La survie paradoxale d’un antisémitisme d’origine chrétienne
Les médias dominants et le personnel politique – de Renaissance au FN/RN en passant par LR – prétendent que l’antisémitisme serait passé à gauche. Outre son manque de fondement repéré de longue date par les chercheurs en science politique, cette stratégie de disqualification – promue il y a déjà une vingtaine d’années par Pierre-André Taguieff ou Alain Finkielkraut – a pour effet de dissimuler la persistance, et même le développement, d’un « énorme édifice antisémite », composé de plusieurs dizaines de maisons d’édition, qui prospère à l’ombre des droites radicales.
La littérature antisémite écrite, en 2023, ce sont des centaines d’ouvrages, des livres réédités ou produits et diffusés par des équipes discrètes liées à différents courants de l’intégrisme catholique et des droites radicales contre-révolutionnaires ou nationales-socialistes. Dans une série d’articles que vous propose Contretemps, le spécialiste des extrêmes droites René Monzat, auteur de nombreux ouvrages au cours des quatre dernières décennies, donne un aperçu de cette littérature, à laquelle contribuent sept familles de thématiques antisémites entrecroisées.
Le deuxième volet de cette série est un voyage dans le temps et dans une culture et des modes de raisonnement anachroniques. Nous évoquons néanmoins un pôle très prolifique d’édition reposant sur une culture structurée, le catholicisme traditionaliste, qui maintient en vie ce qui fut la première source de l’antisémitisme occidental. L’antisémitisme d’origine chrétienne devrait logiquement disparaître du fait, d’une part, de l’abandon par l’Église catholique de l’antijudaïsme et de l’antisémitisme et, d’autre part, de la déchristianisation de la société française. Or cet antisémitisme suscite de nombreuses éditions et rééditions.
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L’antijudaïsme chrétien, genèse du premier antisémitisme, bouge encore.
L’antijudaïsme chrétien a produit en deux millénaires de quoi nourrir des siècles d’antisémitisme. Il constitue la forme séminale, la plus ancienne[1], la plus durable, la plus fournie de l’hostilité aux juifs. Les sermons contre les juifs de l’Antiquité[2] et du haut Moyen-âge[3] sont toujours diffusés par les réseaux de catholiques traditionalistes[4], avec les auteurs antisémites catholiques voire orthodoxes du XIXe siècle. Ces thématiques d’origine chrétienne connaissent d’étonnantes reprises[5] par des auteurs hors de l’univers catholique.
Un indice de la vivacité de cette tradition est « De la Question Juive. Synthèse » par l’abbé Olivier Rioult en 2018. Le centre de gravité de cet ouvrage de 450 pages est religieux, comme l’indiquent les titres de chapitre : « Un drame théologique : le rejet du Messie » ; « Un enseignement problématique : le Talmud » : « Un traumatisme psychologique : le syndrome d’Israël » ; « Une histoire chaotique : Obstination et subversion » ; « Le siècle juif : la judaïsation de la société » ; « Ils ne sont pas des Juifs mais la synagogue de Satan » ; « Le règne de l’Antéchrist. » La conclusion s’inscrit dans un registre religieux en appelant à la conversion des juifs.
Mais cette « synthèse », loin de se cantonner au rappel des textes de l’antijudaïsme, des papes, Pères de l’Église[6], saints[7], abbés[8] et autres théologiens, voire du Nouveau Testament, entend aborder tous les aspects de la « question juive », résume les thématiques de la subversion juive et surtout, celle de la domination juive : « La judaïsation de la société » durant le XXe siècle. L’auteur s’appuie pour ce faire sur un large éventail d’écrits, y compris ceux publiés par des éditeurs nationaux-socialistes.
Il met à contribution des auteurs antisémites laïcs du siècle dernier, tels Adrien Arcand[9] ou Abel Bonnard[10], aussi bien que des contemporains : ainsi Hervé Ryssen[11] et Israël Shamir[12] sont-ils très souvent cités. Voire des auteurs aussi différents que Jérôme Bourbon dans Rivarol, Martin Peltier[13], Alain Soral, Mark Weber[14].
Le cas de l’Abbé Rioult n’est pas isolé. Deux revues catholiques marginales au sein même de la sensibilité intégriste, Sodalitium et Sous la Bannière ont publié des articles antisémites, numéro après numéro, des années durant. Ces contributions assez délirantes semblent aujourd’hui suffisamment précieuses à certains éditeurs de droite radicale pour justifier une nouvelle publication sous forme de livres.
Ainsi Le Diable pour père. Introduction à la question juive » rassemble en 520 pages les articles de l’abbé Curzio Nitoglia parus depuis 1991 dans Sodalitium. Se plaçant dans le sillon de la revue jésuite La Civiltà Cattolica[15], l’ouvrage publié chez Omnia Veritas oppose la tradition catholique et « la fausse cabale (rabbinicopharisaïque) [dans laquelle] la créature (comme déjà Lucifer) a la prétention de se faire égale à Dieu par son propre effort et au moyen d’une technique (gnosis). ».
C’est en revanche dans la revue Sous la Bannière que Félix Causas (Philippe Caussin) publia un flot d’articles, parus entre 1986 et 2017, rassemblés en 2022 sous le titre Combat contre la synagogue de Satan en pas moins de 9 volumes, pour un total de 3000 pages, chez ESR.
L’inépuisable thématique des crimes rituels
La thématique des meurtres rituels constitue un sous-ensemble de publications étonnamment fourni au XXIe siècle. Cette légende, abondamment propagée par des ecclésiastiques, est reprise par la propagande nationale-socialiste au XXe siècle. Elle ne constitue pas un antijudaïsme religieux ou théologique, mais un antisémitisme souvent clérical.
Un très large échantillonnage de sources de cette thématique telle qu’elle fut diffusée au XIXe et XXe siècle est aujourd’hui disponible. Un journaliste du quotidien catholique l’Univers, Louis Rupert, publie en 1859, L’Église et la synagogue, réédité en 2011[16] consacré aux crimes rituels, divisé en trois chapitres :
« Aperçu général des maximes religieuses et morales admises dans la Synagogue depuis sa réprobation », puis « Haine, intolérance, persécutions, meurtres, trahisons, fraudes, vols, sacrilèges, mauvaise foi et crimes de tous genres dont la Synagogue s’est rendue coupable en suivant les doctrines talmudistes ou traditionnelles, telles que nous les avons fait ressortir dans le chapitre précédent et considérées sous le double rapport religieux et politique » ; et enfin « Hommes et enfants chrétiens mis à mort par les Juifs en haine de Jésus-Christ. -Causes de ces barbaries. -Préjugés et confiance dans les opérations magiques. »
Il s’agit du premier livre consacré principalement aux crimes rituels et destiné à un public laïc en France[17]. Deux livres consacrés à la même thématique paraissent en 1889, quarante ans plus tard :
– Le Mystère du sang chez les juifs de tous les temps, Henri Desportes[18], réédité en 2020. L’auteur est un prêtre catholique, qui publiera en 1890 un roman antisémite : Le Juif franc-maçon.
– Le Sang chrétien dans les rites de la Synagogue moderne, selon la Réfutation de la religion des Juifs, de leurs rites et pratiques par le témoignage de l’ancien et du nouveau Testament[19], initialement publié en langue moldave en1803 par un moine orthodoxe, a été traduit en roumain, puis en diverses langues dont le français en 1888. La réédition contient la préface de l’édition roumaine de 1935, ainsi qu’une préface de l’éditeur de 2005.
Paru un quart de siècle après Le Sang chrétien, mais réédité en 2001, Le Crime rituel chez les Juifs[20] regroupe huit articles d’Albert Monniot[21] (1862-1938), parus en 1913 dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (RISS). Ils ont été publiés en un volume chez Téqui en 1914 sous le même titre, avec une préface d’édouard Drumont.
Ce recueil fait partie de la réédition thématique systématique de la RISS menée à bien par les éditions Delacroix. Cette réédition reprend les 13 000 pages de cette revue parues entre 1912 et 1939. La réédition des éditions Saint Rémi est plus imposante encore, comprend « un total de 65 volumes, 28 441 pages, prix : 2065 € ». La RISS était animée par Mgr Jouin (1844-1932) et en lien avec les réseaux catholiques conservateurs de La Sapinière de Mgr Benigni (1862-1934) au Vatican[22].
Le Crime rituel chez les Juifs sera plusieurs fois réédité au XXIe siècle. Reprenant abondamment les ouvrages précités, Monniot, après avoir soutenu que les erreurs de nom et de dates n’atteignent pas « la thèse » ni n’effacent « la longue liste de crimes », explique : « Pouvons-nous être, en ces matières, autre chose que des compilateurs plus ou moins avertis, plus ou moins objectifs, plus ou moins documentés ? » (p. 143).
Le Crime rituel de Kiev[23], illustration et complément, est aussi disponible en 2022 chez le même diffuseur DPF[24]. Meurtre rituel juif[25] est la traduction contemporaine d’un ouvrage du chef de l’Imperial Fascist League, Arnold Spencer Leese (1878-1956), paru en Grande-Bretagne en 1938. Arnold Leese, condamné par la justice britannique pour un article de The Fascist, rédigea ce texte en guise de démonstration de son article. La quatrième page de couverture de la traduction française de 2017 précise qu’Arnold Leese « rapporte ici toutes les preuves selon lesquelles le meurtre rituel juif est enregistré comme un fait établi en Grande-Bretagne et ailleurs. »
Il recense les accusations de crime rituel dans la production catholique, chez les antisémites français, mais aussi des affaires plus récentes (en 1938) rapportées par la presse, et cite en bibliographie des brochures nazies, ou le numéro spécial du Stürmer, principal journal antisémite du IIIe Reich, de Julius Streicher. Bien que l’autoédition de la traduction évoque une méthode artisanale et le logo d’un aigle sur une roue solaire surchargé du mot Didi18 en caractères gothiques fasse blague de potache, le livre, couverture dos carré collé en couleur, sera livré le lendemain de la commande chez Amazon.
Une brochure de Frederik to Gaste, La vérité sur les meurtres rituels juifs[26], sera traduite en français et rééditée après 2010. L’édition originale est parue sous le titre Die Wahrheit über die jüdischen Ritual Morde, à Berlin en 1930 aux éditions Verlag Paul Hochmuth, réédité notamment en 1937 et en 1943. Il a été traduit en polonais et en ukrainien en 1943. Ces traductions illustrent donc la sixième famille des productions antisémites, celle de la réédition et de la perpétuation de l’antisémitisme nazi.
Si les versions imprimées de L’Azyme de Sion du général Mustafa Tlaas parues dans les années 1990 sont épuisées[27], l’ouvrage, toujours disponible en téléchargement[28], traite de l’assassinat du père Thomas à Damas en 1840[29]. Mustafa Tlaas (1932-2017), ministre de la défense de la dictature syrienne de 1972 à 2004, a rédigé un ouvrage qui s’inscrit dans la veine de l’antisémitisme clérical chrétien européen sans aucun enracinement culturel dans le monde musulman. Cela a pu faciliter les contacts de la famille Tlaas avec l’extrême droite française[30].
La thématique ne se limite pas à cette dizaine de livres, des développements sur les crimes rituels juifs figurent dans nombre d’ouvrages sans en constituer pour autant le sujet principal[31].
L’anti-talmudisme
Autre sous ensemble bien identifiable, découlant de l’antisémitisme religieux sans s’y fondre entièrement : des ouvrages du XIXe et XXe siècles fondés sur une lecture du Talmud[32]. Ils n’en font pas une critique théologique[33], mais lisent dans telle ou telle citation l’explication des comportements civils qui seraient partagés par les juifs en général, religieux ou non. En ce sens ils s’inscrivent dans l’antisémitisme et non dans un antijudaïsme critique de la religion juive. A en croire ces auteurs, le comportement des juifs obéirait à une lecture littérale d’extraits de textes religieux choisis et interprétés par leurs adversaires antisémites.
Le premier en date, Les Juifs selon le Talmud[34], de l’abbé Auguste Rohling (1839-1931), est traduit et publié en France en 1888 dans une version résumée (qui sera reproduite et circulera à nouveau dans les années 1990), et en 1889 dans une traduction augmentée et préfacée par Edouard Drumont (plusieurs fois rééditée après 2010[35]).
La même année, 1888, Goré O’Thouma publie à Tulle L’Esprit Juif ou les Juifs peints par eux-mêmes d’après le Talmud, réédité en 2020[36]. L’auteur, qui utilise un pseudonyme, lit le Talmud comme une clé de la question sociale :
« Ce livre a pour but de chercher à éclairer une question encore obscure, particulièrement pour les Français : c’est la question juive, qui à notre avis n’est que la question sociale actuelle. Cette question agite l’Europe et reparaît chaque année sous forme d’émeutes dans les pays pressurés par les Juifs. »
La présentation par ESR d’une réédition de Les Juifs et le Talmud, morale et principes sociaux des juifs d’après leur livre saint : Le Talmud[37], publié par Flavien Brenier juste avant la Première Guerre Mondiale, précise, en résumant une page de l’ouvrage :
« Il y a eu dans les civilisations antiques, comme nous l’avons rappelé au début de cet ouvrage, des religions ayant pour but le Mal, honoré notamment sous la forme de la Cruauté et de la Luxure. Que des satanistes peu nombreux et un peu fous la pratiquent de nos jours, nous consentons à le croire. Mais presque personne n’ose le croire possible des Juifs, des Juifs campés au milieu de nous. ».
Brenier conclut son ouvrage par une concession formelle, d’une demi-phrase, à la position catholique :
« Ce n’est donc pas à la race juive en elle-même, à cette race qui a donné au Dieu vivant des patriarches, des apôtres et des martyrs que nous nous attaquons : c’est au Juif tel que l’a fait le Talmud, cette expression suprême de la pensée pharisienne, au Juif déicide, fourbe, voleur et meurtrier. Puisse ce court travail le faire connaître tel qu’il est et juger comme il le mérite. »
Les études du Talmud par Paul Drach (1791-1868), rabbin talmudiste converti au catholicisme, sont intellectuellement plus solides. Elles obéissent à un dessein explicite : montrer que la religion juive annonçait l’arrivée du Christ, et Drach voit « dans la cabale l’une des plus sûres voies d’apologies du catholicisme »[38]. Son analyse, parfaitement orthodoxe du point de vue catholique, s’en tient au domaine religieux. Paul Drach s’en prend avec fougue et véhémence aux auteurs catholiques antisémites qui s’appuient sur des citations du Talmud, mal traduites et retraduites voire purement imaginaires, de la part de personnes qui n’ont ni connaissance ni intelligence du sujet.
Pour ces raisons[39], Drach est publié par la maison catholique Éditions Sainte Agnès et par Via Romana, éditeur lié à l’extrême droite, mais hors du champ de notre étude, qui a publié, sous le titre La Cabale des Hébreux, un texte[40] qui tendrait à renforcer, selon le rédacteur de la très longue préface (54 des 134 pages du livre), la thèse d’une « tradition primordiale ».
En revanche, la grande œuvre de Paul Drach, De l’Harmonie entre la Synagogue et l’Église, ou perpétuité et catholicité de la religion chrétienne (Paris 1844), est rééditée par des éditeurs de reprints mais pas par les éditeurs intégristes, alors que ces ouvrages sont absolument conformes à l’orientation d’une Église catholique religieusement et politiquement conservatrice du XIXe et argumentent avec fougue contre la religion juive.
La Lettre d’un rabbin converti à ses frères israélites sur les motifs de sa conversion, parue en 1825, (69 pages), suivie d’une deuxième édition en 1827 (334 pages) puis d’une troisième lettre en 1833 (364 pages), n’ont pas plus tenté les éditeurs, comme si une controverse théologiquement construite et pleinement orthodoxe[41] sans tonalité antisémite, ne les intéressait pas.
Un enjeu théologique des écrits anti-talmudiques réside dans l’interprétation du lien entre les juifs et l’Ancien Testament. Ces écrits rompent avec l’interprétation de la Kabbale par Paul Drach. Ils présentent les juifs comme les adeptes d’une religion qui, depuis Moïse, aurait été transmise et a perduré exclusivement par transmission orale jusqu’à la destruction du temple de Jérusalem en 70 après JC. Cette religion des juifs serait donc distincte de la théologie biblique (laquelle annonce, selon les lectures chrétiennes, le messie Jésus) et aurait été couchée par écrit dans les deux Talmud.
Ces auteurs se livrent donc à une appropriation rétrospective de l’Ancien Testament par le catholicisme, rejetant le judaïsme dans une tradition influencée par les cultes babyloniens[42]. Il n’existe pas de de rupture identifiable entre les textes strictement antisémites et ceux qui se livrent à une critique de la religion juive du point de vue catholique.
Ainsi les différents ouvrages des abbés Augustin et Joseph Lémann[43] peuvent pour certains illustrer l’approche antisémite ou la critique religieuse. Par exemple l’étude sur la régularité juridique, du point de vue du droit rabbinique, des actes du tribunal qui condamna Jésus ne revêt pas obligatoirement dans son objet une dimension antisémite, nonobstant sa pertinence ou sa qualité historique. En revanche les publications de la brochure Valeur de l’assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ tant par l’éditeur DFT que par les ESR s’insèrent bien dans une perspective d’antisémitisme à justificatifs religieux[44].
L’Église catholique devrait s’opposer à l’émancipation des juifs
Au XIXe siècle les ecclésiastiques conservateurs reprochaient aux juifs d’avoir choisi l’émancipation politique, en lieu et place de la conversion religieuse au catholicisme, de préférer la République au Roi. L’abbé Joseph Lémann reproche à la Révolution et à Napoléon l’émancipation des juifs dans L’Entrée des israélites dans la société française[45] (1886) et développe une argumentation qui tranche avec l’antisémitisme grossier que Drumont diffusera bientôt.
Il analyse la « haine aveugle » contre les juifs de Mahomet, Luther et Voltaire (le premier dans les guerres menées contre les tribus juives, les deux autres dans des textes orduriers). Joseph Lémann leur oppose point par point l’attitude des papes qui ont accueilli, protégé les juifs et qui prient pour eux : « les Papes se lèvent avec une intrépidité invariable, toutes les fois qu’on les massacre ; ils réprouvent et frappent d’anathèmes les égorgeurs et couvrent de leur majesté, de leur compassion et de leur protection les pauvres victimes »[46] ; en d’autres termes il invoque des raisons théologiques et historiques pour rejeter la haine des juifs.
« Cette aversion haineuse des hérétiques contre les juifs peut s’expliquer, d’abord, par l’aversion même qui les animait contre l’Église catholique. La religion juive, en effet n’est-elle pas la base du catholicisme ? Or, en faisant disparaître la base représentée par le peuple juif, la haine avait la certitude et la jouissance de ruiner plus sûrement, plus radicalement l’Église.
Voilà pourquoi, à mesure que la haine contre l’Église catholique se développe et devient plus intense, le peuple juif, également, est plus détesté. Ainsi Mahomet a supporté plus patiemment, surtout dans les commencements, les juifs que Luther. Et Voltaire, qui a porté, contre l’Église, la haine à son paroxysme, a eu, contre les juifs, des accès de rage. »[47]
Ces observations sont aujourd’hui pertinentes pour appréhender l’antisémitisme païen ou ethno-nationaliste qui oppose « les religions du désert » au paganisme « religion de la forêt », et qui voit le christianisme procéder du judaïsme. L’abbé Joseph Lémann voit une deuxième explication à la haine envers les juifs :
« Il existe une inimitié supérieure, invisible, qui inspire, dirige les inimitiés visibles des schismatiques, des hérétiques, des apostats : celle de Satan. Elle est primordiale, inspiratrice des autres, leur confluent. »
Satan, qui connait les plans divins pour les juifs, « voilà pourquoi il s’est efforcé de les faire disparaître par les massacres du Moyen Age qu’il inspirait. »[48] Le ferme plaidoyer contre la « haine aveugle » des juifs s’accompagne d’un consistant bémol, et l’Abbé Lémann vante en parallèle l’impartialité des Papes. Il donne d’ailleurs une justification scripturaire aux discriminations passées :
« Ne les exterminez pas, Seigneur… mais dispersez-les par votre puissance, et rabaissez-les, vous qui êtes mon protecteur » Psaume LVIII, 12.[49]
Mais « la haine des hommes est aveugle, celle de Satan est clairvoyante »[50]. Il « reboucle » le théologique et le politique, et c’est le diable qui est à la manœuvre : l’émancipation des juifs les sortirait du plan divin les concernant.
De ce fait ayant été « bénéficiaires » de la Révolution française, les juifs en sont désignés comme les initiateurs[51]. Et au lieu de renforcer l’Eglise catholique, de donner de la crédibilité à certaines prophéties, ils contribuent à la laïcisation de la société, se livrant à une nouvelle trahison du destin qui leur est assigné par les chrétiens, deux millénaires après avoir refusé de reconnaître dans le Christ le messie tant attendu.
C’est ainsi que se noue un lien indissoluble entre l’aspect religieux et l’aspect politique de ce ressentiment, partagé y compris par les abbés qui étaient juifs et se sont convertis au christianisme catholique ou orthodoxe. L’abbé Joseph Lémann l’illustre dans La Prépondérance Juive[52], en affirmant qu’« il ne saurait être déraisonnable ou injuste de soumettre à des lois exceptionnelles une sorte de corporation qui, par ses institutions, ses principes, ses coutumes, demeure constamment séparée de la société générale. »[53]
Des ecclésiastiques commettent des textes antisémites dont le prétexte religieux passe au second plan, réédités aujourd’hui par les éditeurs catholiques traditionalistes. Ainsi La Juiverie de Mgr Henri Delassus :
« Depuis un siècle, la Révolution aidant, les Juifs se sont mis avec une ardeur nouvelle à poursuivre l’idéal de leur race, et à s’emparer pour cela de toutes les forces vives des peuples qui ont eu l’imprudence de les admettre chez eux sur le pied de l’égalité, usant à leur égard de la morale chrétienne, tandis que les Juifs ne connaissent que la morale talmudique. C’est ainsi qu’ils sont arrivés en France à nous dominer, ou plutôt à nous tyranniser au point de vue de la politique et du gouvernement, de la haute banque et des finances, de l’industrie et du commerce, de la presse et de l’opinion. »[54].
L’argument selon lequel l’accession à l’égalité d’un groupe opprimé mènerait mécaniquement à la domination dudit groupe sur le reste de la société aura un bel avenir.
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Illustration : Wikimedia Commons.
Notes
[1] Les formes antérieures d’hostilité envers les juifs (p ex en Egypte ptolémaïque 323 à 30 av notre ère) n’ont pas de relai aujourd’hui. On peut lire Contre Apion de Flavius Josèphe, Les Belles Lettres, Classique en poche bilingue, 2018 (400 pages). Flavius Josèphe (37-100) recense les thématiques contre les juifs dans le but de les réfuter.
[2] Adversus Judaeos, de Saint Jean Chrysostome, préface de l’abbé Oliver Rioult, XB éditeur, 2021 (220 pages). Saint Jean Chrysostome, (344 ou 349-407) s’en prend aux chrétiens qui fréquentent les synagogues plus qu’aux juifs. Si la réédition de ce texte, au sein d’une œuvre immense disponible par ailleurs participe de l’édifice antisémite contemporain, se poser la question de son caractère « antisémite » dans le contexte de l’antiquité est anachronique estiment la plupart des auteurs académiques.
[3] Agobard de Lyon, de Insolentia Judeorum, Kontre Kulture, format e-pub. Jean Drault, dans son Histoire de l’antisémitisme qualifie ce texte de « première brochure antisémite publiée dans la Gaule ». L’intention de l’équipe d’Alain Soral en publiant ces textes ne fait guère de doutes. Agobard de Lyon (769 ? -840) qui fut évêque de Lyon, rédigea cinq sermons contre les Juifs. Lesdits sermons ont été publiés dans le tome 1 des œuvres d’Agobard de Lyon, aux éditions du Cerf, 2016 (495 pages). Cette édition scientifique, dans la collection Sources Chrétiennes dont elle constitue le volume 583 comprend p. 211 à 457 une introduction et le texte bilingue des sermons « Sur le baptême des esclaves de juifs », « Contre le précepte impie sur le baptême des esclaves des juifs », « Sur l’insolence des juifs », « Des erreurs et des superstitions juives », « Du danger de vivre avec les juifs et de les fréquenter ». L’évêque se préoccupe d’abord de limiter la place des juifs de Lyon plus que de nourrir les polémiques théologiques. En ce sens les textes sont bien antisémites. Néanmoins il serait anachronique de les lire comme un plaidoyer pour la liberté religieuse des esclaves (liberté de choisir le baptême), pour le droit du travail (avoir le dimanche de repos), et contre l’esclavage. En effet ils sont surdéterminés par le conflit qui opposait l’évêque à l’empereur Louis le Pieux. « Les juifs de Lyon, comme le précise Agobard et comme les y autorise Louis le Pieux, participent activement au trafic qui, passant par Verdun, puis le sillon Saône-Rhône, achemine des esclaves païens depuis les pays slaves jusqu’en Espagne musulmane », précise Michel Rubellin, dans la préface de ces textes p. 236. Agobard entendait établir un monopole des marchands chrétiens sur le trafic trans européen d’esclaves. Au regard de ce contexte le choix de saint Agobard pour nommer une maison d’édition apparaît lourd de sens.
[4] L’emprise catholique sur l’antisémitisme religieux en France explique que l’ouvrage de Martin Luther Des Juifs et de leurs mensonges, paru en 1543 ait été réédité en 2015 seulement dans une édition scientifique chez Honoré Champion (216 pages). Voir l’entretien de joseph Confavreux avec l’éditeur (Pierre Savy) sur Médiapart https://www.dailymotion.com/video/x2irk4p. Il n’y a pas d’antisémitisme protestant en France, alors que les nazis avaient largement utilisé ce texte en Allemagne dans leur propagande antisémite.
[5] L’Antéchrist et les Juifs, de Franz Spirago (1842-1942), édité en 1920, traduit et publié aux éditions du Salat en 2017 (172 pages). Cette compilation hallucinée de prophéties de pères de l’église, de mystiques (sainte Hildegarde de Bingen), de voyantes/visionnaires de faible notoriété, détourne le discours selon lequel les prophéties de l’ancien testament annonceraient le Christ, pour suggérer que les prophéties chrétiennes annoncent le monde contemporain. Le traducteur du XXIe siècle, affirme à son tour : « Nous constatons, à la lecture des prophéties de sainte Hildegarde, saint Grégoire le Grand, saint Anselme, saint Irénée, saint Augustin la réalisation prochaine de [l’] avènement » de l’Antéchrist. « Très peu de livres sont parus sur ce thème, comme s’il fallait tenir cachés les plans de l‘élite occulte qui dirige réellement le monde ».
[6] Notamment saint Justin de Naplouse (v.100- v.165), Tertullien (150 à 160-220), Origène (v.185-v.253), saint Irénée (130 à 140-202 ou 203), saint Hilaire de Poitiers (v.315-367), saint Augustin (354-430) sur lesquels s’appuie l’abbé Olivier Rioult. Celui-ci a publié La Clef des écritures, aux Editions Saint Agobard, 2022. (327 pages), sous-titré « Traité contre les juifs et les gentils qui rejettent, pour des motifs opposés, mais en raison d’une même lecture charnelle, l’admirable harmonie de l’Ancien et du Nouveau Testament, de la lettre et de l’esprit, l’Ancien étant la prophétie du Nouveau et le Nouveau la réalisation de l’Ancien, et ce par une méconnaissance du Christ, l’unique clef des Saintes écritures, qui seul donne la parfaite intelligence du salut de l’humanité ».
[7] Voir L’Antisémitisme de Saint Thomas d’Aquin, Abbé Hyppolite Gayraud (1856-1912), publié en 1896, réédité chez ESR en 2007, (141 pages). Saint Athanase d’Alexandrie (vers 296/298 – 373) dont l’Abbé Rioult affirme qu’il « accusera même du péché contre l’Esprit l’ensemble du peuple juif » (p. 55 De La Question Juive) en s’appuyant sur les Lettres à Sérapion sur la divinité du Saint-Esprit, qui ne font pas parties des lectures quotidiennes des paroissiens de base. Réédition scientifique par Joseph Lebon, collection Sources chrétiennes n°15, éditions du Cerf, 1947 (211 pages).
[8] Pierre le Vénérable, Tractatus adversus Judaeorum inveterem duritiam, 1143 ou 1144, ce texte ainsi, que les écrits anti-musulmans de ce 9e abbé de Cluny sont disponibles seulement en éditions scientifiques.
[9] Adrien Arcand (1899-1976) dans Serviam, la pensée politique d’Adrien Arcand, Anthologie, chez Reconquista Press, 2017. Olivier Rioux le présente ainsi « homme politique canadien, une des figures majeures de l’internationale fasciste. »
[10] Abel Bonnard (1883-1968), Berlin, Hitler et moi : Inédits politiques, Ed. Avalon 1987. (280 pages).
[11] Voir supra. L’antisémitisme de Ryssen n’a rien de spécialement chrétien.
[12] Israël Shamir, (Adam Ermash) (1947- ) lui-même chrétien (il a publié en 2018 Au nom du Christ), est un suédois et Israélien d’origine russe qui exprime dans ses écrits le vigoureux antisémitisme que partagent certains russes israéliens, dont certains ont diffusé des écrits néo nazis, d’autres ont commis des profanations de synagogues avec croix gammées etc. Voir l’entretien avec le rabbin Zalman Gilichinski, L’antisémitisme en Israël, dans Ras l’Front N° 103 décembre 2004, p.14, ainsi que Néo-nazis in the jewish homeland, article de Larry Derfner dans le Jerusalem Post le 25 septembre 2007 https://www.jpost.com/magazine/features/neo-nazis-in-the-jewish-homeland
[13] Martin Peltier (1951- ), aujourd’hui chroniqueur de Rivarol sous la signature Hannibal. Militant du Front national puis du Mouvement national républicain (MNR) de Bruno Mégret, il a notamment travaillé à Minute et à National Hebdo, il a publié de nombreux ouvrages dont en J’ai choisi la bête immonde : auto-psy d’un fasciste, éd. ICM, 2000 (330 pages) et L’Antichristianisme juif : l’enseignement de la haine, éd. DIE, 2014. (218 pages). La quatrième page de couverture en donne le ton :« La tradition rabbinique du Talmud a distillé un enseignement de la haine du Christ et des chrétiens : depuis deux mille ans, l’antichristianisme juif a pris les formes les plus diverses, du blasphème à la lapidation, du bûcher à la révolution. »
[14] Mark Weber (1951-) militant négationniste, voir infra.
[15] La Civiltà Cattolica (1850- ) revue jésuite conservatrice très proche du Vatican, considérée comme une revue semi-officielle du Saint-Siège.
[16] L’Eglise et la synagogue, Louis Rupert, Editions Saint-Rémi, 2011. (247 pages).
[17] Achille Laurent avait publié une relation détaillée, du meurtre du R.P. Thomas à Damas en 1840, qui défendait la thèse d’un meurtre rituel juif. Publié par Gaume frères en 1846 dans le deuxième tome d’un ouvrage à l’objet plus large sous un titre peu « vendeur », Relation historique des affaires de Syrie depuis 1840 jusqu’à 1842, l’ouvrage (902 pages) sera cité ultérieurement par d’autres auteurs antisémites réédités au XXIe siècle. La Relation historique .. est consultable en ligne sur le site de la BNF, et en e-book gratuit.
[18] Le Mystère du sang chez les juifs de tous les temps, Henri Desportes, réédité par Prœlium Veritatis, 2020. (370 pages).
[19] Le Sang chrétien dans les rites de la Synagogue moderne, selon la Réfutation de la religion des Juifs, de leurs rites et pratiques par le témoignage de l’ancien et du nouveau Testament, Néophyte, réédition augmentée en 2005, SERP Librairie Roumaine, (280 pages).
[20] Le Crime rituel chez les Juifs, Revue Internationale des Sociétés Secrètes, Ed Delacroix 2001, (196 pages), puis Le Crime rituel chez les Juifs, réédition en fac-simile, Prœlium Veritatis, (S.d.) (377 pages).
[21] Albert Monniot collabora avec Edouard Drumont à la Libre Parole, puis dans les années 1930 avec Henry Coston, qui lui-même écrivit dans National Hebdo, organe du Front national de Jean-Marie Le Pen.
[22] Nina Valbousquet, Catholique et antisémite, le réseau de Mgr Benigni 1918-1934. CNRS éditions, 2020. (328 pages). Notamment p. 44-53.
[23] Le Crime rituel de Kiev, RISS, Ed Delacroix, 2001, (51 pages).
[24] Sur cette affaire lire Un enfant de sang chrétien. L’affaire Beilis : meurtre et conspiration dans la Russie des tsars, Edmund Levin, Belfond, 2016 (500 pages).
[25] Meurtre rituel juif, par Arnold Leese, Valérie Devon, 2017, (94 pages). Les éditions Valérie Devon ont une adresse contact dans un gîte rural du Lot et Garonne, et semblent basées dans un gîte touristique aux Antilles. Valérie Devon a notamment signé la traduction du livre de Germar Rudolf : Deborah Lipstadt et l’Holocauste ou la faillite d’une historienne militante, à La Sfinge, Rome, 2017. (262 pages.)
[26] La vérité sur les meurtres rituels juifs, Frederic to Gaste, (édition 2018) publié par Vettazedition Oü, 70 pages, c’est la seconde édition chez cet éditeur, une version différant notamment par la couverture était parue chez Blurp edition, le même texte édité par The Savoisien et l’Enculus, est disponible en ligne à télécharger sur plusieurs sites dont au moins les noms diffèrent.
[27] L’ouvrage a d’abord été diffusé en France dans la version éditée par Dar Tlaas, imprimée à Damas dans les années 1990.
[28] Certaines rééditions en ligne sont « enrichies » d’une partie sur le « crime rituel de Kiev ».
[29] Sur le contexte de l’affaire de Damas, lire la synthèse de Julien Lacassagne in Orient XXI, 7 juin 2019 https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/damas-1840-le-vieux-mythe-des-crimes-rituels-juifs,3140
[30] Les liens de la famille Tlaas avec la France sont multiples. Son fils, Manaf Tlaas lui aussi général de l’armée syrienne, avait des rapports avec les néo-nazis français avant de faire défection en 2012, exfiltré dit-il, par les services secrets Français https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-monde/20120729.RUE1555/syrie-quand-le-general-dissident-etait-l-ami-de-dieudonne.html. Sa fille Nahed Tlaas (Ojjeh), fut, avec son compagnon de l’époque, le journaliste Franz Olivier Giesbert (voir FOG Don Juan du pouvoir, Marion Van Renterghem, Flammarion, 2015 (228 pages) chapitre 13 « Akram, Nahed, Franz et François ») une organisatrice de diners où se retrouvait le tout Paris https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/10/02/les-diners-de-madame-ojjeh_819062_3208.html.
[31] Par exemple, fin XIXe siècle dans La France Juive d’Edouard Drumont p. 759-769, (ce sont précisément ces pages que l’éditeur ESR a mis en valeur sur son site internet), au XXe siècle dans les Juifs devant l’Eglise et l’histoire de l’abbé Constant en 1904 (réédité par les ESR en 2013), au XXesiècle dans La Nouvelle Histoire des juifs d’Eustace Mullins ou au XXIe siècle dans La Pieuvre mondialiste attestée par les Protocoles des Sages de Sion, p. 365-379 de l’édition signée Georges Sulkos, « le Juif, est sanguinaire de nature, tout comme il est cupide génétiquement. Le Juif tue et torture car il jouit à voir couler le sang. […] Pour le Juif comme pour le Nègre et le Mongol, seul (sic) la force, la terreur et la brutalité font loi. » (P.368).
[32] Le texte du Talmud est disponible dans les principales langues européennes, ainsi qu’en hébreu moderne. Il est donc accessible aux non juifs et par ailleurs objet d’études scientifiques ou d’une foison d’ouvrages critiques sans lien avec un quelconque antisémitisme.
[33] Ils n’en font pas non plus une exégèse scientifique ni une critique rationaliste ou intellectuellement sérieuse.
[34] Le Juif talmudiste. Résumé succinct des croyances et des pratiques dangereuses de la juiverie présenté à la considération de tous les Chrétiens, Abbé Auguste Rohling, ouvrage entièrement revu et corrigé par M. l’abbé Maximilien de Lamarque. Edité par « La Voix des Nations », Bruxelles 1936. (83 pages). Réédition en fac-similé s.d. vers 1999 aux éditions Saint-Rémi. Une version re-composée de l’édition franco-belge de 1888 a été publiée en 2011 par LENCULUS (Librairie Excommuniée Numérique des CUrieux de Lire les Usuels). Une autre reproduction avec en sur titre La Question juive, s.l., s.d., s.i., amputée du premier chapitre et de la conclusion mais comprenant un « court dialogue en guise d’avertissement de l’éditeur » rédigé dans les années 1990, a circulé vers 2000.
[35] Les Juifs selon le Talmud, Abbé Auguste Rohling, préface d’édouard Drumont, ESR, 2012. (284 pages) et Vettazedition Oü, 2021 (154 pages).
[36] Goré O’Thouma, L’Esprit Juif ou les Juifs peints par eux-mêmes d’après le Talmud, réédité (fac-similé) par les Editions Saint Rémi, (261 pages) ; par l’Enculus ouVettazedition Oü en 2020 mais aussi en Janvier 2012 par General Books, 2017 par le LEN (BNF). Les multiples rééditions au début du XXIe siècle de L’Esprit Juif, ou les Juifs par eux-mêmes d’après le Talmud contrastent avec la modeste parution initiale de l’œuvre de O’Thouma à Tulle en 1888, à l’Imprimerie de J. Mazeyrie, et qui n’a jamais été réédité tant au XIXe qu’au XXe siècle et que ne citent ni Edouard Drumont ni Louis-Ferdinand Céline ni Jean Drault dans son Histoire de l’antisémitisme en France. Il faut croire que la parution la même année 1888 du Juif Talmudiste de l’abbé Rohling, préfacé par Edouard Drumont, a éclipsé celle du mystérieux O’Thouma. L’ouvrage comporte une longue introduction d’une cinquantaine de pages. Le texte lui-même, consiste en 90 pages de 257 citations référencées provenant de différentes sources : « du Schulchan aruch ou directement du Talmud », elles sont en fait sélectionnées dans les livres du Dr Justus publiés en 1883 et 1884 à Padeborn en Allemagne (Le Miroir des Juifs, Judenspiegel).
[37] Les Juifs et le Talmud, morale et principes sociaux des juifs d’après leur livre saint : Le Talmud, (Avec un aperçu des circonstances historiques dans lesquelles le peuple Juif renonça à la loi de Moïse) Flavien Brenier, publié en 1913 par la Ligue Française Antimaçonnique (88 pages), republié par ESR en 2012 (269 pages), en 2017 sans nom d’éditeur, vraisemblablement par S&B (141 pages), puis en 2018 par Omnia Veritas (206 pages). Chacune des trois rééditions a une pagination particulière, différente de celle de l’original, le texte a donc été recomposé. La maquette de l’édition de 2017, imprimée au Royaume Uni, imite celle de 1913, mais contient des illustrations alors que l’édition 1913 de la ligue anti-maçonnique n’en contient aucune. Ce sont six reproductions, notamment de gravures : Albrecht Dürer « la Grande Prostituée de Babylone », tableaux : Quentin Massys « l’usurier et sa femme » et d’un psautier légendé « que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ». Celle de 2018, imprimée en Italie, abandonne les majuscules initiales, reprend en revanche les illustrations de l’édition 2017, mais deux d’entre elles (l’Usurier et Que son sang) sont imprimées en couleur. Les couvertures des deux dernières éditions sont imprimées en quadrichromie. L’édition d’Omnia Veritas comporte (p. 198) un court apologue de Hernst Hiemer (1900-1974) traduit du recueil de textes antisémites destinés aux enfants Der GiftPilz (Le Champignon vénéneux) publié en 1938 au Stürmerverlag par le collaborateur de Julius Streicher a la rédaction de Der Stürmer. « Tout comme il est souvent difficile de dire qu’un champignon est comestible, il est souvent très difficile de reconnaître le Juif en tant qu’escroc et criminel. ». La circulation d’éléments entre les éditeurs s’accompagne d’un gain en qualité d’édition et d’impression.
[38] Jérôme Rousse-Lacordaire, La cabale au service du christianisme au XIXe siècle : le chevalier Drach et le père Perrone in Revue des Sciences philosophiques et théologiques Vol. 96, No. 4 (Oct.-Déc. 2012), p. 703 https://doi.org/10.3917/rspt.964.0703, utile présentation du contexte.
[39] Pierre Hillard, pour ces mêmes raisons, parle au contraire dans sa préface à L’Esprit révolutionnaire juif, de « conversions troubles de juifs au catholicisme » en citant le cas de Paul Drach (p 11).
[40] Il s’agit de la réédition de La Cabale des hébreux vengée de la fausse imputation de panthéisme par le simple exposé de sa doctrine d’après le livres cabalistiques qui font autorité, par le chevalier Paul L.B. Drach publié par l’Imprimerie de la propagande, à Rome en 1864, (72 pages) et qui bénéficia de l’Imprimatur, du visa des autorités ecclésiastiques.
[41] Ces ouvrages relèvent bien de l’antijudaïsme chrétien, car ce sont des explications de texte de la théologie de la substitution destinée à un public juif. Dieu qui avait noué une ancienne alliance avec le peuple Juif, lui substitua une nouvelle alliance avec les chrétiens.
[42] Cultes babyloniens interprétés au filtre de l’imagination foisonnante des polémistes du XIXe et XXe siècle, et tournant autour de sacrifices humains et en particulier d’enfants.
[43] Abbé Joseph Lehmann (ou Lémann) (1836-1915) et son frère jumeau Augustin (1836-1909). D’une famille juive de Dijon et Lyon, ils se convertirent ensemble au catholicisme à 18 ans et furent ordonnés prêtres à 24 ans, en 1860. Les écrits de deux frères illustrent une vision contre révolutionnaire de l’histoire.
[44] NN.SS. Augustin & Joseph Lémann, Valeur de l’Assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ, Introduction de Pie IX. DFT, 2005. (100 pages). L’éditeur (Diffusion de la Fin des Temps) précise : « A l’heure où tant d’hommes d’Eglise, appuyés par les médias, tentent à tout prix de disculper le judaïsme de ce crime, et de réhabiliter le Sanhédrin, il nous a paru opportun de rééditer cet ouvrage dont la lecture sera profitable aux fidèles qui tiennent à le rester ». Une « Nouvelle édition revue et corrigée » est parue : Mgrs Augustin & Joseph Lémann, Valeur de l’Assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ, précédée d’un bref du pape Pie IX, en 2018 chez ESR (97 pages).
[45] L’Entrée des israélites dans la société française et les états chrétiens, 1886 (504 pages), rééd. multiples, édition partielle Denis Létourneau, Éditeur, Québec, 1999, ESR 2015 (519 pages), CSRB – Altitude éditions 2020 (406 pages).
[46] L’Entrée .. p. 204
[47] Ibid. p. 205-206
[48] Ibid. p. 206
[49] ibid. p. 184 La Bible de Jérusalem, éd. du Cerf, traduit (Psaume 59 (58) Contre les impies) « Ne les massacre pas, que mon peuple n’oublie, fais-en par ta puissance, des errants, des pourchassés, ô notre bouclier Seigneur ». Le psaume est attribué au roi David qui parle ici des païens. L’abbé Lémann s’inscrit dans l’idée que les chrétiens sont le nouvel Israël, verus Israel, thèse centrale de la « théologie de la substitution » dominante durant vingt siècles au sein de l’église catholique. Une autre thématique théologique tendant à expliquer la situation des juifs est celle du peuple témoin, illustrée notamment dans Les Juifs devant l’Eglise et l’histoire, R.P. Constant (que Gallica prénomme Julien), 2e édition de 1904 rééditée en fac-similé par les ESR sous le nom Abbé Benjamin Marcellin Constant en 2013 (352 pages). Cet abbé Constant (1832-1912) des Frères prêcheurs, ne doit pas être confondu avec Alphonse Louis Constant dit l’abbé Constant dit Eliphas Lévi (1810-1875), séminariste, éphémère moine à Solesmes, devenu républicain puis occultiste et théosophe.
[50] Ibid. p. 207
[51] Les Juifs dans la Révolution Française. La prépondérance juive, Abbé Joseph Lémann, Editions ACRF,2020 (260 pages). Cet ouvrage, résume l’éditeur « décrit, avec une grande précision, par quelles démarches les Juifs ont obtenu le titre de citoyen et l’égalité des droits. L’auteur étudie en détail les liens tissés entre les Juifs et les sociétés secrètes, ainsi que les nombreux et très divers moyens mis en œuvre pour venir à bout des résistances de l’Assemblée Nationale et du peuple français. »
[52] Abbé Joseph Lémann, La Prépondérance Juive, parus en 1836, rééditée par ESR, deux tomes (EaD), (658 pages), Amazon diffuse d’autres rééditions, mais avec des titres différents (La Prépondérance tome 1) et le 2e tome sous le titre Les Juifs et Napoléon. le premier volume a été publié sous le titre Les Juifs et la Révolution Française – La prépondérance juive, ses origines (1789-1791) par L’Æncre en 2021 (292 pages).
[53] Ibid. p. 276.
[54] Mgr Henri Delassus, La Juiverie, Editions Saint Sébastien, 2016. (150 pages).