La Commune au jour le jour. Jeudi 4 mai 1871
À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps va publier du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour.
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L’essentiel de la journée
Situation militaire
A l’ouest
A Neuilly, après une nuit tranquille, les combats d’artillerie ont recommencé. A Asnières, c’est à quatre heures matin qu’une grêle de projectiles s’est abattue sur nos positions.
Témoignages
Elie Reclus, 44 ans, journaliste
La commune vient de me charger d’un emploi plus honorable qu’ important et dans lequel il ne me sera pas possible avant quelque temps de rendre au public très grand service. On avait besoin d’un homme de confiance, on a jeté par hasard les yeux sur moi, on m’a proposé et j’ai accepté. J’avais besoin de me compromettre moi aussi pour la commune et de faire autre chose pour elle que des vœux impuissants et donner ça et là quelques conseils inutiles. Je suis loin d’admirer la commune, je la blâme même souvent, ignorant peut-être toutes les difficultés contre lesquelles il lui faut lutter., tantôt je lui reproche le trop et tantôt le trop peu. le quand et le comment mais je sens que si la commune périt, nous périssons tous avec elle. La conduite de nos généraux, la direction qu’ils donnent à la campagne ne me plaît qu’à demi, mais que notre armée triomphe ou soit vaincue je veux avoir compté dans ses rangs. Et puisque je n’ai pas de concours militaire à lui donner je lui donnerai tout ce que j’ai, toute mon activité, mes soucis de jour et de nuit, ma responsabilité.
Ma conscience est émue, quand au crépuscule, je vois défiler un de leurs bataillons de marche allant au fort d’Issy ou à la furie de Neuilly. Et En avant la musique remplit les airs et les cœurs des accents du Chant du départ. Mais, dans les rangs, on est silencieux : les jeunes gens ont un entrain qui ressemble à la gaîté, mais les barbes grises sont tristes. Il a des femmes dans les rangs, ambulancières pour la plupart, on ne les distingue que par un petit bidon en fer blanc, par des brassards. Il y a des pères qui portent le dernier né dans leurs bras, un motard s’accroche à leur capote, la mère marche à côté d’un pas ferme, portant le fusil du mari, je salue leur drapeau rouge, tête nue, je les regarde passer.
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Victorine brochet, 31 ans, piqueuse en bottines , ambulancière
Le 4 mai dans la matinée, nous quittâmes Issy ici pour retourner à Paris. Lorsque nous défilâmes notre drapeau en tête, percé par plusieurs balles et entouré d’un crêpe noir en signe de deuil, notre tristesse enthousiasma la foule, dans les rues, sur les boulevards et particulièrement dans la rue de Rivoli, où on nous jeta des fleurs et des branches de feuillage.
Cette manifestation était vraiment imposante, grandiose, je sentais en mon cœur vibrer la grande âme de Paris ; cette sensation sublime qui pénètre et vous transporte comme un rêve sur les ailes d’un avenir meilleur.
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En arrivant à la caserne, on nous présenta les armes. Nous comptions 72 morts, le vide était grand. Nous parlâmes beaucoup du courage des absents, lesquels ne reviendront jamais !
Les cadavres de nos morts seront l’humus qui enrichira notre ample domaine et nos neveux récolteront le fruit de nos sacrifices.
Au sud
La situation du point clef de la défense de Paris au sud, les forts d’Issy, Vanves et Montrouge, qui peuvent s’appuyer mutuellement, avec un réseau de tranchées couvertes s’est un peu améliorée, mais au prix de lourdes pertes fédérées. A l’occasion de l’arrivée de Rossel, une offensive impliquant Wroblewski et Dombrowski, venu de l’ouest, a permis de reprendre la gare de Clamart et une partie du village d’Issy et le château d’Issy a été évacué par les versaillais. Des travaux de réparation du fort d’Issy ont été engagés.
Au Sud est de Paris, dans la nuit, la redoute du Moulin-Saquet à Vitry a été envahie par les versaillais. Aucune tranchée ne la protégeait, deux sentinelles seulement veillaient. Un groupe se présente, un homme se détache, et donne le mot d’ordre, « Vengeur » ; passe et derrière lui la troupe versaillaise, qui terrasse les sentinelles, envahit le camp, larde les dormeurs de coups de baïonnettes, font quarante morts ( Rossel annonce 15 tués et 5 blessés), attellent les canons (deux versent et sont abandonnés) et les emmènent avec des centaines de prisonniers : la position n’est pas tenable pour qui n’a pas les forts voisins.
La redoute a été réoccupée presque aussitôt par le commandant Quiniou, à la tête du 133e bataillon, qui a procédé aujourd’hui à son réarmement.
Des commencements de l’enquête, le commandant Gallien, du 55e bataillon, est généralement accusé d’avoir donné ou vendu le mot d’ordre à l’ennemi, ou tout au moins de l’avoir publiquement divulgué dans le café de Vitry. Des témoins affirment que 270 prisonniers, dont quelques soldats de l’armée régulière, sont arrivés à Versailles escortés par un régiment de lanciers
La terrifiante nouvelle se propage dans Paris. Les défaites sont douloureuses, les trahisons écœurantes ou irritantes. Le désastreux règne du soupçon s’empare des débats, y compris dans la Commune.
Le délégué à la guerre Rossel accuse le comité de salut public
Rossel, qui est de plusieurs complots depuis quelques jours, a modifié la cible de ses critiques. Il n’est pas impossible qu’il ait été convaincu par Charles Gerardin qu’il était préférable d’arrêter de s’opposer au Comité central de la garde nationale et de concentrer les attaques, avec celui-ci, contre la Commune et son Comité se Salut Public.
Il se rend à la réunion de la Commune, et rend le Comité de Salut Public responsable des lourdes pertes de l’offensive vers Issy, le comité de salut public aurait donné des ordres différents des siens aux responsables militaires, et serait donc intervenu directement dans les opérations militaires. Il accuse en outre le délégué aux Affaires étrangères d’avoir introduit un parlementaire prussien au fort de Vincennes. A la suite d’un débat mouvementé, il apparaît que Rossel avait donné des indications écrites pour la visite du fort de Vincennes. Pour le reste on est dans l’incertitude sur ce qui s’est réellement passé.
La seule décision prise par le Comité de salut public est la suppression du rôle militaire du Comité central de la Garde national siégeant place Vendôme, ce qui augmente d’autant les pouvoirs de Rossel, et annule tous les pouvoirs de la commission de la guerre de la Commune.
Afin de sceller son accord tactique avec le Comité central de la garde nationale auquel il délègue tous les services administratifs et d’organisation dépendant de la délégation à la guerre, Rossel publie la proclamation suivante :
Aux généraux, aux colonels et chefs de service dépendant de la délégation de la guerre.
Citoyens,
Le délégué à la guerre, par la circulaire suivante, annonçait aux chefs placés sous ses ordres qu’il confiait au Comité central les services d’administration et d’organisation dépendant de son département.
J’ai l’honneur de vous informer que d’accord avec le Comité de salut public, j’ai admis en principe et je vais mettre immédiatement en pratique le concours complet du Comité central de la fédération de la garde nationale, pour tous les services administratifs, et pour la plus grande partie des services d’organisation dépendant de la délégation de la guerre.
Cette séparation de pouvoirs pourra amener dans le personnel un changement dont je tiens à vous avertir.
Cet accord a été motivé de la part par les raisons suivantes :
L’impossibilité de recruter en temps utile le personnel administratif nécessaire au service.
La convenance de séparer absolument l’administration du commandement ;
La nécessité d’employer de la manière la plus efficace, non seulement la bonne volonté, mais la haute autorité révolutionnaire du Comité central de la fédération.
Salut et fraternité.
Rossel accentue son emprise sur la garde nationale
Il prend plusieurs décisions qui militarisent encore un peu plus les forces armées de la Commune.
Il décide de faire subir un examen aux officiers d’état-major de la garde nationale avant leur nomination, sous la présidence du citoyen Arnold, membre de la Commune et du Comité central, chargé de composer le jury d’examen. Chaque officier devra présenter ses étals de service et ses titres. Le jury délivrera, à la suite de cet examen, des commissions signées du délégué à la guerre, et dont la liste sera insérée à l’Officiel.
Attendu que les connaissances et les aptitudes militaires sont très peu répandues dans la garde nationale, l’examen actuel portera principalement sur les aptitudes intellectuelles et la valeur morale et politique des candidats, sans préjudice de l’examen purement militaire qu’ils auront à subir dans deux mois, et où ils auront à faire preuve de leurs connaissances des règlements, des principes et des détails de la guerre, et à la suite duquel il leur sera délivré définitivement un certificat d’aptitude aux fonctions subalternes, de capitaine ou d’officier supérieur. Le jury d’examen enverra à domicile des lettres de convocation aux candidats qui auront formulé leur demande et envoyé leurs titres.
Paris, le 4 mai 1871.
Il centralise les distributions d’effets d’habillement, d’équipement et d’armement nécessaires tant aux officiers qu’aux gardes, pour «introduire l’ordre et le contrôle dans ce service » dans les mains d’une commission de quarante membres qui se partagera le travail de vérification et distribution sur les demandes des bataillons.
Quel est le rôle du Comité de salut public ?
Tous ces affrontements relancent le débat sur les fonctions du Comité mis en place il y a quatre jours, ce qui illustre le fait qu’elles n’avaient pas été clairement définies. Il s’agit d’abord de demander au Comité de salut public d’être présent lors des séances de la Commune, ce qui semble élémentaire !
A partir de là s’ouvre une violente mise en cause du Comité se salut public pour avoir … transmis aux membres de la Commune un nouveau texte conciliateur de trois membres de la Ligue républicaine des Droits de Paris demandant une trêve de 20 jours. Ce débat est l’occasion de nouvelles surenchères verbales, proposant par exemple de soumettre au vote un projet de décret « tendant à déclarer traîtres à la cause du Peuple quiconque fait en ce moment un appel à la prétendue conciliation avec Versailles. » Face à une situation grave, plutôt que de chercher les raisons des difficultés, les moyens d’agir, le raccourci est de traquer les traîtres ! « Parler encore de conciliation, après les déclarations réitérées du gouvernement de Versailles, parler de conciliation quand le canon gronde, quand nos frères tombent sous les balles des assassins de Versailles, c’est trahir, c’est énerver la défense de Paris, c’est exciter les citoyens à la défaillance et à la désertion; c’est en réalité parler de capitulation et de défaite. Je dis donc que le Comité de salut public manque à son devoir en apportant ici l’écho de ces criminelles manifestations, et je demande qu’un blâme lui soit infligé par la Commune ».
Pour ceux qui étaient opposés à l’instauration du comité de salut public, ce qui paraît dangereux, c’est d’avoir le mot et pas la chose. « Vous avez, malgré nous, nommé le Comité de salut public; il faut que nous l’ayons réellement ». Deux membres du comité de salut public présentent leur démission, Pyat et Chalain, le débat s’enlise… et la discussion sur les monts de piété est une nouvelle fois repoussée.
Des substituts au procureur de la Commune ont été nommés.
Par décision en date du 1er mai et sur la proposition du citoyen
Raoul Rigault, procureur de la Commune, le Comité de salut public a nommé les citoyens :
Ferré (Théophile),
Da costa (Gaston),
Martainville,
Huguenot,
substituts du procureur de la Commune
Le Journal Officiel publie l’état des comptes de la Commune présenté le 2 mai et les votes motives sur le comité de salut public
Des propositions de réquisition
Au cours des échanges, deux propositions de réquisition d’entreprises faites par des membres de l’Internationale sont restées en l’air, sans débat et sans décision.
La première provenait du tourneur en bronze, Louis Chalain, qui prenant en compte les plaintes du délégué à la guerre selon lequel une foule de choses manquent au matériel d’artillerie, propose que l’on prenne les ateliers Cail pour fabriquer ce dont l’armée a besoin. Ces ateliers qui occupent entre 1000 et 2000 ouvriers, fabriquent des locomotives et des ponts de chemins de fer ont en effet tout le matériel nécessaire pour répondre aux besoins de l’armée.
À la suite, le cheminot Pierre Vésinier fait une proposition plus générale de réquisition de tous les grands ateliers, monopoles et leur « cession provisoire » aux associations ouvrières en faisant la demande :
Proposition Vesinier non discutée:
La Commune décrète:
1° La réquisition, après inventaire et indemnité ultérieure fixés par des experts, de tous les grands ateliers, les monopoles de leurs outils…, matières premières, agencements, locaux;
2° Cession provisoire de ces ateliers aux associations ouvrières qui en feront la demande;
3° Adjudication des fournitures de la Commune à ces associations ouvrières;
4° Ouverture d’un crédit nécessaire à ces associations;
5° La Commission du travail et d’échange est chargée de l’exécution du présent.
Des propositions de travail pour les associations
Le dessinateur sur étoffes, lui aussi membre de l’Internationale, Eugène Pottier, propose, pour donner immédiatement aux citoyens pauvres un travail abondant, « qu’outre l’habillement, vareuses et pantalons, on s’occupe immédiatement d’ateliers de lingerie militaire pour la Garde nationale » car les gardes nationaux manquent de linge, chemises et caleçons et la matière première ne nous manque pas.
L’architecte Georges Arnold demande qu’on installe des ateliers nationaux, de requérir les coupeurs, auxquels on donnera un salaire de 8 et même de 10 francs par jour et toutes les ouvrières, munies d’attestations délivrées par les délégués d’arrondissement, pourraient venir chercher de l’ouvrage en évitant l’intermédiaire des exploiteurs.L’ouvrier tourneur Charles Ostyn s’oppose à cette proposition, pour lui il faut faire appel aux chambres syndicales car l’important est de décentraliser le travail.
Pour prendre une décision concernant les travaux à faire pour l’intendance militaire, l’orfèvre Léo Frankel, membre de l’Internationale, propose et fait adopter l’arrêté suivant :
Au nom de la Commission du travail et de l’ échange, la Commune arrête:
Art. 1er. La Commission du travail et de l’échange se fera représenter par des délégués aux différents services de l’intendance militaire;
Art. 2. Les délégués prendront connaissance des marchés conclus par les chefs de service et dresseront des rapports de toutes les opérations.»
Organisation du travail, suite
La commune a confié à deux militants de l’Internationale, Lazare Levy, membre de la chambre syndicale des ouvriers opticiens, et le tailleur Edmond Evette, militant de la chambre fédérale des sociétés ouvrières, une mission relative à la confection des vêtements militaires.
Ils ont terminé leur rapport, qui est transmis à la Commune. Il leur est pénible de faire un rapport peu en harmonie avec « un gouvernement socialise » : pour faire des économies, la Commune paie 30 % à 35 % de moins que le gouvernement du 4 septembre la façon pour les vareuses et les pantalons, et privilégie les exploiteurs plutôt que les sociétés ouvrières. La commune devra étudier ce rapport et prendre des décisions.
Marchés pour l’habillement militaire
Rapport aux citoyen délégué aux travaux publics
Dans notre examen des marchés passés jusqu’au 25 avril 1871, nous avons constaté que les vareuses été payées 6 francs de façon par la ville, et les pantalons 3 francs 50. Avec cette rétribution, il était possible de faire manger les ouvriers et ouvrières qui faisaient ce travail. Mais, à partir de cette date, le prix de confection de ces vêtements a été offert par des exploiteurs au prix de 4 francs et même de 3 francs 75 par vareuse, les pantalons à 2 francs 50. Ces marchés sont en voie d’exécution. Il en résulte que le prix déjà si faible de façon sera baissé de près de moitié, et que ceux qui feront ce travail ne pourront vivre; de sorte que la révolution aura amené ceci, que le travail de la commune, pour la garde nationale, sera payé beaucoup moins que sous le gouvernement du 4 septembre, et alors on pourra dire que la République sociale à fait ce que ce qui nous assiègent actuellement, n’ont pas voulu faire, diminuer les salaires.
Car il s’agit de savoir si la commune veut aider le peuple à vivre par l’aumône ou par le travail; on nous dit que le gouvernement est forcé de compter et de faire des marchés au plus bas prix possible .
Nous tenons à constater et à bien établir que le cas présent n’est ni commercial ni spécial, qu’au contraire toute la population ouvrière y est intéressée; il est évident que si, au lieu de gagner 2 francs par jour, l’ouvrière ne gagne que 1 franc, il faut nécessairement qu’elle s’adresse aux cantines ou aux bureaux de secours; ce qui revient au même comme déboursé par la commune, il est incontestable que la moralité en souffre.
Il nous est pénible d’être contraints de faire un rapport si peu en harmonie avec ce qui devrait être relatifs aux actes d’un gouvernement socialiste, mais nous constatons avec peine que les exploiteurs qui offrent les plus bas prix, sont encore privilégiés.
Les associations ouvrières ne peuvent pas se résoudre à remplir un rôle qui consiste à profiter de la misère publique pour baisser le prix du travail; et cependant si la commune veut avoir de bonnes fournitures et du travail bien fait, elle doit s’adresser aux ouvriers eux-mêmes qui composent la corporation des ouvriers tailleurs de Paris; car nous affirmons qu’il n’est pas possible d’établir des vêtements dans des conditions convenables avec les prix qui ont été soumissionnés par les derniers signataires des marchés.
Nous tenons à mettre la Commune en garde contre un pareil écueil qui serait un coup porté au plus grands principes de la révolution sociale que nous devons à tout prix conserver pure de toute tâche de ce genre et ne pas affaiblir par de petites spéculations la grandeur et le prestige du mouvement qui s’accomplit.
Il faut absolument que le citoyen délégué aux travaux publics fasse comprendre à la Commune qu’elle ne doit pas s’appesantir sur les bas prix qui lui sont offerts par les exploiteurs .
Il est reconnu que les associations ouvrières ne peuvent lutter aujourd’hui concurremment, et qu’elles ne pourront jamais si elles ne trouvent un appui matériel et moral .
La baisse des prix de production ne viendra, que lorsque les associations appartiendront.
Nous concluons en demandant que les prix des façons des vêtements de la garde nationale restent tels qu’ils ont été depuis 8 mois, et que tous les marchés et entreprises concernant l’habillement, soient autant que possible, livrés à la corporation des ouvriers tailleurs .
Associations, Chambre Syndicale, société de résistance, ces trois groupes qui en sont les mandataires, viennent déposer entre nos mains un contrat fédératif qui met à notre disposition les 20 ou 30000 ouvriers de cette profession.
Les délégués à l’habillement militaire Levy Lazare, Evette
En bref
■ Affiche placardée depuis ce matin : Il est défendu de laisser sortir de Paris aucun cheval ; il est défendu de laisser passer aucun cheval aux avant-postes. Les chefs de postes des portes et les commandants des forces actives sont chargés de l’exécution du présent ordre. Une exception est faite pour le passage des portes en faveur des estafettes munies d’un ordre régulier du ministre de la guerre, des officiers généraux, des convois de vivres, munitions et matériaux, munis d’ordres réguliers.
Tout individu qui cherchera à faire sortir de Paris ou des lignes un cheval de selle ou de trait, sera puni d’une amende légale au triple de la valeur du cheval.
■ Une note du directeur des contributions directes faisait appel aux négociants en vins et leur demandait de verser à la Commune les droits de location des magasins d’entrepôt . Les négociants en vins, loin d’avoir eu à souffrir du siège, ont réalisé des bénéfices d’autant plus grands que les difficultés de la vie augmentaient à Paris. Il est donc équitable de faire rentrer dans les caisses de la Commune les droits de commerce afférents aux caves et magasins de vins. Nous comptons sur l’esprit de justice des négociants et leurs rappelons que la location des magasins des entrepôts se règle six mois d’avance.
Nouvelles du Havre
les trois loges maçonniques se réunissent, rédigent et votent à l’unanimité une adresse à Versailles et à la Commune de Paris, les adjurant d’arrêter l’effusion de sang français, et de faire de mutuelles et légitimes concessions
Publié dans le Journal Officiel aujourd’hui
Algérie, un message du 26 avril :
Dra el Mizan est dans une situation critique. Le village a été presque entièrement incendié. Les colons et la garnison sont dans le Bordj, dont le camp a déjà fait subir des pertes considérables aux Kabyles.
Le général Cerès averti, dirige ses opérations de ce coté. Il doit partir demain pour Bouira, et il sera après-demain sous Dra el Mizan. Une dépêche du colonel Fourchault annonce qu’il a trouvé au village de Palestro quarante cadavres de colons massacrés ; il croit avoir reconnu dans le presbytère les cadavres d ‘un curé et d’un capitaine entièrement carbonisés par l’incendie. Au milieu des ruines, on a trouvé un seul Arabe surpris en train de piller ; il a été immédiatement passé par les armes .
En débat
Editorial de La Sociale – L’opinion de la province
Un des arguments les plus fréquemment employés par les anti-communeux pour combattre le mouvement du 18 mars est celui-ci : Paris ne peut imposer sa volonté à la France. Il ne peut que la convaincre et l’entraîner par son exemple.
Or, grâce à la suppression radicale de tous les organes parisiens dans les départements, grâce à l’investissement moral de Paris pratiqué par M. Thiers, grâce aux calomnies lancées par ses agents, le mouvement du 18 mars est aujourd’hui tellement mal connu de la province qu’au lieu de la conquérir à l’idée républicaine, il n’a fait que l’en éloigner davantage et que la France est plus monarchique aujourd’hui qu’elle ne l’était avant le 4 septembre.
Ainsi, s’il fallait en croire ces profonds pessimistes, loin d’avoir servi la cause républicaine, la Révolution de Paris n’aurait fait que la compromettre gravement, et le pas en avant fait ici aurait eu pour conséquence un pas en arrière fait partout autour de nous.
Un tel raisonnement ne se détruit pas au moyen d‘une argumentation, Les faits seuls peuvent en avoir raison.
Et les faits ont parlé.
Appelée à se prononcer par le vote, la province a crié non Vive le Roi, mais Vive la République !
Dans quelques centres même, elle a dit : Vive la Commune !
C’est vive la Commune que crient à Lyon les combattants de la Guillotière et de la Crois-Rousse, qui font le coup de fusil contre les troupes royalistes de Versailles. On dit que le Préfet Valentin a demandé des renforts.
C’est : Vive la Commune ! Aussi, qu’on inscrit sur leurs bulletins des électeurs de l’Aude, ceux de Saint Étienne, ceux de Périgueux, ceux du Mans, et d’autres encore.
Les journaux de Thiers l’avouent.
Mais ce qui, dans ces élections, a triomphé surtout d’une façon éclatante, c’est l’idée républicaine.
Cette idée républicaine qu’on disait effacée, disparue, anéantie dans le cataclysme parisien.
Toute la province a voté pour la République.
Aux élections du 8 février, les monarchistes de toutes nuances : orléanistes, légitimistes et même bonapartistes l’avaient emporté. Il semble maintenant que ces partis n’existent plus.
Et cette terrible Révolution du 18 mars, qui devait les faire revivre, leur a donné le coup de grâce.
A Toulouse, au Havre, à St Quentin, à Lille, à Limoges, à Angers, à Bordeaux, à Cahors, à Marseille, à Caen, partout la liste républicaine l’a emporté.
A Reims ; la ville royale, liste républicaine.
A Nantes, ville bretonne, liste républicaine.
A Versailles même, jusqu’à Versailles, liste républicaine.
Quelle réponse à ceux qui prétendent que Paris a dégoûté la France de la République !
Et comme le Soir, organe de la majorité de l’Assemblée rurale, a bien raison de descendre en lui-même et de faire tristement cet aveu : « que le résultat est de nature à inspirer de sérieuses réflexions, et qu’il doit donner à penser aux hommes qui, sans autre souci que le bien de la patrie, suivent d’un esprit ouvert et d’un œil clairvoyant les rapides et multiples évolutions de l’esprit public en France ».
Oui, certes, il est bien fait ce résultat prévu par bous, inattendu pour eux, il est bien fait pour donner à réfléchir à ceux qui s’imaginaient duper encore le suffrage universel tant de fois dupé déjà.
L’éternel malentendu qui depuis cent ans a jeté toutes nos révolutions dans les bras du premier restaurateur de monarchie venu, s’est enfin dissipé. La France s’est retrouvée. Elle sait ce qu’elle est, d’où elle vient, où elle va, ce qu’elle veut. On ne la trompera plus.
Vous pouvez, M. Thiers, donner votre démission, il n’y a plus rien à faire ici pour vous.
La France ne sera plus jamais une monarchie.