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À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps va publier du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour

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L’essentiel de la journée

Situation militaire

À l’ouest

La situation devient de plus en plus difficile. Toute la partie gauche de l’avenue de Neuilly est au pouvoir de l’armée versaillaise. Elle occupe tout le bois de Boulogne dans lequel les fédérés sont parvenus à les repousser jusque dans leurs tranchées, mais avec de grandes pertes. Les batteries de fort calibre établies dans le bois continuent la destruction du rempart. Le bombardement de la ville, d’abord circonscrit à Neuilly, aux Ternes et à la partie supérieure des Champs-Élysées, atteint maintenant un plus grand nombre de quartiers.

Au sud

Le combat est moins acharné que les jours précédents, forte canonnade des bastions sur le fort de Montrouge.

Paris est maintenant enlacé par 40 kilomètres de tranchées que dominent trois forts, le Mont Valérien, Issy et Vanves, et deux fortes redoutes, Montredout et Châtillon.

Témoignage d’Elie Reclus, 44 ans, journaliste

Les francs-maçons et compagnons fédérés sont invités à l’enterrement civil du citoyen Farête Charles, compagnon Passant, charpentier, mort en combattant.

Je ne sais si c’est le cortège du compagnon Passant que, pendant un quart d’heure, j’ai regardé défiler le long de la rue Richelieu, mais ce n’était point un enterrement ordinaire. Ce n’était point l’indifférence sous un léger masque de convenance qui présidait à cette cérémonie funèbre. L’attitude était solennelle et triste, l’impression grandiose et émouvante ; chacun pensait : demain, dans huit jours, dans 15 jours peut-être, ce sera mon tour ou celui d’un autre frère… En avant, les sourds et lourds roulement des tambours voilés de crêpe suivaient les gardes nationaux armés, puis le char mortuaire noir avec quatre flamboyants drapeaux rouges, divers insignes du travail sur le cercueil, marteau, truelle, les insignes du combat, sabre et baïonnette, une couronne d’immortelles, les tristes fleurs de la mort. Tous les symboles que nous n’avions aperçus jusque-là que dans la nuit du Temple, aux lumières de l’atelier, paraissaient au grand jour. Loge succédait à loge, corporation à corporation, elles marchaient lentement, lentement !…

Passe, passe ! Pauvre compagnon Passant ! Tu auras passé fidèlement et loyalement sur le chemin du Devoir. !

Depuis hier, pour sortir de Paris, à la gare de Lyon notamment, il faut prouver ses quarante ans au commissaire spécial de la gare, qui délivre un laissez-passer sans lequel il n’est pas possible de monter dans le wagon.

Pendant la lutte au bois de Boulogne, un jeune garçon d’une quinzaine d’années a été arrêté, il a avoué avoir reçu de l’argent de Versailles pour faire passer des lettres. Le citoyen Johannard, membre de la Commune, et le général La Cécilia, décident de le faire fusiller sur-le-champ.

1er bataillon des éclaireurs du général Eudes  (en formation)

Caserne Babylone, rue de Babylone

Enrôlements tous les jours, de neuf heures du matin à cinq heures du soir.

Solde et vivres de campagne ; Armement à tir rapide. Départ dans le plus bref délai.

Le commandant, A. PÉLICOT, ancien capitaine dans le 1er bataillon des francs-tireurs de Paris.

Les citoyens qui veulent concourir à la défense de la République en travaillant aux ouvrages de défense de Paris, par la construction de barricades et de tranchées à forfait, peuvent se présenter à la direction du génie 84, rue Saint-Dominique-Saint-Germain.

Les ouvriers qui savent faire des gabions, fascines et clayonnages peuvent se présenter tous les jours à la direction du génie. Le prix de la journée qui leur sera alloué est de 5 francs.

 

Concerts et guerre

Ce soir, au Théâtre lyrique, se tient en grande solennité une soirée musicale et dramatique en faveur des blessés, veuves et orphelins de la garde nationale des vingt arrondissements de Paris, avec le concours des artistes des principaux théâtres de Paris et des membres de la fédération artistique. Des dizaines d’airs, de la variété populaire au vaudeville, de la chansonnette à la musique classique, de piécettes, de scènes du comique à la tragédie.

Pour cette représentation de bienfaisance, le comité organisateur faisait un appel chaleureux au public, pour grossir la recette.

Les honneurs de la soirée, pour la partie littéraire, sont revenus à la grande tragédienne Agar. L’Avenir des Peuples, par Noailles, les Soldats de Faust, par les chœurs des théâtres lyriques, les citoyens Michot, Villaret, Tinion, Pacra et Arnaud, ont été chaleureusement applaudis, ainsi que les citoyennes Morio et Arnaud. Le succès de la partie comique appartient à C’est pas fini ! autrement dit Plassis, le roi des saltimbanques.

Témoignage de Martial Senisse, 20 ans, ouvrier maçonnique

Allemane a ramené ce matin dans Paris les cadavres mutilés de sept fédérés qui ont été massacrés à la Grange-Ory. C’est affreux. On les a retrouvés dans la tranchée, la tête coupée.

Je suis quand même allé ce soir avec Elise aux Tuileries. On a écouté des orchestres. Une femme, avec une ceinture rouge, chantait des refrains populaires. C’était la Bordas. Et tout le monde reprenait en cœur avec elle :

C’est la Canaille,

Eh bien ! J’en suis…
Un fédéré lui a offert un drapeau rouge. Elle s’est enveloppée dedans pour continuer à chanter. La foule a hurlé d’enthousiasme.

Aux Tuileries de 2 à 8 heures du soir, a eu lieu un concert promenade dans les salons des Tuileries. Prix d’entrée unique : 1 franc. Dans la salle des Maréchaux (2 heures), la galerie de Diane (4 heures) et la salle du Théâtre (6 heures). Partout la foule est empressée, compacte.
La citoyenne Agar, bien que malade, y a dit l’Hiver d’Hegésippe Moreau et la Lyre d’Airain d’Auguste Barbier ; elle a soulevé, comme d’habitude, les transports enthousiastes de l’auditoire. La citoyenne Camille André a obtenu un brillant succès dans les Abeilles, de Hugo, et Fernand Désaulnée a été hautement applaudi dans Sois maudit, Bonaparte ! et autres pièces dont il était l’auteur.

Le soir a accueilli avec ferveur les citoyens Henri Roze, récitant Châteaudun, et Roussel de Méry, puis l’orchestre monstre que dirigeait avec talent M. Schneider.

 

Le comité central de la garde nationale prend la direction des opérations

C’est la victoire du Comité central de la Garde Nationale dans sa lutte pour le monopole de la conduite des affaires militaires : il signe avec la Commission militaire de la Commune un accord annonçant que le Comité central est préposé par le Comité de salut public à l’administration de la guerre. Cela se traduit dans la composition de ces commissions, une large majorité (60%) est constituée de membres du Comité central : il a entre les mains toute la direction de la guerre.

Administration de la guerre

Voici les noms des membres qui composent les commissions de l’administration de la guerre :

Intendance. — Moreau.

Ordonnancement. — Piat, B. Lacorre.

Solde. — Geofroy.

Contrôle général des informations. — Gonhier, Prud’homme, Gaudier.

Commission médicale. — Fabre, Tiersonnier, Bonnefoy .

Infanterie. — Lacord, Tournois, Barroud.

Artillerie. — Rousseau, Laroque non, Maréchal.

Armement. — Bisson, Houzelot.

Génie. — Brin, Marceau, Lévêque.

Cavalerie. — Chouteau, Avoine fils.

Examen disciplinaire, enquête et secours. — Navarre, Husson, Lagarde, Audoynaud.

Etat-Major. — Hanser, Soudry.

Habillement, équipement, harnachement, campement. — Lavalette, Château, Valatz, Patris, Fourgeret.

Train. — Millet, Boullenger.

Subsistances. — Bouit, Ducamp, Grefier, Drevet.

Le délégué civil à la guerre, P.O., le chef d’état-major, P. HENRY.

Et immédiatement est prise une décision montrant ou se trouve l’autorité, car Combatz était un des membres de la garde nationale en relation avec les organisateurs du complot de Rossel :

Considérant que des plaintes nombreuses sont formulées contre le citoyen Combatz, colonel de la 6e légion, ainsi que contre son état-major, au nom de tous les bataillons existant dans le VIe arrondissement ;

Que notamment, et grâce à leur inertie, il n’a pas été procédé au désarmement complet des bataillons dont la dissolution avait été prononcée pour incivisme et refus de service.

Le délégué civil à la guerre,

ARRÊTE :

La municipalité du VIe arrondissement fera procéder, dans le plus bref délai, à l’élection régulière du colonel et de l’état-major de la 6e légion, en remplacement du citoyen Combatz et de son état-major, qui sont relevés de leurs fonctions.

Notification du présent arrêté sera faite à qui de droit par la commission communale du VIe arrondissement.

CH. DELESCLUZE, Paris, le 28 floréal an 79.

 

De nouvelles interdictions de journaux

Elles s’ajoutent aux précédentes décisions, ou confirment certains qui sont mal ou pas appliquées.

Paris, le 18 mai.

Le comité de salut public

ARRÊTE :

Art. 1er. Les journaux la Commune, l’Echo de Paris, l’Indépendance française, l’Avenir national, la Patrie, le Pirate, le Républicain, la Revue des Deux Mondes, l’Echo de Ultramar et la Justice sont et demeurent supprimés.

Art. 2. Aucun nouveau journal ou écrit périodique politique ne pourra paraître avant la fin de la guerre.

Art. 3. Tous les articles devront être signés par leurs auteurs.

Art. 4. Les attaques contre la République et la Commune seront déférées à la cour martiale.

Art. 5. Les imprimeurs contrevenants seront poursuivis comme complices, et leurs presses mises sous scellés.

Art. 6. Le présent arrêté sera immédiatement signifié aux journaux supprimés par les soins du citoyen Le Moussu, commissaire civil délégué à cet effet.

Art. 7. La sûreté générale est chargée de veiller à l’exécution du présent arrêté.

Le comité de salut public : ANT. ARNAUD, EUDES, BILLIORAY, F. GAMBON, G. RANVIER, Hôtel de ville, le 28 floréal

Il reste encore à Paris 16 journaux en plus du Journal Officiel,  Le Rappel, le Vengeur, Le Cri du Peuple, le Réveil du peuple, le Père Duchêne, Paris Libre, Le Tribun du Peuple, le Salut Public, La vérité, le Journal Populaire, le Bulletin du jour, la Politique, la Constitution, l’Avant Garde, L’estafette et le Fédéraliste.

Les formulations du décret vont plus loin que les dispositions sur la presse sous l’empire. Le fait d’interdire toute nouvelle publication interdit de reparaître sous une autre forme. Affirmer que les attaques contre la République et la Commune seront déférées à la Cour martiale et que les imprimeurs contrevenants seront poursuivis comme complices est un niveau de censure indéfendable.

Enfin, l’interdiction de La Commune donne une signification différente à cette nouvelle série d’interdictions.

Ce journal a été créé dans le feu de la Révolution le 20 mars 1871, par les rédacteurs du Vengeur et de Combat, deux journaux, supprimés l’un par le Gouvernement de la Défense nationale, l’autre par le général Vinoy. Il soutient la Commune dès son premier numéro : « La Commune, c’est l’ordre, c’est l’économie dans les dépenses, c’est la réduction des impôts, c’est la porte ouverte à toutes les réformes sociales qui s’imposent d’elles-mêmes et que les institutions monarchiques sont impuissantes à réaliser ; c’est en un mot l’ère des révolutions violentes fermée et la guerre civile rendue impossible. » Il défend le principe électif pour tous les pouvoirs publics. Petit à petit c’est Millière qui joue un rôle de plus en plus central dans le contenu éditorial[1].

Millière, qui était député à l’Assemblée Nationale, en a démissionné pour protester contre « l’abominable attentat commis par le Pouvoir exécutif » en lançant l’armée contre Paris. Il est l’animateur de l’Alliance républicaine des départements qui vise à regrouper les parisiens originaires de province, alliance qui a apporté son adhésion à la Commune.

C’est lui qui signe l’article du 3 avril : « Qui pourra nous sauver ? dit-il. Le prolétariat. De même qu’il y a quatre-vingts ans, le régime capitaliste s’est substitué au régime féodal, de même il faut qu’aujourd’hui le travail absorbe le capital. Et quand nous parlons du travail, nous l’envisageons sous toutes ses formes, agricoles, industrielles, scientifiques, artistiques et commerciales. » La Commune est favorable à une conciliation entre Paris et Versailles, mais à condition qu’elle ménage l’autonomie de Paris.

Dernier numéro de la Commune

La critique devient de plus vive contre La Commune, le 24 avril, sous la plume du proudhonien Georges Duchêne : « A peine échappé aux griffes des avocats, Paris tombe aux mains des idéalistes. La confusion est partout… Jamais pouvoir n’a entassé en aussi peu de temps un pareil fatras de contradictions. » A propos du Comité de Salut public, un rédacteur anonyme écrit : « Pourquoi commettre des maladresses à plaisir ? A quoi bon cette déclamation dans les décrets ? Pourquoi refaire du vieux neuf ? », Georges Duchêne parle de « bataclan jacobin » et déclare : « Il n’y a rien de plus fatal aux révolutions que les Mardis gras révolutionnaires ». Le 18 mai, le même, dans un article titré « Hystérie » écrit : « Est-ce qu’on déraille à l’Hôtel de ville ? Est-ce qu’on va jouer au parlementarisme ? Quoi ! la minorité intelligente se retire, non sur le mont Aventin de la révolte, mais sous la tente de l’inertie. Elle abandonne la place à l’élément ignorant, matériel, grotesque, aux braillards des clubs, aux pitres de 93… Que s’est-il donc passé d’insolite ? Les cuistres, les écervelés, les plats ambitieux, sans science ni conscience, sont en majorité… »

Cela justifie la suppression du point de vue du Comité de salut public.

Mais rend-on service à la révolution en supprimant l’expression d’avis différents au sein même de celles et ceux qui soutiennent la Commune ? Poser la question est y répondre. Le premier acte du Comité central avait été de supprimer l’état de siège. Depuis lors la Commune, à l’instigation d’un certain nombre de ses membres, puis de la majorité, a pris les mesures attentatoires à presque toutes les libertés que la révolution inaugurée le 18 mars devait garantir. Elle croit prouver ainsi sa force, alors qu’elle ne manifeste que de son impuissance.

 

Quels débats dans le peuple ouvrier de Paris ?

Thiers utilise autant le canon que la politique pour attaquer Paris, est-ce que la réponse est au bon niveau ?
Aux avants postes, les fédérés s’indignent contre la mauvaise foi, les mensonges, les insultes et demandent parfois la suppression des feuilles dites versaillaises. Mais l’entrain n’est plus le même. Tous les bataillons sont entamés, beaucoup ont été décimés. Depuis le commencement de la guerre Benoît Malon chiffre les pertes à 20 000 hommes, tués pour la plupart, car les versaillais font peu de prisonniers.

La population militante éprouvée depuis des mois voit venir l’heure terrible et cherche d’instinct à conjurer les dangers par des actes de passion révolutionnaire. Tout ce qui apparaît comme énergique est applaudi sans examen. Dans les clubs où les idées les plus violentes font fureur, la suppression des journaux est fréquemment demandée. La guerre de la parole s’amplifie, dans laquelle la minorité est accusée d’être modérée. Lorsque le Comité central, très influent, se rallie à la majorité en affirmant que lui n’avait pas dégénéré et reste la sentinelle avancée de la révolution communale, il est approuvé. En prenant cette position, joue-t-il toujours le rôle qu’il a joué au début de la Révolution? Au milieu de ces conflits de pouvoir, on mesure mal le véritable rapport de force, et donc ce qu’il est possible, ou pas de faire.

 

Quelle application du décret sur les ateliers abandonnés ?

De nouvelles réunions sont organisées pour son application.

Appel aux ouvrières

Le Comité central de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, a été chargé par la commission du travail et de l’échange de l’organisation du travail des femmes à Paris, de la constitution des chambres syndicales et fédérales des travailleuses unies ; en conséquence, il invite toutes les ouvrières à se réunir aujourd’hui jeudi 18 mai, à la Bourse, à sept heures du soir, afin de nommer des délégués de chaque corporation pour constituer les chambres syndicales, qui, à leur tour, enverront chacune deux délégués pour la formation de la chambre fédérale des travailleuses.

Pour tous les renseignements, s’adresser aux comités de l’Union des femmes, institués et fonctionnant dans tous les arrondissements.

Siège du Comité central de l’Union, faubourg Saint-Martin, à la mairie du Xe arrondissement.

La commission exécutive du comité central : NATHALIE LE MEL, ALINE JACQUIER, LELOUP, BLANCHE LEFÈVRE, COLLIN, JARRY, ELISABETH DMITRIEFF.

Pour le moment, à notre connaissance, le seul atelier réquisitionné est la Fonderie Brosse, dans le quartier de Grenelle, dans le 15ème arrondissement. Elle avait déjà un statut officiel de coopérative, mais son gérant, le dénommé Brosse, se l’était appropriée en dépossédant ses associés et se conduisait en fait comme un patron.

Le règlement intérieur est très sévère. L’heure d’entrée à l’atelier est fixée à 6 heures du matin en été, à 7 heures en hiver… les sociétaires qui ne seront pas rentrés à 6h10 ou 7h10 ne pourront plus rentrer qu’à 7 heures ou 8 heures, et s’ils ne sont pas à cette heure-là, ils perdront leur demi-journée…

Tout sociétaire qui se présentera dans l’atelier en état d’ivresse (constaté par quatre compagnons et le chef) sera renvoyé chez lui pour le reste de la journée. S’il y a récidive trois fois dans un mois, le sociétaire pourra être exclu de la Société.
Les sociétaires doivent exécuter les travaux d’après les ordres donnés par les chefs d’atelier reconnus en assemblée générale.
Les discussions dans les ateliers entre sociétaires ne sont nullement tolérées ; dans le cas où il pourrait s’en produire, les conseils réunis devront se prononcer sur le différent s’il était par trop grave…

Les ouvriers ont donc décidé cette  réquisition le 7 mai, pour un passage à une gestion réellement ouvrière.

 

Du côté des Clubs

Club Saint-Jacques-du-Haut-Pas, dans l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas

Ce soir, une cantinière a proposé d’installer à Paris « quatre guillotines en permanence pour terrifier les aristocrates ».

Maitron

 

En bref

La citoyenne Angelot, directrice des travaux à la Délégation scientifique, qui cherche les moyens de destruction au service de la Guerre que peut donner la science.

Elle a reçu à son bureau, à l’Hôtel de Villeroy un citoyen Mangin, un aérostier. Il vient apporter un ballon à la direction scientifique.

Michèle Audin

Gymnase 7h : Comme elles sont toutes, les idées de Madame Aubray. Les maris sont esclaves. L’administration vient de faire une assez forte réduction sur le prix de toutes les places. Le public comprendra cette intelligente combinaison, qui permettra à tout Paris de venir applaudir l’excellente troupe du seul théâtre qui soit resté fidèle à son poste et à son répertoire.

 

En débat

Une tribune d’Elie Reclus, 44 ans, journaliste

Quand le Comité de salut public se croit obligé de supprimer un journal tel que La Commune, qui, avec Le Réveil, a été le meilleur journal populaire dans ces deux derniers mois, il est permis de dire qu’avant d’en venir à cette extrémité, il eût mieux valu prendre une mesure radicale, générale et égalitaire et supprimer tous les journaux, ce qui, chose curieuse à constater la plupart désiraient ardemment.

[…]

La fatalité qui poursuit cette malheureuse Commune, la fatalité, c’est-à-dire la faute suprême, me semble être celle-ci: l’hésitation entre le principe et le fait, entre l‘idéal et la réalité. Entre les souvenirs de Danton et de Saint-Just et les aspirations vers l’Icarie, la liberté absolue du phalanstère, nos démocrates socialistes ne savent choisir: ils disent une chose et en font une autre, ils se contredisent, ils s’entre-détruisent. S’ils avaient compris plus nettement tout ce que comporte le principe éternel de la Liberté, ils se fussent peut-être mieux rendu compte des exigences d’une Dictature momentanée.

Tout compte fait le système de demi-liberté, de demi-restriction, adopté par la Commune vis-à-vis de la presse, n’a donné que des demi résultats qui ne satisfont personne.

Il ne m’est pas démontré que la Commune n’eût pas pu imiter l’exemple que lui ont donné les États-Unis dans la guerre de Sécession, les Confédérés laissant jusqu’au bout les Esclavagistes, leurs ennemis, les insulter et les calomnier. Il faut être fort comme l’était le parti abolitionniste pour pouvoir agir comme lui, mais, peut-être, la Commune ayant été plus sage serait plus forte maintenant. A son début, elle s’est privée d’une force immense en délibérant en secret, c’est pour cela qu’elle a échoué dans les élections complémentaires qui devraient consacrer son pouvoir. En se privant du contrôle d’une presse indépendante, la Commune s’est fait plus de mal qu’on se l’imagine. Tous ceux qui ont voulu la critiquer et l’insulter ont pu le faire impunément, je ne me souviens en ce moment que du cas de deux ou trois reporters arrêtés, puis relâchés presque aussitôt. Un homme délicat sur le point d’honneur a, jusqu’à présent, été plutôt encouragé à louer la Commune qu’à la blâmer : il est fâcheux qu’on se soit privé de l’appréciation de ces hommes-là. Et dans ce dédale de difficultés de toute nature où Paris a été jeté soudain, obligé d’organiser un nouveau monde administratif sous les bombes de l’ennemi, il est mainte et mainte affaire qui eût gagné à être étudiée par le public. L’expérience des administrés a fait défaut à la fougue des administrateurs. La presse, ou pour mieux dire, une presse vraiment sérieuse a manqué pour servir d’intermédiaire, pour discuter des systèmes et organisations possibles.

La presse n’étant libre ni à Paris ni à Versailles, les journaux aboient ici, ils hurlent là, les chiens font un tel vacarme, sans compter les canons, que les gens raisonnables ne s’entendent pas parler. Toute conversation sensée devient impossible. On en est arrivé à s’injurier et même à se calomnier de la meilleure foi du monde. Nos esprits ne se repaissent plus que d’atrocités…

 

Notes

[1] Merci à Bernard Noël.

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