Dossier : Les mobilisations féministes à l’avant-garde des luttes pour l’émancipation
De manière indéniable, le mouvement féministe est actuellement à l’avant-garde des luttes sociales et politiques dans de nombreux pays. Pour ne prendre que quelques exemples, les mobilisations contre les violences sexistes et sexuelles ont pris ces dernières années une ampleur inconnue depuis très longtemps ; l’idée de la grève féministe s’enracine et trouve des traductions pratiques à une échelle importante ; la « Women’s march » avait joué un rôle important dans la bataille contre Trump ; les féministes russes cherchent depuis le début de l’invasion de l’Ukraine à mobiliser contre la guerre, faisant face avec un courage sidérant à la répression tous azimuts des contestations par le pouvoir poutinien.
Toute une nouvelle génération se politise et se radicalise donc autour des enjeux associés à la lutte contre l’oppression des femmes, bien souvent en lien avec les luttes contre le racisme, pour la justice climatique et contre l’exploitation, la précarisation et la destruction des services publics. Un autre aspect remarquable de ce processus, c’est son caractère international, à travers une circulation permanente à la fois des pensées, des modes d’action, des revendications, des slogans, des débats, etc., du mouvement féministe. On affirme souvent que l’internationalisme serait en crise : c’est vrai au sens d’une crise de la forme qu’avait prise cet internationalisme dans les années 2000 (l’alter-mondialisme et ses forums sociaux), mais on pourrait considérer que le féminisme – et sans doute également l’antiracisme (qu’on pense au mouvement mondiale contre les violences racistes commises par la police) – ont pris le relais et enclenché une mondialisation des luttes pour l’émancipation.
Cette vigueur des mobilisations féministes à l’échelle mondiale, et la radicalité des pensées féministes qui les accompagnent, ne manquent pas de susciter en retour une offensive de la droite conservatrice, des milieux intégristes et des mouvements néofascistes : contre la « théorie du genre », c’est-à-dire contre toute remise en question de la domination patriarcale ; contre « l’intersectionnalisme » ou le « wokisme », autrement dit contre l’articulation entre les mouvements d’émancipation ; ou encore contre le « néo-féminisme », c’est-à-dire contre le renouvellement des théories et des pratiques de la lutte contre le patriarcat. C’est à explorer le vaste champ de ces luttes et de ces théories que nous vous invitons dans ce dossier, qui reprend une bonne partie des textes que nous avons publié ces dernières années sur ces questions.
***