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Dans ce nouvel épisode du podcast « Minuit dans le siècle », disponible sur la plateforme Spectre, Ugo Palheta rencontre le sociologue Benoît Coquard pour parler de la politisation dans les campagnes en déclin. À partir d’une longue enquête de terrain dans un territoire qui a connu ces dernières décennies une forte désindustrialisation et un déclin démographique, il nous permet de mieux comprendre les conditions socio-économiques qui aboutissent à un fort vote en faveur du FN/RN ainsi que les vecteurs concrets de cette politisation à l’extrême droite. Cela conduit à une discussion d’ordre stratégique sur le type de perspective de gauche qui pourrait trouver l’oreille des classes populaires rurales.

Il faut évidemment refuser le discours dominant selon lequel les classes populaires seraient passées à l’extrême droite. Tenu aussi bien par des néolibéraux que par des idéologues ou des politiciens proches du FN/RN, ce discours valide les prétentions de ce parti : être devenu le parti du peuple, des ouvriers, des gens « modestes », de la classe travailleuse.

Du côté du pouvoir néolibéral et de ses porte-voix, il s’agit – dans un mépris de classe évident – de renvoyer les classes populaires à une forme d’incompétence culturelle et de déviance politique : le peuple serait prompt à succomber comme un seul homme à l’autoritarisme et au racisme (alors même que c’est un gouvernement néolibéral qui mène actuellement des politiques autoritaires, anti-migrant·es et islamophobes).

Pour autant, on ne devrait pas faire l’autruche en prétendant que les classes populaires seraient allergiques à l’extrême droite : il y a des franges de ces classes et des territoires populaires dans lesquels on vote assez largement – ce qui ne veut pas dire unanimement – pour le FN/RN. Il n’y a pourtant pas grand-chose de « social » dans le programme du FN/RN, et encore moins de propositions qui amélioreraient nettement les conditions de vie des classes populaires. Il importe donc d’interroger les logiques sociales qui conduisent malgré tout à voter à l’extrême droite.

C’est sur ces logiques que revient cet épisode avec le sociologue Benoît Coquard, spécialiste des classes populaires rurales et auteur d’un livre marquant il y a quelques années, Ceux qui restent (éditions La Découverte), où il relate une enquête par immersion et de long terme dans ce qu’il nomme les campagnes en déclin.

Ayant rencontré en chemin la question de la politisation et du vote, sa recherche permet de comprendre comment, dans des territoires ruraux désindustrialisés, la politisation se construit en grande partie dans le cadre des « bandes de potes », c’est-à-dire dans les formes de solidarité qui naissent et s’entretiennent en bonne partie pour résister à la précarisation, à la montée des concurrences et des incertitudes, ou encore dans les processus de construction des masculinités ou de marginalisation des femmes (sur le marché du travail et dans les sociabilités).

C’est tout cela, sur fond de légitimation du racisme et de stigmatisation des « assistés » dans l’espace public, qui conduit concrètement à rendre l’extrême droite quasi-hégémonique dans certains territoires populaires, à amener certain·es à penser que voter pour le FN/RN c’est se ranger du côté des « gens biens ».

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