-phase-senile.html (Consulté le 07/06/2019)

[137] Samir Amin, Au-delà du capitalisme sénile : Pour un XXIe siècle non-américain, PUF, Paris, 2002.

[138] Samir Amin, « Révolution ou décadence? La crise du système impérialiste contemporain et celle de l’Empire romain », Review (Fernand Braudel Center), Vol. 4, No. 1, Summer, 1980. Voir aussi la conclusion de son livre Classe et nation dans l’histoire et la crise contemporaine, op. cit.

[139] Ibid.

[140] http://www.afrique-asie.fr/lindispensable-reconstruction-de-linternationale-des-travailleurs-et-des-peuples/. (Consulté le 05/09/2018).

[141] Samir Amin, Le bicentenaire de la naissance de Marx (1818-2018), Paris, Editions Delga, 2018 p. 16.

[142] Ibid.

[143] Samir Amin, du capitalisme à la civilisation, op. cit. p. 43

[144] Samir Amin, Le bicentenaire de la naissance de Marx (1818-2018), op. cit. p. 59.

[145] Un processus de bureaucratisation par le haut par le bas aussi (selon Marc Ferro). Voir Daniel Bensaid, « Questions d’Octobre. La révolution russe était-elle un coup d’État, condamnée et prématurée ? » in http://danielbensaid.org/Questions-d-Octobre

[146] Alors que depuis Robert Michels au moins il existe des travaux « sérieux » qui analysent le phénomène de bureaucratisation du mouvement ouvrier et ses institutions.

[147] Ce qui d’ailleurs explique en partie le déroulement et l’aboutissement de l’épisode « révolution culturelle ».

[148] Ainsi le maintien de ce système rendrait la prolétarisation de la paysannerie incomplète « fournissant au capitalisme transnational une main-d’œuvre abondante à des salaires inférieurs à son coût de reproduction » (Jean Mathieu, « Prolétarisation incomplète et miracle économique chinois : entre héritage collectiviste et capitalisme transnational », Revue de la régulation [En ligne], 21 | 1er semestre / Spring 2017, mis en ligne le 20 juin 2017, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/regulation/12254 ; DOI : 10.4000/regulation.12254). Sur l’histoire de la décollectivisation et ses effets sur la paysannerie en Chine voir aussi: Zhun Xu, From Commune to Capitalism: How China’s Peasants Lost Collective Farming and Gained Urban Poverty, Monthly Review Press, New York, 2018.

[149] Il suffit de suivre les affaires florissantes de certains « princes rouges », fils ou filles d’anciens ou actuels hauts dirigeants du parti communiste chinois.

[150] La dernière vague des luttes antiracistes et anticoloniales portées par le prolétariat/sous prolétariat « non blanc » dans les pays du centre impérialiste devraient stimuler la réflexion. Ces catégories semblent être les alliés les plus « proches » des peuples de la périphérie. Voir par exemple : https://venezuelainfos.wordpress.com/2020/08/31/huit-theses-sur-limperialisme-americain-et-les-luttes-anti-imperialistes-au-21eme-siecle-par-ramon-grosfoguel/  (consulté le 01/09/2020)

[151] Nous nous sommes limités aux publications de/sur Samir Amin.

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