Il y a 50 ans, le 25 avril 1974, le Portugal sortait de la longue nuit fasciste. Se fermait ainsi l’interminable chapitre dictatorial et colonial : 48 ans de dictature réactionnaire, 13 ans de guerres coloniales. Le régime s’effondrait ainsi en quelques heures, presque sans coups de feu, grâce à de jeunes officiers intermédiaires réunis dans le cadre d’un mouvement clandestin (le Mouvement des Forces armées), prenant l’initiative audacieuse et salvatrice d’un soulèvement militaire ; et plus profondément grâce à l’action héroïque – depuis 1961 – des mouvements de libération nationale en Angola, en Guinée-Bissau, au Cap-Vert et au Mozambique,
Mais dès le 25 avril, sans que personne ne l’ait prévu, commence une autre histoire : celle de l’invention d’une « politique de l’opprimé » pour parler comme Daniel Bensaïd, d’une intervention populaire – joyeuse et tumultueuse – pour conquérir la liberté et en finir avec l’exploitation capitaliste. Plutôt que de rester chez lui, comme l’y invite le MFA dans ses communiqués diffusés par la radio le 25 avril, le peuple de Lisbonne prend la rue, non simplement pour acclamer et encourager les soldats, mais pour attaquer les vieilles institutions du régime fondé par Salazar en 1933, en particulier le siège de la police politique.
Dans les semaines qui suivent, les classes populaires déjouent tous les plans de la bourgeoisie portugaise – qui aspire alors à une transition dans l’ordre vers la « démocratie » (en réalité vers une solution bonapartiste et néocoloniale permettant une rationalisation capitaliste), sous la férule d’un général opposant de la dernière heure qui est vite contraint de démissionner. Le Portugal connaît ainsi en mai-juin 1974 le plus grand mouvement gréviste de son histoire, les habitant-es des bidonvilles et des quartiers populaires de Lisbonne et Porto s’emparent de logements vides, pour y installer des familles ou y créer des crèches. Assez vite les ouvriers-ères agricoles vont secouer le joug d’une oppression séculaire dans les campagnes du Sud.
C’est ce processus révolutionnaire, qui va durer 19 mois, que notre dossier voudrait documenter dans sa richesse et sa complexité, en restituant en outre les débats stratégiques qui ont émergé, à gauche, de ce qui reste la dernière révolution à dynamique anticapitaliste en Europe. D’autres articles viendront d’ailleurs très bientôt le compléter.
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