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Dans ce texte, Alexis Cukier, philosophe et membre de la rédaction de Contretemps, développe une analyse du rôle de la guerre dans l’Anthropocène ainsi que du développement du militarisme environnemental, puis une lecture écomarxiste de la guerre impérialiste en Ukraine et de la guerre génocidaire au Palestine dans le contexte de ce qu’il nomme le capitalisme des catastrophes, avant de proposer à la discussion des éléments pour une stratégie écosocialiste combinant lutte contre le militarisme et soutien aux résistances anti-impérialistes, y compris armées.

Ce texte est issu d’une intervention dans le cadre du panel « Guerre, impérialisme et écologie » qui s’est tenu le samedi 28 juin 2025 dans le cadre de la conférence internationale Historical Materialism Paris.

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Guerre à la guerre ! Et donc soutien à celles et ceux qui sont en guerre contre les impérialismes !

Pour « agir contre la guerre et le militarisme », comme le propose Guerre à la Guerre[1], et mettre fin aussi à ses usages génocidaires et à ses conséquences écocidaires comme le souligne à juste titre cette importante coalition, il est nécessaire de « désarmer la machine de guerre et relancer un anti-militarisme populaire », et notamment « de faire grève, de déserter, de perturber, de démanteler la logistique de leurs guerres ».

Mais ce n’est pas suffisant, et ce texte défend que ce n’est pas l’essentiel : s’en prendre aux moyens de la guerre restera inefficace si on ne s’attaque pas à ses causes et si on ne fait pas alliance d’abord avec celles et ceux qui en subissent les effets. Autrement dit, un antimilitarisme concret implique – comme la coalition l’affirme clairement en ce qui concerne les États-Unis, Israël et la France, et le débat doit avoir lieu aussi concernant la Russie notamment – un anti-impérialisme militant, et donc de viser à défaire les puissances impériales, et la logique capitaliste qui les portent, et de soutenir concrètement celles et ceux qui sont en première ligne pour y résister. Or pour elles et eux, la première urgence est de s’autodéfendre, ce qui suppose des armes.

C’est la raison pour laquelle il me semble urgent de mettre en débat cette proposition : il  faut inclure le blocage de la logistique militaire dans une stratégie écosocialiste d’autodéfense, de soutien aux résistances anti-impérialistes, y compris armées, et donc aussi de réappropriation démocratique et de socialisation internationaliste des armes.

Ce texte défend trois thèses, développées d’un point de vue écomarxiste, qui sont des contributions aux débats en cours, dans cette coalition, dans la gauche internationaliste et au-delà, sur les moyens et les fins de l’antimilitarisme et de l’anti-impérialisme aujourd’hui.

Premièrement, les guerres impérialistes et l’industrie et la logistique militaires qui leur sont liées[2] jouent depuis le XIXe siècle un rôle majeur parmi les causes des catastrophes écologiques mais sont aussi devenues, depuis le début du XXIe siècle, une des principales modalités de réponse à ces catastrophes – c’est ce qu’on peut appeler le militarisme environnemental[3].  

Deuxièmement, les guerres en cours, et en premier lieu la guerre impérialiste de la Russie en Ukraine et la guerre impérialiste et génocidaire d’Israël, des Etats-Unis et de leurs alliés en Palestine, s’inscrivent dans une nouvelle phase émergente du capitalisme mondialqui réorganise la production de profit, l’appareil productif et l’impérialisme autour de l’adaptation sélective – au profit des riches et en sacrifiant les classes populaires et les peuples des pays sous domination impériale – aux catastrophes écologiques, en premier lieu le réchauffement climatique – c’est ce que je propose d’appeler le capitalisme des catastrophes[4].

Ce capitalisme des catastrophes doit être compris dans le cadre de la crise économique de longue durée du capitalisme, et particulièrement de la séquence qui a suivi la crise financière de 2008, ainsi que de la montée de la rivalité impérialiste entre les États-Unis et la Chine[5], qui ont constitué des facteurs majeurs de développement du capitalisme vert[6] et de militarisation[7]. Mais je fais l’hypothèse qu’avec le « tournant dans l’histoire mondiale[8] » des années 2020, prenant le relai du capitalisme néolibéral de la période précédente et l’intégrant dans une nouvelle formule économico-politique, ce capitalisme des catastrophes émergent réalise le scénario le plus sombre qu’anticipait Mike Davis en 2010 : « L’atténuation globale, dans ce scénario encore inexploré mais non improbable, serait tacitement abandonnée — comme elle l’a déjà été dans une certaine mesure — au profit d’un investissement accéléré dans une adaptation sélective destinée aux passagers de première classe de la Terre[9]. » Je défends que cette logique d’adaptation sélective permet de comprendre l’économie et l’écologie politiques communes de plusieurs ensembles de phénomènes typiques de la période :

le capitalisme vert : marchés et compensation carbone, finance verte, Plans Verts, « dérisquage » (atténuation des risques financiers) des technologies vertes ou des matériaux considérés comme critiques, et tous les outils de la « transition »énergétique, qui est en réalité une accumulation d’énergies compatible avec la relance de l’extractivisme fossile, ainsi que du néo-industrialisme vert, dirigés par la Big Tech, les États et le marché… ;

le technosolutionnisme climatique : technologies à émission négative, géo-ingénierie, « villes résilientes » mettant le modèle des « smart cities » et des « safe cities » et leurs objets connectés au service de l’adaptation aux catastrophes… ;

le fascisme fossile : les idéologies et pratiques de gouvernement carbofascistes, écofascistes, de l’accélérationnisme néoréactionnaire (« dark Enlightenment » décliné en « dark MAGA »), du nationalisme vert… ;

les nouvelles guerres impérialistes dont l’enjeu principal, comme on va le montrer, est la reconfiguration conjointe du marché mondial de l’énergie,  de l’hégémonie technologique et du militarisme environnemental au sein de ce capitalisme des catastrophes[10].

Troisièmement, en raison même de l’entrée dans ce capitalisme des catastrophes, il est aujourd’hui moins que jamais réaliste d’appeler, en l’état actuel des choses, à abolir la guerre (c’est un pacifisme abstrait et idéaliste, sans prise sur la réalité) mais il nous faut construire collectivement un antimilitarisme matérialiste, qui passe aussi centralement par le soutien aux résistances anti-impérialistes armées du peuple palestinien et du peuple ukrainien, et nécessite une stratégie alliant désarmement de l’ennemi et autodéfense populaire. Il ne s’agit pas de remplacer la lutte des classes et sa dimension spécifiquement politique, notamment à l’échelle nationale, par le combat militaire internationaliste, mais de les penser ensemble, ni d’opposer au pacifisme abstrait un bellicisme qui le serait tout autant mais de ne pas détourner le regard de ce qu’implique concrètement l’autodéfense anti-impérialiste et antifasciste, particulièrement en ce qui concerne la question des conflits armés. C’est ce que j’appelle une stratégie écosocialiste de démantèlement, reconversion et socialisation des armes.

Dans ce texte, je propose de faire quelques rappels au sujet du caractère écocidaire de la guerre en l’inscrivant dans le développement du militarisme environnemental à l’heure du capitalisme des catastrophes (I), puis d’analyser la guerre impérialiste en Ukraine (II) et la guerre génocidaire en Palestine (III) dans cette perspective, avant de finir par présenter quelques éléments de stratégie écosocialiste visant à allier antimilitarisme et anti-impérialisme (IV).

I. Guerre, Anthropocène et militarisme environnemental

Dans leur ouvrage de référence, Jean-Baptiste Fressoz et Christophe Bonneuil ont soutenu l’argument selon lequel « l’Anthropocène est aussi (et peut-être avant tout) un thanatocène[11] », pour souligner l’importance de la guerre parmi les causes de l’Anthropocène – ce qu’on peut reformuler dans une perspective marxiste en termes de double centralité de la guerre (impérialiste) et du travail (capitaliste) parmi les causes des catastrophes écologiques[12]. Je m’en tiendrai ici à montrer que 1. les guerres et l’industrie militaire impérialistes ont joué depuis le XIXe siècle et jouent toujours un rôle majeur parmi les causes du réchauffement climatique, et 2. la stratégie et l’intervention militaires sont aujourd’hui une des principales modalités de réaction aux catastrophes écologiques.

Premièrement, le fait militaire est une des principales causes du dépassement des limites planétaires, et en premier lieu du changement climatique. Rappelons quelques faits. On estime qu’en 2022 « la totalité de l’empreinte carbone militaire représente environ 5,5 % des émissions mondiales[13] », en ne comptant que l’industrie militaire et pas les guerres elles-mêmes ni les reconstructions rendues nécessaires par les destructions militaires. Cela représente, par exemple, plus d’émissions que l’ensemble du continent africain, ou que les secteurs de l’aviation civile et du transport maritime réunis. La plus grande armée du monde, celle des Etats-Unis, consommait en 2019 autant de combustibles fossiles qu’un pays comme le Portugal[14]– en comptant cette fois aussi bien la production d’armes que les interventions militaires et opérations stratégiques ultérieures en passant par la production, l’usage et l’entretien du réseau mondial des navires contenaires, avions cargos, tanks et camions, etc. En remontant à la période de la première « grande accélération » des catastrophes écologiques (après 1945), les estimations indiquent que, pendant la Guerre froide, entre 10 à 15% de l’ensemble des émissions états-uniennes étaient le fait du complexe militaro-industriel[15]. En ce qui concerne les guerres elles-mêmes, on rappellera seulement que c’est à propos de la guerre du Vietnam que la catégorie d’écocide a été développée (voir le texte de Tom du collectif Vietnam Dioxine dans cette même série d’articles sur Contretemps), et d’autre part, comme on le montrera aussi à propos de l’Ukraine et de la Palestine, que toutes les guerres ont des effets écocidaires, en détruisant, polluant et dégradant les vies des êtres humains, des vivants et des écosystèmes.

Cependant, ce n’est pas seulement de manière directe que le complexe militaro-industriel a contribué à l’Anthropocène, mais aussi de manière indirecte, du fait du rôle qu’ont joué les armées dans l’expansion des énergies fossiles dont elles tirent pour l’essentiel leur puissance[16]. De nombreuses recherches récentes, dans le champ du marxisme écologique notamment, ont montré ce rôle moteur des industries militaires occidentales liées à leurs impérialismes –  au premier rang desquels ceux du Royaume-Uni au XIXe siècle et des Etats-Unis au XXe siècle  –  dans le développement des énergies fossiles au sein des secteurs civils[17]. On peut, par exemple, souligner les moments de la conversion de la flotte du Royaume-Uni au pétrole en 1911, ou encore de la guerre de Corée (1950-1953) à l’occasion de laquelle des centaines de milliards de dollars consacrés à la production d’armement ont constitué autant d’investissements qui ont servi le développement ultérieur de l’industrie fossile civile, en particulier de la voiture à essences et des infrastructures énergétiques. On rappellera pour finir le rôle majeur de l’industrie militaire dans l’invention et le développement de technologies agricoles écocidaires, de l’extractivisme et de procédés et composés chimiques polluants, tels que les PFAS, développés initialement dans les années 1940 par l’industrie chimique états-unienne pour un usage militaire ou l’insecticide DDT, à propos duquel Rachel Carson publia, dans l’ouvrage classique de l’écologie politique Printemps silencieux, son plaidoyer à l’encontre de la « guerre contre la nature »[18].

Deuxièmement, la guerre est aujourd’hui une des principales modalités de réponse aux catastrophes écologiques. Depuis les années 1990, les institutions militaires, notamment états-uniennes mais aussi françaises[19], ont produit des analyses du changement climatique et de leurs conséquences en termes de sécurité qui placent l’armée en première ligne de la réponse aux conséquences des catastrophes écologiques. C’est le cas par exemple du rapport de la Maison Blanche de 1993 qui donne à l’armée la responsabilité d’anticiper et de répondre à « la gamme de risques environnementaux suffisamment graves pour compromettre la stabilité internationale qui va des migrations massives de populations dues à des catastrophes humaines ou naturelles, telles que Tchernobyl ou la sécheresse de l’Afrique de l’Est, jusqu’aux dommages écologiques à grande échelle causés par la pollution industrielle, la déforestation, la perte de biodiversité, la déplétion de la couche d’ozone, et finalement le changement climatique. »[20]. Comme l’a montré Razmig Keucheyan à partir d’une analyse d’une série de discours militaires sur la guerre, la « militarisation de l’écologie » est, avec sa financiarisation, l’une des deux principales réponses du capitalisme face à la crise écologique. Il s’agit principalement d’anticiper et organiser une réponse militaire aux catastrophes que sont le « surcroît de catastrophes naturelles, la raréfaction de certaines ressources, des crises alimentaires, une destabilisation des pôles et des océans, et des ‘réfugiés climatiques’ par dizaine de millions à l’horizon 2050[21] ». Ce militarisme environnemental, qui exprime une logique de « racisme environnemental »[22] mais aussi potentiellement d’« apartheid environnemental[23] », est la dimension militaire du capitalisme des catastrophes.

Cette adaptation sélective, qui est d’abord une stratégie d’accumulation du capital implique aussi une idéologie spécifique. Selon  cette idéologie « planifier l’adaptation[24] » nécessite non seulement de renoncer à contenir le réchauffement climatique et donc à décarboner l’économie mais encore d’en accepter les conséquences catastrophiques, inégalement réparties : « Dépasser (Overshooting) les 1,5 °C ne condamne pas la planète. Mais c’est une condamnation à mort pour certaines personnes, modes de vie, écosystèmes, voire certains pays[25] ». Or cet objectif d’une adaptation au service des plus riches et d’un abandon ou d’un sacrifice des classes populaires, notamment dans les suds globaux, a aussi, c’est l’objet principal de ce texte, des implications militaires : « parce qu’elles s’attendent à une exacerbation des conflits dans un monde redéfini par le changement climatique, les puissances militaires du Nord ont opté pour l’adaptation militaire[26] ». Contrairement à la plupart des analyses du capitalisme vert, qui ne pensent pas sa dimension guerrière et impérialiste, et aux approches écologistes dominantes des guerres en cours, qui ne la replacent pas dans la dynamique d’évolution du capitalisme et de ses échanges écologiques inégaux, cette analyse en termes de capitalisme des catastrophes permet donc aussi de penser le renouvellement en cours de l’impérialisme et d’en saisir les enjeux écologiques. En ce qui concerne les guerres impérialistes, on fera donc ici l’hypothèse qu’à 1. l’impérialisme écocide qui tue les populations, détruit leurs économies de subsistance et conquiert leurs terres pour le projet de colonialisme de peuplement ou d’esclavagisme ; et à 2. l’impérialisme vert, qui vise à contrôler et tirer profit des productions et des richesses issues du travail de la terre par le peuple colonisé, succède aujourd’hui 3. l’impérialisme écologique, qui vise la reconfiguration du marché mondial de l’énergie et constitue un laboratoire de l’adaptation sélective aux catastrophes écologiques. Autrement dit : les guerres impérialistes n’ont plus seulement pour objectif la prédation pour le profit au sein d’un monde fini mais aussi désormais la survie et la préservation du mode de vie capitaliste, et plus seulement pour fonction de détruire la nature et de l’administrer, mais d’adapter à sa dégradation les conditions d’existence des puissances impériales, et en leur sein des plus riches

II. Écologie politique de la guerre impérialiste en Ukraine

La guerre impérialiste menée par la Russie en Ukraine depuis l’invasion du 24 février 2022 a causé des destructions humaines, naturelles et infrastructurelles de très grande ampleur. Elle a fait à ce jour — fin août 2025 — plus d’un million de victimes, morts ou blessés, a donné lieu à d’innombrables crimes de guerre commis par l’armée russe, parmi lesquels des viols[27] et des déportations d’enfants[28] perpétrés comme des armes de guerre systématiques. Elle a causé de très nombreuses destructions de villes, habitats naturels protégés, infrastructures vitales et terres agricoles ukrainiennes — comme lors de la destruction intentionnelle par l’armée russe du barrage de Khakhovka le 6 juin 2023 —, multiplié les feux de forêt, tué d’innombrables animaux, contaminé l’air, les eaux et les sols[29]. En ce qui concerne l’écologie politique des motifs de la guerre, si l’invasion et la guerre peuvent s’expliquer par de nombreux facteurs[30] — l’histoire de la domination coloniale de la Russie à l’égard de l’Ukraine, l’idéologie expansionniste et suprémaciste du régime de Vladimir Poutine, la crainte d’un effondrement du soutien régional à la Russie dans d’autres pays satellites, la compétition interimpérialiste avec les autres grandes puissances mondiales (et en premier lieu les États-Unis dans le cadre de la rivalité désormais surdéterminante avec la Chine), une fuite en avant autoritaire sur le plan de la politique intérieure, etc. —, on soutiendra que le facteur surdéterminant est lié au devenir du capitalisme fossile russe au sein du capitalisme des catastrophes.

Les objectifs de la guerre ont été exprimés clairement par le régime de Poutine : il s’agit d’annexer toute l’Ukraine si possible, sinon de remplacer le régime par un autre favorable aux intérêts russes, sinon d’annexer une partie du territoire national ukrainien, en commençant par la Crimée et le Donbass. L’hypothèse ici développée est qu’il ne s’agit pas seulement d’une guerre impérialiste classique de prédation des ressources naturelles (notamment les terres agricoles et les métaux rares ou critiques tels que le titane indispensable pour la « transition énergétique » comme pour l’aviation civile et militaire, le zirconium, le molybdène et le gaz néon purifié employé dans les puces électroniques et les semi-conducteurs) et de contrôle des infrastructures (notamment énergétiques, nucléaires et électriques), mais aussi d’une guerre d’hégémonie au sein de la nouvelle période du capitalisme, pour éviter le déclin du capitalisme fossile russe en réorientant ses exportations de pétrole et de gaz et se positionner dans la course des bouleversements du mix énergétique mondial.

Rappelons que la Russie produisait, en 2022, 13 % de la production mondiale de pétrole, se plaçant ainsi à la troisième place, le capitalisme fossile russe étant considéré par le leader états-unien comme « un partenaire junior, pas un ennemi politique[31] ». Cette intégration dans l’économie fossile mondiale a fait l’objet de conflits politiques importants dans la Russie post-soviétique, par exemple entre Vladimir Poutine et Mikhail Khodorkovski, emprisonné en 2003 alors qu’il organisait une entrée massive au capital de la compagnie pétrolière Ioukos des géants états-uniens Exxon Mobil et Chevron-Texaco[32]. Il faut ajouter que d’immenses gisements de gaz ont été découverts, en 2012, en Mer noire dans la zone exclusive ukrainienne, tandis que l’Ukraine s’est tournée vers le britannique Royal Dutch Shell plutôt que vers les sociétés pétrolières russes pour forer dans un autre gisement à l’est du pays — faisant de l’Ukraine un concurrent dont la sujétion politique ou l’annexion partielle constituent des objectifs majeurs pour le capital fossile russe. Ce contexte immédiat doit cependant être replacé dans le cadre plus large de l’adaptation capitaliste aux catastrophes écologiques.

Dans Klimat. Russia in the Age of Climate Wars, publié quelques mois avant l’invasion de l’Ukraine, le politiste Thane Gustafson fournit à cet égard des arguments décisifs en répondant à ces questions :

« Comment le territoire de la Russie — ainsi que son système politique, son économie et sa société — seront-ils affectés par le changement climatique ? Comment ces changements liés au climat modifieront-ils le statut de la Russie en tant que grande puissance ? Quelles seront, en effet, les sources de la “grandeur” d’une puissance d’ici 2050 ? Le rôle futur de la Russie dans l’économie mondiale lui permettra-t-il de rivaliser en tant que grande puissance ? Et comment réagira-t-elle si elle n’y parvient pas[33] ? »

On peut résumer ainsi les arguments du livre qui éclairent l’inscription de la guerre en Ukraine au sein du capitalisme des catastrophes. 1. L’économie russe est directement menacée par la chute probable de ses exportations en hydrocarbures, et par la perspective d’un pic du pétrole dans les prochaines années ou décennies. Or ce sont principalement les puissances importatrices du pétrole russe, l’UE et la Chine, qui ont les cartes en main à cet égard puisqu’elles portent des projets de régulation des énergies fossiles et de transition énergétique qui menacent le capitalisme russe. À ce problème, la guerre apporte une réponse à court terme, car elle donne l’opportunité de nouveaux débouchés pour le capitalisme fossile russe, notamment vers les suds globaux, tout en visant une consolidation des flux vers la Chine. 2.  Une nouvelle contradiction est apparue dans ce contexte entre le secteur fossile russe et de nouveaux acteurs des énergies renouvelables et du capitalisme vert, comme Anatoly Chubais, favorable au développement des « technologies vertes » en Russie. La guerre en cours permet d’asphyxier un tel projet dans le cadre d’une économie de guerre ultracarbonée. 3. La Russie doit faire face à des risques climatiques impliquant des catastrophes de grande ampleur d’ici 2050, avec notamment l’aggravation de la fonte du pergélisol, qui recouvre deux tiers du territoire russe, et risque de provoquer l’effondrement des infrastructures (routes, pipelines, ponts, bâtiments) sur une vaste échelle. À cet égard aussi, la stratégie d’adaptation privilégiée par le régime de Poutine pour ses périphéries arctiques est très offensive[34] : plutôt que d’investir massivement dans des infrastructures à travers l’arrière-pays sibérien afin de lui permettre de résister aux effets du réchauffement climatique, l’option privilégiée est celle de l’ouverture du développement économique du littoral arctique permise par la fonte de la glace le long de la côte nord de la Russie, ouvrant la perspective d’une nouvelle voie maritime majeure vers l’Asie, qu’un contrôle partagé de l’Alaska avec les États-Unis pourrait faciliter. La guerre permet ainsi d’ouvrir la voie à des projets d’annexion au-delà de l’Ukraine, de se placer en partenaire de taille aux côtés des projets expansionnistes du partenaire états-unien, et de renforcer aussi l’autoritarisme étatique nécessaire pour imposer ce type de choix socio-économiques et les sacrifices corrélatifs pour la population.

Dans la conclusion de son ouvrage, Gustafson souligne les deux enjeux majeurs pour endiguer le déclin, selon lui déjà entamé et inévitable à court terme, du capitalisme russe : la force militaire et les nouvelles technologies[35]. Ce sont les deux principaux moteurs du capitalisme des catastrophes : le militarisme environnemental et l’adaptation technosolutionniste. La stratégie expansionniste agressive du régime de Poutine, qui vise à enrayer le déclin économique de son capital fossile et à rétablir son État comme un acteur impérialiste majeur, s’explique par la compétition entre grandes puissances pour l’hégémonie au sein du capitalisme des catastrophes.

III. Écologie politique de la guerre génocidaire en Palestine

La guerre menée par Israël à Gaza et en Palestine constitue un génocide, notamment au sens des trois premiers articles de la Convention sur le génocide de 1948 : « le meurtre, des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale, ainsi que l’imposition délibérée aux Palestiniens de Gaza de conditions de vie visant à entraîner leur destruction physique, en totalité ou en partie[36]. » En juin 2025, le Ministère de la santé à Gaza estimait que la guerre avait fait plus de 132 000 blessés et causé la mort de plus de 56 000 personnes palestiniennes, dont plus de 18 000 enfants, sans compter les personnes disparues et non identifiées ni les morts liées à la destruction des hôpitaux et infrastructures vitales et à la famine organisée par l’armée israélienne. La guerre a provoqué le déplacement de plusieurs centaines de milliers d’habitants de Gaza, considéré comme un objectif tactique par le régime de Benjamin Netanyahou. Elle a donné lieu à d’innombrables cas de tortures, viols et violences sexuelles, et implique notamment ce qu’on peut qualifier de « fémi-génocide[37] » et de génocide reproductif, dans la mesure notamment où les maternités et infrastructures de soin gynécologique et de support à la santé reproductive ont été systématiquement ciblées afin d’empêcher la reproduction du peuple palestinien[38]. C’est aussi une guerre contre l’agriculture palestinienne prolongeant la guerre contre la subsistance inhérente à la colonisation de la Palestine depuis la première Nakba[39]. Et cette guerre est aussi, de manière indissociable, écocidaire[40] :

« À Gaza, où elle dure maintenant depuis des mois, cette destruction prend des proportions apocalyptiques : les gens qui n’ont pas encore été tués par les bombes vivent sur une étendue en friche d’eau non potable, de munitions non explosées, d’effluents d’égouts non traités, de décharges débordantes, de sol contaminé, de décombres toxiques, de vergers et de champs réduits en poussière. Sur cette base de terre hyperpolluée, la vie humaine est rendue impossible à long terme. Écocide et génocide se confondent ici comme jamais auparavant[41]. »

Cette destruction du peuple de Palestine et des terres palestiniennes par Israël ne peut être comprise que dans le cadre de sa politique au long cours de colonisation, de nettoyage ethnique et d’apartheid, ainsi que de l’idéologie raciste et suprémaciste du gouvernement Netanyahou et d’une partie du peuple israélien. Mais il y a aussi, dans cette guerre génocidaire annoncée par un processus continu d’atrocités et de catastrophes, des éléments nouveaux liés au développement du capitalisme fossile et à la mise en pratique du militarisme environnemental d’Israël, des États-Unis et de leurs alliés.

D’une part, cette guerre s’est déclenchée alors qu’Israël se positionne comme un acteur majeur du capitalisme fossile au niveau mondial. En 2022, l’année même du début de la guerre en Ukraine et donc de la crise sur le marché du gaz, Israël s’est imposé comme un exportateur majeur de combustibles fossiles, en fournissant l’Allemagne et l’UE en gaz et en pétrole bruts extraits sur les sites de Leviathan et Karish, découverts récemment et revendiqués par le Liban. Fin octobre 2023, Israël a accordé douze licences pour l’exploration de nouveaux champs gaziers, notamment au géant pétrolier britannique BP, tandis qu’une compagnie basée à Tel-Aviv, Ithaca Energy, a investi dans l’exploration pétrolière dans le secteur britannique de la mer du Nord. Autrement dit, « le génocide se déroule à un moment où l’État d’Israël est plus profondément intégré dans l’accumulation primitive du capital fossile que jamais[42] ». Cette orientation de l’économie israélienne doit elle-même se comprendre dans le cadre de la politique états-unienne de partenariat économique et d’alliance politique avec les puissances pétrolières du Golfe, garantie notamment par l’accord de libre-échange et la normalisation diplomatique des accords d’Abraham entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn en 2020. C’est ce qui explique que « dans le contexte actuel du génocide en cours, un accord de normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël constitue sans aucun doute l’objectif principal de la stratégie américaine pour l’après-guerre[43] ». Le projet annoncé d’un contrôle de la bande de Gaza par une alliance d’États arabes partenaires d’Israël (associé le cas échéant à certaines organisations palestiniennes et complété par la reconnaissance d’un État palestinien réduit à certaines parties de la Cisjordanie) permettrait ainsi, par exemple, de développer un réseau ferroviaire entre Gaza et le projet urbain futuriste Neom en cours de développement sur les bords de la Mer rouge en Arabie Saoudite — et, au-delà, de consolider cette reconfiguration du capitalisme fossile au niveau mondial.

D’autre part, certains aspects de la guerre génocidaire à Gaza peuvent se comprendre dans le cadre du militarisme environnemental et du technosolutionnisme caractéristiques du capitalisme d’adaptation aux catastrophes écologiques. C’est le cas du projet, mis en avant par Donald Trump, de prise de contrôle de la bande de Gaza par les États-Unis afin d’y construire une « magnifique Riviera du Moyen-Orient[44] » , reprenant ainsi le projet « Gaza 2035 » conçu par l’administration Netanyahou pour développer sur les ruines de Gaza un projet urbain futuriste combinant extraction d’énergies fossiles, néotechnologies vertes (telles que des « villes de fabrication de voiture électronique ») et économie touristique de luxe[45], qui réaliserait le scénario d’une table rase complète des territoires et cultures des pauvres pour la remplacer par un paradis hypertechnicisé des riches. Si on a pu analyser ce projet en termes de « nouvelle expérimentation néolibérale[46] », il doit se comprendre dans la continuité du laboratoire militaire et technologique du colonialisme israélien à Gaza. Ainsi, dans le contexte des pénuries en eau provoquée et attendues dans la région du fait de l’accélération du réchauffement climatique, le contrôle colonial de l’accès à l’eau puis la destruction des infrastructures hydrauliques[47] constituent un laboratoire de l’apartheid environnemental permettant d’assurer l’adaptation climatique des uns au détriment de la vie des autres :

« L’occupation a ainsi engendré des politiques et des pratiques inadaptées qui compromettent la résilience des Palestiniens et leur capacité à faire face aux menaces liées aux changements climatiques. En revanche, Israël est bien mieux préparé pour s’adapter aux effets du changement climatique et se trouve, de ce fait, moins vulnérable[48]. »

En ce qui concerne la guerre, si l’un de ses objectifs est de faire la preuve de la « suprématie technologique » israélienne et états-unienne au moyen d’une « exhibition désinhibée des capacités de destruction[49] » de leurs armées, cette démonstration de force ne doit pas être comprise seulement dans le contexte de l’histoire au long cours de l’impérialisme fossile et de la colonisation occidentale de la Palestine, mais aussi de la réalisation du militarisme environnemental contemporain. Ainsi, le déplacement forcé de centaines de milliers d’habitants de Gaza et la gestion des camps de réfugiés survivant dans des conditions apocalyptiques[50] renforcent l’expérience militaire du contrôle des migrations, enjeu majeur du militarisme environnemental qui anticipe une augmentation massive du nombre de réfugiés climatiques dans les prochaines décennies. La guerre a aussi permis un usage militaire des nouvelles technologies de surveillance mises en œuvre par l’administration coloniale : ainsi, les systèmes d’intelligence artificielle « Evangile », « Lavender » et « Where’s Daddy? » traitent des données de masse au sujet des individus et infrastructures pour proposer des cibles à l’armée d’occupation et aux bombardements[51]. Or ce laboratoire militaire du capitalisme des catastrophes est une source de profit pour un grand nombre d’entreprises israéliennes, états-uniennes et occidentales, comme le montre un rapport récent de Francesca Albanese,  Rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, au sujet de l’économie politique de l’occupation et du génocide :

« En mettant en lumière l’économie politique d’une occupation devenue génocidaire, le rapport révèle comment cette occupation perpétuelle est devenue un terrain d’essai idéal pour les fabricants d’armes et les grandes entreprises technologiques — offrant une demande et une offre illimitées, peu de surveillance et aucune responsabilité — tandis que les investisseurs ainsi que les institutions publiques et privées en tirent librement profit[52]. »

Ce rapport permet ainsi de constituer la liste d’une partie importante de la constellation des acteurs économiques et politiques internationaux qui ont aujourd’hui intérêt au développement du militarisme environnemental et du capitalisme des catastrophes. On voit que l’analyse de l’économie et de l’écologie politiques de la guerre à Gaza peuvent contribuer aussi à éclairer les raisons de la complicité ou de la passivité de la grande majorité des États du monde face au génocide du peuple palestinien.

IV. Quelle stratégie écosocialiste face aux guerres aujourd’hui ?

J’en viens à quelques conséquences stratégiques de ces analyses, que je résumerai sous la forme de trois propositions :  

1. Aussi longtemps que durera le capitalisme, et en particulier le capitalisme des catastrophes, les guerres impérialistes seront inévitables, si bien qu’il faudra s’en défendre, y compris par les armes. Il y aura d’autres guerres, même si nous ne le voulons pas, car l’impérialisme est désormais multipolaire, la géopolitique instable, le militarisme environnemental déjà inséparable du technosolutionnisme climatique – autrement dit, comme je l’ai montré dans la première partie, en raison de la stratégie d’adaptation sélective aux catastrophes écologiques choisies par les puissances capitalistes. Nous sommes entrés, pour reprendre les mots de Claude Serfati, dans un monde en guerres – sans doute depuis la crise financière de 2008, et plus encore depuis le tournant mondial des années 2020, avec sa succession de catastrophes mondiales formant un cocktail explosif, et notamment : pandémie de Covid-19, invasion de l’Ukraine, guerre génocidaire en Palestine, ouverture par les Etats-Unis de la guerre commerciale, le tout accompagné par le développement des intelligences artificielles génératives qui constitue également un facteur de militarisation : « les technologies qui reposent sur l’IA transforment simultanément les données en source d’accumulation de profits, elles renforcent le pouvoir sécuritaire des États et elles introduisent de nouvelles formes de guerre grâce à leur utilisation par les militaires[53] ». Mais alors, si la guerre est inévitable, faut-il se résigner ?

Certainement pas. En tant qu’écologistes et anticapitalistes, nous devons refuser que les militaires s’emparent de l’écologie (et je rejoins en cela la critique importante de « l’écologie de guerre » par Vincent Rissier dans cette série d’articles sur Contretemps). Mais en tant qu’anti-impérialistes, nous ne pouvons pas souhaiter, ni encore moins exiger, que les peuples qui subissent des agressions des forces impériales déposent les armes. Au final, en tant qu’écosocialistes, nous devons nous demander, pour savoir dans ce nouveau contexte contre quoi et comment nous battre : à quoi tenons-nous, c’est-à-dire, que voulons-nous défendre ? Pour reprendre les mots de l’historienne et militante marxiste ukrainienne Hanna Perekhoda, « nous devons garder à l’esprit que ni la vie humaine, ni les droits des travailleurs, ni l’environnement ne peuvent être protégés dans un État qui tombe dans la ‘zone d’influence’ de puissances impérialistes extractivistes autocratiques comme la Russie de Poutine, les États-Unis de Trump ou la Chine du Parti-État de Xi Jinping.”[54]. Cela ne signifie pas qu’il faille défendre le bloc « Europe » – ou encore la structurellement néolibérale Union européenne – contre le reste du monde, comme le suggère par exemple Pierre Charbonnier[55]. Le capitalisme des catastrophes, le militarisme environnemental, le technsolutionnisme climatique, la barbarie génocidaire, sont bien aussi entretenus, développés et soutenus par les Etats européens. Mais cela signifie qu’il faut à la fois s’opposer à la course capitaliste aux armements du plan Rearm Europe, et au militarisme qui est au cœur de la construction de l’Etat français[56] et de son impérialisme en Afrique, dans les dernières colonies d’outre-mer et ailleurs, et soutenir une autre politique de défense et de production d’armes, orientée vers les intérêts des classes populaires, écosocialiste et résolument internationaliste. Ce qui implique, j’y insiste à nouveau, qu’il faut, pour l’Ukraine comme pour la Palestine, et pour le reste du globe sans aucune exception, soutenir les peuples qui se défendent contre les guerres impérialistes, ou contre les conséquences des politiques impérialistes de leurs Etats. Et cela passe – les habitant.e.s et militant.e.s des pays des Suds colonisés l’ont toujours su, et aussi les générations précédentes des marxistes des pays du Nord qui ont lutté contre l’oppression nazie ou contre la répression anticommuniste – par l’autodéfense, et donc la résistance, y compris par les armes. C’est pourquoi, il faut faire la différence entre le militarisme, à combattre, et la défense, à soutenir[57]. C’est ce que le slogan « guerre à la guerre » ne dit pas, et même, s’il était mal interprété, pourrait empêcher de soutenir – et c’est notamment ce débat auquel ce texte voudrait contribuer – : il y a la guerre des impérialistes et la guerre de celles et ceux qui y résistent et s’en défendent ; nous devons empêcher la première, et soutenir la seconde. Nous ne pouvons pas militer pour la vie, la liberté, l’égalité et l’autodétermination des peuples, et nous opposer à la guerre d’autodéfense anti-impérialiste. Face à la violence militaire impérialiste, le droit international, la diplomatie ont toujours été impuissants – c’est la résistance armée qui protège. J’appellerai cette position, par opposition au bellicisme de « l’écologie de guerre » libérale[58] comme au pacifisme abstrait des « abolitionnistes de la guerre », l’anti-militarisme anti-impérialiste (qui est donc aussi, nécessairement, un anti-impérialisme armé).

2. Il faut lutter contre le complexe militaro-industriel et imposer un contrôle démocratique des armes pour les mettre à la disposition des luttes anti-impérialistes et antifascistes – autrement dit, il faut à la fois démanteler, reconvertir et socialiser la production d’armes et de technologies militaires. Tant qu’il continuera d’y avoir des guerres impérialistes, la vie et la dignité des personnes dans les pays agressés par les puissances impérialistes continueront de tenir notamment au fait que soit mise à leur disposition des armes – ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu’elles seront toujours utilisées de manière moralement et politiquement soutenable par la résistance. En l’état actuel des choses en Palestine, il semble que seule une intervention militaire – sous la forme par exemple d’une rupture du blocus de l’aide humanitaire sous escorte militaire, c’est le problème que pose en ce moment-même la défense de la Global Sumud Flottila face aux menaces et agressions israéliennes, ainsi que de la livraison d’armes aux forces de la résistance palestinienne –  pourrait mettre fin à la famine, au nettoyage ethnique et au génocide organisés par l’Etat d’Israël et ses alliés à Gaza.

Or ce qui vaut pour la Palestine vaut aussi pour l’Ukraine – comme le formulait clairement Gilbert Achcar en décembre 2022 : « Tout le reste découle de là : ceux/celles qui sont pour une paix juste, qui s’opposent aux guerres de conquête tout en soutenant les guerres de libération en tant que guerres de légitime défense, ne sauraient s’opposer à la livraison d’armes défensives aux victimes de l’agression et de l’invasion. »[59] Bien sûr, cette position de principe ne règle pas tous les problèmes, mais au contraire soulève des questions difficiles et concrètes, et notamment : comment faire la distinction entre armes défensives et offensives, et plus généralement entre les armes qu’il faudra démanteler et celles qu’il faudra socialiser? comment éviter les usages contre-productifs de ces armes, les escalades militaires et l’extension et la mondialisation des conflits ? comment protéger en même temps les populations civiles vivant dans les Etats qui mènent la guerre impérialiste[60] ? Et si on se centre sur les luttes de libération nationale, ou qu’on se projette dans la perspective d’une révolution écosocialiste : que signifie une armée du peuple ou sous contrôle démocratique, et comment éviter que les militaires s’accaparent les décisions et finissent par jouer, comme cela a été si souvent le cas au XXe siècle, un rôle contre-révolutionnaire ?  Mais ces questions épineuses, et au sujet desquelles on ne peut que constater un manque de formation collective dans notre camp, ne doivent pas décourager la réflexion stratégique à ce sujet. Au contraire elles signalent qu’il est nécessaire de ne pas laisser la connaissance des questions militaires aux ennemis impérialistes, néolibéraux et néofascistes, et qu’il est besoin d’en proposer une appropriation populaire et écosocialiste.

A cet égard, je suivrai ici le modèle général de la révolution de l’appareil productif dans le cadre d’une décroissance écosocialiste, proposé notamment par Michael Löwy et Daniel Tanuro[61], qu’on peut résumer ainsi : il faut démanteler certaines productions (par exemple le nucléaire) ou réduire drastiquement certains secteurs (par exemple la production de viande), en reconvertir et réorienter d’autres (par exemple l’agro-industrie vers l’agro-écologie) et en socialiser une autre part (par exemple la production de médicaments). Cette stratégie de « démantèlement/redirection/socialisation » doit s’appliquer aussi à la production d’armes. Le Certaines armes et parties de l’industrie militaires doivent, c’est la première dimension de cette stratégie, être démantelées et leur production et livraison interrompues : c’est ce à quoi correspondent, par exemple, les actions syndicales et militantes, tout à fait nécessaires et urgentes, de blocage des ventes et envois d’armes vers Israël[62], ainsi que l’objectif toujours aussi crucial du désarmement nucléaire et de l’abolition des armes nucléaires[63]. Mais ces initiatives, fondamentales, ne peuvent constituer l’ensemble d’une politique antimilitariste et anti-impérialiste, notamment parce que se posent les questions de la redirection des armes vers les luttes anti-impérialistes, d’une part, et de la reconversion des emplois et savoir-faires dans ce secteur pour répondre aux besoins populaires, d’autre part.

La deuxième dimension d’une stratégie écosocialiste concernant la production d’armes, celle de la redirection, signifie à la fois la réorientation de certaines armes vers les besoins d’autodéfense et la reconversion de certains secteurs de l’industrie militaire. D’un côté, la solidarité internationaliste exige qu’on soutienne activement les résistances, armées et non armées, des luttes anti-impérialistes et de libération nationale, comme celles que mènent aujourd’hui le peuple ukrainien contre l’Etat russe qui l’envahit et le peuple palestinien contre l’Etat israélien qui le colonise, l’envahit et le détruit. Dans cette perspective, une partie des armes – par exemple produites en France – devraient être envoyées vers la Palestine, ou utilisées par une coalition militaire visant à mettre fin à la guerre génocidaire contre le peuple palestinien, comme c’est le cas d’une partie de la production d’armes livrée à la résistance ukrainienne. D’un autre côté, aucune forme de démantèlement ou de redirection ne peut se faire sans les travailleurs et travailleuses du secteur, ce qui souligne l’urgence de l’engagement antimilitariste et anti-impérialiste des syndicats, mais aussi nécessite qu’on soutienne les réflexions et initiatives syndicales et des salariées en faveur de la reconversion d’une partie des emplois et technologies du secteur vers d’autres besoins. On mentionnera à cet égard la position de la CGT Thalès au sujet de « La réorientation de l’activité de Thalès vers une plus grande part des activités civiles par rapport aux activités militaires »[64], liée aussi au projet alternatif de sauvegarde et développement de l’activité d’imagerie médicale, notamment sur le site de Moirans en Isère[65].

Cette question de la participation des travailleuses et travailleurs à la redirection écologique de leurs activités – qui est, dans tous les secteurs et à toutes les échelles, centrale, selon moi, dans la perspective de la nécessaire révolution écologique et sociale[66] – souligne la nécessité d’une troisième dimension de la stratégie écosocialiste, celle de la socialisation de la production d’armes. D’abord, parce qu’elle est dans les faits nécessaires au deux premières : c’est seulement un processus de réappropriation du contrôle démocratique sur les armes, et donc leur socialisation économique (démarchandisation) et politique (décision sur les moyens et fins de leur production), qui pourrait permettre effectivement de démanteler la part de l’industrie militaire à abolir et de les rediriger vers les luttes anti-impérialistes. Ensuite, parce que cette socialisation est nécessaire pour que l’enquête, la délibération et la décision populaire puissent déterminer quelle part de l’industrie militaire doit être supprimée, transformée ou mise à disposition des besoins sociaux des populations des pays producteurs comme des pays qui doivent se défendre des guerres impérialistes. Enfin, puisqu’une partie de la production d’armes est nécessaire, il faut qu’elle soit, comme toute production répondant à des besoins sociaux, sous contrôle démocratique. Une telle socialisation ne doit pas être considérée comme une perspective lointaine, reportée au lendemain d’une révolution victorieuse : il s’agit d’un processus qui peut s’ancrer dans des exigences immédiates (par exemple l’utilisation des armes défensives pour escorter les flottilles anti-blocus, ou leur livraison pour soutenir les armées de résistance et les guérillas anti-impérialistes, ou les batailles syndicales pour que ne soient produites que des armes destinées à la défense), qui doit être compris dans un programme de transition et dans une stratégie antimilitariste de longue durée. C’est aussi ce que nous rappellent les guerres en Ukraine et en Palestine – et il faudrait bien entendu analyser aussi concrètement les enjeux des guerres en cours au Yémen et au Soudan, notamment – avec toutes leurs différences et les problèmes politiques que soulèvent les armées et organisations qui y défendent les peuples contre l’impérialisme et le néofascisme : sur le long chemin de l’autodéfense et de la révolution écosocialistes, il y aura malheureusement, qu’on le veuille ou non, de nombreux drones et chars à abattre, et pour cela il faudra des armes.

2. La dernière proposition est la plus importante : les militant.e.s et organisations écologistes, et antifascistes, devraient considérer comme prioritaires le soutien aux luttes anti-impérialistes, qui sont de facto en première ligne du combat contre le capitalisme des catastrophes, qui a déjà commencé son œuvre d’hyperaccélération de la destruction de la nature, de l’exploitation des travailleurs et travailleuses (de la production et de la reproduction) et du développement du néofascisme au niveau mondial. C’est en effet sur le terrain de ces guerres impérialistes que se construisent, tactiquement, les moyens du militarisme environnemental et du technosolutionnisme militarisé, et stratégiquement les projets expansionnistes, suprémacistes et d’ « adaptation sélective » – c’est-à-dire, Wim Carton et Andreas Malm ont raison d’employer ce terme, car c’est bien littéralement de l’abandon et du sacrifice des classes populaires qu’il s’agit, de « paupéricide[67] » – qui caractérisent l’alliance entre néolibéraux et néofascistes autour de la poursuite du capitalisme des catastrophes. C’est donc aussi par le soutien aux résistances anti-impérialistes, visant leurs victoires à moyen terme et pour commencer leur résistance dans la durée et les capacités à faire reculer les, que doit passer aujourd’hui une stratégie écologiste et antifasciste au niveau mondial.

De ce point de vue, puisque « le génocide du capitalisme tardif avancé donne des munitions au paupéricide[68] », c’est-à-dire que la guerre Israël et des Etats-Unis contre la Palestine est un tournant vers l’adaptation des plus riches et le sacrifice des pauvres et des racisé.e.s face aux catastrophes climatiques, alors soutenir le peuple palestinien est aussi un moyen de sauver la Terre, comme le soutient à juste titre Andreas Malm. Ou encore, comme l’exprime Adam Hanieh, auteur d’un livre important sur l’histoire du capitalisme fossile[69], dans un article traduit en 2024 par Contretemps: « Nous devons également mieux comprendre comment le Moyen-Orient s’inscrit dans l’histoire du capitalisme fossile, et dans les luttes contemporaines pour la justice climatique. La question de la Palestine est indissociable de ces réalités. En ce sens, l’extraordinaire combat pour la survie que mène aujourd’hui la population palestinienne dans la bande de Gaza représente l’avant-garde de la lutte pour l’avenir de la planète. »  Je souscris complètement à cette conclusion importante, à laquelle je pense qu’il faut ajouter : c’est aussi le cas de la lutte anti-impérialiste du peuple ukrainien, qui s’oppose aussi au fascisme fossile de Poutine (et de son principal allié sur la nouvelle scène du capitalisme des catastrophes : Trump), et de toutes les luttes contre les puissances impérialistes (qu’il s’agisse des Etats impérialistes historiques : notamment les États-Unis, la Russie, Israël, la France, ou de ceux en passent de le devenir au niveau mondial, comme la Chine, ou au niveau régional, comme l’Arabie Saoudite ou la Turquie)[70] – y compris bien sûr contre l’impérialisme français dans les pays du Sahel et dans les dernières colonies françaises et notamment en Kanaky.

L’alternative « socialisme ou barbarie » – ou plutôt « écosocialisme ou barbarie » -, et donc aussi « révolution ou cataclysme » est plus que jamais valable. Mais il ne peut être question dans ce processus d’abandonner ni les peuples opprimés des pays des Suds, ni les classes populaires des pays du Nord, dont le sacrifice face aux catastrophes écologiques et sociales est le cœur même de la politique du capitalisme des catastrophes. De ce point de vue, les alliances entre mouvements écologistes, anti-impérialistes, antifascistes, antiracistes, féministes, telles que la coalition Guerre à la guerre, représentent l’avenir du mouvement réel qui doit abolir le capitalisme et l’impérialisme, et pour cela défaire leur stratégie d’adaptation sélective aux catastrophes. A condition d’être concrètement anti-impérialiste, ce qui suppose – c’est un débat en cours dans cette coalition, comme ailleurs, auquel ce texte voudrait contribuer – de ne pas abandonner le terrain militaire aux ennemis, de ne pas abandonner celles et ceux qui sont obligés de faire la guerre pour survivre et résister à la violence du capital et des Empires, et de comprendre la communauté de leur situation et de celle des mouvements sociaux, notamment écologistes et antiracistes, confrontés désormais y compris dans les pays du Nord à la répression militarisée. Cela renvoie, d’une manière générale, à une des principales leçons de Marx, et des mouvements marxistes pour l’émancipation depuis 150 ans : le matérialisme, qui rappelle que « l’arme de la critique ne peut pas remplacer la critique des armes, que le pouvoir matériel ne peut être abattu que par un pouvoir matériel[71] ». C’est-à-dire, pour la question qui nous concerne, qu’il ne faut pas se payer de mots (« abolissons la guerre ! », « finissons-en avec les armes ! »), mais œuvrer concrètement à ce que celles et ceux que les guerres impérialistes veulent soumettre puissent survivre, résister et défaire l’ennemi. C’est alors seulement qu’on pourra défaire le militarisme et ses effets mortifères et écocidaires. Il n’y aura pas de fin à la guerre contre les êtres humains et contre la nature, si on ne défait pas tous les impérialismes.


[1] La coalition Guerre à la guerre a été initiée par un appel publié le 16 janvier 2025, dont sont extraites les deux citations qui suivent. La première citation est extraite de la présentation de la coalition, qui regroupe les organisations suivantes (premiers signataires) : Action Antifasciste Paris Banlieue, Assemblée féministe Paris Banlieue, Collectif Vietnam Dioxine, Comités étudiants pour la Palestine, Contre Attaque, CSP 75, Désarmons les Féministes révolutionnaires, Gilets noirs, Inverti-es, Kessem, Lectures anti-impérialistes, Le nuage était sous nos pieds, Le Poing levé, Marche des Solidarités, Palestine Action, Relève féministe, Réseaux antifascistes régionaux, Réseau Vérité et Justice, Samidoun, Soulèvements de la Terre, Soulèvements de Mars, Stop Arming Israel France, Survie, Technopolice Marseille, Tsedek !, UJFP, Urgence Palestine, Young Struggle. Voir en ligne : https://guerrealaguerre.net/

[2] Toujours dans l’appel de la Guerre à la guerre, on trouver cet important rappel à propos de la « logistique de leurs guerres » : « Car celles-ci reposent sur des infrastructures matérielles, des institutions financières, des centres de recherche et développement, des laboratoires, des bureaux, des usines, des chantiers, des centres de formation et d’entraînement, des stands de recrutement, de la publicité, des salons ».

[3] Voir notamment le chapitre 4 du livre important de Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique, Paris, La Découverte, 2014, qui utilise le terme de « militarisation de l’écologie » pour désigner ce que j’appellerai ici « militarisme environnemental ».

[4] Une partie de cet article reprend les arguments présentés, de manière plus académiques, dans Alexis Cukier, « Guerre impérialiste, destruction écologique et capitalisme des catastrophes. Perspectives écomarxistes sur le tournant mondial des années 2020 », in Alexis Cukier et Arnaud François-Mansuy (dir.), Ecologie et philosophie politiques, à paraître.

[5] Voir Benjamin Bürbaumer, Chine / États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation, Paris, La Découverte, 2024.

[6] On rappellera que le fondateur de l’écomarxisme James O’Connor avait, dès la fin des années 1980, anticipé un « scénario selon lequel la destruction de l’environnement peut conduire à de vastes nouvelles industries conçues pour le restaurer » (James O’Connor, « Capitalism, Nature, Socialism: A Theoretical Introduction », Capitalism Nature Socialism, vol. 1, 1988). 

[7] Comme le montre Claude Serfati, « la détérioration de la conjoncture économique depuis 2008 est un puissant vecteur de développement de la militarisation de la planète » (Claude Serfati, Un monde en guerres, Paris, Textuel, 2024, p. 248).

[8] Je reprends le terme de Gilbert Achcar, Gaza, un génocide annoncé. Un tournant dans l’histoire mondiale, Paris, La Dispute, 2025.

[9] Mike David, « Who will build the Ark? », New Left Review, n° 61, janvier-février 2010, p. 38, je traduis.

[10] Cette hypothèse ne doit pas être confondue avec celle du « capitalisme du désastre » de Naomi Klein (La stratégie du choc. La montrée du capitalisme du désastre, Arles, Actes Sud, 2008), caractérisée par les opérations politiques d’instrumentalisation des crises, ni avec celle du « capitalisme de l’apocalypse » de Quinn Slobodian (Le capitalisme de l’apocalypse. Le rêve d’un monde ou le rêve d’un monde sans démocratie, Paris, Seuil, 2025), caractérisée par les opérations de dérégulation économique et leur idéologie. La différence réside notamment dans le peu d’importance accordée par ces argumentations aux catastrophes écologiques, et dans le fait qu’elles portent principalement sur la période précédente du capitalisme, le néolibéralisme, né dans les années 1970 et dont on fait ici l’hypothèse qu’elle s’achève dans les années 2020.

[11] Jean-Baptiste Fressoz et Christophe Bonneuil, L’évènement Anthropocène. La Terre, l’Histoire et Nous, Paris, Seuil, 2016, p. 145.

[12] Je développe cette thèse dans le chapitre « Guerre et impérialisme » d’un ouvrage Écologie politique du travail vivant. Catastrophes, écomarxisme et révolution, à paraître aux Editions sociales.

[13] Scientists for Global Responsibility and the Conflict and Environment Observatory, « Estimating the Military’s Global Greenhouse Gas Emissions », en ligne, 2022, p. 2.

[14] Oliver Belcher, Patrick Bigger, Ben Neimard, Cara Kennelly, « Hidden carbon costs of the ‘everywhere war’ : Logistics, geopolitical ecology and the carbon boot-print of the US military », Transactions of the Institute of British Geographers, vol. 45, 2020. 

[15] Charles Closmann (dir.) War and the Environment, Austin, University of Texas Press, 2009.

[16] Neta Crawford nomme « cycle profond » cette interaction entre dépendance des armées aux énergies fossiles et stratégies militaires centrées sur la sécurisation des sources d’hydrocarbure dans le cas de l’armée états-unienne dans The Pentagon, Climate Change, and War: Charting the Rise and Fall of U.S. Military Emissions, Cambridge, MIT Press, 2022.

[17] Voir notamment Timothy Mitchell, Carbon Democracy: Political Power in the Age of Oil, Londres, Verso, 2011 ; Andreas Malm, Fossil Capital. The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Londres, Verso, 2016 ; Adam Hanieh, Crude Capitalism. Oil, Corporate Power and the Making of the World Market, Londres, Verso, 2024.

[18] Rachel Carson, Printemps silencieux  [1962], Marseille, Wildproject, 2009, p. 49.

[19] Voir notamment Adrien Estève, Guerre et écologie. L’environnement et le climat dans les politiques de défense, Paris, PUF, 2022.

[20] The White House, « A National Security Strategy of Engagement and Enlargement », en ligne, juillet 1994, p. 15, je traduis.

[21] Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille, op. cit., p. 16.

[22] Voir ibid., p. 19-85.

[23] Ian Angus, Face à l’Anthropocène. Le capitalisme fossile et la crise du système terrestre, Montréal, Ecosociété, 2018, p. 216-220.

[24] « Nous devrions planifier l’adaptation à au moins 4 degrés de réchaufffement » (Martin Parry, Jason Lowe, Hanson Clair, , « Overshoot, Adapt and Recover », Nature, n° 458, 2009, cité dans l’important livre de Wim Carton et Andreas Malm, Overshoot. How the World Surrendered to Climate Breakdown, Londres, Verso, 2024.

[25] « The World Is Going to Miss the Totemic 1.5°C Climate Target », éditorial de The Economist, 5 novembre 2022, cité ibid., p. 97.

[26] Christian Parenti, « The Catastrophic Convergence: Militarism, Neoliberalism and Climate Change », in Buxton Nick et Hayes Ben (éd.), The Secure and the Disposessed, Londres, Pluto Press, 2016, p. 33, je traduis.

[27] Voir Stand Speak Rise Up, We Are Not Weapons of War et Women’s Information Consultative Center, White Paper. Conflict-Related Sexual Violence in Ukraine: Where Are We Now?, novembre 2024.

[28] Humanitarian Research Lab at Yale School of Public Health,  « Russia’s systematic program of coerced adoption and fostering of Ukraine’s children », 3 décembre 2024.

[29] Voir notamment Darya Tsymbalyuk, Ecocide in Ukraine. The Environmental Cost of Russia’s War, Cambridge, Polity Press, 2025.

[30] Voir Karine Clément, Denys Gorbach, Hanna Perekhoda, Catherine Samary et Tony Wood, L’invasion de l’Ukraine. Histoire, conflits et résistances populaires, Paris, La Dispute, 2022.

[31] Simon Pirani, « The causes of the war in Ukraine », Labour Hub, 17 octobre 2022.

[32] Voir Gustafson Thane, Wheel of Fortune. The Battle for Oil and Power in Russia, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2017.

[33] Thane Gustafson, Klimat. Russia in the Age of Climate Change, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2021, p. 3-4, je traduis.

[34] Ibid., voir le chapitre 8 « A Tale of Two Arctics »..

[35] Ibid., p. 221-224.

[36] Amnesty International, « ‘You feel like you are subhuman’. Israel’s genocide against Palestinians in Gaza », 5 décembre 2024, p. 283, je traduis.

[37] « Gaza: UN expert denounces genocidal violence against women and girls », UN Human Rights, 17 juillet 2025.

[38] Sara Ihmoud, « Countering Reproductive Genocide in Gaza: Palestinian Women’s Testimonies », Native American and Indigenous Studies, vol. 12, 2025.

[39] Paul Kohlbry, « Agrarian Annihilation: Israel’s war on Gaza is war upon both land and people », Agrarian Conversations. Journal of Peasant Studies, 2021.

[40] Voir notamment United Nations Environment Program, « Environmental Impact of the Conflict in Gaza: Preliminary Assessment of Environmental Impacts », 18 juin 2024, je traduis.

[41]Andreas Malm, Pour la Palestine comme pour la Terre. Les ravages de l’impérialisme fossile (2025), trad. Étienne Dobenesque, Paris, La Fabrique, 2025, p. 97.

[42] Ibid., p. 79.

[43] Adam Hanieh, « (Re)contextualiser la Palestine : Israël, les pays du Golfe et la puissance US au Moyen-Orient », Contretemps. Revue de critique communiste, 8 juillet 2024.

[44] « Donald Trump, Benjamin Netanyahu full joint press conference (Feb. 4, 2025) », WFAA, 5 février 2025, je traduis.

[45] Ce plan, rendu public le 3 mai 2024, et qui comprend le projet de réseau ferroviaire précédemment mentionné, est accompagné « d’images générées par intelligence artificielle représentant des gratte-ciel ultramodernes, des plateformes pétrolières en mer, des champs d’énergie solaire, ainsi que divers éléments illustrant une vision technocratique standardisée du progrès urbain » (Wagner Kate, « The awful plan to turn Gaza into the next Dubai », The Nation, 9 juillet 2024, je traduis).

[46] Ziadah Rafeef et alii, « Disruptive Geographies and the War on Gaza: Infrastructure and Global Solidarity », Geopolitics, vol. 39, 2025.

[47] Oxfam, Water War Crimes: How Israel has weaponised water in its military campaign in Gaza, 18 juillet 2024.

[48] Zena Agha, « Climate Change, the Occupation, and a Vulnerable Palestine », Al Shabaka. The Palestinian Policy Network, 26 mars 2019, je traduis.

[49] Voir Andreas Malm, Pour la Palestine comme pour la Terre, op. cit., p. 102 et 103.

[50] Sur les conditions de vie inhumaines dans ces camps, voir par exemple le témoignage de Mohammed, réfugié de Rafah dans le camp de Deir al-Balah, dans Amnesty International, « ‘You feel like you are subhuman’. Israel’s genocide against Palestinians in Gaza », art. cit., p. 12.

[51] Voir de Yuval Abraham, « A Mass Assassination Factory: Inside Israel’s Calculated Bombing of Gaza », +972 Magazine. Independent Journalism from Israel-Palestine, 30 novembre 2023, et « ‘Lavender’: the AI Machine Directing Israel’s Bombing Spree in Gaza », +972 Magazine. Independent Journalism from Israel-Palestine, 3 avril 2024.

[52] Francesca Albanese, « From economy of occupation to economy of genocide. Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967 », UN Human Rights, juillet 2025, p. 25.

[53] Ibid., p. 256.

[54] Hanna Perekhoda, « La gauche et la question de la défense », Blog de Mediapart, 24 août 2025.

[55] Pierre Charbonnier, Vers l’écologie de guerre. Une histoire environnementale de la paix, Paris, La Découverte, 2024.

[56] Voir à ce sujet le livre de référence de Claude Serfati, Le Militaire. Une histoire française, Paris, Editions Amsterdam, 2017.

[57] Comme le résume Hanna Perekhoda, « Le militarisme, c’est la guerre comme opportunité commerciale, motivée par le profit capitaliste. C’est aussi placer la guerre au centre et y subordonner toute la société. La défense, c’est la capacité de la société à se protéger contre les agressions. Et aujourd’hui, alors que les trois plus grandes puissances militaires menacent ouvertement d’envahir d’autres pays – la Chine veut annexer Taïwan, les États-Unis ont évoqué celle du Groenland, et la Russie mène déjà une guerre en Ukraine –, on ne peut pas prétendre que le problème de la défense n’existe pas » (Hanna Perkehoda, « La gauche et la question de la défense », art. cit.).

[58] Je développe des éléments de critique de l’ouvrage de Pierre Charbonnier dans mon chapitre, précédemment mentionné, au sein du livre collectif co-dirigé avec Arnaud François-Mansuy, Ecologie et philosophie politiques, à paraître.

[59] Gilbert Achcar, « Ukraine ‘De quelle paix parlons-nous ?’. Entretien avec Gilbert Achcar », Contretemps, 22 décembre 2022.

[60] On trouve des éléments de réponse généraux dans le même entretien de Gilbert Achcar, concernant notamment la différence entre armes offensives et défensives, l’objectif d’éviter les crimes de guerre des résistances anti-impérialistes, et le caractère proportionné du soutien militaire extérieur à la résistance armée.

[61] Voir notamment Michael Löwy, Etincelles écosocialistes, Paris, Editions Amsterdam, 2024 et Daniel Tanuro, Ecologie, luttes sociales et révolution, Paris, La Dispute, 2025. Ces positions sont également développées dans

Quatrième Internationale, Manifeste pour une révolution écosocialiste – Rompre avec la croissance capitaliste, 18e Congrès mondial de la Quatrième Internationale, 2025.

[62] Voir à cet égard le travail remarquable de Stop Arming Israël, et par exemple le rapport qu’il a coordonné, aux côtés du Progressive International, du Palestinian Youth Movement, du conseil francilien du Mouvement de la Paix, de l’AFPS, de l’UJFP, de Droit-solidarité, d’Attac, de BDS France et de The Ditch, intitulé « Livraison d’armes de la France vers Israël : un flux ininterrompu », 10 juin 2025.

[63] Voir l’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN) : https://www.icanw.org/

[64] CGT Thalès, « Note d’intention sur le positionnement CGT Thales concernant l’industrie de l’armement », juin 2024

[65] Voir par exemple, Confédération générale du travail, « Les projets alternatifs portés par la CGT », 2024.

[66] Voir notamment Alexis Cukier, « Usines récupérées et autogestion écologique. Vers une alternative au capitalisme vert », Contretemps, 1er avril 2024.

[67] Wim Carton et Andreas Malm, Overshoot, op. cit., p. 97.

[68] Andreas Malm, Pour la Palestine comme pour la Terre. Les ravages de l’impérialisme fossile, Paris, La Fabrique, 2025, p.  97

[69] Adam Hanieh Crude capitalism : oil, corporate power, and the Making of the World Market, Londres, Verso, 2024. Sur la Palestine, voir également Adam Hanieh, Robert Knox, Rafeef Ziadah, Resisting Erasure. Capital, Imperialism and Race in Palestine, Londres, Verso, 2025.

[70] Pour une analyse militante qui va dans ce sens (et à laquelle j’ai participé), voir On construit l’alternative, « Palestine, Ukraine, Sahel…Contre tous les impérialismes et colonialismes. Pour l’autodétermination des peuples », 2024.

[71] Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, Paris, Les éditions sociales, 2018, p. 292.

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