Genèse, structuration et identité du phénomène maoïste au Portugal (1964-1974)
On a célébré il y a quelques semaines les 50 ans de la Révolution des œillets au Portugal. Le 25 avril 1974, un soulèvement militaire impulsé par un mouvement clandestin d’officiers intermédiaires de l’armée portugaise – essentiellement des jeunes capitaines – provoque l’effondrement rapide d’une dictature fasciste presque cinquantenaire. Mais le 25 avril ouvre aussi une brèche dans laquelle les classes populaires – en particulier les ouvriers et les travailleurs sans terre des campagnes du Sud – vont s’engouffrer, dans le cadre d’un processus révolutionnaire qui va durer jusqu’au 25 novembre 1975.
Au cours de ce dernier, mais aussi dans les années qui précèdent la Révolution, une myriade d’organisations marxistes-léninistes et maoïstes vont jouer un rôle important, parfois moteur dans les mouvements populaires, avec néanmoins un sectarisme souvent très marqué, en particulier à l’égard du Parti communiste portugais. L’origine et l’orientation de ces courants sont généralement méconnues hors des frontières du Portugal, c’est pourquoi nous avons voulu mettre à disposition des lecteurs-rices francophones ce texte de l’historien portugais Miguel Cardina1, grand spécialiste de la constellation marxiste-léniniste et maoïste au Portugal. Il a notamment publié sur ces questions le livre Margem da certa maneira (éd. Tinta-da-China, 2011).
Dans la dernière décennie de l’Estado Novo, un ensemble très divers de groupes a émergé au Portugal, inspiré par les positions chinoises face au conflit sino-soviétique et, un peu plus tard, par les échos de la révolution culturelle chinoise. Cet article cherche à caractériser l’émergence et la diversification de ce champ politique dans le pays. Le cadre temporel est fixé entre 1964 – date de l’apparition de la première organisation « marxiste-léniniste », à la suite de la rupture idéologique de Francisco Martins Rodrigues (1927-2008) avec le PCP – et le 25 avril 1974, date à laquelle un « coup d’État des capitaines » a renversé la dictature. L’article analyse les traits politiques qui sous-tendent la construction d’une pratique et d’un imaginaire essentiellement communs, en soulignant l’importance de la thématique anti-coloniale, tout en mettant l’accent sur les différentes lignées politiques qui composent cette galaxie maoïste plurielle.
La relation entre la nature des bouleversements politiques, sociaux et culturels qui ont eu lieu pendant les « longues années soixante » et l’impact spécifique du maoïsme est un fait qui est fréquemment évoqué dans les études visant à comprendre cette période historique. Dans « Periodizing the Sixties« , le philosophe américain Fredric Jameson (1934- ) identifie l’extension généralisée de l’industrialisation comme le trait caractéristique du « capitalisme tardif », un processus qui a donné lieu à des révoltes antisystèmes dépassant le cadre économique et se concentrant particulièrement sur deux domaines : l’inconscient et le tiers-monde. Cette dialectique entre domination et résistance a été marquée par des dynamiques d’invasion de l’infrastructure par la superstructure, dans lesquelles « les indigènes sont transformés en êtres humains », y compris « les colonisés du premier monde : minorités, marginaux et femmes »2. La politisation du monde et de la vie quotidienne, caractéristique de l’époque, a introduit de nouvelles formes de lutte et un élargissement des domaines soumis au jugement éthique. En ce sens, Jameson désigne le maoïsme comme l’idéologie qui a le mieux traduit cette weltanschaaung radicale, dans la mesure où il a favorisé un « déplacement » des paires dichotomiques à travers lesquelles la tradition communiste lisait l’antagonisme politique : le « bourgeois » s’opposait désormais non pas au « prolétaire », mais au « révolutionnaire »3. L’appartenance à une classe ou à un parti perd de son importance en tant que critère de jugement politique, au profit de considérations morales sur le (refus des) les privilèges, l’identification à un idéal de vie prolétarien et la lutte contre l’oppression – qui, dans le cas portugais, se réfère très directement au colonialisme et à la guerre menée contre les mouvements d’indépendance africains.
Malgré cela, l’interprétation dominante du rôle du maoïsme, notamment dans les pays occidentaux, reste teintée d’un ensemble de caricatures et de platitudes. Le militantisme dans les organisations qui professent cette idéologie est souvent compris comme une étape de jeunesse – ou une « histoire de fous », pour reprendre le sous-titre d’un ouvrage sur le maoïsme en France4 – précédant une intégration ultérieure dans les élites politiques, économiques ou intellectuelles. Ces lectures tendent ainsi à interpréter le maoïsme comme une manière passagère de régler ses comptes avec une « origine de classe » donnée. Le modèle de la trajectoire militante dans cet espace politique finit par être l’ancien militant qui occupe aujourd’hui des fonctions médiatiques et gouvernementales. Au Portugal, la mention de plusieurs personnalités publiques de premier plan dans le spectre politique du centre ou de la droite – comme l’ancien premier ministre et ancien président de la Commission Européenne, José Manuel Durão Barroso (1956-) – est un fait qui est constamment évoqué lorsqu’il s’agit de discuter du militantisme maoïste dans les années 19705.
Souvent, le maoïsme occidental des années 1960 et 1970 est encore compris comme un simple recyclage sectaire d’un marxisme-léninisme qui cherchait à transplanter mécaniquement le modèle chinois ailleurs. George Katsiaficas (1949-), dans l’une des premières études sur les « global sixties« , décrit le phénomène comme extérieur à la dynamique essentielle de l’époque6. André Glucksmann (1937-2015), ancien militant maoïste de la Gauche Prolétarienne et figure de proue de l’atlantisme antitotalitaire, estime que l’idéologie a produit des formes particulières de « suicide intellectuel »7. En en faisant une sorte d’objet excentrique – et donc finalement impensable – ces lectures rendent difficile la compréhension du phénomène à la lumière de ce qu’il a représenté dans les pays occidentaux : un produit de la radicalité soixante-huitarde avec des déclinaisons différentes selon les contextes nationaux dans lesquels il a pris forme8.
Cet article se propose d’étudier le cas portugais et de montrer comment ce champ politique s’est structuré dans la dernière décennie de l’Estado Novo, c’est-à-dire entre 1964, année de l’apparition de la première organisation pro-chinoise, et le 25 avril 1974, date à laquelle un mouvement d’officiers de rang moyen, las d’une guerre coloniale interminable, a décidé de mettre fin au régime et de laisser place à ce qui allait devenir l’amorce d’un intense processus révolutionnaire. À cette époque, le maoïsme avait acquis des caractéristiques largement déterminées par le contexte du pays : dirigé par une dictature et menant une guerre en Afrique pour maintenir l’empire. Comme dans la plupart des pays, le phénomène maoïste ne s’est pas matérialisé dans une organisation unique, mais dans différents groupes et propositions politiques9.
La « première vague » maoïste
Si le terme « maoïsme » peut faire référence au processus de « sinisation » du marxisme et de l’expérience révolutionnaire en Chine avant et après 1949, il fait également allusion à la réception de l’idéologie dans différentes parties du monde à partir des années 1960. La réception des postulats de Mao et de l’expérience chinoise s’est déroulée en deux moments successifs. Le premier renvoie à l’impact du conflit sino-soviétique et à la construction, dans la première moitié des années 1960, de petits collectifs « marxistes-léninistes » (M-L) à travers le monde. Tous s’alignent sur la critique chinoise du « révisionnisme » soviétique, rejettent la stratégie de « transition pacifique vers le socialisme » proposée par Moscou et dressent un bilan globalement positif de l’action de Staline10.
Leur origine et leur structuration initiale sont presque toujours le résultat de scissions au sein des partis communistes traditionnels ou d’organisations qui leur sont liées. Tous ont acquis des caractéristiques spécifiques en fonction de la réalité du pays et de la configuration de chaque parti communiste local. Alors que ces groupes se définissaient comme « marxistes-léninistes », une deuxième vague, plus résolument « maoïste », est apparue à partir de la fin des années 1960, suivant les échos de la révolution culturelle et convergeant avec le radicalisme de la jeunesse de la fin des années 1960 et du début des années 1970. En ce qui concerne la première vague, marquée par le conflit sino-soviétique, la construction du répertoire idéologique des groupes est allée de la propagande du « marxisme-léninisme » contre le « révisionnisme » soviétique à la définition plus claire d’une stratégie et d’une tactique politiques pour chaque réalité nationale dans laquelle ils se trouvaient. Le cas portugais est précisément l’un de ceux où la critique de la ligne politique du parti communiste local a été définie avec la plus grande ampleur idéologique11.
Fondé en 1921, le Parti Communiste Portugais (PCP) a été le pilier de la résistance à la dictature de l’Estado Novo, notamment après la « réorganisation » du début des années 1940 et l’ascension d’Álvaro Cunhal (1913 – 2005). C’est de ce parti qu’est venu le premier geste d’alignement sur la Chine, effectué par Francisco Martins Rodrigues, un responsable du parti qui avait participé à la célèbre évasion de Cunhal et d’autres dirigeants communistes de la prison de Peniche en janvier 1960. Par la suite, Martins Rodrigues a fait partie du Comité Central et du Comité Exécutif qui dirigeait le Parti dans le pays. Fin 1963, il est exclu du PCP et crée peu après – avec João Pulido Valente (1926- 2003), Rui d’Espiney (1942-2016) et d’autres – le Front d’Action Populaire (FAP) et le Comité Marxiste-Léniniste Portugais (CMLP)12.
Il est important de rappeler qu’entre 1958 et 1962, un important cycle de contestation de la dictature a éclaté, marqué par l’utilisation de la violence politique, le recours à des coups d’État militaires et l’apparition de fissures sans précédent dans l’intégrité de l’empire colonial. Ce cycle de crise débute en 1958 avec la candidature à la présidence de Humberto Delgado (1906-1965), un général qui avait su fédérer l’opposition et susciter un fort soutien populaire lors de sa campagne. Dans la foulée, le régime – qui, outre la censure et les fortes restrictions imposées à l’opposition, avait falsifié les résultats des élections – abolit l’élection directe du président de la République et montera plus tard une opération réussie d’assassinat de Humberto Delgado, menée par une escouade de la PIDE (Police Internationale de Défense de l’État) à Villanueva del Fresno, le 13 février 1965.
Les chocs contre le régime s’intensifient en 1961 et 1962. Le 21 janvier 1961, le paquebot Santa Maria est détourné, dans le but d’attirer l’attention de la communauté internationale sur les dictatures portugaise et espagnole. Au cours du premier trimestre 1961, un premier front de protestation armée contre la présence portugaise éclate en Angola. En avril, le ministre de la Défense, Júlio Botelho Moniz (1900-1970), prend la tête d’un coup d’État militaire raté visant à renverser Salazar. Au cours de l’été, le fort de Saint-Jean-Baptiste à Ouidah est attaqué par les forces du Dahomey. En novembre, un avion de la TAP est détourné et largue des milliers de tracts anti-régime à Lisbonne et dans le sud du pays. En décembre, des militants communistes s’évadent de prison, la PIDE assassine en pleine rue le peintre et militant communiste José Dias Coelho (1923-1961) et – l’un des coups les plus douloureux pour la dictature – Goa est envahie par l’Union Indienne, ce qui marque le début du lent effritement de l’Empire. Le 1er janvier 1962, une tentative de coup d’État militaire échoue à Beja et, au cours de cette année, les manifestations étudiantes, rurales et ouvrières se succèdent.
L’analyse politique de ces bouleversements est à la base de la prise de distance de Francisco Martins Rodrigues avec le PCP. Selon lui, la caractéristique fondamentale de cette nouvelle phase de lutte dans le pays est « l’émergence de la lutte armée comme forme de lutte qui tendra à devenir de plus en plus décisive ». Cette évolution est favorisée par l’émergence d’actions exemplaires plus audacieuses, comme celles mentionnées ci-dessus, mais surtout par le cycle des luttes de libération nationale dans les colonies, une aide précieuse dans la bataille contre le fascisme, qui nécessitera de « combattre avec intransigeance le chauvinisme au sein des masses » et de promouvoir une « solidarité active » avec les peuples africains insurgés13.
Les critiques de Francisco Martins Rodrigues à l’égard du PCP s’articulent autour de trois axes. Le premier concerne l’alignement sur la Chine et la critique simultanée de la coexistence pacifique prônée par l’URSS. Mais cet élément est surtout apparu à travers deux autres points : la critique de l’unité antifasciste du PCP avec les secteurs républicains libéraux et la thèse du « soulèvement national »14. Face à la première, une politique de classe ancrée dans l’alliance ouvrière-paysanne est proposée ; face à la seconde, la nécessité de la « voie armée » est clairement affirmée, le PCP étant qualifié de « déformation pacifiste du léninisme ». Selon Martins Rodrigues, le PCP a ignoré l’importance de la lutte contre le capitalisme et le colonialisme en privilégiant la construction d’un front qui engloberait à terme exploiteurs et exploités, colonialistes et anticolonialistes, bourgeoisie et prolétariat15.
Malgré sa combativité, le CMLP a eu une vie courte et peu glorieuse. À la fin de l’année 1964, la direction décide de rentrer de son exil en France, où le mouvement s’était initialement formé, et de s’installer clandestinement au Portugal. Ce processus s’accompagne d’une hostilité croissante entre le PCP et le secteur « marxiste-léniniste » naissant : le CMLP cherche à recruter des militants du PCP, surtout à travers des réseaux qui remontent à l’époque où ses dirigeants militaient dans ce parti ; en décembre 1964, le PCP publie un article dans son journal Avante ! dans lequel il cite les noms de deux militants qui cherchent à recruter des militants du PCP dans le pays, un geste qui sera caractérisé par le milieu M-L naissant comme une forme objective de dénonciation à la PIDE. En octobre 1965, João Pulido Valente a été arrêté à cause de l’action d’un policier infiltré. Le CMLP exécute le dénonciateur, ce qui déclenche la persécution du collectif par la PIDE16. Début 1966, Francisco Martins Rodrigues et Rui d’Espiney sont arrêtés et ne seront libérés que le 25 avril. Le CMLP est pratiquement démantelé dans le pays, seuls quelques centres naissants subsistent dans l’émigration européenne, notamment en France et en Belgique.
L’échec de cette première expérience organisationnelle du maoïsme portugais a été fortement critiqué par les groupes qui ont suivi. Ils ont souvent critiqué l’indistinction entre le Front (le FAP) et le noyau dur communiste (le CMLP) ; l' »aventurisme » résultant de la lecture selon laquelle les conditions politiques étaient mûres pour lancer des actions armées, même sans une structure organisationnelle solide à l’arrière ; et, à un autre niveau, le comportement en prison de beaucoup de dirigeants, qui n’ont pas pu respecter la difficile règle d’or de ne jamais parler face à la torture17. La vérité est cependant que le CMLP a développé un important héritage théorique qui servira de base aux groupes qui suivront.
La « deuxième vague » maoïste
La seconde moitié des années 1960 est marquée par des luttes successives au sein du CMLP, dans des franges très localisées en exil européen. Cependant, à partir de 1968-70, une deuxième phase se dessine, qui se concrétisera par l’émergence d’une série de nouveaux groupes « marxistes-léninistes » et maoïstes. En août 1970, le CMLP originel donne naissance au Parti Communiste du Portugal (marxiste-léniniste). La reconstruction unilatérale du « vrai » Parti Communiste, réalisée sans contact avec les autres courants M-L existants, et son annonce, près d’un an après sa constitution, entraînent une hostilité et une méfiance importantes à l’égard du PCP (ML). Sous la direction de Heduíno Gomes « Vilar », (1944-), le groupe entreprend un travail intense auprès des émigrés, notamment en France. Le PCP (ML) entretient des relations diplomatiques avec la Chine et développe une forme rigide de « marxisme-léninisme » qui l’amène, par exemple, à critiquer publiquement Mai 68. Dans le pays, l’organisation s’appuie presque exclusivement sur l’UEC (ML) (Union des Étudiants Communistes Marxistes-Léninistes).
En décembre 1968 paraît le journal O Comunista (Le Communiste), porte-parole des groupes similaires qui ont vu le jour parmi les émigrés portugais en Europe centrale. Leur organisation est fédéraliste, sans centralisme démocratique, et leur journal contient, outre des textes politiques, des dessins humoristiques et des recettes pour fabriquer de petits engins explosifs. À partir de 1970, les noyaux d’O Comunista commencent à atténuer leur éclectisme idéologique et collaborent avec O Grito do Povo – un groupe qui se formera dans le nord du pays entre 1969 et 1971 – et forment en 1973 l’OCMLP (Organisation communiste marxiste-léniniste portugaise). L’organisation se distingue par son appel à la désertion et par son langage informel, qui utilise l’argot et cherche à imiter les formes d’expression populaires.
Le 18 septembre 1970 est fondé le MRPP (Movimento Reorganizativo do Partido do Proletariado), connu pour son langage triomphaliste et son activisme frénétique, qui trouve un écho particulier auprès de la jeunesse étudiante et de certains travailleurs radicalisés. À partir d’octobre 1972, avec l’assassinat par des agents de la DGS18 de son militant José António Ribeiro dos Santos, (1946-1972), s’accroît l’hostilité du MRPP à l’égard des autres formations politiques situées à gauche du PCP, connues sous le nom de « néo-révisionnistes »19. L’action du mouvement se caractérise par un certain ascétisme militant, avec des répercussions dans le domaine des mœurs et des coutumes, comme lorsqu’une relation adultère entre deux militants donne lieu à une campagne interne « prophylactique » contre les « microbes de la corruption morale bourgeoise »20. Parallèlement, le MRPP a développé un fort activisme contre la guerre coloniale, avec des graffitis, une distribution abondante de propagande et la promotion de manifs éclairs21.
La carte des organisations maoïstes portugaises était cependant plus vaste et plus complexe22. En 1970, l’URML (Unidade Revolucionária Marxista-Leninista – Unité révolutionnaire marxiste-léniniste) voit le jour. Elle met l’accent sur l’unité des différents courants maoïstes et maintient une certaine activité dans les usines de Lisbonne. Contrairement à la plupart des groupes M-L, l’URML ne prône pas la désertion des forces armées, qu’elle considère comme une « attitude individualiste et opportuniste », et défend le travail de sensibilisation politique contre la guerre au sein de l’armée23. La même année, les CCR (M-L) (Comités Communistes Révolutionnaires Marxistes-Léninistes) sont fondés, à la suite de la scission de João Bernardo avec le CMLP. Pour les CCR (M-L), la principale tâche révolutionnaire consiste à « lutter contre le retard idéologique ». Pour ce faire, il faut surmonter la « discipline de caserne » commune au « Parti de Cunhal » – nom donné au PCP – et à d’autres groupes « marxistes-léninistes », qui transforme les militants en « poupées de cire »24. Toujours en 1970, le premier numéro d’O Bolchevista paraît. Le groupe est frappé par la PIDE en 1971 et 1972, ce qui conduit la quasi-totalité de ses dirigeants à s’exiler en Italie. Des éléments liés à O Bolchevista et d’anciens membres emprisonnés du CMLP initial créeront le CARP (M-L) (Comité pour la réorganisation du Parti, marxiste-léniniste) à la fin de l’année 1973. Peu actif avant le 25 avril 1974, le CARP (M-L) s’est développé immédiatement après le renversement du régime, avec l’adhésion de cadres de l’ancien CMLP. Le groupe joue alors un rôle important dans le processus d’unification des courants M-L qui se concrétise plus tard par la création de l’UDP (Union démocratique populaire) et du PCP (R) (Parti communiste portugais – Reconstruit).
Du mouvement étudiant au maoïsme ?
Il n’est pas facile de mesurer l’impact du complexe maoïste sur l’ensemble de l’opposition. Une façon de l’estimer serait de quantifier cet univers militant. A cet égard, il faut d’abord noter que l’Estado Novo a conduit à un rétrécissement de l’activité politique autorisée – avec l’exercice de la censure, la création de prisons politiques, l’interdiction des partis, les sanctions dans la fonction publique, la « diabolisation » de la politique – qui a conduit à une logique de clandestinité ou de secret qui complique aujourd’hui un exercice comptable de cette nature.
D’autre part, ce calcul se heurte aussi à la difficulté de savoir qui inclure dans le groupe. La plupart de ces groupes distinguent les militants (en règle générale, un cercle très étroit), les sympathisants organisés (souvent des militants des organisations de façade) et les sympathisants non organisés (parfois tout aussi actifs que ces derniers et qui se considèrent comme des membres de l’organisation respective). Dans cette mesure, les témoignages oscillent entre des cercles stricts où l’on peut recenser quelques centaines de militants, et un attachement militant à ces structures qui impliquent des milliers de jeunes étudiants, des travailleurs radicalisés et certains groupes en émigration.
C’est surtout dans le mouvement étudiant que ces nouveaux groupes ont trouvé leur principal territoire politique. Au moment de leur constitution, leur implantation sociale et géographique correspond souvent à des circonscriptions limitées à des facultés spécifiques, qui deviennent les fiefs de certains mouvements. C’est ainsi que la Faculté de Droit de l’Université de Lisbonne s’est imposée comme un bastion du MRPP, l’Instituto Superior Técnico comme un centre militant du CCR (M-L) et la Faculté des Sciences de Lisbonne et les lycées de la capitale comme un espace d’action privilégié de l’UEC (M-L), qui avait également un poids à l’Université de Porto. Dans les milieux étudiants de Coimbra et de Porto, les Núcleos Sindicais (Noyaux syndicaux) associés à l’OCMLP, ont une présence significative.
Dans un contexte où le marcelisme[1] tente en vain de « se renouveler dans la continuité », l’intervention étudiante prend une voie ascendante de politisation, soulignant l’étendue de leurs revendications, non seulement dans le domaine spécifique de l’éducation, mais aussi dans la nature même du régime. Ainsi, de la défense de l’autonomie associative au début des années 60, on passe à la remise en cause de la fonction de l’université et au rejet non seulement de la dictature, mais aussi du capitalisme et de la guerre. Au cours de ces années, le mouvement étudiant s’est fortement politisé, reflétant la tendance à la radicalisation des jeunes qui s’est manifestée dans le monde entier et, surtout, au Portugal, à la suite de l’interminable guerre coloniale25. Par conséquent, le pourcentage d’étudiants emprisonnés a augmenté pendant l’agonie du régime. Entre 1956 et 1974, les étudiants représentaient 12,7 % des prisonniers politiques, contre 43,5 % en 197326.
Le milieu étudiant a donc joué un rôle prépondérant dans la fermentation de cette écologie radicale éclatée. Définissant le prolétariat comme le véritable sujet révolutionnaire, le fort ancrage dans l’univers étudiant s’est avéré être un paradoxe qu’il fallait surmonter. S’il était plus facile et plus rapide d’y attirer des militants, leur potentiel révolutionnaire était perçu comme plus apparent que réel en raison de leurs origines de classe et de leur manque d’enracinement dans le processus de production. Cela a conduit à un désir de « servir le peuple » qui a finalement conduit au développement de processus « d’établissement « , promu surtout par l’OCMLP, grâce auquel des dizaines de jeunes sont allés vivre dans des quartiers ouvriers et y ont travaillé et fait de la politique sous une fausse identité27.
Malgré l’importance du milieu étudiant dans l’émergence du complexe maoïste, il faut également souligner le développement de dynamiques qui dépassent clairement le cadre des lycées et universités. En effet, forgés dans le milieu étudiant, ces groupes se sont lancés dans le travail clandestin, ou dans le travail politique au sein de collectifs culturels et de coopératives, par exemple ; ou encore, divers centres militants se sont construits et développés en dehors du champ estudiantin. Par exemple, la présence du MRPP dans la zone industrielle au nord de Lisbonne ; l’action politique de différentes organisations maoïstes sur la rive sud de Lisbonne ; l’expérience de l’activité syndicale alternative, qui a donné lieu à des épisodes tels que la conquête d’une direction – celle du syndicat des chimistes – par des militants M-L ; l’influence de groupes comme O Comunista / OCMLP et le PCP (M-L) dans les secteurs populaires émigrés, notamment en France ; l’enracinement de O Grito do Povo / OCMLP dans les quartiers populaires de la région de Porto et son émergence dans d’autres territoires où un travail d' »établissement » avait été réalisé.
Des géographies imaginées
Bien que le Portugal ait une forte composante agraire à l’époque, du moins en comparaison avec d’autres pays européens, ces gestes étaient principalement dirigés vers les zones ouvrières. La séduction des paysans, un des aspects du maoïsme, a eu peu d’impact au Portugal. Cependant, dans les publications, les slogans et l’iconographie dominante, un imaginaire tiers-mondiste est très présent.
Celui-ci est alimenté par des éléments allant des enseignements de Mao aux exemples de combats désintéressés et acharnés tels que ceux menés par Guevara ou Ho-Chi-Minh. Si Cuba et le Vietnam ne façonnent pas alors le monde à venir – rôle réservé à l’Albanie et, surtout, à la Chine – les coordonnées éthiques et politiques du nouveau radicalisme sont fortement alimentées par la sympathie pour ces phénomènes. Cette séduction par les peuples soumis en révolte s’inscrit dans ce que Michael Löwy et Robert Sayre ont qualifié de « romantisme révolutionnaire« , c’est-à-dire la répudiation des valeurs sociales et culturelles de la civilisation capitaliste moderne au nom du rêve d’un avenir libérateur et égalitaire28.
La présence de la Chine – et de la lutte asiatique en général – se révèle dans la propagande anticoloniale elle-même ou dans les incitations à la révolution prolétarienne où apparaissent des personnages aux yeux plus en amande que ceux d’un Occidental typique. D’autre part, la révolution culturelle, avec sa remise en cause des structures hiérarchiques et de l' »intellectualisme », a eu un impact significatif sur ces groupes, notamment dans l’activisme volontariste du MRPP et les stratégies de prolétarisation des étudiants de l’OCMLP.
Certains titres de journaux évoquent ouvertement la Chine maoïste, comme Servir o Povo (Servir le peuple, de l’UEC (M-L)) Guarda Vermelha, (Garde Rouge, de la Fédération des Étudiants Marxistes-Léninistes / MRPP) ou Longa Marcha (Longue Marche, du CARP (M-L)). Une structure culturelle clandestine liée au MRPP avait même un organe appelé Yenan, la ville chinoise où la Longue Marche a culminé et qui sera le centre de la Chine communiste entre 1935 et 1948.
L’image d’une Chine frugale et spartiate dépasse les frontières les plus étroites des partisans avoués du maoïsme. Se référant à un documentaire d’Antonioni sur le pays, le journal Fronteira, de la LUAR (Liga de Unidade e Acção Revolucionária), une organisation éclectique mais non maoïste, qualifie le peuple chinois de « digne et modeste », considérant que la plus grande réalisation de la Chine n’a pas seulement été la libération de « la faim et de la misère », mais la découverte d’une voie alternative au modèle occidental de développement, qui impliquait « l’harmonie entre l’homme et la nature »29.
António José Saraiva (1917-1993) – un intellectuel non maoïste, mais aligné sur le radicalisme de l’époque – a souligné la nouveauté de l’expérience chinoise et la distance civilisationnelle qui la sépare de l’URSS et des États-Unis. Selon lui, tous deux menaient « une guerre économique, politique et diplomatique en utilisant les mêmes armes ». Comme exemple d’une voie alternative, Saraiva citait la Chine et le Vietnam, notant qu’ils pratiquaient une vie vertueuse dont la forme supérieure d’organisation sociale dans les villages30.
La guerre contre la guerre
Capable de survivre à la défaite des puissances de l’Axe lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Estado Novo portugais était confronté depuis 1961 – d’abord en Angola, puis au Mozambique (1963) et en Guinée (1964) – à des mouvements armés luttant ouvertement pour l’indépendance de ces territoires. Il a fallu des années de conflits armés en Afrique pour que la question coloniale soit abordée dans le pays.
Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, la société portugaise avait été élevée dans une mystique impériale qui considérait les colonies comme une partie naturelle de l’héritage de la patrie et la censure avait créé un voile de désinformation sur ce qui se passait en Angola, au Mozambique et en Guinée-Bissau, dissimulant les débâcles militaires et réduisant au silence toutes les voix qui pouvaient être réticentes au maintien de la guerre.
D’autre part, les oppositions elles-mêmes avaient des opinions politiques et des positions tactiques différentes sur la question coloniale. En effet, certains secteurs républicains libéraux critiquaient la dictature, mais considéraient qu’il est légitime de maintenir la présence portugaise en Afrique. Le PCP, quant à lui, établit rapidement un discours qui oscillait entre une rhétorique nationaliste qui insistait sur le coût de la guerre pour le pays et un « mode prolétarien » qui mettait l’accent sur la solidarité internationaliste avec les colonies31. En même temps, le parti se gardait bien d’introduire le thème de la guerre dans les structures frontistes ou dans les espaces politiques que le régime tolérait à certains moments.
En fait, lorsque les guerres coloniales ont éclaté, le PCP a été le seul groupe à reconnaître le droit des colonies à l’autodétermination et à l’indépendance. Lors de son Cinquième Congrès, en 1957, il avait remplacé sa position antérieure, fondée sur la création de sections locales du Parti dans les colonies, par une autre consistant à encourager les partis ayant une base et une orientation fondamentalement indigènes et visant à lutter pour l’indépendance.
Cependant, la question qui va être au centre de la polémique avec les collectifs de sa gauche est celle de la position à adopter par ceux qui sont appelés à combattre. Tout en affirmant ne pas être opposé de manière générale aux désertions, surtout si elles sont collectives, le PCP encourage ses membres à refuser les « désertions individuelles ». Pour le Parti, il faut aller le plus loin possible, y compris sur les champs de bataille, pour éclairer les autres soldats et organiser le refus du combat32.
Quant à l’extrême gauche naissante, l’éditorial du premier numéro de Revolução Popular, l’organe du CMLP, affirme que le début des guerres de libération des peuples coloniaux a créé les « conditions objectives » pour que l’insurrection se développe au Portugal. Ainsi, au nom de la « révolution démocratique et populaire », nécessairement armée et basée sur l’alliance ouvrière et paysanne, la lutte des révolutionnaires portugais doit être liée à la lutte des mouvements indépendantistes.
Dans le même temps, un glissement s’opère qui réduit l’attention portée à la perniciosité du régime de Salazar pour souligner la prépondérance structurelle du colonialisme, que les Républicains eux-mêmes n’ont pas touché, et du capitalisme, base effective de l’exploitation coloniale. Combattre le « chauvinisme impérialiste » qui s’était incrusté dans les masses ouvrières devenait essentiel, tout comme il était essentiel de démasquer toutes les couches de la bourgeoisie comme ennemies du mouvement de libération dans les colonies. On reproche ainsi à la « révolution démocratique et nationale » du PCP de reposer sur une large base sociale obtenue par « l’unité de tous les honorables Portugais » (formule d’Alvaro Cunhal), ce qui revient en fait à fabriquer un « mouvement anticolonialiste commun au prolétariat et à la bourgeoisie »33.
Cependant, même à la fin des années 1960, l’approche critique de la guerre coloniale était encore résiduelle et difficile. Contrairement à l’attitude pessimiste de la hiérarchie générale, certains secteurs catholiques développent une approche pacifiste, essentiellement caractérisée par la tentative de briser la censure et d’informer sur la guerre. Cependant, jusqu’à la fin des années 1960, l’opposition au conflit reste limitée à quelques cercles de réflexion critique.
Cela explique que la première manifestation publique contre la guerre, en février 1968, soit une manifestation contre l’action américaine au Viêt Nam. Ce geste démontre l’importance du Vietnam comme symbole de la lutte internationaliste contre l’impérialisme, mais il montre aussi qu’au Portugal, la critique de la guerre se faisait encore par analogie, même dans les secteurs de la gauche radicale. Rapidement, cependant, le radicalisme émergent place la guerre coloniale au sommet de l’agenda des revendications.
Au début des années 1970, on assiste à une augmentation du nombre de jeunes Portugais dans d’autres pays européens, qui arrivent souvent dans des situations très précaires et qui bénéficient souvent du soutien de structures civiques et religieuses, de militants de gauche locaux ou de collectifs axés sur la condamnation du colonialisme, tels que le Comité Angola aux Pays-Bas. Le PCP (M-L) et O Comunista / OCMLP disposent de Comités de déserteurs, animés par des militants qui combinent souvent participation à des associations d’émigrés et militantisme dans les cellules du parti.
Certaines défections collectives ont été particulièrement médiatisées. C’est le cas de la désertion, en 1970, d’anciens élèves de l’Académie militaire et, plus tard, en 1973, de la désertion de cinq marins portugais lors de l’arrêt de la frégate Almirante Magalhães Correia dans les ports danois, organisée par les Comités de déserteurs suédois et danois, liés à O Comunista / OCMLP.
Plus qu’une déclaration générale de pacifisme, la désertion est perçue comme un refus moral de se joindre au combat colonialiste. Qu’ils soient ou non tentés par l’ombre avant-gardiste de la lutte armée – et certains le sont, comme l’OCMLP qui se prépare à prendre les armes au moment du 25 avril – les groupes maoïstes portugais sont incontestablement marqués par une volonté de rupture où la présence des armes est perçue comme un élément nécessaire au renversement de la dictature et à l’instauration d’une société sans classes.
Ainsi, contrairement au PCP, parfois prudent dans son approche explicite de la question, le radicalisme M-L émergent place la guerre coloniale au sommet de l’agenda revendicatif. Presque tous les groupes disposaient de structures spécialement créées pour la lutte anticoloniale, dont certaines sont devenues plus célèbres que les organisations M-L qui les soutenaient. Le CRML (Comité révolutionnaire marxiste-léniniste) est confondu avec les Comités de guerre populaires, qui sont sa seule face visible, résultat de la compréhension par ce groupe de la guerre coloniale comme « contradiction fondamentale de la formation sociale portugaise »34. En conseillant la désertion – avec des armes si possible, comme le proposent certains groupes – ils se distancient de la proposition d’aller au front, que le PCP défend pour ses militants. La position face à la guerre – c’est-à-dire le choix entre déserter ou rester dans l’armée – a souvent été cruciale dans la préférence du camp politique.
L’ombre politique du PCP
Une autre question qui définit l’identité de ce camp politique – et sa différence interne – réside dans son attitude vis-à-vis de l’espace idéologique du PCP. Dans un premier temps, entre 1964 et 1965, correspondant à la définition initiale du FAP et du CMLP, des tentatives ont été faites pour se rapprocher des centres militants du PCP. Ces tentatives visaient essentiellement à créer une ligne de partage entre une stratégie considérée comme « révisionniste » – c’est-à-dire comme subordonnant le projet émancipateur communiste parce que soumis à une logique d’alliance avec des secteurs républicains libéraux – et les militants qui pouvaient adopter une position plus combative et classiste si on la leur présentait. Le fait que les principaux animateurs du CMLP soient d’anciens membres du PCP explique en grande partie la tentative – et la possibilité, du moins en théorie – de contester le terrain dans lequel le parti s’enracine.
Les organisations qui émergent dans la période suivante sont déjà plus éloignées du PCP. Le MRPP se distinguera par sa conviction qu’il n’y a jamais eu de parti communiste digne de ce nom au Portugal, ce qui signifie qu’il s’agit, en somme, de créer un parti communiste en lutte qui n’a jamais existé. Dans un autre ordre d’idées, des groupes comme le PCP (ML) ont parlé de la nécessité d’attirer des « communistes prêts à l’emploi », dans une tentative de se connecter à l’univers du PCP qui a été poussé au paroxysme en désignant son moment de fondation en 1970 comme le « Vème Congrès »35.
En réalité, la stricte base militante du PCP était peu perméable au harcèlement des M-L. De plus, ces organisations étaient de plus en plus composées de militants qui n’avaient pas été politiquement socialisés dans les instances du PCP, même si certains de leurs dirigeants initiaux étaient issus des structures étudiantes du parti.
Cela ne signifie pas que le PCP n’ait pas perçu ce champ politique pluriel comme une menace pour le maintien de son hégémonie dans l’opposition. Cela explique en partie le contenu du livre O Radicalismo Pequeno-Burguês de Fachada Socialista (Le radicalisme petit-bourgeois à façade socialiste), écrit par Álvaro Cunhal en 1971, qui reprenait le geste de Lénine contre la « maladie infantile du communisme »36. D’autre part, ce sont les jeunes radicaux à la gauche du PCP qui ont cherché dans ces années à explorer l’histoire du mouvement ouvrier au Portugal et les origines du Parti Communiste.
L’une des premières analyses historiques sur le PCP a été rédigée à la fin des années 1960 par Francisco Martins Rodrigues et diffusée en tant que manuel d’étude pour les prisonniers maoïstes dans les prisons37. De nombreux militants de groupes « marxistes-léninistes » ou d’autres affiliations radicales se sont éveillés à cette époque à l’étude de l’introduction du marxisme dans le pays et à l’histoire du PCP et du mouvement ouvrier portugais, à la recherche des fils historiques d’une combativité communiste qui était perçue comme décousue et dont les origines historiques étaient, dans une large mesure, encore inconnues38.
L’hostilité entre communistes et maoïstes a atteint la prison elle-même, en particulier à Peniche. Il y eut d’abord des tentatives d’unité, qui se sont rapidement effondrées. Un document de 1970 note qu’entre 1965 et 1967, « la politique des marxistes-léninistes [était] de montrer aux gardiens qu’il n’y avait apparemment pas de divergence entre eux et les révisionnistes en termes de lutte »39. Cependant, dans un document saisi par la PIDE, qui analyse les actions des « marxistes-léninistes » arrêtés en 1966 et indique des lignes stratégiques pour l’avenir, il est stipulé la nécessité d’une divergence avec les prisonniers du PCP, reprochant à certains camarades de s’être laissé « impliquer dans une certaine mesure dans les paroles et les attitudes unitaires des révisionnistes »40.
A Peniche, les prisonniers liés à l’extrême gauche s’éloignent progressivement des prisonniers du PCP jusqu’à ce que, en 1970, les contacts physiques, les stratégies communes de lutte ou même les commémorations communes aient pratiquement cessé. Alors que tous commémoraient le 1er mai – mais pas conjointement – l’extrême gauche célébrait également le 18 janvier (date d’un soulèvement ouvrier manqué en 1934 contre l’Estado Novo naissant), le 1er octobre (anniversaire de la révolution chinoise de 1949), la révolution russe d’Octobre (le 7 novembre) et le 4 février (début de la lutte armée en Angola), tout en censurant les militants du PCP qui commémoraient le 5 octobre et le 1er décembre41.
En observant l’espace carcéral, on obtient également une image de la présence du maoïsme au Portugal à l’époque : au moment du 25 avril, le nombre de prisonniers maoïstes et d’autres prisonniers d’extrême gauche était proche du nombre de prisonniers du PCP.
Un maoïsme portugais ?
Marquée par des influences idéologiques généralement communes, la vérité est qu’il s’agissait d’un espace politique pluriel. Les termes mêmes de « marxiste-léniniste » et de « maoïste », parfois utilisés comme synonymes, peuvent renvoyer à des vagues différentes du mouvement.
En effet, alors que la première phase du maoïsme – qui coïncide historiquement au Portugal avec l’expérience du FAP/CMLP – se caractérisait elle-même comme « marxiste-léniniste », à partir de 1970, les termes « marxisme-léninisme-maoïsme », « maoïsme » ou « pensée de Mao Zedong » ont commencé à apparaître. Le MRPP n’est pas le seul groupe à s’être distingué en utilisant le « maoïsme » comme étiquette pour se caractériser. Toutes deux pro-chinoises, les deux lignées évoquent deux Chines différentes : la Chine du conflit sino-soviétique dans le premier cas, la Chine de la Révolution culturelle dans le second.
Une ligne de démarcation peut également être tracée, comme nous l’avons déjà mentionné, entre les groupes qui considéraient que le PCP avait subi un processus de dégénérescence et qu’il s’agissait donc de « reconstruire le Parti », et le MRPP qui, à partir de 1972, a clairement affirmé qu’il n’y avait jamais eu de véritable Parti Communiste au Portugal.
Une autre piste de réflexion consiste à diviser le mouvement en un courant plus « bureaucratique » et un courant plus « spontanéiste ». Le premier mettait l’accent sur l’organisation, la conspiration et la formation politique de « révolutionnaires professionnels » ; le second, très présent au sein du MRPP et de l’OCMLP, mettait l’accent sur l’idée de « construire le parti dans la lutte ».
Une autre distinction pourrait être faite entre un maoïsme qui, dans son empressement à s’identifier aux « masses », observait révérencieusement la « morale prolétarienne », et un maoïsme qui s’alignait davantage sur le caractère philo-libertaire de l’époque. Dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, ce qui vaut pour les collectifs vaut pour les individus : au sein des mêmes organisations ou dans le corps des mêmes sujets, l’imagerie de la rébellion comme parti se heurte au puritanisme et à la limitation de la vie quotidienne au nom de l’abnégation politique ; la recherche de langages esthétiques en dehors du néo-réalisme coexiste avec la compréhension de l’art comme élément de la lutte des classes ; la défense de pratiques plus informelles d’intervention politique se heurte au dirigisme et au contrôle organisationnel.
Le 25 avril 1974, lorsqu’un coup d’État militaire mené par les cadres intermédiaires de l’armée, fatigués d’une guerre interminable sur trois fronts, met fin à la dictature, le déferlement immédiat de la population dans les rues prouve l’existence d’un autre front, décalé par rapport au régime. Bien qu’il ne soit pas le seul, l’action et la rhétorique promues par la constellation de groupes et d’organisations maoïstes avaient dépassé les cercles militants les plus stricts et favorisé une politisation extrême de certaines franges sociales.
Il est nécessaire de tenir compte de la marge politique que le maoïsme portugais, en tant que forme spécifique de radicalisme, a commencé à occuper pendant la dictature afin de comprendre certaines des dynamiques, du protagonisme et de l’activisme évidents dans la période révolutionnaire agitée qui s’est déroulée entre 1974 et 1975.
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Miguel Cardina est chercheur au Centro de Estudios Sociais de l’Université de Coimbra. Il est membre coordinateur de la ligne thématique « Europe and the Global South : Heritage and Dialogues ». Jusqu’en janvier 2023, il a coordonné le projet de recherche « CROME – Crossed Memories, Politics of Silence. The Colonial-Liberation Wars in Postcolonial Times » (CROME – Mémoires croisées, politiques du silence. Les guerres coloniales et de libération à l’époque postcoloniale), financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC).
Il est l’auteur ou le co-auteur de plusieurs livres, chapitres et articles sur le colonialisme, l’anticolonialisme et la guerre coloniale ; l’histoire des idéologies politiques dans les années 1960 et 1970 ; et la dynamique entre l’histoire et la mémoire. Parmi ses ouvrages les plus récents : « Remembering the Liberation Struggles in Cape Verde. A mnemohistory » (avec Inês Nascimento Rodrigues, 2022, Routledge ; édition portugaise par Imprensa da Universidade de Coimbra, 2023), « O Atrito da Memória. Colonialismo, guerra e descolonização no Portugal contemporâneo (édition portugaise, Tinta-da-china, 2023) et la coordination du volume « The Portuguese Colonial War and the African Liberation Struggles. Memory, Politics and Uses of the Past » (2024, Routledge).
Note
[1] Marcelisme : ce terme désigne la période durant laquelle Marcelo Caetano, dauphin et successeur de Salazar, occupe la fonction de chef du gouvernement (1968-1974). Il désigne aussi l’ensemble des principes politiques défendus par Caetano. Ceux-ci se caractérisent par une relative modernisation économique ainsi qu’une libéralisation sociale et politique modérée. Ils sont habituellement résumés dans la devise « Évolution dans la continuité » [NdT].
à voir aussi
références
⇧1 | Ce texte a d’abord été publié dans la revue Ayer (nº92, pp. 123-146), avant d’être repris dans le livre dirigé par José Neves : Partido Comunista Português. 1921-2021. Lisboa: Tinta-da-china, 2021. |
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⇧2 | Fredric JAMESON: « Periodizing the 60s« , dans Sohnya SAYRES et al. (eds), 60s without apology. Minneapolis, University of Minnesota Press, 1984, pp. 178-209. Selon Jameson, les années soixante ont commencé au milieu de la décennie précédente avec le mouvement de décolonisation entrepris en Afrique britannique et française et se sont achevées vers 1972-74, avec la fin du déploiement des troupes américaines au Vietnam, la fin tragique de l’expérience chilienne et l’émergence d’une nouvelle crise économique mondiale. Sur la signification des « longues années soixante », voir : Arthur MARWICK : The Sixties : Cultural Revolution in Britain, France, Italy, and the United States, c. 1958 – c.1974, New York, Oxford University Press, 1998. Pour une analyse centrée sur le cas portugais, voir : Rui BEBIANO : O Poder da Imaginação. Juventude, Rebeldia e Resistência nos anos 60, Coimbra, Angelus Novus, 2003. |
⇧3 | Fredric JAMESON: « Periodizing the 60s », in Sohnya SAYRES et al. (eds), 60s without apology, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1984, pp. 178-209. |
⇧4 | Christophe BOURSEILLER : Les maoïstes. La folle histoire des gardes rouges français, Paris, Plon, 1996. |
⇧5 | Voir, par exemple, J. Varela GOMES : Esquerdalhos, Renegados e Outros Bandalhos : sua preciosa colaboração para o esclarecimento da magna questão da identidade nacional, ed. autor, 2003. Et aussi : Clara VIANA : » Ex-maoistas, uma história de sucesso « , Público, 15 août 2004 ; Nuno Ramos de ALMEIDA : » O charme discreto do maoismo português « , Jornal, 2 juillet 2011. |
⇧6 | George Katsiaficas suggère que ces années ont été traversées par un « effet éros » imprécis et marcusien, qui aurait produit une ligne de séparation claire entre la « vieille gauche » et ses « méthodes de coercition » et la « nouvelle gauche » engagée à « gagner les cœurs et les esprits des gens par la persuasion ». Dans ce schéma idéalisé, les maoïstes feraient partie d’une « nouvelle vieille gauche », caractérisée par l’influence d’épisodes, tels que la révolution culturelle chinoise, qui n’ont « pas grand-chose à voir avec le caractère essentiel du mouvement ». George KATSIAFICAS: The Imagination of the New Left. A Global Analysis of 1968, Boston, Massachusetts, South End Press, 1987, pp. 25-26 et 71. |
⇧7 | André et Raphaël GLUCKSMANN : O Maio de 68 explicado a Nicolas Sarkozy, Lisbonne, Guerra e Paz, 2008, p. 118. |
⇧8 | Les seules études systématiques publiées à ce jour sur l’impact mondial du maoïsme sont les deux volumes de Robert Alexander consacrés à son influence internationale dans le « monde développé » et le « monde en développement ». Bien qu’il analyse différents pays au cas par cas, le travail d’Alexander souffre d’un manque d’attention aux contextes nationaux dans lesquels chaque coupe est effectuée et souffre de plusieurs erreurs et omissions, en grande partie dues à la nature limitée des sources. Robert J. ALEXANDER: International Maoism in the Developing World, Westport, CT, Praeger, 1999; Robert J. ALEXANDER: Maoism in the Developed World, Westport, CT, Praeger, 2001. |
⇧9 | Lorenz M. LÜTHI: The Sino-Soviet Split. Cold War in the Communist World, New Jersey, Princeton University Press, 2008.Long Live Leninism, Peking: Foreign Languages Press, 1960; A Proposal Concerning the General Line of the International Communist Movement, Peking: Foreign Languages Press, 1963. |
⇧10 | Long Live Leninism, Peking: Foreign Languages Press, 1960; A Proposal Concerning the General Line of the International Communist Movement, Peking: Foreign Languages Press, 1963. |
⇧11 | Pour une comparaison du type de ruptures qui ont eu lieu dans chaque contexte national, voir : José Pacheco PEREIRA : « O Um Dividiu-se em Dois”. Origens e Enquadramento internacional dos movimentos pró chineses e albaneses nos países ocidentais e em Portugal (1960-65), Lisboa, Alêtheia Editores, 2008, pp. 65-120. |
⇧12 | Il convient de noter l’ordre peu orthodoxe de la constitution : le front a d’abord été créé et ensuite seulement l’embryon du parti. L’objectif était de faciliter l’adhésion au front des militants communistes qui restaient fidèles au parti mais n’étaient pas d’accord avec la ligne politique d’unité avec les secteurs républicains et libéraux. |
⇧13 | Francisco Martins RODRIGUES: Luta Pacífica e Luta Armada no nosso Movimento, S.l., Edições do Partido, 1970 [1964], pp. 5-9. |
⇧14 | La thèse avait été concrétisée par Cunhal dans le rapport d’avril 1964 Rumo à Vitória (Vers la victoire) et serait consacrée lors du sixième congrès du PCP, tenu l’année suivante à Kiev. Partant de l’idée que le Portugal disposait d’une bourgeoisie dépendante mais simultanément monopolistique et colonialiste, le PCP proposait une politique d’alliances antifascistes qui devait conduire, par le biais d’un soulèvement, à la « révolution démocratique et nationale », menée par un large front social incluant des secteurs de la bourgeoisie libérale et démocratique. Voir Álvaro CUNHAL : « Rumo à Vitória« , dans Obras Escolhidas, III (1964-1966), Lisbonne, Edições Avante ! 2010, pp. 1-246. |
⇧15 | Francisco Martins RODRIGUES: Luta Pacífica e Luta Armada no nosso Movimento, S.l., Edições do Partido, 1970 [1964]. Et aussi : « Editorial As nossas tarefas actuais « , Revolução Popular, n.d. ; « Luta de Classes ou ‘Unidade de todos os portugueses honrados' », Revolução Popular, mars 1965 ; « Os comunistas e a questão colonial », Revolução Popular, décembre 1965. |
⇧16 | » Cuidado com Eles « , Avante !, décembre 1964 ; Comité Marxiste-Léniniste Portugais, « Communiqué », 28/01/1965. |
⇧17 | Cette règle de comportement, que le PCP impose à ses militants depuis les années 40, a été adoptée par la plupart des groupes maoïstes. La « question du comportement », c’est-à-dire le comportement correct du militant dans le contexte de la détention et de la torture, est devenue centrale à l’époque et reste encore aujourd’hui un sujet difficile à aborder. Sur ce sujet, voir Miguel CARDINA: » To talk or not to talk. Silence, Torture and Politics in the Portuguese Dictatorship of Estado Novo « , Oral History Review, 40 (2), 2013, pp. 251-270. |
⇧18 | Direcção-Geral de Segurança, nom adopté en 1969 par le PIDE lorsque Marcelo Caetano est arrivé au pouvoir. Sur le marcelisme en tant que projet raté de réforme du régime, voir : Fernando ROSAS et Pedro Aires OLIVEIRA : A Transição Falhada. O marcelismo e o fim do Estado Novo (1968-1974), Lisbonne, Editorial Notícias, 2004. Sur le PIDE/DGS, voir : Irene Flunser PIMENTEL : A História da PIDE, Lisbonne, Círculo de Leitores et Temas e Debates, 2007. |
⇧19 | Par exemple : MRPP, « Que Viva Estalin ! », automne 1972 ; « Sobre uma provocação pidesca da confraria neo-revisionista », Guarda Vermelha, février 1973 |
⇧20 | MRPP, » Pensar, Agir e Viver como Revolucionários « , automne 1972. |
⇧21 | Manifestations de rue éphémères, de petits groupes se rassemblant pour crier des slogans et se dispersant rapidement avant l’arrivée de la police. La PSP (police de sécurité publique) a fait des rapports à la DGS sur les actions de rue du MRPP. Voir Arquivo Nacional da Torre do Tombo/Polícia Internacional de Defesa do Estado/Direção-Geral de Segurança (ANTT/PIDE/DGS), proc. 1641 CI (2), dossier 1. La PIDE/DGS a eu beaucoup de mal à comprendre la nature et la composition de ces groupes. Par exemple, un document résumant ces organisations marxistes-léninistes était truffé d’erreurs : ANTT/PIDE/DGS, proc. 12.534, CI (2), NT 7652, fl. 5-9. |
⇧22 | Pour un aperçu détaillé de ce complexe idéologique, voir : Miguel CARDINA Margem de Certa Maneira. O Maoismo em Portugal. 1964-1974, Lisbonne, Tinta-da-China, 2011, pp. 33-153. |
⇧23 | « A guerra colonial e a luta revolucionária no exército», Folha Comunista, 2, s. a. |
⇧24 | «Declaração de Princípios», CCRM-L, janeiro de 1970. |
⇧25 | Sur le mouvement étudiant au Portugal pendant cette période, voir, entre autres, Nuno CAIADO : Movimentos estudantis em Portugal : 1945-1980, Lisbonne, IED, 1990 ; Gabriela LOURENÇO, Jorge COSTA et Paulo PENA : Grandes Planos. Oposição Estudantil à Ditadura : 1956-1974, Lisbonne, Ancora Editora, 2001 ; Miguel CARDINA : A Tradição da Contestação, Coimbra, Angelus Novus, 2008 ; José Manuel Lopes CORDEIRO : « ‘Ao Serviço do Povo Venceremos’. A Oposição estudantil nos últimos anos do fascismo (1969-1974) », Boletim Cultural de Vila Nova de Famalicã, 5 (2009), pp. 119-158. |
⇧26 | Guya Accornero : « Contentious politics and student dissent in the twilight of the Portuguese dictatorship : analysis of a protest cycle », Democratisation, 20(6), 2012, pp. 1036-1055. |
⇧27 | Le cas français a été étudié en détail. Voir notamment : Marnix DRESSEN : De l’amphi à l’établi. Les étudiants maoïstes à l’usine (1967-1989), Paris, Belin, 2000. Donald REID : « Établissement : working in the factory to make revolution in France « , Radical History Review, 88 (2004), pp. 83-112. |
⇧28 | Michael LÖWY et Robert SAYRE: Revolte et Mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité, Paris, Payot, 1992; Michael LÖWY: “The Revolutionary Romanticism of May 1968”, Thesis Eleven, 68 (2002), pp. 95-100. |
⇧29 | « Um film importante. A China », Fronteira, octobre 1973. |
⇧30 | La résistance du Viêt Nam à l’Amérique est en grande partie un problème culturel – dit António José Saraiva », Comércio do Funchal, 19 octobre 1969. |
⇧31 | José NEVES: Comunismo e Nacionalismo em Portugal. Política, Cultura e História no século XX, Lisbonne, Tinta-da-China, 2008; José NEVES: « The Role of Portugal on the Stage of Imperialism : Communism, Nationalism and Colonialism (1930-1960) », Nationalities Papers, 37 (4) (2009), pp. 485-499. |
⇧32 | S.a.: « Os jovens comunistas e a guerra colonial », O Militante, août 1966. |
⇧33 | “Editorial”, Revolução Popular, octobre1964; “Os comunistas e a questão colonial”, Revolução Popular, Décembre |
⇧34 | “Editorial”, Guerra Popular. Jornal dos Comités Guerra Popular, juin1972. 1965. |
⇧35 | L’appellation « Vème Congrès » résulte du fait que le Vème Congrès du PCP s’est effectivement tenu en 1957, après la prétendue capitulation du Parti. Dans le manifeste adopté à l’époque, le groupe se plaçait dans la ligne directe du PCP, un parti qui avait compté dans ses rangs « les fils les plus dévoués de la classe ouvrière » avant de se transformer, à partir de 1956, en « ennemi de la révolution » et en « laquais du capitalisme ». PCP (M-L), » Viva o Partido Comunista!”, 1970. |
⇧36 | Álvaro CUNHAL: Radicalismo Pequeno-Burguês de Fachada Socialista, Lisbonne, Avante! 1974 (3e édition). |
⇧37 | Francisco Martins RODRIGUES: Pequena História do PCP e do Movimento Operário, Lisbonne, Cadernos Política Operária, réédité en 2008. |
⇧38 | Sans prétendre à l’exhaustivité, voir José Pacheco PEREIRA: As lutas operárias contra a carestia de vida em Portugal – a greve geral de Novembro de 1918, Porto, Portucalense, 1971; César de OLIVEIRA: O Operariado e a República Democrática, Porto, Afrontamento, 1972; César de OLIVEIRA: O Socialismo em Portugal, 1850-1900, Porto, Afrontamento, 1973; Alfredo MARGARIDO: A introdução do marxismo em Portugal. 1850-1930, Lisbonne, Guimarães, 1975; João G. P. QUINTELA: Para a história do movimento comunista em Portugal, a construção do Partido (1919-1929), Oporto, Afrontamento, 1976; Jacinto RODRIGUES: Perspectivas sobre a Comuna e a 1ª Internacional em Portugal, Ed. Slemes, Lisbonne, 1976; Ramiro da COSTA: Elementos para a História do Movimento Operário em Portugal, vol. 1 et 2, Lisbonne, Assírio e Alvim, 1979. José Pacheco Pereira, Fernando Rosas et José Alexandre Magro / « Ramiro da Costa » participeront plus tard, en 1983, avec d’autres chercheurs, à la dynamisation de la revue Estudos sobre o Comunismo. |
⇧39 | »As lutas dos revolucionários portugueses no interior das prisões » (Les luttes des révolutionnaires portugais à l’intérieur des prisons), Groupe de base A Vanguarda du Comité marxiste-léniniste portugais, s.d. |
⇧40 | Algumas experiências da actividade na cadeia em 1966», ANTT – PIDE/DGS, PC 1397/67 |
⇧41 | As lutas dos revolucionários portugueses no interior das prisões», Grupo de Base de «A Vanguarda» do Comité Marxista-Leninista Português, s.d. |