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Comment Lénine pensait la révolution et, en particulier, la question de l’insurrection ? Nous publions ici un extrait du livre que Marina Garrisi vient de faire paraître aux Éditions sociales, intitulé Découvrir Lénine, et qui avance (notamment) une réponse à cette question. Comme les autres livres qui composent la collection « Les propédeutiques », il s’agit de textes commentés et introduits, permettant d’approcher un·e auteur·rice ou un événement historique.

Pour aller plus loin, on pourra lire ou relire notre dossier consacré à Lénine.

Chapitre 10 – Dualité de pouvoir, révolution pacifique et insurrection

Texte de Lénine 

« Sur la situation politique (quatre thèses) » [1917], in Œuvres Complètes, tome 25, Paris/Moscou, Éditions sociales/Progrès, 1971, p. 189-192

1. Organisée, consolidée, la contre-révolution s’est emparée, en fait, du pouvoir d’État.

Cette véritable organisation et cette consolidation de la contre-révolution consistent dans l’union, remarquablement préparée, et déjà réalisée, des trois forces principales de la contre-révolution : 1° en sortant du ministère, le parti cadet, c’est-à-dire le véritable chef de la bourgeoisie organisée, a adressé un ultimatum à ce dernier, déblayant ainsi le terrain pour son renversement par la contre-révolution ; 2° l’État-major général et le commandement supérieur de l’armée, consciemment ou à demi-consciemment secondés par [Alexandre] Kerenski que les socialistes-révolutionnaires même les plus en vue traitent maintenant de Cavaignac, se sont pratiquement emparés du pouvoir d’État et ont déclenché la répression contre les unités révolutionnaires du front. Ils ont commencé à désarmer les troupes et les ouvriers révolutionnaires de Petrograd et de Moscou, à étouffer et mater le mouvement de Nijni Novgorod, à arrêter les bolcheviks et à fermer leurs journaux, non seulement sans décision des tribunaux, mais encore sans décret du gouvernement. En fait, le pouvoir d’État en Russie est essentiellement aujourd’hui une dictature militaire ; ce fait est encore masqué par l’existence d’organismes révolutionnaires en paroles mais pratiquement impuissants. Cependant, c’est un fait indéniable et décisif : sans l’avoir assimilé, on ne peut rien comprendre à la situation politique ; 3° la presse monarchiste des Cent-Noirs et la presse bourgeoise, qui sont déjà passées de la campagne acharnée contre les bolcheviks à une campagne contre les soviets, contre l’« incendiaire » [Viktor] Tchernov, etc., ont montré avec la plus grande évidence l’objet véritable de la dictature militaire qui règne aujourd’hui sur la Russie avec l’appui des cadets et des monarchistes : préparer la dissolution des soviets. Nombre de leaders socialistes-révolutionnaires et mencheviques, c’est-à-dire de chefs de la majorité actuelle des soviets, en sont déjà convaincus et l’ont déclaré ces jours derniers, mais, en vrais petits bourgeois, ils éludent cette réalité redoutable par un verbiage ronflant et creux.

2. Les chefs des soviets et des partis socialiste-révolutionnaire et menchevique, [Irakli] Tsérétéli et Tchernov en tête, ont définitivement trahi la cause de la révolution en la livrant aux contre-révolutionnaires et en transformant leurs propres personnes, leurs partis et les soviets en feuilles de vigne de la contre-révolution.

En voici la preuve : socialistes-révolutionnaires et mencheviks ont livré les bolcheviks à la réaction et tacitement approuvé le sac des journaux bolcheviques, sans même avoir le courage de dire nettement et carrément au peuple qu’ils le faisaient et pourquoi ils le faisaient. En légalisant le désarmement des ouvriers et des régiments révolutionnaires, ils se sont privés de tout pouvoir réel. Devenus les discoureurs les plus vains, ils aident la réaction à « retenir » l’attention du peuple tandis qu’elle met la dernière main à ses préparatifs de dissolution des soviets. Si l’on ne se rend pas compte de cette banqueroute totale et définitive des partis socialiste-révolutionnaire et menchevique et de l’actuelle majorité des soviets, si l’on ne reconnaît pas le caractère entièrement fictif de leur « directoire » et autres mascarades, on ne peut absolument rien comprendre à toute la situation politique actuelle.

3. Tous les espoirs fondés sur le développement pacifique de la révolution russe se sont à jamais évanouis. La situation objective se présente ainsi : ou la victoire complète de la dictature militaire ou la victoire de l’insurrection armée des ouvriers. Cette victoire n’est possible que si l’insurrection coïncide avec une effervescence profonde des masses contre le gouvernement et la bourgeoisie, par suite de la débâcle économique et de la prolongation de la guerre.

Le mot d’ordre « Tout le pouvoir aux soviets » fut celui du développement pacifique de la révolution qui était possible en avril, mai, juin et jusqu’aux journées du 5 au 9 juillet, c’est-à-dire jusqu’au moment où le pouvoir réel passa aux mains de la dictature militaire. Ce mot d’ordre n’est plus juste aujourd’hui, car il ne tient pas compte de ce changement de pouvoir ni de la trahison complète, effective, des socialistes-révolutionnaires et des mencheviks. Les aventures, les mutineries, les résistances partielles, les tentatives désespérées de combattre la réaction en ordre dispersé ne peuvent être d’aucune aide. Pour réussir il faut une claire conscience de la situation, la maîtrise de soi et la fermeté de l’avant-garde ouvrière, l’organisation des forces en vue de l’insurrection armée, conditions d’une victoire terriblement difficile à présent, mais possible malgré tout, s’il y a coïncidence des faits et des tendances marqués dans la thèse. Plus d’illusions constitutionnelles ou républicaines, plus d’illusions au sujet des voies pacifiques, plus d’actions dispersées ; il ne faut pas se laisser prendre en ce moment aux provocations des Cent-Noirs et des cosaques, mais concentrer ses forces, les réorganiser et se préparer fermement à l’insurrection armée, si l’évolution de la crise permet d’y engager vraiment les masses, le peuple entier. La remise de la terre aux paysans est maintenant impossible sans insurrection armée, car la contre-révolution qui vient de prendre le pouvoir a opéré sa jonction avec la classe des grands propriétaires fonciers.

L’insurrection armée ne peut avoir d’autre objectif que le passage du pouvoir au prolétariat soutenu par les paysans pauvres, en vue de l’application du programme de notre parti.

4. Le parti de la classe ouvrière doit, sans renoncer à l’action légale, mais sans en exagérer un seul instant l’importance, associer le travail légal au travail illégal, comme en 1912-1914.

N’interrompons pas une heure l’action légale. Mais ne nous laissons pas séduire le moins du monde, par les illusions constitutionnelles et « pacifistes ». Créons partout, sans délai, des organisations ou des cellules clandestines pour la publication de tracts, etc. Réorganisons-nous sans délai avec fermeté et sang-froid, sur toute la ligne.

Commentaire du texte de Lénine

En 1917, la Russie connaît une année de révolutions. En février, des manifestations et grèves massives font tomber l’autocratie tsariste déjà fortement affaiblie par la guerre. Le tsar Nicolas II abdique et un régime hybride se met en place : un Gouvernement provisoire est institué tandis que des soviets d’ouvriers, de soldats et de paysans essaiment dans tout le pays. De février à octobre 1917, on assiste à un phénomène de radicalisation des masses ouvrières et populaires, qui soutiennent d’abord le Gouvernement provisoire mais qui s’en éloignent à mesure que ce dernier apparaît incapable de répondre à leurs revendications (la fin la guerre, la terre aux paysans). C’est ce qui prépare la voie à la prise du pouvoir par les bolcheviks en octobre.

De retour à Petrograd au début du mois d’avril, Lénine suit de près la situation, analyse ses tournants, propose des mots d’ordres et mène une série de batailles au sein du Parti bolchevique où coexistent plusieurs sensibilités politiques. Là, il se retrouve plus d’une fois mis en minorité. « Sur la situation politique (quatre thèses) », reproduit ici en intégralité, est rédigé le 11 juillet 1917, au lendemain des Journées de juillet. Du 4 au 5 juillet, des dizaines de milliers d’ouvriers et de soldats armés manifestent contre l’avis du Gouvernement provisoire et des soviets. Leurs mots d’ordre comme « À bas la guerre » ou « Tout le pouvoir aux soviets » et appelant à ce que ces derniers prennent le pouvoir. Ces événements, preuve d’un mécontentement croissant et explosif dans la capitale, débouchent sur une campagne de répression orchestrée par le Gouvernement provisoire et encouragée par les forces contre-révolutionnaires (militaires et/ou monarchistes). Les bolcheviks, accusés d’avoir fomenté une insurrection, sont visés. Pour Lénine, calomnié de toute part, le tournant des Journées de juillet nécessite d’adapter la tactique du parti aux nouvelles coordonnées.

Questions

Comment Lénine pose-t-il la question du pouvoir dans le processus révolutionnaire russe ? Pourquoi envisage-t-il d’abord un développement pacifique de la révolution et qu’est-ce qui motive un changement de tactique et la préparation d’une insurrection armée ? Comment Lénine pose-t-il le problème de l’insurrection ? En particulier, quel rôle accorde-t-il au parti et aux soviets ?

Dualité de pouvoir

À son retour en Russie en avril 1917, Lénine constate que la révolution de Février a débouché sur une situation paradoxale. Lorsque le tsar abdique, et alors que la révolution est menée par les masses ouvrières et populaires de Petrograd, les dirigeants des soviets négocient avec les représentants de la bourgeois libérale la mise en place d’un Gouvernement transitoire à qui ils transfèrent le pouvoir. Celui-ci est désormais aux mains de ceux qui n’ont pas voulu de la révolution. Mais à côté de ce Gouvernement provisoire, les soviets des ouvriers et des soldats continuent d’organiser des larges masses qui se sentent représentées par eux. Pour Lénine, la coexistence de deux centres de pouvoir et de légitimité créé une situation originale et instable de « dualité de pouvoir ».

Cette situation suscite de nombreux débats au sein du mouvement socialiste où s’expriment des désaccords sur l’attitude à adopter vis-à-vis des soviets et du Gouvernement provisoire. Cohérents avec le cadre doctrinal qu’ils ont forgé avant la révolution, les mencheviks considèrent les événements en cours comme une révolution bourgeoise.  Ils défendent une politique de soutien critique au Gouvernement provisoire, convaincus que le prolétariat ne peut prétendre au pouvoir (cf. chapitre 4). Dans ses « Thèses d’avril », Lénine défend une perspective opposée. Il appelle à passer de la « première étape » de la révolution, « qui a donné le pouvoir à la bourgeoisie par suite du degré insuffisant de conscience et d’organisation du prolétariat » à sa « deuxième étape », « qui doit donner le pouvoir au prolétariat et aux couches pauvres de la paysannerie ». Les bolcheviks ne doivent accorder, selon lui, aucun soutien au Gouvernement provisoire, mais lutter de manière autonome à ce que tout le pouvoir revienne aux soviets, assurant ainsi, la transformation de la révolution démocratique en révolution socialiste. Armé de ces conceptions, Lénine part à la reconquête du Parti bolchevique en proie à des flottements au début de l’année 1917.

Révolution pacifique ou insurrection armée ?

Pour Lénine, les Journées de juillet modifient fondamentalement les conditions politiques à l’aune desquelles le Parti bolchevique doit élaborer sa tactique.

Dans les « Thèses d’avril » qui avaient fixé la conduite à tenir dans la séquence précédente, Lénine montrait comment la révolution de Février avait inauguré une ère de liberté en Russie qui offrait de larges possibilités légales (Lénine parlait ainsi de « pays le plus libre du monde »). Ce qui faisait, dans ce contexte, obstacle à la prise du pouvoir politique n’était pas tant une contrainte violente exercée sur les masses que les espoirs qu’elles continuaient de placer dans le Gouvernement provisoire. Des espoirs revêtant la forme d’illusions, largement entretenues par les socialistes modérés alors majoritaires dans les soviets. Le passage du pouvoir aux soviets pouvait, selon lui, se faire pacifiquement, à condition d’un travail patient d’explication et d’organisation en direction des masses. Lénine s’oppose alors aux actions violentes ou insurrectionnelles, qu’il dénonce comme un piège. C’est pour cela que Lénine décide d’intervenir dans les événements de juillet, non pas pour pousser les manifestations à l’insurrection mais pour que celles-ci restent pacifiques.

Mais la situation de double pouvoir qui prévalait jusqu’alors, instable mais à peu près « légalisée », se transforme soudain, au lendemain des événements de juillet. Le pouvoir d’État passe aux mains d’une « dictature militaire », à la suite de l’union des « trois forces principales de la contre-révolution » : la bourgeoisie et son parti cadet, l’État et le commandement supérieur de l’armée, les monarchistes. Celles-ci se préparent au « désarmement des ouvriers et des régiments révolutionnaires », à une « campagne acharnée contre les bolcheviks » et à « la dissolution des soviets ». Lesquels demeurent « impuissants » à empêcher la réaction. Menés à leur perte par leurs « chefs […] des partis socialiste-révolutionnaire et menchevik », ils ont été transformés en « feuilles de vigne de la contre-révolution ». Désormais, il ne suffit plus d’expliquer patiemment aux masses qu’elles doivent rompre avec le Gouvernement provisoire : « tous les espoirs fondés sur le développement pacifique de la révolution russe » ont disparu. Il faut opter pour une voie plus couteuse, « concentrer ses forces, les réorganiser et se préparer fermement à l’insurrection armée » pour assurer « le passage du pouvoir au prolétariat soutenu par les paysans pauvres ».

Contrairement à ce que prétendent aussi bien les défenseurs orthodoxes de Lénine que ses détracteurs le présentant comme l’inventeur de la terreur politique, Lénine n’a donc pas toujours préconisé une tactique insurrectionnelle en Russie.

L’art de l’insurrection 

Ainsi, Lénine ferme la possibilité d’une prise du pouvoir pacifique dès le mois de juillet. Pour autant, il ne fait pas de l’insurrection armée une perspective immédiate pour le Parti bolchevique et met en garde contre « les aventures, les mutineries, les résistances partielles et les tentatives désespérées de combattre la réaction en ordre dispersé » qui ne peuvent selon lui « être d’aucune aide ». Si les bolcheviks veulent prendre le pouvoir et, surtout, le garder, ils doivent envisager l’insurrection comme un art[1]. Lénine se réfère à Marx et Engels comme à une source d’inspiration, bien qu’on ne trouve pas chez eux de théorie de l’insurrection. Si l’insurrection est un art, c’est parce qu’elle ne peut pas compter sur la seule spontanéité des masses, mais qu’elle exige au contraire une intervention spécifique et consciente qui agisse dans les règles de l’art.

Dans un texte intitulé « Le marxisme et l’insurrection » (septembre 1917), Lénine expose ainsi les « trois conditions qui font que, dans la façon de poser la question de l’insurrection, le marxisme se distingue du blanquisme ». L’insurrection doit d’abord s’appuyer sur une « classe d’avant-garde », mais aussi sur « l’élan révolutionnaire du peuple ». Il lui faut, enfin, intervenir lorsque les forces de l’ennemi sont les plus faibles et que l’activité de l’avant-garde est la plus forte. L’art de l’insurrection présuppose ainsi l’existence d’un parti lié aux masses, capable de prendre le pouls d’une situation politique par nature complexe et de déterminer le moment opportun de l’action. Lénine insiste enfin sur le fait qu’il incombe au parti de prendre ses responsabilités pour organiser les problèmes techniques de l’insurrection, assurer les conditions militaires de son succès.

Pour Lénine, ces conditions pour une insurrection victorieuse sont remplies à la fin du mois d’août après que les soviets ont mis en échec le putsch du général Kornilov. L’autorité du Gouvernement provisoire s’effrite tandis que les socialistes modérés sont divisés. Les bolcheviks en sortent au contraire renforcés. Leur popularité dans les soviets bondit, et certaines de leurs résolutions politiques y obtiennent pour la première fois la majorité des voix à Petrograd. En parallèle, les révoltes paysannes pour un meilleur partage des terres se multiplient, expression d’une exaspération et d’une lassitude à l’égard du Gouvernement provisoire, qui s’est montré incapable de répondre aux revendications populaires depuis février. Dès lors, ajourner l’insurrection apparaît comme une faute, pense Lénine. Mais ce dernier est alors minoritaire au sein de la direction du Parti bolchevique. Et sa position est d’autant plus délicate qu’il a dû quitter Petrograd et ne peut convaincre ses camarades que par lettres interposées. Qu’importe : Lénine mène une bataille acharnée, en septembre et en octobre, pour convaincre la direction du parti d’organiser l’insurrection. Le facteur temps joue pour lui un rôle décisif et il ne cesse de répéter que toute temporisation pouvait être fatale. C’est la raison pour laquelle il s’oppose à Léon Trotsky qui invite, lui, à attendre le IIe congrès panrusse des soviets pour déclencher l’insurrection avec son autorité. Finalement, l’organisation de l’insurrection échoit au Comité militaire révolutionnaire, instance créée par le Soviet de Petrograd au début du mois d’octobre. Le 25 octobre, c’est chose faite.

Octobre, coup d’État ou insurrection ?

Si l’insurrection est un art, faut-il en conclure que celle d’Octobre relèverait moins d’une révolution que d’un coup d’État ? Cette interprétation, dominante dans l’historiographie classique, c’est-à-dire libérale, ne tient compte ni de la façon dont Lénine envisage la prise du pouvoir ni du déroulement des événements. 

D’avril à octobre, Lénine n’a cessé de répéter que les marxistes n’envisageaient pas la question de la prise du pouvoir comme des blanquistes, c’est-à-dire sur le mode du complot. La condition essentielle du succès d’une insurrection armée n’est pas, pour Lénine, la conspiration mais réside dans le fait que « l’insurrection coïncide avec une effervescence profonde des masses ». Et ce n’est que si « la crise permet d’y engager vraiment les masses, le peuple entier » que l’insurrection peut prendre le pouvoir et le garder en fondant un nouvel État (cf. chapitre 9). Le parti joue ainsi un rôle d’opérateur stratégique décisif[2] mais il ne peut réussir dans sa tâche qu’à la condition d’être reconnu comme légitime par les masses. Déçues par l’action du Gouvernement provisoire et des partis socialistes modérés, celles-ci ont vu dans les bolcheviks le plus sûr moyen d’obtenir leurs revendications (la paix immédiate, la terre aux paysans).

Réduire Octobre à un coup d’État, c’est-à-dire à un changement plus ou moins brutal du personnel politique à la tête de l’État, c’est manquer l’essentiel de ce qui se joue en 1917 : la désintégration d’un régime à bout de forces, dont la légitimité est rongée par les revers militaires, et la mise en mouvement profonde de larges pans de la société dans les villes et les campagnes. Une situation où explosent des contradictions sociales et politiques accumulées depuis des décennies, dont l’insurrection d’Octobre n’est que la résolution momentanée. L’effervescence populaire et la transformation des rapports sociaux ne cesse pas avec la prise du pouvoir par les bolcheviks et se poursuit pendant les premiers mois du régime soviétique (cf. chapitre 11).

Pour aller plus loin

Lénine et ses contemporains

– Lénine, « Sur la dualité du pouvoir » [1917], Œuvres complètes, tome 24, Paris/Moscou, Éditions sociales/Progrès, 1971, p. 28-31.

Lénine analyse la situation du pouvoir en Russie et l’état des forces sociales après la révolution de Février. 

– Lénine, « Les tâches du prolétariat dans la présente révolution (Thèses d’avril) » [1917], Œuvres complètes, tome 24, op. cit., p. XX

À son arrivée en Russie au début du mois d’avril, Lénine publie une série de thèses pour réorienter l’action du Parti bolchevique dans la révolution. 

– Lénine, « À propos des mots d’ordre », Œuvres complètes, tome 25, Paris/Moscou, Éditions sociales/Progrès, 1971, p. 198-207.

Lénine définit la situation nouvelle après les événements de juillet et en tire la conclusion qu’une prise du pouvoir pacifique est désormais impossible en Russie.

– Lénine, « Le marxisme et l’insurrection », Œuvres complètes, tome 26, Paris/Moscou, Éditions sociales/Progrès, 1971, p. XX.

Lettre envoyée par Lénine au comité central du Parti bolchevique, appelant à ce que ce dernier organise sans plus attendre l’insurrection armée en Russie.

– Victor Serge, « Lénine en 1917 » in Mémoires d’un révolutionnaires et autres écrits politiques, Paris, Bouquins, 2001, p. XX.

En 1924, Victor Serge fait un récit poignant du rôle joué par Lénine dans la révolution russe.

– Nikolaï Soukhanov, Carnets de la révolution russe. Tomes 1 et 2, Toulouse, Smolny, 2023.

Témoignage captivant des événements de 1917 rédigés par le menchevik internationaliste Nikolaï Soukhanov.

– Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 1 (« La dualité de pouvoir ») et 2 (« Lénine appelle à l’insurrection », « L’art de l’insurrection », « La prise de la capitale », « La prise du palais d’Hiver », « L’insurrection d’Octobre », p. 497-681), Paris, Seuil, 1962 [1930].

Récit poignant et renseigné des révolutions de 1917 par l’un de ses acteurs de premier plan.

Commentaires

– Daniel Bensaïd, Octobre 17. La révolution trahie, Paris, Lignes, 2017.

À partir d’une lecture critique d’Octobre 1917, Daniel Bensaïd mène une série de réflexions politiques et programmatiques sur la révolution.

– Sebastian Budgen, « [Guide de lecture] 1917-2017 : repolitiser la révolution », Période, 2017.

Bibliographie utile et renseignée sur 1917.

– Dominique Colas et Jean-Jacques Marie, « Lénine et la révolution », France culture, 14 octobre 2017.

Dominique Colas et Jean-Jacques Marie débattent au sujet de la révolution russe et de la politique des bolcheviks en 1917.

– Guillaume Fondu, Devant la révolution. Débats et combats politiques en 1917, Paris, Les éditions sociales, 2017.

Anthologie de textes sur 1917 analysé et débattu par ses acteurs (Plekhanov, Kamenev, Tsereteli, Martov, Spiridonova, Archinov, Luxemburg ou Gramsci). Elle est introduite par Guillaume Fondu qui resituent les débats dans leur contexte historique et politique.

– Alexander Rabinowitch, Les bolcheviks prennent le pouvoir, Paris, La Fabrique, 2016.

Ouvrage de référence sur la révolution d’Octobre et la prise du pouvoir des bolcheviks à Petrograd.

Notes

[1] Lénine pense reprendre à Karl Marx cette phrase mais il s’agit en réalité d’une expression utilisée par Friedrich Engels, dans son article « Révolution et contre-révolution en Allemagne ».

[2] Selon une expression de Daniel Bensaïd.

Lire hors-ligne :