La Commune au jour le jour. 9 mai 1871
À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps va publier du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour.
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L’essentiel de la journée
Situation militaire
A l’ouest
Attaque versaillaise générale sur les barricades de Neuilly.
Ils ont passé la seine et se sont établis à Boulogne, devant les remparts, au Point du jour.
Au sud
Les derniers détachements de fédérés restés au fort d’Issy l’ont quitté à l’aube. La position clef de la défense sud de la capitale, défendue avec acharnement depuis un mois, est tombée !
Après l’avoir déminé, vers midi et demi, un régiment de ligne est entré dans les ruines, a hissé le drapeau tricolore. Les batteries concentrent maintenant le feu sur le fort de Vanves, qu’elles accablent de projectiles.
A Versailles, c’est la fête, l’Assemblée suspend ses travaux pour accueillir les soldats qui ramènent les pièces trouvées au fort d’Issy.
Nouvelles des négociations de Versailles avec Bismark
Londres, 8 mai.
On demande Francfort, le 7 mai.
Dans la première entrevue avec les ministres français, M. de Bismarck n’a pas refusé de remettre à l’armée française les forts de la rive droite de la Seine. Il a insisté sur le strict paiement de l’indemnité de guerre. Il a conseillé de faire des emprunts en Angleterre, en France et en Allemagne. Les négociateurs se sont entendus sur les points principaux du traité, lequel serait soumis dès mardi à l’assemblée et à l’empereur.
Rossel exacerbe la crise !
La situation est grave, il y a nécessité de comprendre les raisons de la défaite et de prendre les mesures les plus efficaces. Ce n’est pas ce qui se passe.
Le délégué à la guerre avait hier demandé au Comité central une mobilisation de 12 000 hommes pour une offensive. A midi, les bataillons étaient alignés sur la place de la Concorde, pas loin de 10 000 hommes. Rossel arrive à cheval, parcourt les lignes et jette aux chefs de légion qu’il n’y a pas le compte et tourne bride, les laissant là.
Rentré au ministère, on lui annonce l’évacuation d’Issy.
Il écrit un texte de deux lignes, qu’il fait afficher à 10 000 exemplaires (alors que le tirage habituel est de 6000).
Midi et demi.
Le drapeau tricolore flotte sur le fort d’Issy, abandonné hier soir par la garnison.
ROSSEL
Cette rédaction laconique pour annoncer un fait aussi grave a tellement l’air d’une mystification que la Commune, mal informée, s’empresse de démentir par une dépêche affichée à la porte des mairies:
Il est faux que le drapeau tricolore flotte sur le fort d’Issy. Les Versaillais ne l’occupent pas et ne l’occuperont pas. La Commune vient de prendre les mesures énergiques que comporte la situation.
Hôtel-de-Ville, 9 mai, 8 h. du soir
Ces affirmations contradictoires illustrent le désordre qui règne dans les affaires militaires du fait des conflits entre le délégué à la guerre, le Comité central, la Commune et la Commission militaire.
Rossel prend une dernière décision, qui montre son refus d’intégrer les conditions d’une guerre en situation révolutionnaire :
Il est défendu d’interrompre le feu pendant un combat, quand bien même l’ennemi lèverait la crosse en l’air ou arborerait le drapeau parlementaire.
Il est défendu, sous peine de mort, de continuer le feu après que l’ordre de le cesser a été donné, ou de continuer à se porter en avant lorsqu’il a été prescrit de s’arrêter. Les fuyards et ceux qui resteront en arrière isolément seront sabrés par la cavalerie ; s’ils sont nombreux, ils seront canonnés. Les chefs militaires ont, pendant le combat, tout pouvoir pour faire marcher et faire obéir les officiers et les soldats placés sous leurs ordres.
Le délégué à la guerre, ROSSEL
Si la crosse en l’air est pour certains une ruse de guerre déloyale, elle peut être, à un moment donné, l’expression d’un vrai ralliement.
Rossel écrit ensuite une lettre de démission qu’il rend publique dans la presse avant même qu’elle ait été reçue par les membres de la Commune, dans laquelle il dévoile les difficultés, les entraves multiples qui selon lui ont paralysé son action, juste au moment où la prise du fort d’Issy par l’armée versaillaise peut donner aux réactionnaires de l’intérieur l’idée de profiter de la situation, pour réaliser la trahison à laquelle les invite la proclamation de M. Thiers.
Extraits lettre de démission Rossel
Paris, le 9 mai 1871.
Citoyens membres de la Commune,
Chargé par vous à titre provisoire de la délégation de la guerre, je me sens incapable de porter plus longtemps la responsabilité d’un commandement où tout le monde délibère et où personne n’obéit. …. La Commune a délibéré et n’a rien résolu. … le Comité central délibère et n’a pas encore su agir. Pendant ce délai, l’ennemi enveloppait le fort d’Issy d’attaques aventureuses et imprudentes, dont je le punirais si j’avais la moindre force militaire disponible. La garnison, mal commandée, prenait peur, et les officiers délibéraient, chassaient du fort le capitaine Dumont, homme énergique qui arrivait pour les commander, et tout en délibérant, évacuaient leur fort, après avoir sottement parlé de le faire sauter, chose plus impossible pour eux que de le défendre.
[…] Ils ne me promirent pour aujourd’hui, comme le dernier terme de leurs efforts, qu’une force organisée de 12,000 hommes, avec lesquels je m’engage à marcher à l’ennemi. Ces hommes devaient être réunis à onze heures et demie : il est une heure et ils ne sont pas prêts; au lieu d’être 12,000, ils sont environ 7,000. Ce n’est pas du tout la même chose. Ainsi, la nullité du Comité d’artillerie empêchait l’organisation de l’artillerie ; les incertitudes du Comité central de la fédération arrêtent l’administration; les préoccupations mesquines des chefs de légions paralysent la mobilisation des troupes.
[…] Deux fois déjà je vous ai donné des éclaircissements nécessaires, et deux fois, malgré moi, vous avez voulu avoir le comité secret. Mon prédécesseur a eu le tort de se débattre au milieu de cette situation absurde. Éclairé par son exemple, sachant que la force d’un révolutionnaire ne consiste que dans la netteté de la situation, j’ai deux lignes à choisir : briser l’obstacle qui entrave mon action ou me retirer. Je ne briserai pas l’obstacle, car l’obstacle, c’est vous et votre faiblesse : je ne veux pas attenter à la souveraineté publique.
Je me retire, et j’ai l’honneur de vous demander une cellule à Mazás.
Rossel
En moins de deux heures, il a réussi à rebuter les combattants, jeter la panique, flétrir les soldats d’Issy, et dénoncer à l’ennemi les faiblesses de la défense!
La commune réagit
Toutes ces annonces suscitent une discussion passionnée. Dans cette situation critique, les accusations de trahison réapparaissent, comme si elles étaient la seule explication d’un revers, d’une défaite. Le Comité de salut public est violemment attaqué, sommé de démissionner, Rossel arrêté.
Dans un moment aussi critique, la seule réponse proposée est la concentration des pouvoirs, l’unité de commandement, avec l’objectif que les mesures adoptées s’appliquent sans retard.
La Commune décide de laisser pleins pouvoirs à la Commission militaire et adopte une résolution votée grâce à l’influence de la minorité socialiste.
La commune de Paris a décidé :
1° De réclamer la démission des membres actuels du Comité de salut public et de pourvoir immédiatement à leur remplacement.
2° De nommer un délégué civil à la guerre qui sera assisté de la commission militaire actuelle, laquelle se mettra immédiatement en permanence.
3° De nommer une commission de trois membres, chargée de rédiger immédiatement une proclamation.
4° De ne plus se réunir que trois fois par semaine en assemblée délibérante, sauf les réunions qui auront lieu dans le cas d’urgence, sur la proposition de cinq membres ou sur celle du Comité de salut public.
5° De se mettre en permanence dans les mairies de ses arrondissements respectifs, pour pourvoir souverainement aux besoins de la situation.
6° De créer une cour martiale dont les membres seront nommés immédiatement par la commission militaire.
7° De mettre le Comité de salut public en permanence à l’hôtel de ville.
Paris, le 9 mai 1871.
Les secrétaires, membres de la Commune, AMOUROUX, VÉSINIER
La discussion a continué en séance de nuit en Comité secret, notamment pour nommer les nouveaux membres du Comité de salut public.
Après un discours incendiaire insultant la minorité socialiste, critiquant ce qu’il appelle sa lâcheté, sa complicité avec toutes les tentatives de trahison que chaque jour révèle, la séance a été suspendue pendant quelques minutes. Le groupe jacobino-blanquiste composant la majorité a alors quitté la salle. Une demi-heure après, comme ils n’étaient pas encore de retour, quelques membres de la minorité sont partis à leur recherche, et les ont trouvés dans une des salles de l’Hôtel de Ville, occupés à délibérer en commun et prendre des résolutions à l’insu de la minorité. Ils imposent la reprise de la séance en présence de tous les membres.
Les éclats verbaux prennent alors un tour caricatural, un membre allant jusqu’à réclamer l’arrestation de la minorité « factieuse » jugée cause de tous les désordres. Enfin, il est procédé à l’élection, cette fois-ci par tous les membres de la Commune.
Ne sont pas réélus, Charles Pyat, qui avait démissionné, Léo Meillet et Charles Gérardin. Cinq membres sont élus :
Gabriel Ranvier, réélu, 43 ans, peintre décorateur, banquiste et membre de l’Internationale franc maçon, élu du XXème
Antoine Arnaud, réélu, 40 ans, employé de chemin de fer, président d’une section parisienne de l’Internationale, élu du IIIème
Ferdinand Gambon, 51 ans, avocat, magistrat, républicain, élu du Xème
Émile Eudes, 28 ans, journaliste, Blanquiste, franc maçon, élu du XIème
Charles Delescluze, 62 ans, journalise, républicain de 1830 et 1848, élu du XIème
Les trois nouveaux élus : Ferdinand Gambon, Emile Eudes, Charles Delescluze
La fracture au sein de la Commune s’élargit. Tous ces changements dans le gouvernement inquiètent le peuple parisien : « quand le malade s’agite incessamment sur sa couche, c’est que la fièvre augmente en intensité ».
Le Comité central de la garde nationale poursuit son opération
Il décide dans cette crise d’apparaître comme une forme de recours en faisant afficher dans Paris une déclaration dans laquelle il indique entendre « mettre fin aux tiraillements, vaincre le mauvais vouloir, faire cesser les compétitions et renverser les obstacles résultant de l’ignorance et de l’incapacité, ou habilement suscités par la réaction ».
Commune de Paris
Administration de la guerre
Citoyens,
le Comité central, en recevant du Comité de salut public l’administration de la guerre, sort de son rôle, mais il a le devoir de ne pas laisser succomber cette révolution du 18 mars qu’il a faite si belle. Il faut qu’elle triomphe. Elle triomphera.
Résolu à introduire l’ordre, la justice, la régularité dans les distributions et les tours de service, il brisera impitoyablement toutes les résistances pour imprimer partout l’activité la plus grande.
Il comprend que la société étant attaquée, tous les membres sont solidaires, et que nul ne peut impunément se soustraire à la défense. Il devient de son devoir d’appliquer sans faiblesse les mesures exigées par les circonstances.
Il entend mettre fin aux tiraillements, vaincre le mauvais vouloir, faire cesser les compétitions et renverser les obstacles résultant de l’ignorance et de l’incapacité, ou habilement suscités par la réaction.
Il ne demande aux citoyens de Paris qu’un peu de patience et la défense va recevoir une irrésistible impulsion.
Citoyens, rappelons-nous les immortels défenseurs de la grande révolution : sans pain, pieds nus dans la neige, ils combattaient et remportaient des victoires. Dans des conditions meilleures, serions-nous donc moins valeureux ? … Méprisons les récriminations des lâches et des traîtres, soyons stoïques. Que diraient nos enfants si nous les rendions esclaves ? … Nos enfants seront libres, car nous maintiendrons la république et la Commune, et l’humanité nous devra son amélioration et son indépendance.
Vive la République ! Vive la Commune !
Paris, le 9 mai 1871
Par délégation du Comité central, la commission d’organisation, BOUIT, BARROUD, L. BOURSIER, L. LACORD, TOURNOIS
Le Comité de salut public nomme Edouard Moreau, 33 ans, qui a consacré depuis le début de la révolution tous ses efforts à l’organisation du Comité central de la garde nationale, considéré comme « la pensée et le verbe éloquent » de cette instance, commissaire civil de la Commune auprès du délégué à la guerre. C’est un triomphe pour le Comité central.
Des comploteurs impuissants
Gastion da Costa affirme qu’aussitôt la nouvelle de l’évacuation du fort arrivée, une délibération a eu lieu entre les comploteurs.
Dombrowski envoya sa démission, Rossel rédigea le texte sur le drapeau tricolore flottant sur le fort d’Issy. Les conjurés pensaient que l’émotion de la garde nationale apprenant la prise du fort et la démission annoncée de Dombrowski, que son courage a rendu populaire, événements dont la Commune devait être responsable, rendait possible un coup de main sur l’Hôtel de Ville.
Le blanquiste Rigault, consulté de nouveau, s’il s’affirme convaincu qu’il n’y a plus rien à attendre des « bavards de la Commune », persiste dans sa conviction qu’il faut attendre le retour de Blanqui, sinon le risque d’une lutte fratricide entre bataillons fédérés est trop important.
Mont-de-piété, suite
La délégation des finances annonce l’application du décret relatif au mont-de-piété. Mais il n’est pas possible de distribuer à toutes les objets en peu de temps.
Par suite de la suspension des ventes publiques depuis le mois d’août 1869, il y a une accumulation des objets dans des proportions extraordinaires. Huit cent mille articles sont concernés par le décret adopté.
Pour faciliter et accélérer la délivrance des effets engagés, il a été formé quarante-sept lots représentant chacun les objets engagés pendant une période de quinze jours. Pour déterminer le rang des dégagements, ces lots seront tirés au sort jeudi 11 mai.
Le premier tirage comprendra quatre quinzaines, qui seront liquidées suivant l’ordre de leur sortie de l’urne.
Après la délivrance des deux premières quinzaines, de semblables tirages au sort auront lieu successivement et seront annoncés par voie d’affiches.
Les opérations de dégagement auront lieu au chef-lieu du mont-de piété, rue des Blancs-Manteaux, et aux succursales, rue Bonaparte et rue Servan, à partir du vendredi 12 mai courant tous les jours, même les dimanches. Les emprunteurs d’origine seront seuls admis au bénéfice du décret. Leur identité sera constatée de la manière suivante : Ils devront se présenter munis d’un certificat d’identité émanant soit de la mairie, de la justice de paix, du commissariat de police ou du conseil de famille de bataillon de leur arrondissement.
Nul ne pourra présenter au dégagement plus de trois reconnaissances le même jour.
A l’assistance publique
Le directeur général de l’Assistance publique, Jean Treillard, a décidé que seuls seront admis à visiter les hôpitaux et hospices
les membres de la Commune et les inspecteurs qui lui seront désignés par le Comité de salut public, le ministère de l’intérieur et des finances. En effet le service est gêné, les malades dérangés par de multiples inspections émanant de multiples instances.
A l’hôtel-Dieu, le directeur nommé le 28 avril, Léopold Paget Lupicin, 52 ans ancien étudiant en médecine, franc maçon, Directeur de l’Hôtel Dieu a débaptisé les noms des salles et des couloirs, remplaçant les noms des saints par des révolutionnaires, comme Blanqui, Barbès et Proudhon. Il supprime le local de l’aumônier, tout en le laissant continuer sa visite des malades.
Il devient possible de procéder à des enterrements non religieux en cas de décès à l’hôpital.
Témoignage de Maxime Vuillaume, 27 ans, homme de lettres, journaliste, cofondateur du Père Duchêne
« Paget nous a fait préparer, dans une embrasure de la fenêtre du réfectoire, une petite table. Le vieux spartiate, qui a toujours vécu durement, ne possède à l’hôpital qu’une chambrette, semblable à celle que je lui connais depuis 2 ans dans un modeste hôtel meublé du quai Saint-Michel, l’hôtel de Suède. Pas de service spécial pour le citoyen directeur. Pas de domestiques autres que ceux qui servent les malades. Sur la table dans une assiette, un paquet de cigarettes d’un sous, les mêmes qui ornaient les soucoupes du ministère de l’Instruction publique, en intérim après le 18 mars.
Paget nous dit ses rêves administratifs.– Il faudra déménager cette vieille baraque où nous sommes, au plus tôt, et nous transporter en face. Du reste l’Hôtel-Dieu devrait être hors de Paris, au milieu des arbres et des fleurs.
– Ta baraque, mais on va peut-être te la démolir à coups de canon bientôt.
Paget reste songeur.
– ça va cependant toujours bien, là-bas! nous dit-il en montrant l’horizon
– Oh très bien! très bien! répondis-je, désolé de l’avoir inquiété
Paget, qui avait douté un instant de la stabilité de sa direction sembla satisfait. Nous avions fini de déjeuner.
– Et maintenant, venez voir mes bonnes sœurs
– Tes sœurs !
– Eh oui! si vous le voulez mes citoyennes.
Nous entrâmes dans la salle voisine. Des infirmières vêtues de noir, ceinturées de rouge, s’empressaient autour des lits occupés. A la tête des lits, des fleurs. Des fleurs encore sur une console adossée à la muraille.
– Eh bien! mais tes sœurs?
– Mes sœurs! Mais les voilà nous répondit Paget en nous présentant les religieuses vêtues de deuil. Ces excellentes filles, nos Augustines d’hier, n’ont pas voulu quitter leurs malades. Elles ont accepté de changer un peu leur costume. Les voici vêtues maintenant en sœurs de la commune.
Le visage de Paget rayonne. Ce qu’il ne nous dit pas, c’est que lui, révolutionnaire enragé, mais le meilleur et le plus doux des hommes, admire ces braves filles, d’un dévouement et d’une abnégation sans bornes. »
Du côté des clubs
Dans l’école de Droit
Ajax Faure et Dominique Régère sont des assidus et Jean Allemane prend souvent la parole. Ce soir, l’assistance a voté la mise à prix de la tête Thiers et de Jules Favre, la nécessité d’une carte d’identité pour tous les gardes nationaux de façon à connaître les réfractaires, la punition des gardes nationaux trouvés en état d’ivresse, la fermeture des établissements dont chef ne sera pas présent sous les 48 heures.
Club des Prolétaires ou Club Ambroise
Le citoyen Demar, en l’absence d’orateur, vient s’offrir par dévouement, de monter à la tribune, et développe les thèses démocratiques et sociales qui sont celles du jour, concernant les droits et les devoirs de l’homme… Il termine en soutenant le principe de l’instruction gratuite et obligatoire qui sera la base du développement de l’intelligence universelle…
Le citoyen Morel réclame la présence à chaque séance d’un délégué de la Commune, avec lequel on puisse s’entendre sur les décisions prises aux séances, et recevoir les inspirations de l’assemblée, être enfin en rapport direct avec la Commune. La proposition mise aux voix est acceptée à l’unanimité.
Jacques Rougerie
En bref
Ouverture d’un bureau de placement pour les ouvriers boulangers dans le IIIème arrondissement. Ce bureau ouvert à la mairie doit permettre de procurer sans frais aux ouvriers boulangers le travail qu’ils réclament. Il est ouvert à la mairie, pour que les ouvriers inoccupés s’y réunissent à la disposition des patrons qui, tous les matins, à partir de quatre heures, pourront s’y présenter et embaucher le personnel qui leur sera nécessaire.
Le délégué à la sûreté générale et à l’intérieur, considérant que le citoyen Perrin, directeur de l’Opéra, a mis tous les obstacles possibles à une représentation nationale organisée par les soins du comité de sûreté générale, au profit des victimes de la guerre et des artistes musiciens décide de le révoquer et de le remplacer par le citoyen Eugène Garnier. Il nomme une commission pour veiller aux intérêts de l’art musical et des artistes ; elle se compose des citoyens : Cournet, A. Regnard, Lefebvre-Roncier, Raoul Pugno, Edmond Levraud et Selmer.
Le service des halles et marchés, comme tous les services désertés par les fonctionnaires et employés, a été réorganisé grâce au zèle patriotique de citoyens intelligents et honnêtes. Ce service important est aujourd’hui entièrement rétabli et fonctionne de manière à assurer largement l’alimentation des habitants de Paris :
Lundi. Grand marché : taureaux, bœufs, vaches et moutons.
Mardi. Petit marché aux veaux, avec renvoi des bestiaux non vendus la veille.
Mercredi. Arrivage de toute espèce de bestiaux.
Jeudi. Grand marché : taureaux, bœufs vaches, moutons et porcs.
Vendredi. Grand marché aux veaux, avec renvoi des bestiaux non vendus la veille.
Au journal officiel
Algérie
Nous recevons d’Oran une lettre qui nous annonce que, le 1er mai, le conseil municipal d’Oran a adhéré au programme de la Commune de Paris, exposé dans la proclamation au peuple français.
En débat
La commune assemblée délibérante et agissante ?
Les débats de l’assemblée de la Commune montrent la difficulté d’organiser démocratiquement à la fois le travail d’élaboration de textes, arrêtés, décrets, le travail d’une assemblée délibérante qui demande du temps, des confrontations, des débats et à la fois celui d’une instance exécutive.
La discussion est permanente, pas seulement à l’occasion de celle sur le Comité de salut public.
Les élus à la Commune assistent à ses réunions, mais ont aussi à gérer les tâches de la mairie de leur arrondissement, pour certains celles des commissions auxquelles ils appartiennent, et enfin pour d’autres des délégations particulières, des missions ponctuelles. On constate par exemple que les membres du comité de salut public n’assistent pas tous aux réunions de la Commune.
Difficile dans cette accumulation des tâches, des responsabilités d’avoir la disponibilité pour prendre le temps nécessaire à l’appréciation des évolutions politiques, militaires en cours. Le risque est de gérer au mieux au jour le jour, sans vision d’ensemble. Or la gestion des choses n’est pas une affaire uniquement technique, face à un problème, il y a toujours plusieurs solutions, plusieurs options, y compris pour celles et ceux qui défendent des perspectives émancipatrices, qui ont des effets différents.
Diverses propositions apparaissent pour tenter de répondre à ces sollicitations parfois contradictoires. Faut-il une commission supplémentaire, le comité de salut public, faut-il faire moins de réunions, mieux préparées ?
Comment déposer les projets de textes, comment organiser le débat sur ces projets, faut-ils qu’ils soient discutées avec la délégation la commission concernées avant l’assemblée ?
Comment équilibrer un pouvoir central communal, les pouvoirs des mairies d’arrondissements, ceux des diverses autres instances, et donner à toutes ces initiatives qui font vivre la révolution, qui lui donnent cette force émancipatrice extraordinaire, un sens global dans l’affrontement avec l’état incarnée par Thiers et son gouvernement. Car la Commune est en guerre, et cette situation impose une centralisation plus forte qu’en temps de paix.
Il n’empêche, comment faire pour à la fois avoir une démocratie directe, et un système dans lequel les pouvoirs sont contrôlés par des contre-pouvoirs qui permettent de faire vivre les controverses indispensables à l’élaboration commune des meilleures réponses à la situation ?